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- Ce qui se dit vraiment dans nos mosquées
- Étienne Campion
- Marianne, 30 mai 2024, no 1420.
- Qu’entendent les fidèles musulmans derrière les murs de leurs lieux de culte ? L’enquête “Au cœur de l’islam de France. Trois ans d’infiltration dans 70 mosquées”, à paraître cette semaine aux éditions du Rocher et dont “Marianne” publie des extraits en exclusivité, répond à cette question. Et le livre n’a rien de rassurant. Car le récit d’Étienne Delarcher (un pseudonyme) nous apprend combien les discours les plus radicaux ne sont pas réservés à quelques mosquées françaises...
- Extraits exclusifs
- Pour éviter les représailles, Étienne Delarcher, que Marianne a rencontré, restera sous pseudonyme. Trois ans durant, ce journaliste a infiltré, sous le prénom de Djibril et la couverture d’un converti, 70 mosquées pour voir et entendre « ce que pourrait percevoir un musulman lambda » en France. Caméra embarquée à l’appui, pour prouver ses dires, et sans aller dans les mosquées les plus radicales ou auprès d’imams déjà repérés pour leurs propos « problématiques », il a posé des questions ouvertes, naïves parfois, sur l’interprétation à avoir de certains versets. Et le constat est là : dans notre pays, la radicalité n’est, hélas, pas réservée à quelques fidèles et à une poignée de lieux de culte. Ce livre-enquête, par son dispositif, ne manquera pas de faire réagir. De susciter la polémique même. Mais c’est une manière, en ouvrant les portes des mosquées françaises, d’ouvrir aussi en grand le débat sur ce qu’on y tient comme discours.
- CHAPITRE “L’INTERPRÉTATION DES TEXTES SACRÉS” DISCUSSION SUR LE VOL au sein de la mosquée de l’Institut des cultures d’islam (Paris, XVIIIe)
- Après avoir franchi le hall d’entrée de l’Institut des cultures d’islam, je bifurque vers l’un des escaliers. En haut de celui-ci se forme un petit embouteillage au moment où les fidèles doivent se déchausser avant d’entrer dans la salle de prière. Cette dernière, pourtant immense, finira par se remplir complètement. [...] À côté du muezzin se trouve un homme d’âge moyen, la quarantaine bien tassée. Il porte une barbe hirsute, de grandes lunettes sombres et un qamis marron. C’est lui qui dirigera la prière. J’avais déjà croisé cet homme à de nombreuses reprises, c’est l’un des cadres de la mosquée. [...] On se donne rendez-vous au rez-de-chaussée, dans le hall d’entrée de l’Institut. Le lieu est loin d’être parfaitement calme mais au moins on peut s’entendre parler.
- Je commence comme à mon habitude par une question anodine qui, cette fois, portera sur un obscur verset du Coran concernant l’histoire de Caïn et d’Abel. Le religieux, volubile, me répond avec précision. Après son explication, faisant mine de rien, je lui signale que j’ai encore une petite question, portant sur un autre verset du Coran. Je lui donne alors la référence du verset ordonnant l’amputation de la main des voleurs. Il pianote sur son smartphone pour le retrouver, puis il en lit le début en arabe avant de s’exclamer : « C’est sur les gens qui volent ! »
- Je n’ai même pas le temps de poser ma question qu’il se lance de lui-même dans une justification de ce châtiment. Il commence par me rappeler que le vol a été de tout temps rejeté par Allah. Mais que ce n’est qu’avec l’arrivée de Muhammad que Dieu aurait décidé d’instaurer l’amputation de la main des voleurs. Ce revirement divin trouverait sa source dans l’impartialité et le sens de la justice du dernier prophète de l’islam. Celui-ci, particulièrement soucieux de l’égalité des croyants devant la loi, aurait empêché que les puissants puissent échapper aux sanctions. À l’appui de cette idée, le religieux me cite un célèbre hadith (sahih al-Boukhari n°4304) où Muhammad déclare qu’il aurait fait couper la main de sa propre fille si elle avait volé. Implicitement, l’instauration de cette amputation de la main m’est ainsi présentée comme un outil de justice sociale.
- Mais me voyant très peu enthousiaste face à cette sanction divine, il tente de me rassurer en m’expliquant qu’on ne coupe pas la main d’un simple « voleur d’œuf ». Et pensant me prouver la sagesse de cette règle, il me précise que celle-ci n’est appliquée que lorsque les montants volés dépassent la somme d’un « quart de dinar d’or ». Après quelques secondes d’hésitation, il ajoute que cela correspondrait aujourd’hui à une somme d’argent allant de 120 à 150 €.
- Résumant ce qu’il vient de dire, il m’assène qu’en dessous de 150 « tu ne coupes pas la main, au-dessus de ça tu vas couper la main ». Et il ajoute aussitôt : « Mais ce n’est pas maintenant car on n’a pas de calife, il faut un calife, il faut celui qui va mettre en place cette justice. »
- Et pour illustrer ses propos, il me cite un pays remplissant déjà ce critère : l’Arabie saoudite, un pays qu’il me décrit comme ayant une Constitution musulmane basée sur le Coran et la Sunna. Dans le même élan, il me cite d’autres lois islamiques appliquées dans ce pays, comme la flagellation des fornicateurs ou l’exécution des meurtriers. À aucun moment il n’aura émis le moindre signe de désapprobation envers ces lois, mais se contentera de décrire celles-ci comme des « règles d’Allah » envoyées pour la religion musulmane.
- L’homme n’est pas neutre, il n’énonce pas simplement ce que dit sa religion. Il choisit de soutenir ces châtiments inhumains. Quand je lui demande par exemple si cet ordre coranique d’amputer la main des voleurs est obsolète aujourd’hui, il récuse fermement cette éventualité. Pour lui, celui-ci est valide « des débuts de l’islam jusqu’à la fin des temps. C’est valable pour tous les temps » !
- Et pour preuve de l’intangibilité de cet ordre, un seul argument lui suffit : le fait qu’il vienne du Coran, un livre qu’il désigne comme la « Constitution » d’Allah. Après avoir donné ces précisions, il émet un regret : « Nous, on ne pourra pas le faire tant qu’il n’y aura pas la Constitution musulmane. »
- CHAPITRE “LA PLACE DES FEMMES” DISCUSSION SUR LE COUPLE, à la mosquée de Villeurbanne (Rhône)
- La mosquée de Villeurbanne est l’une des plus importantes de l’agglomération lyonnaise. C’est Azzedine Gaci, une personnalité centrale au sein de la communauté musulmane française, qui la dirige. L’homme a présidé le CRCM (conseil régional du culte musulman) pour la région Rhône-Alpes. Il a été un membre actif du CFCM (Conseil français du culte musulman) et plus récemment du Forif (Forum de l’islam de France), la structure qui, en pratique, est en train de le remplacer. Parallèlement, il s’est investi activement dans le dialogue interreligieux. En plus de sa casquette de religieux, l’homme est un enseignant-chercheur en physique. Atypique et largement indépendant par rapport aux grandes fédérations islamiques, il a su se faire apprécier par les pouvoirs publics, et a même été décoré du titre de chevalier de la Légion d’honneur.
- De ce fait, quand j’entre pour la première fois dans cette mosquée, j’ai un a priori plutôt positif sur ce lieu de culte. Nous sommes dans la seconde moitié du mois de juillet 2023 et je me prépare à assister à la prière de Maghreb. Je me suis assis tout à l’avant de la salle et, quelques mètres devant moi, se trouve un petit renfoncement d’où le religieux dirige la prière. [...] La salat va commencer, un religieux s’avance, ce n’est pas Azzedine Gaci mais un autre responsable. Une fois l’adoration terminée, je me rapproche de lui. C’est un homme noir d’une petite cinquantaine d’années. Il est pressé mais il accepte de prendre quelques minutes pour répondre à mes questions, et me convie dans une pièce privée, ressemblant à un bureau. Le lieu est bien rangé et relativement vide en dehors des livres religieux. J’amène la conversation sur les droits des femmes en précisant ne pas comprendre le verset 34 de la sourate 4. L’homme lit le début de ce passage coranique, la partie qui explique que les hommes ont autorité sur les femmes. Et spontanément, avant que j’aie le temps de poser ma question, il ajoute que beaucoup d’hommes « comprennent mal » ce qui est noté ici, une remarque qui me rend optimiste. J’y vois le signe d’une possible prise de distance vis-à-vis de l’interprétation traditionnelle de ce verset. Malheureusement mes espoirs sont immédiatement déçus ; abruptement, le religieux me dit que « oui, les femmes doivent obéir à leur mari ». Il ne cherchera pas à me convaincre de la justesse ou de l’utilité de cette règle, ni même à en donner une justification. Rien. La règle est là, Dieu l’a demandé et cela semble lui suire. S’il fait peu d’eforts pour me persuader de la sagesse derrière ce choix divin, il va en revanche prendre beaucoup de temps pour me détailler ce que cela implique dans la vie quotidienne d’une famille musulmane. Il commence par un cas concret :
- « Par exemple, votre mari vous dit “tu ne sors pas”, là, tu dois obéir. Tu n’as pas le droit de sortir sans sa permission. Même pour aller voir tes parents. C’est tes parents, mais il faut toujours que le mari soit en accord. »
- Sortir de la maison, l’acte le plus banal qui soit, doit être approuvé par le mari. L’emprise est totale. Mais à ses yeux une règle aussi restrictive, qui flirte avec la séquestration, ne semble pas mériter une justification particulière de sa part. À aucun moment il ne me dira que c’est un mal nécessaire pour protéger la femme ou toute autre billevesée du même genre. Il n’en ressent pas le besoin. Dieu a décidé, on applique. C’est tout.
- Je vais percevoir cette même froideur, ce même suivisme aveugle du texte sacré quand il va aborder la question des relations sexuelles dans le couple.
- « Aujourd’hui, ton mari a besoin de toi au lit, tu ne vas pas dire non. Si aujourd’hui il n’y a pas une raison, tu n’as pas le cycle, tu n’as rien du tout, tu ne peux pas dire non. Ça, c’est une obéissance obligatoire, parce que ça répond aux exigences et aux devoirs de la femme envers son mari. »
- Ainsi, en plus d’être privée de son droit de sortir de la maison quand elle le désire, l’épouse n’aurait pas non plus la possibilité de se refuser à son mari. Cette conception du couple est glaçante. Cependant, ce que je viens d’énoncer ici n’est que l’une des facettes du religieux que j’ai en face de moi. Il y a une part de lui moins sombre.
- Ainsi il promeut une certaine adaptation du dogme islamique au contexte français. Du moins, c’est ainsi qu’il va me la présenter. Mais dans son argumentation, c’est moins l’aspect géographique que les contraintes économiques qui vont jouer ce rôle pivot. Il me dit que si l’homme musulman habitant en Occident n’arrive pas à subvenir seul aux besoins de sa famille, il peut choisir d’autoriser sa femme à travailler. Mais dans ce cas, il doit en partie renoncer à l’emprise qu’il serait en droit d’exercer sur elle.
- En résumé, soit la femme travaille et alors l’homme doit participer aux tâches ménagères et ne peut plus lui imposer de relations sexuelles quand il le veut, soit elle ne travaille pas et, dans ce cas, on reste dans le modèle patriarcal qu’il me décrivait au début de la discussion. Dans l’esprit du religieux, tout semble se jouer au moment où le couple décide si oui ou non la femme va travailler. Mais qui serait apte à prendre cette décision ? Pour le cheikh, cela ne fait aucun doute, c’est l’homme. Mais quel que soit son choix, nous restons dans un système patriarcal. Le joug de la domination masculine est indéniable. Si la femme travaille, celui-ci sera simplement moins pesant.
- Au cours des dernières minutes de la discussion, le religieux aborde ce que doit faire le mari si son épouse refuse d’obéir à ses ordres et, rapidement, il passe à l’explication de l’expression « frappez-les » qui figure à la fin du verset. Plutôt qu’un long discours, l’homme préfère se gifler pour illustrer ce qu’il convient de faire selon lui pour discipliner une femme rebelle. Cette « petite gifle », comme il la nomme, ne doit pas laisser de traces ou casser la mâchoire. Puis il ajoute que ceux qui donnent des coups ne le devraient pas, « ça, c’est interdit ». Comme si, dans son esprit, cette gifle n’en était pas un...
- CHAPITRE “LA PLACE DES FEMMES” DISCUSSION SUR LE COUPLE, à la mosquée de Hautepierre de Strasbourg (Bas-Rhin)
- À la grande mosquée de Hautepierre de Strasbourg, j’entendrai un discours méprisant à l’égard des femmes, mais, dans ce lieu de culte, il prendra la forme d’une chosification de ces dernières. À peine quelques instants après le début de la discussion, le religieux me lance, sûr de lui, que « la femme, elle ne peut pas faire beaucoup de choses, sauf si elle a le droit [l’accord] de son mari ». Une franchise déconcertante.
- Pour illustrer ce que donne cette domination masculine dans le quotidien d’une femme musulmane, il évoque leur obligation d’avoir l’autorisation de leur mari avant de jeûner.
- Je sais qu’en réalité il est question ici de bien autre chose que de nourriture. Je fais immédiatement le lien avec un hadith d’Abou Dawoud, le n°2459, que je connaissais déjà. Dans ce dernier, une femme vient voir le prophète Muhammad pour se plaindre que son mari la frappe et qu’il l’empêche de jeûner. Dans le dogme islamique, le jeûne est cassé par les relations intimes. Pour sa défense, le mari violent explique qu’il bat sa femme car elle exécuterait mal la prière et qu’il ne la laisse pas jeûner comme elle veut car il désire avoir des relations sexuelles régulièrement avec elle. Le messager d’Allah ne dira rien concernant les violences conjugales subies par cette femme, par contre, il va instituer une nouvelle règle concernant le jeûne : désormais, chaque femme devra avoir l’autorisation de son mari avant de se priver de nourriture. Une manière de contrôler un peu plus la sexualité des femmes musulmanes.
- Je le laisse parler pendant quelques minutes, puis, de la manière la plus innocente possible, je fais mine de ne pas avoir compris cette histoire d’interdiction de jeûner pour la femme.
- « Peut-être le mari, il aura besoin d’elle », me glisse alors le cheikh.
- Je continue de jouer au candide.
- « Le contact pour le... », ajoute-t-il.
- Je lui demande alors s’il parle des relations sexuelles, il me le confirme immédiatement. Avant de poursuivre, d’un ton sec, que dans ce domaine « la femme n’a pas le droit de dire non ». Pour justifier cette position violemment misogyne, il me dit, d’un ton blasé, que tout ceci est « normal ». Si jamais elle refuse, « Allah est en colère » contre elle, me dit-il. Mais il n’est pas le seul, les anges vont aussi se liguer contre cette épouse « disant non » à son mari.
- Pour faire obéir les femmes jusqu’à présent il avait surtout évoqué la coercition et la menace d’une colère divine, mais il a un autre atout dans sa manche, la promesse du paradis. Prétendant paraphraser son prophète, il me dit que si une femme ne dit pas de mal de son mari, lui obéit et ne le trompe pas, elle « va direct au paradis ».
- Pour le cheikh, c’est la preuve de la grande « valeur » de la soumission des femmes. Après cela, il laisse la religion de côté pendant quelques instants et, dans cette parenthèse, il va librement s’épancher sur sa vision des femmes :
- « Quand je vois la femme, la première chose qui me vient c’est : “C’est qui son mari ?” Si je vois une femme bien habillée et qui ne fait pas n’importe quoi, ah ! je me dis “parce que son mari, c’est lui, là”. Il y a une relation entre les deux. Quand tu vois une femme, pff, elle fait n’importe quoi, elle dit n’importe quoi, tous les jours elle va dans la rue, la première chose que tu te demandes : “Mais c’est qui son mari ?” C’est pour ça, pour voir la valeur de l’homme, elle est dans sa femme. »
- Dans son esprit la femme n’est pas un individu à part entière, c’est le golem de son mari, sa marionnette, et ce dernier peut la façonner à sa guise. La chosification des femmes est à son comble. Cette justification de la mainmise masculine va se doubler d’une justification des violences conjugales. Selon le religieux, le mari peut administrer « une frappe qui ne fait pas mal » à son épouse pour « l’éduquer » si « elle n’obéit pas ».
- Ce n’est pas le premier responsable religieux à m’exposer aussi crûment sa misogynie et sa volonté de dominer les femmes. Mais, ici, il y a une petite diférence car nous sommes en Alsace, une région où le concordat est en vigueur, ce qui permet aux mairies de subventionner les lieux de culte. Et cette mosquée a reçu 343000 € d’argent public au moment de sa construction.
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