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- Ibn Warraq & Guy Hennebelle,
- Pour un « Vatican II de l'islam » !
- Le Figaro, lundi 1 octobre 2001
- « Attention aux amalgames ! » entend-on ressasser sur tous les tons dans les milieux bien pensants de toute origine et de toute confession... A écouter ces belles âmes, l'islamisme ne serait qu'une dérive qui n'aurait « rien à voir », mais alors, on vous l'assure, rien de rien, avec « le véritable islam », lequel serait, en son tréfonds, une idyllique religion de paix, de fraternité et de tolérance. A cet égard, l'Andalousie, cette Algérie française inversée, est devenue une véritable tarte à la crème...
- Pourtant, n'est-il pas curieux que ce ne soit qu'à propos de cette religion que l'on juge bon d'ajouter l'adjectif « modéré » pour tenter d'accréditer l'idée qu'à côté « d'une petite minorité » de quelques excités fanatiques, « assurément non représentatifs », « l'immense majorité » du milliard de musulmans dans le monde, « d'ailleurs divisés en rites divers et variés » (et au-delà même de la scission historique entre sunnites majoritaires et chiites minoritaires, qui ont été un temps sottement seuls catalogués intégristes), serait composé de « paisibles citoyens » qui penseraient « leur spiritualité » et pratiqueraient « leur foi » avec la même sérénité que « tous autres croyants » ?
- La vérité, braves gens, est quelque peu différente : s'il existe, bel et bien, et Allah merci ! des « musulmans modérés », nos frères en humanité, l'islam en tant que tel n'est pas une religion modérée : il suffit de lire le Coran, truffé de menaces et d'imprécations en tout genre, pour s'en convaincre ! Nous ne jouerons pas ici au petit jeu traditionnel des citations adroitement choisies de versets et de sourates ad hoc pour démontrer que nous ne sommes pas des ignares ni des malveillants et que nous savons, quand nous critiquons l'islam, de quoi nous parlons. En effet, on trouve de tout dans ce texte mal construit (puisqu'il a été agencé dans la seule logique de la longueur de chacun de ses versets, au mépris de toute cohérence interne) et dont la traduction se prête à des interprétations qui frôlent parfois la contradiction pure et simple !
- Malek Chebel, peu suspect d'être un « ennemi de l'islam », a publié dans la préface de cent pages qu'il a donnée à une énième traduction du Coran une gamme de traductions de tel ou tel verset qui démontrent à l'envi que les édits recueillis par « Le Beau Modèle » peuvent être tournés et retournés dans des sens qui ont peu à voir les uns avec les autres ! « Mieux » encore, un exégète ouvert comme Mohamed Charfi (ancien ministère tunisien de l'Education) préconise dans son livre Islam et liberté (Albin Michel, 1998) de départager les versets médinois des versets mecquois, et souvent les oppose habilement pour les tirer dans le sens d'une plus grande rationalité, en expliquant que telle réglementation s'expliquait par des besoins expansionnistes ou prosélytes circonstanciels, tandis que telle autre aurait valeur éternelle.
- Nous avons toujours la sensation quand nous discutons avec des croyants musulmans qu'ils nous mènent, si l'on ose dire, en bateau ou en... radeau entre texte et contexte. Nous faisons ici allusion, les spécialistes l'auront compris, au classique de Jean-Pierre Péroncel-Hugoz (Le Radeau de Mahomet, plusieurs fois réédité) qui a eu, à ses risques et périls, le mérite historique d'avoir été l'un des tout premiers en France à stigmatiser la véritable nature du système religieux inventé par ce prophète, prétendument analphabète et qui n'aurait dû qu'à l'archange Gabriel (Jibril) ses inspirations divines. Qu'on le veuille ou non, l'islam, à la différence du christianisme et du bouddhisme, par exemple, s'est imposé sur les rives sud et est de la Méditerranée, puis au-delà, par la force de l'épée (est-ce un hasard, à ce propos, que le drapeau de l'Arabie Saoudite soit frappé d'un sabre ?).
- Un autre problème inhérent à cette religion conquérante, qui distingue le « Dar el-Harb » (pays de la guerre) du « Dar el-Islam » (pays de la soumission), tout en ménageant même une sorte de purgatoire territorial provisoire, le « Dar el-Ahl » (ou pays de la transaction), est que son texte fondateur est censé être la parole de Dieu lui-même et qu'il est par conséquent fort délicat d'en remettre en question la moindre virgule, alors que les quatre évangiles réputés non apocryphes, par exemple, sont reconnus pour n'être que des récits décalés dans le temps et au demeurant parfois contradictoires entre eux, fût-ce sur des points mineurs.
- A ce hic s'ajoute le fait que la deuxième source de la loi musulmane est constituée par les hadith, dont la liste varie selon les exégètes, lesquels ne sont pas non plus d'accord sur le degré de leur authenticité. Les hadith, en effet, sont réputés être les « dits » du prophète rapportés par un proche qui soutient qu'à tel moment il aurait entendu l'Envoyé de Dieu proférer telle ou telle recommandation de son cru pour résoudre tel ou tel problème de sa vie concrète. Quand on sait que même à propos des versets coraniques proprement dits, Aïcha, l'épouse préférée du Beau Modèle (qu'il épousa alors qu'elle n'avait que six ans et qu'il « connut » au sens... biblique alors qu'elle n'en avait que neuf...), lui lançait parfois : « Mon cher mari, permets-moi de te dire que ton Dieu a tendance à faire descendre du ciel des lois qui t'arrangent drôlement » (le droit de disposer de plus de quatre épouses légitimes, par exemple), on imagine la valeur historique que peuvent avoir nombre de ces miraculeux hadith ! C'est au point que le colonel Kadhafi, puriste à sa manière, a décrété une bonne fois pour toutes qu'en Libye on ne reconnaîtrait que le Coran, « seul texte sûr »...
- C'est parce que nous aimons les Arabes et les musulmans que nous leur suggérons de suivre l'exemple de l'Eglise catholique, par exemple, qui a eu le mérite, au concile Vatican II, de retirer de la prière du Vendredi Saint l'expression « Juifs perfides » (même si, originellement, elle désignait, en latin, per/fides, les « infidèles » sans intention nécessairement péjorative). Ajoutons dans la foulée que nous conseillons aussi aux juifs de retirer la notion d'élection divine de leur théologie, car elle aussi se prête à des conséquences néfastes : « Dieu n'existe pas et nous sommes son peuple élu », ironise d'ailleurs le cher Woody Allen...
- La vérité est qu'entre l'islam et l'islamisme il n'existe pas une différence de nature, mais une différence de degré. Alors, musulmans qui affectez de vous croire « tempérés », vous seriez bien inspirés de cesser de faire semblant de ne pas percevoir dans le Coran toutes sortes de préceptes qui sont absolument incompatibles avec les droits de l'homme et de la femme tels que nous les comprenons au XXe siècle et avec l'idéal d'une fraternité universelle sans restrictions ni limitations théologiques. Et de cesser aussi de tenir un double langage, comme l'a encore fait récemment dans ces colonnes l'ambassadeur d'un important pays arabe, tandis que sur la même page un chanteur (Cat Stevens) converti à l'islam, qui se prétendait horrifié par l'action des fous d'Allah contre les Twin Towers, « oubliait » de rappeler qu'il avait soutenu la fatwa contre Salman Rushdie !
- Islamiser la modernité est une illusion et une imposture. Si vous tenez à demeurer musulmans, pour des raisons que nous pouvons comprendre et respecter, vous ne pouvez pas échapper à une modernisation de l'islam. Vous êtes-vous jamais demandés pourquoi la totalité du milliard de musulmans dans le monde croupit sous des régimes plus despotiques les uns que les autres ? Pourquoi l'islam ne parvient pas à s'arracher, malgré le pétrole et le reste, au sous-développement ? Vous vous cachez derrière votre petit doigt en désignant un grand et des petits Satan pour maudire votre déréliction.
- Comment se fait-il que, dépourvu de toute matière première, le Japon se soit hissé au rang de deuxième puissance économique mondiale, alors qu'envasés les pieds dans l'or noir les pays pétroliers arabes, africains et musulmans ne parviennent pas à décoller ? Le grand écrivain algérien Kateb Yacine ironisait à propos des minarets sur « ces fusées qui ne démarrent jamais ».
- Nous vous invitons donc d'une part à relire Max Weber (L'Éthique protestante et l'Esprit du capitalisme) ou encore Alain Peyrefitte (avec sa théorie du « tiers facteur immatériel »), et d'autre part à organiser, clergé ou pas (vous en avez, quoi que vous répétiez), l'équivalent d'un Vatican II, et nous vous livrons quelques pistes :
- Réinterpréter tous les versets du Coran qui se prêtent à une double lecture positive et négative, pour ne conserver que la positive.
- Eliminer des textes sacrés tous les versets antifemmes, antijuifs et antichrétiens. Poser de façon claire que la femme est l'égale de l'homme et bannir en conséquence le port du fichu islamique et de toute tenue féminine ou masculine à tonalité islamiste (comme l'ont fait, sur ce point précis, la Tunisie et la Turquie).
- Accepter sans fard la mixité. Remettre en question l'interdiction pour une musulmane d'épouser un non-musulman. Foin de tournicoteries : cela s'appelle du racisme.
- Examiner une reductio ad symbolicum de la barbare pratique abrahamique de l'égorgement des moutons (que des quotidiens algériens ont dénoncée en des termes bien plus radicaux que Brigitte Bardot, pourtant punie par un tribunal français !).
- Transformer la contre-productive pratique du ramadan (qui fait chuter drastiquement l'économie des pays concernés ; Bourguiba l'avait dénoncé au nom du « nouveau djihad » pour le développement en buvant de façon ostentatoire un verre d'eau à la télévision pendant le mois sacré, mais il n'avait pas été suivi) en pratique caritative : la « chorba pour tous », par exemple, excellente initiative à encourager.
- Bannir la notion de « petit djihad » (contre l'infidèle) au profit de la notion de « grand djihad » (contre ses propres mauvais penchants). N'est-il pas en effet plus méritant de se faire violence pour se transformer soi-même que de chercher à convertir les autres par la violence du couteau ou de la kalachnikof, voire du bazooka ou de l'avion kamikazé ?
- Etablir que l'héritage doit être égal entre l'homme et la femme.
- Condamner absolument la pratique des mariages forcés ; a fortiori, en dépit du mauvais exemple du « Beau Modèle », avec des fillettes ou de jeunes mineures.
- Cesser de pratiquer le rapt d'enfants de couples mixtes divorcés en direction de pays musulmans.
- Poser clairement que tout homme et toute femme a le droit d'adopter la religion de son choix ou de ne pas avoir de religion. Reconnaître le droit au prosélytisme religieux. Edifier pour une question de réciprocité des synagogues, des églises chrétiennes et des temples bouddhistes en Arabie Saoudite et autres pays qui les refusent tout en exploitant des immigré(e)s de ces religions.
- Répudier la polygamie et interdire la répudiation.
- Pourchasser la pratique de l'excision, qui n'est par ailleurs pas coranique.
- Mettre fin à la « culture du ressentiment », en se demandant quelles sont les profondes raisons internes qui ont conduit une civilisation qui connut son heure de gloire au déclin et à la décadence. Même un para-islamiste comme l'Algérien Malek Bennabi ressassait à juste titre : « Nous avons été colonisés parce que nous étions colonisables. »
- Voilà ce que nous vous recommandons pour votre bien et pour le nôtre. Si Dieu existe, attendons de passer dans l'au-delà pour vérifier si c'est bien vrai, et dans cette attente, que nous souhaitons la plus longue possible, évitons de nous entretuer en son nom tout en répétant qu'il est bon...
- Ibn WARRAQ, Essayiste. Dernier ouvrage paru en français : Pourquoi je ne suis pas musulman (L'Age d'homme, traduit de l'anglais, copréfacé par Taslima Nasreen). Guy HENNEBELLE, Directeur de Panoramiques a publié L'islam est-il soluble dans la République ? et L'islam est-il rebelle à la libre critique ?
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