Jour 9 - Sun

En ce temps-là j'étais, seul, l'horloger des mondes.
Il y avait le vide et la Matrice, et moi.
Je ne savais pas même le son de ma voix,
J'étais à mon labeur presqu’à chaque seconde.

La machine-merveille faisait des continents,
Des montagnes, des mers, des cités et des foules
Des univers entiers comme de petites boules.
Créer l'éternité ne prenait qu'un instant.

Et moi, garde-miracle, technicien des âges,
Toujours j'entretenais l'appareil merveilleux.
J'avais donc la responsabilité d'un dieu
Mais en lieu de pouvoir, je graissais des rouages.

Qu'importe ! J'admirais l'oeuvre de la Matrice
Je contemplais les vies, les époques, les ères,
Les mondes foisonnants, infinis éphémères,
Que produisait, sans fin, sa marche créatrice.

Mais à guetter la vie, je me pris à l'envier.
De son fourmillement naquit ma solitude.
Ma condition soudain me parut des plus rudes :
Je n'avais, simplement, personne à qui parler.

Plus j'observais le monde et plus j'étais marri
Mais que pouvais-je pour pallier ma tristesse ?
Peu à peu mon ennui devint une détresse
Et ma détresse un jour se mua en folie.

Hélas ! Ce pauvre fou commit l'irréparable.
Je m'en pris à la seule chose à ma portée
Sous mes coups répétés le coeur vint à lâcher,
La Matrice explosa dans un feu effroyable !

Mais elle qui était porteuse d'infinis
Infiniment encore elle se mit à brûler.
Les bourgeons d'univers nourrissaient le brasier
Chaque cosmos perdu par mon ignominie.

Ce crime impensable ne fût pas impayé
De l'explosion sans fin naquirent la lumière,
La chaleur et la vie, au sein du gouffre amer.
De mon esseulement je fus donc libéré.

Aujourd'hui j'évolue parmi des millions
D'êtres que je ne peux appeler mes semblables
Car ils ignorent tout de la faute innommable
Qui de leur existence est la prime raison !
…

Après avoir connu le plus long des hivers
Même en l'ayant franchi, je ne peux savourer
Ni la joie du printemps, ni la vie qui prospère,
Sous le ciel qu'inonde mon éclatant péché.