Aryanne

L'histoire de la jument qui épaula l'un des pires dictateurs du 20ème siècle, dans un monde où poneys equestriens et humains cohabitent.

Chapitre 1



La défaite de la Grande Guerre n’avait pas touché uniquement le Chancelier et tous ceux qui avaient pris part au conflit, on le voyait jusque dans la banlieue de Berlin tout comme dans le centre, et pour ça il n’y avait qu’à regarder l’état des trottoirs et de certaines maisons. Il n’y avait plus assez d’argent pour payer du personnel public nécessaire, l’argent partait pour les pays voisins, pour payer le prix de l’échec. Il n’était pas rare de croiser des mendiants à qui on ne donnait pas une pièce, parce que personne n’en avait, et souvent, on venait distribuer de la soupe gratuitement pour ne pas laisser la population dans la famine.

Mais malgré tout ça, les mères emmenaient quand même leurs progénitures aux jeux. Poulains et enfants jouaient à tous ce qu’ils pouvaient, et ce jour-là, des garçons avaient réussi à mettre la main sur un ballon qui n’était pas crevé, mais pas à eux.

“Rendez-le moi ! cria une pouliche blanche comme la neige arborant une crinière blonde platine. C’est mon ballon !

-C’est pas pour les filles d’abord, va jouer à la poupée”, lui retourna un zèbre plus grand qui avait lancé son ballon à l’un de ses camarades.

Elle criait de plus en plus, faisant donc de plus en plus rire les autres qui se faisaient des passes juste au-dessus d’elle. Cette petite jument commençait à avoir les larmes aux yeux devant toute cette impuissance, mais son regard croisa une connaissance qui pouvait l’aider.

“Sarah ! Viens m’aider ! Ils sont méchants avec moi ! fit-elle en accourant vers une jeune fille en robe bleue à la chevelure chocolat.

-Aryanne, je t’ai déjà dit de pas venir avec ton ballon ici, lui fit-elle. Bon... je vais voir si je peux pas faire quelque chose.”

Elle se rapprocha alors du groupe de garçon qui firent comme si de rien n’était, riant d’avance de ce qu’elle allait dire ou faire. Dans les deux cas, ça allait être amusant.

“Dites les garçons vous n’avez pas autre chose à faire plutôt que d’embêter les plus petites que vous ? gronda Sarah tandis que la jument se cachait derrière elle.

-Et toi t’as pas mieux à faire que de traîner avec une flanc vierge ? C’est vraiment la honte ! se moqua l’étalon rayé.

-Elle n’a que dix ans !

-Et alors ? fit un garçon portant un béret. Moi j’ai une cousine qui a eu la sienne à six ans.

-Quand on a pas sa cutie mark à cet âge, enchérit l’étalon du groupe, c’est qu’on est bon pour devenir un sans-talent toute sa vie. Tu serviras jamais à rien, ce ballon sera plus utile à nous qu’à toi.

-Qu’est-ce que t’en sais d’abord espèce de sale zèbre !?” vociféra soudainement la pouliche.

La remarque laissa sans voix tout le monde. Alors que Sarah avait mis sa main devant la bouche, le concerné resta bouche bée un petit moment avant de commencer à serrer des dents puis de se rapprocher dangereusement de la pouliche qui était bien décidée à le défier.

“Répète ce que tu viens de dire, fit-il d’un ton ferme et grondant.

-Elle... Elle a rien dit, fit la jeune fille. Elle voulait pas...

-Si j’ai dit “sale zèbre”, coupa Aryanne. Parce que t’es un sale zèbre et que c’est vrai que t’es un sale zèbre espèce de sale zèèèèèbreeee !

-Je vais te...”

Ses yeux s’exorbitèrent d’un coup, sa course se stoppa net juste devant la terrestre qui se tenait prête à attaquer. Mais l’étalon avait le regard sur autre chose qui, soudainement, le fit changer d’avis au point de faire vite demi-tour en galopant, laissant le ballon rouler lointain quand on lui fit une passe.

Aryanne n’hésita pas un seul instant à vouloir le récupérer en courant après, malgré les avertissements de Sarah. Le ballon roula vivement avant d’être d’un seul coup contrôlé par un pied puis récupéré par des mains.

En levant la tête, la petite jument se rendit compte qu’elle avait face à elle toute une bande de garçon et étalon plus âgés, portant une chemise verte, un foulard et un brassard rouge sur le bras.

“Eh toi ! Tu peux me rendre mon ballon s’il-te-plaît ?”

Sa formulation brute et sans finesse fit pâlir Sarah qui s'attendait au pire. Les visages du groupe se fermèrent, ou presque. Celui qui avait son jouet haussa simplement un sourcil tout en toisant la pouliche du regard jusqu’à sourire et lui tendre ce qu’elle voulait.

“Tien voilà.

-Emmerich bon sang ! On devrait pas se laisser faire ! lui fit une licorne beige pâle.

-La ferme, lui fit calmement ce dernier. Tu l’as vu ? On va pas lui faire du mal alors qu’elle représente tout ce qu'on doit protéger. Dit-moi ma petite...

-C’est Aryanne ! coupa-t-elle avec fierté.

-Bah ça alors... Hum... Le zèbre là il t’a fait du mal ?

-Lui là ? Non mais il est toujours méchant et il pique tout le temps mon ballon !

-Ah, c’est bon à savoir..., fit-il en regardant ses camarades. Bon, t’en fais pas pour ça, on va s’en occuper. Fais attention la prochaine fois, et n’hésite pas à nous trouver s’il recommence.”

Après lui avoir fait une petite tape affectueuse sur la tête, le jeune homme fit un signe de main à la bande, puis ils se mirent en route vers une ruelle, matraques en mains. C’était par là que le zèbre s’était enfui.

Toute contente, Aryanne trotta vers son amie pour lui proposer de jouer avec elle, mais cette dernière faisait une mine très sombre. Elle avait du mal à comprendre comment un groupe comme celui-ci était arrivé là, dans ce quartier presque abandonné.

“Ne parle plus jamais avec ses gens, ils sont dangereux, mis en garde la fille à la pouliche qui ne saisissait pas.

-Bah pourquoi ? Ils ont été gentils avec moi et j’ai même pu récupérer mon ballon.

-Ils font des choses très mal et celui qui t’as pris ton ballon tout à l’heure, ils vont essayer de le retrouver pour lui faire vraiment très mal, insista-t-elle. Tu comprends ça ?

-Bah au moins après il voudra plus recommencer, dit-elle sur un ton naturel.

-Ils vont lui faire tellement mal que si ça se trouve, il n’y aura pas d’après tout court pour lui.”

Sur le coup, Aryanne comprise alors où son amie voulait en venir. Elle avait beau être très naïve, il lui arrivait de saisir quand même certains mots. Et quand c’était Sarah qui le faisait sur un ton très sérieux, c’était qu’elle avait raison.

Maintenant qu’elle y pensait, ses types n’avaient pas l’air très commode avec leurs matraques. Ce signe sur leurs bras était très bizarre aussi, et tout ce qui est bizarre, il valait mieux en rester loin.

“Ne t’approche plus d’eux d’accord ? Sinon on ne pourra plus jamais se revoir.

-Promis ! Bon maintenant on joue au ballon ?”

Volontiers, elle accepta et se mit à faire des passes avec elle. La jeune fille connaissait parfaitement l’origine de cette bande de garçons, et elle n’était pas dans l’erreur lorsqu’elle disait pouvoir faire une croix sur leur amitié si jamais Aryanne avait dans l’idée d’aller les rencontrer.

Elle était tellement parfaite pour eux.


***


Aryanne trottinait rapidement à travers les couloirs de l’école. Le bâtiment pourtant si grand et vaste, il n’y avait pas beaucoup de monde ce matin-là. Des documents jonchaient le sol et quelques casiers avaient été ouverts de force, mais cela ne préoccupait pas la jument qui avait bien grandi.

Elle était tracassée par autre chose, si bien qu’en se changeant dans son vestiaire pour mettre son uniforme d’étudiante, elle ne fit même pas attention qu’une fille était en train de se faire passer à tabac par une bande de fille dans une douche.

Pire encore, quand Aryanne croisa une autre demoiselle qui s’était cachée derrière un rideau de douche, elle lui posa une question des plus banales.

“Eh toi, t’as pas vu madame Zurïg ? Je la cherche partout.

-Chut ! Ils vont savoir que je suis là ! lui fit la jeune femme noire. Dit à personne que tu m’as...

-Rah j’ai pas le temps pour ça d’accord ?”

Embêtée, après avoir mis son chapeau d’étudiante sur sa crinière blonde tout en ignorant le malheur que subissait sa camarade, la jument s’en alla des vestiaires pour marcher vers un bureau qui, là encore, était sens dessus dessous en plus d’être vide de toute présence.

En se retournant, elle se retrouva face à face avec une licorne marron au crin noir, assez prêt pour la faire sursauter.

“Hetzer tu pourrais me prévenir bon sang !

-Je pensais pas te retrouver ici, surtout aujourd’hui.”

L’étalon se pencha pour l’embrasser, mais la ponette tourna farouchement la tête pour lui montrer qu’elle n’était, encore une fois, vraiment pas d’humeur pour ça. Forcément, cela avait contrarié la licorne, mais devant la fureur de sa jument -du moins ce que l’on pouvait croire-, il n’insista pas.

“Allons bon j’ai fait quoi encore ? demanda-t-il quand même en la suivant.

-Rien du tout, j’ai juste pas le temps. Je dois retrouver madame Zurïg pour lui demander si...

-Attend deux secondes, coupa-t-il. Zurïg c’est celle qui est... enfin qui est noir là ?

-Oui c’est ça, et alors ?”

Le cornu se fracassa un sabot sur le crâne. Elle savait que sa copine pouvait avoir la tête ailleurs, surtout quand elle s’investissait plus que jamais dans ses études de commerce. Mais là, c’était à se demander si elle n’était pas aveugle et sourde. Oui, les deux à la fois.

“Tu te fiches de moi j’espère ! T’es au courant de ce qui se passe au moins ? fit-il à la limite de la gronder. Soit tu me fais marcher ou alors t’es plus naïve que je le pensais.

-Eh tu te calmes OK ? C’est pas parce que j’ai encore les flancs vierges que je suis débile ! grogna-t-elle à son tour.

-Je suis très sérieux, insista-t-il avec calme cette fois. T’as écouté la radio à l’internat hier ? T’es au courant de ce qui se passe dans le pays au niveau politique ?

-Euh... Vite fait oui. Le truc avec les nazis là ?

-C’est ça ! Et bah...

-Je m’en fiche, ignora-t-elle en se retournant vivement tout en lui mettant un coup de queue au passage. Je suis sur le point de finir mes études et c’est pas des gens bizarres qui vont m’en empêcher !”

Hetzer était éberlué par ce qu’il entendait. Tandis que le pays était littéralement coupé en deux, et ceux mêmes pour les moins concernés, cette jument, dont tout le monde pouvait l’imaginer porter un brassard de la milice, n’en avait que faire de tout ça.

Aryanne finie sa route dans une bibliothèque, et contrairement aux autres fois, elle fut étonnée de voir qu’il manquait beaucoup de livre. Et en y repensant, elle avait bien cru voir une grande pile de cendre encore fumante dans la cour de l’école.

“Ne me dis pas que ce sont eux aussi qui ont...

-Si, répondit la licorne du tac au tac. Tous les livres proscrits ont été brûlés. Ils ne sont pas valides pour les...

-Ah bah ça va alors ! Celui que je cherche doit être encore là.”

Après quelques minutes, les deux poneys étaient assis à une table, face à face. Pendant qu’Aryanne était plongé dans son bouquin, Hetzer lui, tentait toujours de comprendre comment sa copine parvenait à être comme ça.

“T’as pas peur qu’un jour ça te retombe dessus à être aussi ignorante ? lui demanda-t-il. Ils vont être partout d’ici les mois à venir, tu pourras plus fermer les yeux.

-On m’a dit souvent de ne pas m’approcher d’eux et ni de s’y intéresser, et c’est ce que je fais.

-Même au point de ne pas savoir pourquoi ?

-Et si tu me passais le bouquin qui est là-bas ?”

Hetzer soupira et s’exécuta en se levant puis marcha jusqu’à ce fameux livre qu’il prit avec des dents, tout ça sous l’air exaspéré d’Aryanne.

“Tu sais j’aurais pu y aller moi même si tu m’avais dit que tu voulais pas utiliser ta magie.

-Parce que même pour ça t’es pas au courant !? s’étrangla-t-il en laissant tomber le livre. Ils ont interdit l’utilisation de la magie sauf si on a une autorisation !

-... Mais y’a personne, fit-elle en regardant autour.

-On sait jamais, j’ai pas envie de me retrouver en prison moi. Et avant que tu ne poses la question, continua-t-il en revenant à la table avec ce qu’elle avait demandée, ils ont interdit la magie sans autorisation parce qu’ils estiment que ce n’est pas équilibré pour le Reich qu’ils veulent construire.

-C’est pas faux dans un sens, fit-elle avec un sabot sous le menton. Y’en a qui font des choses très malhonnêtes et dangereuses

-Peut-être, mais pour des licornes comme moi qui n’ont jamais fait de mal à une mouche, c’est injuste. C’est comme couper les ailes à un pégase ou attacher les mains de tous les humains.

-Tu es sûr de n’avoir jamais fait rien de malhonnête avec ta magie?”

Elle l’avait dit sur un ton joueur que Hetzer avait tout de suite compris, et bien que c’était une autre tentative pour la jument de changer de sujet, il se laissa avoir et lui fit un baiser qu’elle ne refusa pas.

“Au fait, tu fais quoi ce soir ?

-Si on ne me donne pas trop de devoirs pour demain, je suis libre oui.

La licorne souria beaucoup. Il était certain qu’avec les évènements récents et futurs, elle n’aurait pas beaucoup de cours à suivre, voir pas du tout rien que pour aujourd’hui. Aryanne était tellement impliqué dans ses études pour réussir -et aussi obtenir une cutie mark au passage- qu’elle ne passait que très peu de temps avec son petit ami. Ce soir, il allait en avoir la possibilité.

Le soulèvement nazi avait parfois du bon.

“Très bien, ça te dirait d’aller voir un film ?

-Un film ? C’est quoi ça déjà ? J’en ai entendu parler, mais sans trop savoir ce que c’est.

-Une invention française, ça devrait te plaire.

-Berk ! Les Français sont des gros dégueulasses. À ce qui parait, les poneys y font encore caca en marchant. Mais bon, pourquoi pas.”

Le soir tombait sur Berlin, et déjà, les habitants se terraient chez eux pour ne pas risquer de tomber face à une milice qui serait capable de les matraquer juste pour la couleur de leurs yeux. Les plus courageux se jetaient dans des bars ou tout lieu de divertissement. Un cinéma, par exemple.

La salle était bondée, si bien qu’Aryanne et son copain mirent du temps pour trouver deux places côte à côte. Pour faire patienter tout le monde, on y passait des publicités en image fixe, laissant donc le temps aux occupants d’en griller une.

Elle qui détestait la cigarette, sa première expérience commençait mal.

Et comme temps attendu, la salle s’assombrit d’un seul coup, puis la grande toile blanche s’illumina depuis un projecteur situé juste derrière.

“Ça y est le film commence ? fit-elle.

-Pas encore, ils vont d’abord passer des infos sur la situation du pays, expliqua-t-il. Ou alors...”

Avant qu’il ne finisse sa phrase, une grande croix gammée apparue, provoquant alors une grande indignation dans toute la salle. Tout le monde sauf une jument qui voyait pour la première fois des images défilés. Une voix se mit à retentir de tous les côtés.

“Vous ! Habitant de l’Allemagne ! Vous qui en avez marre d’être opprimé par les autres pays voisins ! Vous qui en avez marre d’être ruiné par les juifs et de voir une place être prise par l’un d’entre eux, alors qu’elle aurait pu être la vôtre !

-J’y crois pas. Même ici ils viennent nous emmerder !

-Hetzer chut !” réprimanda-t-elle à son grand étonnement.

Ce n’était qu’une autre publicité avec un peu plus de budgets et des intentions plus obscures. Pourtant, les yeux de la jeune jument brillaient d’extase devant ce petit film montrant des hommes et des poneys solidaires, en rang, aidant la population et arrêtant les voleurs. Tout était séduisant : les symboles ornés d’un aigle impérial pour représenter la grandeur, la musique d’un rythme au pas entraînant, les avions et les chars en rang, et cet homme à la moustache rigolote dont le discours énergétique avait le pouvoir de faire battre le coeur comme jamais.

“Toi aussi, viens marcher avec nous dans les rangs de la Wehrmacht et nous aider à éliminer cette menace !

-Ils sont marrants, surtout quand ce sont eux qui le... Aryanne ?”

Il n’y avait rien à faire, personne, pas même Hetzer n’allait sortir la ponette de ce film de propagande qui l’avait absorbé. Pire encore, un petit flash apparut sur son flanc. Le visage de l’étalon se pétrifia de terreur lorsqu’il vit à quoi elle ressemblait.

Et même quand la publicité se termina, Aryanne avait encore l’esprit ailleurs. Elle se voyait marcher avec cette armée si grande et forte, ou même voler avec la Valkyrie.

Alors c’était ça les Nazis ? Un mouvement qui allait enfin faire bouger les choses ? Pourquoi dans ce cas est-ce que tout le monde en parlait si mal ? Ça avait l’air si génial pourtant. Était-ce de la jalousie dans ce cas ?

Toutes ses questions, elle allait les poser à son poney vraiment très spécial, mais le siège d’à côté était vide. Hetzer était-il parti aux toilettes juste avant le film ?

Après cinq minutes d’attente, elle eut sa réponse et décida elle aussi de sortir hors du cinéma, appelant son copain tout en demandant aux rares passants s’il n’avait pas vu une licorne marron.

“Si tu crois qu’on va te dire quoi que ce soit espèce de fasciste ! lui reprocha l’un d’entre eux.

-Mais n’importe quoi ! Qu’est-ce qui vous fait dire que...

-C’est ça ! Prends-moi pour un con ! C’est marqué sur ton cul au cas où t’aurais oublié sale monstre !

-Vous devez vous tromper ! Je n’ai toujours pas de...”

Un symbole était présent sur chaque flanc. Aryanne cligna des yeux et alla jusqu’à se frotter la croupe avant de réaliser que sa cutie mark était enfin là. Et quel symbole en plus : un coeur bien rouge dans lequel il y avait cette fameuse croix, mais en rose. Elle ne mit pas longtemps à comprendre que son talent venait de ce film qu’elle avait vu, et de l’amour dont elle en avait fait part.

Ça ne pouvait être que ça, c’était forcément un signe.

Folle de joie, elle se mit à sauter partout et à crier dans les rues son bonheur de porter ce symbole d’une si belle beauté.

“Je suis nazi !” répétait-elle sans s’arrêter jusqu’à manquer de souffle. Il aura fallu qu’un homme adossé contre un mur lui parle calmement pour l’interrompre.

“Alors comme ça tu viens tout juste de l’avoir ? fit-il dans sa veste en cuir marron.

-Oui monsieur ! Je pense que je vais leur être très utile !

-Ça j’en ai aucun doute. Faut fêter ça tu crois pas ? Suis-moi.”

Puis la silhouette humaine disparut dans l’ombre. Curieuse, Aryanne se mit à le suivre, sans se dire une seule seconde qu’il pouvait être dangereux. Puis elle finit par s’en douter lorsque devant elle se présenta un cul-de-sac, et de penser trop tard que ça n’était pas une bonne idée lorsqu’elle sentit plusieurs mains et jambes velues l’attraper de toute part.

Elle avait beau hurler, une main ferme lui bloquait le museau. De même pour se débattre : on lui tenait les jambes et l'ensemble du corps. La terrestre ne pouvait pas hurler quand un étalon lui donnait des ruades dans le ventre tandis qu’on lui crachait dessus.

“On va voir s’ils vont t’aimer autant quand on t’aura rafistolé.”

L’homme qui l’avait attiré ici était derrière, un couteau en main, se rapprochant de sa cutie mark. Elle se mit à gémir plus fort. Pire que de perdre ce qu’elle venait d’avoir et sa raison d’être, c’était d’imaginer la douleur qu’elle allait subir.

Et alors qu’elle avait fermé les yeux pour ne pas voir ça, sous les insultes qui pleuvaient, elle entendit soudainement des coups de feu qui en firent tomber quelques-uns et fuir d’autres.

Immédiatement, elle se réfugia dans un coin, en boule, les larmes aux yeux. Cette soirée qui s’annonçait comme être la meilleure de sa vie, vira au cauchemar. Cette cutie mark qui devait être son salut avait fait disparaître son copain et rendu dingue les habitants.

“N’ai plus peur, ils sont partis.”

En levant la tête, son regard tomba croisa celui d’un homme en uniforme, le même qu’elle avait vu dans ce film au cinéma. Il lui tendait la main, un petit sourire sur le visage pour la mettre en confiance. Mais après ce qu’elle venait de vivre, Aryanne n’allait pas se laisser faire aussi facilement.

“Vous aussi vous allez vouloir m’enlever ma cutie mark ?”

Le soldat se pencha sur le côté pour comprendre où elle voulait en venir. Son regard s’écarquilla, sa surprise fit si grande que son casque en tomba de sa tête. Déjà que sa couleur fut une bonne raison de lui venir en aide, mais alors ça en plus, c’était un sauvetage qui allait être gratifiant.

“Au contraire, nous allons vous mettre en sécurité au plus vite.”

À plusieurs, ils aidèrent la jument à se lever puis de marcher pour l’escorter jusqu’à la base la plus proche. Sur le chemin, elle avait expliqué comment elle avait eu sa marque. En retour, ils lui firent comprendre qu’elle avait une chance incroyable d’avoir obtenu un tel signe en plus de son apparence “pur” comme ils le répétaient. Aryanne comprise alors qu’elle allait avoir un grand avenir avec eux.

Cette soirée n’était pas si mauvaise finalement.