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La grande OPA de LFI sur les municipales (Le Point, 12/12/2024)

Dec 28th, 2024 (edited)
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  1. Le Point, no. 202412
  2. jeudi 12 décembre 2024
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  4. La grande OPA de LFI sur les municipales
  5. Par Sébastien Schneegans
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  7. Dans les quartiers, Jean-Luc Mélenchon veut évincer les maires de gauche qui ne porteraient pas le programme de La France insoumise.
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  9. C'est une petite révolution. Aux élections législatives anticipées, en juin dernier, Aly Diouara, fondateur de La Seine-Saint-Denis au coeur, un « mouvement citoyen » pourtant farouchement hostile aux partis, s'allie... à La France insoumise. Lui qui brocardait les candidats « parachutés » de LFI et rappelle à l'envi qu'il a grandi dans la cité des 4 000, à La Courneuve... En échange, le mouvement de Jean-Luc Mélenchon inclut dans sa nébuleuse un collectif fondé par un homme qui assume de tenir un discours identitaire et racialiste.
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  11. Sur le compte X (anciennement Twitter) du désormais député, la récurrence des termes « blancs » et « juifs » est saisissante. Commentant une photo d'Alexis Corbière au campus socialiste qui s'est tenu à Blois en 2022, il écrit : « Salut les blancs, dites, on vous dérange pas trop dans votre remake de la conférence de Berlin ? » Dans un autre message, Diouara se plaint de « tous ces BLANCS qui décident comment vont vivre les gueux (noirs, arabes, indo-pakistanais & co) ».
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  13. Il faut dire que LFI lui est redevable. Aux européennes, à la faveur d'une campagne de dénigrement du candidat Raphaël Glucksmann, qu'il n'hésitait pas à qualifier de « candidat sioniste », la liste de Manon Aubry a réalisé son meilleur score national à La Courneuve (58,12 %). La liste d'Aubry - et, surtout, de Rima Hassan - est arrivée en tête dans 33 des 40 communes du département. Tous les élus socialistes et communistes que nous avons contactés dressent le même constat : La Seine-Saint-Denis au coeur, créée en 2020, a gonflé les voiles de LFI en adoptant des méthodes communautaristes. « Il y a la vitrine de LFI et il y a l'arrière-boutique, témoigne un baron local. Le mouvement de Diouara, comme tant d'autres, a absolument tout fait pour drainer le plus de voix possible, activant les réseaux les plus troubles. »
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  15. « J'emmerde ceux qui me parlent de communautarisme »
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  17. « Sur les marchés ou à la sortie du métro, ils attiraient du monde en invitant leurs "frères" à aller voter pour contrer les "sionistes" qui, comme Glucksmann, seraient complices d'un génocide à Gaza. C'était leur rhétorique », raconte un militant socialiste. Dans un communiqué publié le 29 octobre 2023, toujours en ligne, Diouara légitimait le pogrom du 7 Octobre. « Que reste-t-il à un peuple si ce n'est la violence ? » écrivait-il, dressant un parallèle entre « l'oppression coloniale » des Israéliens et « cette oppression coloniale contre laquelle nos parents se sont eux-mêmes battus ».
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  19. Figure de proue. Le 21 juin, à Bobigny, la députée européenne Rima Hassan, égérie propalestinienne de LFI, apportait son soutien à Aly Diouara, candidat LFI-NFP aux législatives en Seine-Saint-Denis. - Idir Hakim/SIPA
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  21. Il y a deux ans, Aly Diouara avait ouvertement apporté son soutien à l'imam Hassan Iquioussen, expulsé vers le Maroc pour avoir tenu des « discours haineux envers les valeurs de la République, dont la laïcité et l'égalité entre les femmes et les hommes ». « L'islamophobie est avant toute chose un racisme d'État », s'indignait alors le militant associatif. Diouara reste néanmoins, selon Mélenchon lui-même, « l'un des dignes visages de la nouvelle France ».
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  23. Visage qui pourrait disparaître de l'Assemblée puisque ses comptes de campagne ont été rejetés, début novembre, par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. L'un de ses proches, Mohamed Awad - il apparaît en tête du site de La Seine-Saint-Denis au coeur -, a dirigé une section locale des Jeunes musulmans de France, branche des Musulmans de France (anciennement UOIF), association réputée proche des Frères musulmans. Il est par ailleurs collaborateur parlementaire de Paul Vannier, le « Monsieur Élections » de LFI. Contactés, ni Aly Diouara ni Paul Vannier n'ont souhaité répondre à nos questions.
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  25. « J'emmerde ceux qui me parlent de communautarisme ou d'islamogauchisme », répond au Point Bally Bagayoko, militant antiraciste et chef de file de LFI à Saint-Denis. Reste que cette alliance de LFI avec La Seine-Saint-Denis au coeur témoigne de la détermination du parti à aller chercher toutes les voix des quartiers en vue des élections municipales de 2026. Dans un communiqué publié le dimanche 24 novembre, Aly Diouara annonçait qu'il présenterait, avec LFI, des candidats dans tout le département. Un voeu conforme aux consignes de Mélenchon, qui faisait savoir le même jour que son mouvement formerait des listes partout en France, rompant ainsi avec sa stratégie.
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  27. L'ex-socialiste, qui a façonné LFI à son image et l'a pensée comme une écurie destinée à le propulser dans les meilleures conditions pour remporter l'élection reine, la présidentielle, négligeait jusqu'alors les autres scrutins. Aujourd'hui, tandis que son mouvement fêtera son 10e anniversaire en 2026, le « lider maximo » comprend la nécessité d'avoir des relais locaux.
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  29. La feuille de route de Jean-Luc Mélenchon
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  31. « Le pape de toute cette stratégie communautariste, c'est Éric Coquerel, assure un stratège du PS. On a tendance à l'oublier puisqu'il s'est "respectabilisé"à la présidence de la commission des Finances de l'Assemblée , mais c'est lui qui lance, dès 2018, les rencontres nationales des quartiers populaires. C'est lui qui organise la fameuse marche avec le Collectif contre l'islamophobie en France en 2019 et il n'est sans doute pas pour rien dans le rapprochement entre La Seine-Saint-Denis au coeur et LFI. »
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  33. Aujourd'hui, sous la férule de Mélenchon, les Insoumis rêvent de dégager tous les maires de gauche qui ne porteraient pas un programme de « rupture ». Comprendre : tous ceux qui ne sont pas prêts à appliquer la feuille de route de Jean-Luc Mélenchon, « L'Avenir en commun ». De quoi semer la pagaille dans les rangs du Nouveau Front populaire, déjà fragilisé par la posture d'ouverture des socialistes dans le contexte du remaniement. C'est aussi une manière de faire pression sur les partenaires du NFP à l'Assemblée nationale.
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  35. « Il faut que nos partenaires fassent le deuil de leur gloire passée. Nous n'avons aucune envie de maintenir en vie des partis qui ne gagneront pas. Ils ont besoin d'une locomotive et cette locomotive, c'est nous », claironne Bally Bagayoko, qui prétend même que LFI se retrouve aujourd'hui « dans la même situation que le PCF au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ».« C'est le sens de l'Histoire », assure-t-il, avec d'autres élus Insoumis, sans craindre l'excès de confiance. Il devrait être candidat face au maire sortant de Saint-Denis, Mathieu Hanotin (PS). En 2020, Bagayoko récoltait 18 % des suffrages, en troisième position.
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  37. À l'offensive. Le député LFI-Nupes de Marseille Sébastien Delogu, la militante Assa Traoré et Aly Diouara en campagne législative à Bobigny, en juin. - Idir Hakim/SIPA Parlementaires « insoumis ». Les députés LFI-NFP Sophia Chikirou et Aly Diouara à l'Assemblée nationale le 19 novembre. - Guizard Alain/ABACA
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  39. « Luttes fratricides » entre LFI et PCF
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  41. La prochaine assemblée représentative de LFI, le 14 décembre, devait permettre de fixer les premières orientations stratégiques. En Seine-Saint-Denis, mettant en avant leurs très bons scores aux européennes et aux législatives, ils réclameront à leurs « partenaires » du NFP d'obtenir, partout, la tête de liste. « Les municipales, c'est un scrutin très particulier. Je ne suis pas sûr qu' en parlant de Palestine ils gagneront une seule mairie. Ici, dans les quartiers, les gens me parlent surtout de sécurité et de santé », relève un élu socialiste de la Seine-Saint-Denis.
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  43. « Ils ne peuvent pas gagner, mais ils peuvent nous faire perdre dans certains endroits et nous empêcher de reprendre des mairies de droite », remarque un cadre socialiste. Nombre d'élus estiment qu'ils se trompent de combat en tentant de ravir des villes qui sont déjà gérées par des élus de gauche. « Il me semble dommage de se concentrer sur des bastions de gauche alors qu'il y a d'autres villes de droite et d'extrême droite à reprendre, regrette Soumya Bourouaha, députée communiste de la 4e circonscription de la Seine-Saint-Denis. N'alimentons pas ces luttes fratricides. »
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  45. Mélenchon, qui n'a jamais voulu avoir dans son camp de puissants barons locaux en mesure de contester son autorité et sa légitimé, s'est résolu à partir à l'assaut des grandes villes. David Guiraud est déjà candidat à Roubaix, Sébastien Delogu (son ancien chauffeur, aujourd'hui député) devrait l'être à Marseille et Sophia Chikirou est pressentie à Paris. Louis Boyard, député du Val-de-Marne, vient d'annoncer sa candidature à Villeneuve-Saint-Georges , où une élection municipale partielle doit se tenir en début d'année. « Il a décidé d'attaquer les machines à sous ! Il espère entraîner les Écologistes avec lui en leur disant qu'ils sont mal payés, pointe un député socialiste. Pendant ce temps, on ne fait presque rien. Il nous mène à la guerre et nous, on tergiverse, on parle d'autre chose. »
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  47. « Soit ils intègrent des listes rassemblant les différentes composantes de gauche, soit ils présentent leurs propres listes, ce qui conduira à faire disparaître de nombreuses municipalités de gauche, prévient le président du groupe communiste à l'Assemblée, André Chassaigne. Sur ce point, il est indéniable que LFI peut avoir un vrai pouvoir de nuisance et jouer la carte de la terre brûlée. »
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  49. Des discussions informelles entre Insoumis et Écologistes ont déjà commencé dans quelques villes. Les Insoumis espèrent aussi convaincre des élus communistes en fin de règne de leur laisser les clés. C'est le cas à La Courneuve, où le maire, Gilles Poux, dont le mandat en cours sera le dernier, veut croire que sa successeure désignée, Nadia Chahboune - qui n'est pas encartée au PCF -, entamera des discussions avec LFI, vraisemblablement représentée par... Mohamed Awad.
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  51. « C'est toujours la même stratégie : semer la division, fracturer la gauche et aller chercher de nouveaux électeurs, déplore un baron socialiste. Au fond, l'objectif premier de Mélenchon, ce n'est pas d'avoir une solide représentation municipale. Son objectif, c'est d'affaiblir les pseudo-partenaires pour être le premier à gauche en 2027. » Avec La Seine-Saint-Denis au coeur et les autres mouvements flirtant avec le communautarisme pourvoyeurs de suffrages dans les quartiers, il croit avoir trouvé la martingale pour se qualifier au second tour...
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