Jour 23 - Rust

Quand ils surent créer des esprits électriques
Les humains jouirent d'un déluge de progrès.
Chacun était comblé, nul manque ne durait
Et les périls d'hier ne semblaient qu'historiques.

Chaque homme et femme avait son robot personnel
Qui tissait tout autour un cocon de confort
Bientôt cette bulle masqua le grand dehors
Ne laissant à leurs yeux qu'un servant éternel.

Outre le confort ils gardèrent une manie :
La sécurité, oui ! Jusque dans le futur.
Année après année ils se firent une armure
En renforçant la sphère qui couvait leurs lubies.

Ainsi chacun était seigneur en son domaine
Que rien de l'extérieur ne venait infiltrer
Et n'interagissait avec l'autre emmuré
Que par le doux biais de son majordome amène.

Mais un terrible jour le désastre frappa.
Un mal gangrénait les cocons technologiques,
Incapacitait les serviteurs électriques,
Et maculait les sphères d'une couleur grenat.

À l'incompréhension succéda la panique
Pour savoir de quel vice leur monde était souillé
Il fallut consulter les archives historiques

...Dont parvint la réponse : chaque orbe avait rouillé.

Comment pouvait est-ce être une plaie si banale ?
Un vieux fléau à l'âge des miracles techniques ?
La science avait produit la solution pratique
Pour si longtemps qu'on avait oublié ce mal.

Peut-être les robots, savants artificiels
Ayant perdus eux-mêmes le souvenir du vice
Avaient-ils opté pour un matériau propice
À la rouille, en voulant fortifier de plus belle.

Ou peut-être la tache au ton de sang séché
Et les dysfonctionnements étaient-ils les symptômes
D'un virus foudroyant dans l'électrique biome
Qui d'orbe en orbe avait vite proliféré.

Qu'elle fût amnésique ou psychosomatique
La cause engendra un effet inattendu
Pour la première fois seuls, démunis, perdus
Les êtres humains durent sortir et s'entraider.
L'évènement reçut un surnom ironique
Non sans beauté : l'éclosion de l'humanité.