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« Israel = Terrorists » : immersion chez les étudiants propalestiniens ( Antoine Lévêque, 2024)

Jul 11th, 2025 (edited)
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  1. Antoine Lévêque, « Israel = Terrorists » : immersion chez les étudiants propalestiniens
  2. Le Regard Libre 2024/5 no 107
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  4. « La Palestine sera libre du fleuve à la mer », « Notre cause est plus importante que la loi »… La radicalité d’une partie des étudiants propalestiniens occupant les universités n’est plus à prouver. Reportage à Fribourg, où des Juifs ont même été intimidés.
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  6. Ils sont près d’une cinquantaine à avoir investi le hall de la faculté des sciences sociales de l’Université de Fribourg, mais l’exiguïté des lieux laisse penser qu’ils sont beaucoup plus nombreux. Présents sur le campus depuis le lundi 13 mai à la mi-journée, ces militants propalestiniens sont déterminés à bloquer l’entrée principale du bâtiment de Pérolles 21 tant que l’Université n’a pas accédé à leurs demandes. Leur demande principale est similaire à celle affichée par leurs camarades lausannois et genevois : contraindre le Rectorat à rompre les relations académiques de l’établissement avec des universités israéliennes.
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  8. Antisionisme et antisémitisme
  9. C’est d’abord par leur bruit que ces activistes attirent l’attention. Surpris par des clameurs dont je perçois l’écho à travers les murs de l’amphithéâtre dans lequel je me trouve, je pressens avant même de les apercevoir que des militants propalestiniens se sont installés dans les locaux de l’université. Alors que je m’approche des portes principales du bâtiment pour tenter de déterminer la cause de ce vacarme, mes regards sont attirés par la multitude de pancartes qui ont été installées pour donner davantage de poids aux revendications des manifestants.
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  11. Au sol, keffieh sur les épaules, vêtements amples, cheveux bleus ou rasés sur les côtés, entourés de matelas, de drapeaux palestiniens et de tracts sur lesquels figurent leurs principales revendications, plusieurs dizaines de militants hurlent à en perdre la voix « free, free Palestine ». Leur nombre ne cesse d’augmenter à mesure que la nouvelle de cette action choc se propage dans l’université. Alors que l’afflux croissant de participants me permet de me mêler discrètement à la foule des activistes, j’aperçois, assis à même le sol, portant un keffieh mal ajusté, deux enseignants-chercheurs de l’université.
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  13. Je demande à des militantes voilées s’il est normal que des enseignants, normalement tenus par un devoir de réserve, prennent part à ce mouvement. « Les valeurs que nous portons sont universelles puisqu’elles sont humanistes. Tout le monde a le droit de les défendre », me répond l’une d’elles avec un sourire embarrassé. Mais quand Pietro, un étudiant d’origine juive choqué par une pancarte qu’il a aperçue accrochée à un mur (lire l’encadré ci-contre), lui demande si elle cautionne le slogan « la Palestine sera libre du fleuve à la mer », qui remet en cause l’existence de l’Etat d’Israël, elle reconnaît avec gêne qu’elle y est attachée. A Genève, la banderole sur laquelle était affiché le même slogan a donné lieu à un bras de fer entre l’Université – qui souhaitait qu’il fût retiré – et les activistes. C’est peut-être pour cela que la jeune femme avec laquelle j’échange s’empresse d’ajouter que chacun est invité à manifester en faveur de la paix, y compris les Juifs qui s’opposent à ce qu’elle nomme « l’Etat sioniste ».
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  15. Or le caractère non seulement antisioniste, mais bien antisémite du mouvement semble avoir été manifeste dès ses débuts. Dans un groupe WhatsApp que j’ai rejoint pour savoir quel était le niveau de radicalité des militants, j’ai notamment pu lire le message suivant : « Cette condamnation du 7 oct (sic) qui est exigé (sic) sur chaque plateau de tv (sic) me fait gerber ». Par ailleurs, certains messages de protestation rédigés par des étudiants d’origine juive ont été effacés sans ménagements.
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  17. « Intifada jusqu’à la victoire »
  18. De manière tout aussi décomplexée, certains militants n’ont pas hésité à accrocher une banderole sur laquelle il est écrit « IntiFada (sic) jusqu’à la victoire ». Peut-être ignorent-ils qu’une polémique a éclaté à Lausanne après qu’une chaîne proche du Hezbollah et du régime syrien a publié une vidéo dans laquelle le terme « Intifada » – qui renvoie aux émeutes violentes de la population palestinienne face à Israël dans les années 1990 et 2000 – a été utilisé pour qualifier l’action des militants propalestiniens ayant occupé les locaux de l’université.
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  20. L’un des responsables du mouvement de protestation me dit tout de même qu’il n’est pas nécessaire de s’identifier aux excès de certains activistes pour soutenir la cause qu’il défend. Mais lorsque je lui pose des questions sur le caractère terroriste du Hamas, son visage se ferme et il se contente de répliquer que « la question est trop compliquée pour y apporter une réponse définitive ».
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  22. Par ailleurs, le malaise des manifestants par rapport à l’action de certains individus dont le discours est incontestablement haineux ne fait que croître au cours de la soirée. Je remarque ainsi que l’une des rares pancartes qui sont restées au sol et n’ont pas été affichées porte l’inscription : « Israel = Terrorists ».
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  24. Influences extérieures
  25. Alors que le soleil commence à décliner, je note la présence toujours plus nombreuse d’individus dont l’âge avancé me laisse penser qu’ils ne font plus partie de la communauté universitaire depuis longtemps. Une femme d’une soixantaine d’années me dit ainsi, en finissant une assiette de taboulé préparé par des activistes, qu’elle est de « toutes les luttes anticapitalistes, anticolonialistes et antiracistes ». Elle se devait donc de participer à cette mobilisation étudiante. C’est aussi le cas d’une femme d’âge moyen qui m’avoue avoir soutenu l’action des militants lausannois pendant plusieurs jours avant d’offrir son soutien aux activistes fribourgeois.
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  27. C’est alors en discutant avec un enseignant en stratégie de la communication de l’Université de Genève que je me rends compte du caractère profondément politique de la démarche entamée auprès du Rectorat par les responsables du mouvement. Selon lui, les organisateurs devraient adopter une posture conciliante dans leurs rapports avec la direction de l’Université pour ne pas l’effrayer et susciter sa confiance. Ils devraient toutefois continuer à agir avec radicalité dès que les pourparlers auront pris fin. Surtout, ne pas céder. Il craint d’ailleurs que le mouvement fribourgeois, comme celui de Genève, pâtisse du manque d’organisation et de professionnalisme de ses représentants.
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  29. Lorsque je lui demande s’il souhaite aider les manifestants, il me répond qu’il préfère laisser à de plus jeunes que lui le soin d’orchestrer la réponse des étudiants à la guerre qui oppose Israël au Hamas. C’est d’ailleurs la seule personne, parmi les activistes que j’ai interrogés, qui reconnaît spontanément que les enseignants ont un devoir de réserve. Mais sa présence à cette manifestation et le discours qu’il tient vis-à-vis des détenteurs du pouvoir politique ne laissent pas planer de doute sur la nature de son engagement.
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  31. L’influence d’individus qui ne sont pas affiliés à l’Université de Fribourg semble particulièrement inquiéter le Rectorat. La participation directe ou indirecte à ces démarches étudiantes de la part d’organismes liés au Hamas ou à d’autres organisations islamistes et terroristes a été documentée ailleurs en Suisse, ainsi qu’en France. On peut penser au cas de l’association Students for Justice in Palestine, dont l’écosystème a été décrit par Nora Bussigny dans le magazine Franc-Tireur.
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  33. Une défiance envers la loi
  34. Après une première entrevue avec les responsables du mouvement, le Rectorat ordonne aux manifestants de quitter les lieux avant 22 heures, l’heure de fermeture officielle des locaux de l’établissement. Cette nouvelle cause un profond trouble chez certains militants. Lors d’une assemblée générale organisée spontanément, ils affirment ne pas oser « entrer dans l’illégalité ». Mais d’autres voix, beaucoup plus radicales, se font entendre. « Notre cause est plus importante que la loi ! »
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  36. Après un débat houleux, les organisateurs de l’événement parviennent à convaincre l’assemblée de suivre les injonctions du Rectorat jusqu’au moment où ils obtiendront le soutien de l’association des étudiants de l’Université. A 21 heures 59, sous le regard des policiers mobilisés pour l’occasion, les manifestants quittent l’Université. Mais ce qui devait être une sortie ordonnée est surtout marqué par les cris de certains activistes – pour la plupart trop âgés pour être des étudiants – qui n’acceptent pas de céder aux autorités.
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  38. Le lendemain, le mot d’ordre des responsables semble avoir été suivi. Plus de matelas, de drapeaux palestiniens ni de nourriture. Une poignée de militants est restée sur les lieux et espère toujours obtenir le soutien des institutions étudiantes pour poursuivre son combat.
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  42. Pietro, étudiant d’origine juive
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  44. « La cause pour laquelle se mobilisent les militants propalestiniens me paraît assez juste, mais je pense que leurs méthodes ne sont pas les bonnes. A l’université, il vaut mieux encourager le débat entre spécialistes de la question et discuter de manière constructive avec le Rectorat. Selon moi, les activistes qui ont envahi le bâtiment des sciences sociales cherchent d’abord à provoquer les autorités et à attirer l’attention des médias. Ce n’est pas une démarche très intelligente. Par ailleurs, certains de leurs slogans, tels que “la Palestine sera libre du fleuve à la mer”, me mettent très mal à l’aise. Je ne suis pas convaincu qu’il soit nécessaire de remettre en cause l’existence de l’Etat d’Israël pour montrer sa compassion envers les civils touchés par la guerre menée par un régime démocratique contre une organisation terroriste. Je pense que l’Université doit être un lieu où l’on peut exprimer librement ses opinions, mais il faut le faire sans limiter l’accès à un bâtiment ni troubler les étudiants qui souhaitent réviser pour leurs examens dans le calme. »
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