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- France Culture
- 2000-2025, un quart de siècle économique.
- Cette série en cinq épisodes se termine aujourd'hui.
- Nous avons vu depuis lundi comment nos rapports au travail, à l'euro, à l'environnement
- et à la haute finance avaient évolué depuis l'entrée dans le XXIe siècle.
- Reste une question fondamentale de crash en élection, de débat en parution.
- Le rapport des Français à l'économie s'est-il amélioré ?
- Des subprimes, du pouvoir d'achat, du logement, de la dette,
- tout un panel de crises de nature diverses et variées ont marqué les 25 dernières années.
- Mais les Français en ont-ils pour autant retiré une meilleure vision,
- une meilleure connaissance de l'économie, des finances personnelles aux politiques monétaires ?
- Une économie dont tout le monde comprend les rouages se porte-t-elle mieux ?
- C'est à ces vastes questions que nous consacrons cette émission
- programmée et préparée par Bruno Barada, réalisée par Françoise Leflocq
- et mise en onde par Félix Delacour.
- Et trois invités sont avec nous aujourd'hui pour faire le bilan de la façon dont en 20 ans, 25 ans
- et au gré de crises et de changements de toutes natures, politiques, financiers, sociaux,
- les comportements des Français ont évolué en fonction de leur connaissance ou non de l'économie.
- Xavier Thimbault, vous êtes directeur de l'OFCE, l'Observatoire français des conjonctures économiques.
- Bonjour.
- Bonjour.
- Laure Kenwell-Core, vous êtes historienne de l'économie, directrice de recherche OCNRS
- et rattachée au Centre de recherche historique de l'EHESS.
- Bonjour à vous.
- Bonjour.
- Olivier Meunier, vous êtes directeur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques, l'INSEE.
- Bonjour et bienvenue autour de ce plateau.
- Bonjour.
- Alors, il y a un an, en décembre 2023, la Banque de France présentait un baromètre
- faisant état du niveau de culture financière des Français de plus de 18 ans.
- Résultat, une note de 12,45 sur 20, soit 62,25% de bonnes réponses,
- lorsque la moyenne des pays de l'OCDE se situe à 63%.
- Nous sommes à la quatorzième place sur les 39 pays.
- Les pays qui ont participé à l'enquête, Jean-Luc Tavernier,
- est-ce qu'on peut dire que les Français ont plutôt une bonne connaissance de l'économie ?
- Alors, c'est difficile de répondre.
- On mesure beaucoup de choses, vous savez, à l'INSEE et dans la statistique publique,
- mais on ne mesure pas encore le niveau des Français en économie.
- On mesure des choses comme le niveau en littératie, en numératie,
- comme on dit, donc les connaissances en lettres, en mathématiques.
- Et vous savez que là-dessus, on n'est pas très bon.
- Et par rapport au classement que vous venez de donner en économie financière,
- on est plutôt bien.
- On est moins bon, par exemple, en mathématiques.
- Et encore tout récemment, on a sorti, du côté de la statistique du ministère de l'Éducation nationale,
- une nouvelle bouture de l'enquête TIMSS, où on est parmi les plus mauvais.
- Et j'en parle parce que pour l'économie, ça compte un petit peu.
- Il faut quand même avoir une idée des ordres de grandeur.
- Il faut savoir que la dette et le déficit, il y en a un qui est la dérivée de l'autre,
- l'autre l'intégrale de l'un, pour être un peu pédant.
- Mais enfin, idem pour l'inflation et le niveau des prix.
- Et donc, il y a besoin d'un peu de culture mathématique.
- Et là-dessus, c'est clair.
- C'est clair qu'on n'est pas très bon.
- Après, si on veut voir le verre plutôt à moitié plein,
- nous-mêmes à l'INSEE, nous faisons des enquêtes auprès du grand public
- pour connaître un peu la notoriété qu'a l'INSEE, la confiance que les gens ont dans l'INSEE
- et la confiance qu'ils ont dans les indicateurs.
- Et la connaissance qu'ils ont des indicateurs.
- Eh bien, c'est pas si mal.
- Et vous serez surpris, en fait, de voir que, bon,
- il y a des choses pour lesquelles c'est plus difficile que d'autres.
- Si on demande du salaire moyen aux gens, ils ont du mal.
- Mais des grandeurs comme le PIB, la dette, etc.
- Les gens répondent plutôt.
- Assez correctement.
- Et aussi, un autre signal faible, un peu...
- Encore une fois, si on veut voir les choses de manière plus optimiste,
- c'est dans les enquêtes mensuelles de conjoncture qu'on mène auprès des ménages.
- On demande toujours aux gens ce qu'ils ont comme perception de l'inflation, du chômage.
- Et ça colle à peu près à nos indicateurs.
- Pas complètement, on pourra en parler.
- Il y a des biais cognitifs et sans doute qu'on y reviendra.
- Après, vous dire que, du point de vue du débat public
- et du réflexe qu'ont les gens par rapport aux questions de politique économique,
- de politique budgétaire,
- on soit au sommet de l'art.
- Non.
- Et je pense qu'on aura l'occasion d'y revenir.
- Tout à fait.
- Et d'ailleurs, pour aller dans votre sens, Jean-Luc Tavernier,
- si on va dans le détail et la finesse, on va dire,
- de ce baromètre de la Banque de France,
- on s'aperçoit quand même que l'impact de l'inflation sur le pouvoir d'achat
- ou le rapport entre risque et rendement sont plutôt bien ou mieux maîtrisés.
- En revanche, les Français sont beaucoup moins bons pour calculer
- des taux d'intérêt simples ou composés
- ou pour estimer l'impact de l'inflation sur leur épargne.
- Ça, ça rejoint assez largement votre lien entre mathématiques
- Oui.
- et compréhension de l'économie.
- Oui, oui. Et c'est quelque chose qu'on connaît depuis longtemps.
- Et je crois que dans les pays anglo-saxons,
- notamment, alors peut-être parce que les marchés financiers sont plus importants,
- il y a une culture, effectivement,
- comprendre que ce que donne 2% sur 100 euros
- après un an, deux ans, trois ans,
- c'est quelque chose qui est beaucoup plus naturel.
- Par exemple, en Irlande, il y a des résultats qui sont sans rapport
- avec ceux qu'on a en France, je crois.
- Et puis, le niveau de connaissance,
- et puis le niveau d'intérêt aussi pour la chose.
- En 2020, toujours la Banque de France dévoilait un autre rapport
- à l'occasion des Journées de l'économie,
- à Lyon, les GECO.
- Selon ce sondage, 54% des Français se disent beaucoup
- ou assez intéressés par l'économie,
- alors même qu'un peu plus d'un Français sur deux,
- donc peu ou prou les mêmes proportions,
- perçoit son niveau de connaissance comme moyen.
- Xavier Thimbault, est-ce qu'il faut se réjouir de ce paradoxe ?
- Finalement, on a beau ne pas très bien s'y connaître,
- on s'y intéresse,
- ou s'en désoler et se dire que, bon,
- le niveau reste quand même assez éloigné
- par rapport à l'intérêt porté à la chose ?
- C'est quand même une question importante,
- parce que cette inquiétude, disons,
- sur le niveau moyen des Français
- sur les questions économiques,
- alors là, ces enquêtes sont plutôt sur le niveau économique
- en ce qui concerne les finances personnelles,
- et donc la capacité des adultes
- à pouvoir faire des choses exigées
- dans la vie de tous les jours,
- comme par exemple comprendre un contrat d'emprunt à la banque,
- comprendre ce que c'est qu'un prêt à la consommation,
- ce que ça représente comme coût,
- et donc qui sont normalement des...
- ou placer son épargne,
- et prendre des décisions sur son épargne,
- qui sont des décisions qui sont normalement
- nécessaires à la vie adulte.
- Dans ces enquêtes, on estime quand même
- qu'il y a deux tiers...
- alors c'est vrai en France, mais c'est vrai dans beaucoup d'autres pays,
- c'est vrai dans la moyenne de l'OCDE,
- il y a deux tiers des gens qui sont...
- qui n'ont pas les connaissances minimales nécessaires
- par rapport à ces décisions,
- et donc ça veut dire qu'ils peuvent être manipulés,
- qu'ils peuvent avoir des faux raisonnements,
- qu'ils peuvent... voilà.
- Et on va voir quelles conséquences ça peut avoir
- au niveau macroéconomique aussi,
- que d'avoir une mauvaise anticipation potentiellement.
- Et le fait qu'ils soient intéressés par ces questions,
- ça veut dire que tout le monde a bien compris
- et tout le monde vit dans sa vie de tous les jours
- qu'effectivement ces choses-là sont importantes,
- parce que les sollicitations sont nombreuses
- et parce qu'il est difficile d'avoir une vie
- dans le monde moderne sans avoir à se confronter
- d'une façon ou d'une autre à ces questions de finances.
- Et donc le décalage qu'il y a entre
- cette nécessité ou cette appétence
- et de l'autre côté les compétences,
- effectivement ça amène à se poser des questions
- sur qu'est-ce qu'on peut faire
- pour essayer de faire
- d'améliorer cette situation ?
- Comment mieux faire ?
- On va tout à fait en parler et vous avez raison
- quand vous dites qu'il s'agit là de questions assez financières
- en tout cas dans ces rapports de la Banque de France.
- Il faut déplier ce que « économie » veut dire
- quand on se demande si les Français ont une meilleure connaissance
- de l'économie et comment le contexte,
- la conjoncture joue sur cette connaissance
- ou cet intérêt en l'occurrence.
- En 2023, près des deux tiers des Français déclaraient
- que l'inflation et le pouvoir d'achat constituaient
- leur première préoccupation économique.
- 77% d'entre eux estimaient important
- à très important de s'informer
- sur la politique monétaire.
- Là, lors qu'est noué le corps, on le voit,
- on peut faire un lien direct entre la situation actuelle
- l'inflation touche tout le monde de fait,
- on a énormément parlé des outils mobilisés
- par la Banque Centrale
- et puis l'intérêt aussi peut-être de la population.
- Oui tout à fait mais là encore
- les sondages peuvent donner
- des indications très diverses
- sur le niveau de connaissance
- et de compréhension des Français.
- La manière dont ils reçoivent
- l'information par exemple
- sur la dette publique et le déficit public
- et la manière de le résoudre.
- On a un sondage par exemple
- qui en 1995
- on a les mêmes questions posées en 2010
- et ensuite en 2023
- qui vont montrer qu'en fait les Français
- vont trouver soudain que c'est très important
- ils sont plus préoccupés qu'auparavant
- de ces questions-là
- pour différentes raisons conjoncturelles.
- Mais la réponse en disant
- que faire pour résoudre le problème
- c'est on ne touche surtout pas à la dépense sociale
- éventuellement on peut
- toucher à la dépense militaire
- ou la gestion des collectivités locales
- mais surtout on n'augmente pas les impôts.
- Il y a un petit décalage entre la fin et les moyens.
- Mais c'est quelque chose de récurrent sur 30 ans.
- Donc je pense que c'est un point intéressant à souligner.
- Et en tant qu'historienne de l'économie
- certes, est-ce que le fait de voir
- 77% de la population française
- en tout cas des adultes interrogés par la Banque de France
- estimer important à très important
- de s'informer sur la politique monétaire
- c'est plutôt réjouissant ? Enfin moi ce chiffre m'a étonnée en tout cas.
- Oui tout à fait c'est important mais est-ce qu'ils en comprennent
- aussi tous les enjeux ?
- C'est un peu la difficulté et ça nous renvoie aussi
- peut-être à une question d'éducation
- financière mais aussi d'enseignement.
- Mais là ça nous entraîne très très loin.
- L'enseignement de l'économie aussi bien au lycée
- que dans l'enseignement supérieur.
- Et à la façon dont les discours sont produits
- aussi sur cette question. Voilà, c'est encore une question.
- Donc Nathalie, on a gagné
- tous ensemble, on a gagné à 4.
- Vous jouiez ensemble tout le temps ?
- Oui, depuis 20 ans à peu près.
- Oui.
- Nous on a enrichi la Française déjà.
- On a commencé avec les jeux.
- On a commencé avec le loto et quand l'euro million
- est arrivé en fait on a
- comme on avait vu que les gains étaient un peu plus
- importants à l'euro million,
- on a joué à l'euro million.
- Même numéro, ça paye.
- C'est le meilleur déplacement.
- On a du mal à réaliser.
- C'est...
- Je dirais même que c'est même honteux
- de dire que ça nous perturbe
- parce que ça ne devrait pas nous perturber.
- C'est un bonheur mais
- on n'est pas habitué à un certain vocabulaire.
- On n'était pas habitué à aller
- chez des fiscalistes.
- On entre dans un nouveau monde quand même.
- On calcule l'ISF
- au premier euro. C'est pas à partir
- d'un million trois ?
- Si c'est à partir d'un million trois mais l'ISF est calculé
- à partir du premier euro qui
- dépasse un million trois.
- Dans les banques on nous explique le contraire.
- Ça part de un euro à...
- Jusqu'à un million trois on est exodéré.
- Par contre si on dépasse
- on paye à partir d'un euro jusqu'à...
- Je n'ai pas compris alors en fait.
- Une avance sur un contrat
- d'assurance vie est un prêt
- remboursable, un achat
- un rachat partiel du contrat,
- une donation du contrat.
- C'est à deux ?
- Attends, attends, attends.
- On a une experte là en contrat d'assurance vie.
- Moi je pense que c'est un prêt remboursable.
- Pour vous il y a une avance et un rachat.
- Non, non, non, c'est pas donc...
- On suit
- votre consoeur.
- Allez, on y va.
- C'est un prêt remboursable. Bravo !
- Voilà un épisode
- des pièces sur terre diffusé le 8 avril 2019
- sur France Culture où l'on suit
- des individus, des ménages qui viennent de gagner au loto
- et qui découvrent de fait un monde nouveau.
- Ils suivent donc, vous l'entendiez dans cet extrait,
- un cours d'éducation à la finance
- pour découvrir les nouvelles façons de
- gérer sa fortune. Xavier Timbaud, ça c'est une nuance
- importante aussi. Est-ce que pour s'intéresser
- à l'économie et aux questions financières
- encore faut-il être soi-même concerné et donc disposer
- d'un certain niveau de revenu ou de patrimoine ?
- Ah alors oui, ça c'est une
- remarque qu'on peut se faire. On peut se dire
- finalement quand on n'a pas d'épargne,
- quand on n'a pas d'argent, à quoi bon
- s'intéresser à des questions
- de placement, d'inflation ?
- Alors en fait, c'est pas si simple. C'est que
- on peut
- être concerné par l'inflation
- simplement quand on touche un salaire ou même quand on touche
- une prestation. La question de la revalorisation
- de cette prestation, la question de comment son
- salaire augmente, est-ce qu'on gagne ou pas
- du pouvoir d'achat... C'est-à-dire que
- vous vous intéressez ou non à l'économie, l'économie
- s'intéressera à vous. C'est un peu ça, voilà. Et
- même si vous n'avez pas beaucoup d'euros
- sur votre compte en banque, ben
- quand vous les laissez sur votre compte en banque, ils se font
- manger par l'inflation. Donc
- avoir conscience de ça,
- c'est quand même des éléments importants.
- Alors, avoir une bonne compréhension du
- barème de l'impôt sur le revenu, là il y avait
- une discussion sur l'ISF, bon évidemment qui ne concerne que
- les gens qui... C'est l'exemple caricatural
- en fait. Qui sont soumis, enfin qui étaient soumis
- à l'ISF puisqu'il a été supprimé, mais
- malgré tout cette discussion elle existe
- exactement pour le barème de l'impôt sur
- le revenu. Et je pense qu'on pourrait avoir
- exactement les mêmes réflexions
- avec un peu de confusion sur est-ce que c'est au
- premier euro, est-ce que c'est au premier euro à partir
- du début de la tranche,
- comment le quotient conjugal
- c'est-à-dire quand on est
- paxé ou marié, qu'on fait une déclaration de commune
- va influencer sur votre impôt
- ou même, imaginez,
- quand vous vous séparez et que
- en milieu d'année vous allez devoir payer
- un impôt séparé,
- qui doit combien à qui
- dans le ménage, dans les deux personnes qui se séparent ?
- C'est-à-dire qui doit
- reverser le bénéfice
- du quotient conjugal
- à l'un ou l'autre ?
- Je pense que même
- pour les juges aux affaires
- familiales, c'est pas toujours si simple
- que ça de définir
- la règle de partage qui est associée à ça.
- On voit que ça a des conséquences assez directes
- et notamment sur la vie personnelle.
- Et ça a des conséquences évidemment très directes parce que
- dans votre vie personnelle,
- oui,
- le jour où vous vous divorcez,
- cette question va se poser
- et c'est une question qui peut se compter
- en quelques dizaines, centaines, milliers d'euros
- assez rapidement.
- Jean-Luc Tavernier, vous souhaitiez réagir ?
- Oui, moi j'étais frappé que dans le débat actuel sur
- la non-indexation du barème de l'impôt sur le revenu
- est revenu ce vieux fantasme
- du changement de tranche.
- On a tous connu ça,
- la peur de changer de tranche.
- Alors même que le barème en fait est continu.
- Donc quand on change de tranche,
- c'est la part imposable,
- additionnelle qui change.
- Mais il n'y a pas d'un seul coup, on s'appauvrit parce qu'on a changé de tranche.
- Et est revenue cette question-là.
- Et je trouve ça
- intéressant. Donc ce n'est pas uniquement
- concernant les personnes qui sont en haut
- de la distribution des revenus. Si vous prenez un autre exemple
- qui anime beaucoup le
- débat politique social
- ces derniers temps, c'est la question de la trappe à pauvreté.
- Et quand on gagne
- un euro, ou quand l'employeur
- paye un euro en plus, qu'est-ce qui va rester au ménage
- compte tenu du fait que vont passer
- la baisse de la primaire d'activité, la baisse des allocations
- de logements, l'entrée éventuelle de l'impôt sur
- le revenu, les allégements de cotisations
- en charge de cotisations sociales,
- etc. Et cette question
- devient, je trouve,
- et là, encore une fois, je vais peut-être voir le
- verre à moitié plein, mais il y a une sorte de
- maturation quand même qui s'est améliorée.
- Ceci dit,
- à l'inverse, oui, le fantasme
- du changement de tranche qui revient, ça m'a un petit peu déçu.
- France Culture
- Le fait d'être limité à 120 à l'heure sur les autoroutes
- Je trouve que c'est très bien.
- C'est très bien.
- L'arrêt des émissions de télévision à 23 heures.
- C'est parfait. C'est parfait.
- Et les vitrines qui ne seront plus éclairées en ville
- à partir de... C'est très bien. Je trouve qu'il faut faire des économies.
- Entendez-vous l'écho ?
- Je trouve que c'est ridicule parce que c'est pas la consommation
- d'essence qui fera baisser certainement le
- le nombre de gens
- qui prendront de l'essence ici, ça sera certainement le prix.
- Comment ça le prix ?
- Si on mettait deux prix différents, le prix
- pour les gens qui se promènent et le prix pour les gens qui travaillent.
- Aliette Auvin. Jean-Luc Tavernier,
- je me permets de citer une enquête de l'INSEE.
- C'est une circonstance de mai
- 2022, qui établissait que début
- 2021, 89,2% des
- ménages vivant en France détenaient des
- produits financiers. Donc on le voit quand même, ça concerne
- tout de même une très vaste majorité
- des Français. Il n'y a pas franchement
- d'exclus à 100% du système
- financier ou du système économique. Tout à fait. Alors ça peut
- être pour beaucoup d'entre eux un livret A
- un petit peu dormant, qui
- avec peu
- de décisions financières à prendre au jour le jour.
- Mais oui, en fait, beaucoup de gens
- malgré tout n'ont pas témoin de financiers.
- Je voulais juste rebondir sur
- la question justement de ces barèmes
- et de la perception des Français de leur
- niveau d'imposition.
- Je m'interrogeais, en fait,
- je n'ai pas vraiment la réponse, sur l'instauration
- de l'impôt à la source.
- L'impôt sur les revenus à la source, parce que finalement
- certains vous disent, on a enfin sur notre
- fiche de paye, on voit combien on paye.
- Et il y en a d'autres qui disent, non, finalement
- maintenant les jeunes, ils raisonnent en net net.
- Donc ils ne voient même plus
- le brut initial.
- Ils disent, voilà, moi je veux tant, ils demandent à l'entreprise
- ce salaire-là, et du coup
- l'impôt à la source n'a pas du tout
- le même effet. C'est une question
- que je voulais poser.
- Mais c'est une très bonne question dans le sens où
- ça entraîne aussi toute la réflexion autour du niveau
- de transparence qui est de plus en plus
- exigé, et notamment la très très
- vaste question de savoir où vont nos impôts.
- Ça reste aussi une question démocratique extrêmement
- importante.
- Xavier Thimbaud, est-ce qu'on pourrait dire tout de même
- que les Français sont plus
- concernés par leurs finances personnelles et par les
- façons de la gérer depuis les années 2000 ?
- Est-ce qu'il y a eu des changements structurels,
- des changements institutionnels, et notamment au niveau du système
- bancaire, qui font que les Français sont
- de fait confrontés à peut-être plus de choix,
- et donc sont un peu obligés de mettre les mains dans le cambouis ?
- Alors, bon, c'est toujours difficile de
- vraiment établir des choses
- sur les perceptions
- des Français ou d'autres pays
- sur ces questions, parce qu'en fait c'est des points qui sont
- relativement peu abordés.
- Par contre, en matière bancaire,
- il s'est passé beaucoup de choses
- au cours des 25,
- 50 dernières années,
- qui est une augmentation de la concurrence,
- et donc du coup,
- pour les Français, et en particulier
- les Français qui empruntent au moment de faire
- un achat immobilier, donc c'est pas tous les Français,
- mais c'est quand même une part assez importante,
- ou même qui empruntent quand
- ils font appel au crédit à la consommation,
- évidemment cette concurrence, elle signifie
- un certain nombre de choses. Elle signifie d'abord
- des sollicitations, un accès
- plus facile au crédit, mais
- aussi la nécessité
- de comprendre, de comparer,
- avec la possibilité de comparer,
- parce qu'il y a aussi des intermédiaires
- qui se sont placés sur ce segment,
- en essayant d'apporter de l'information,
- en essayant de guider les choix, et là,
- je pense que clairement, on voit aujourd'hui
- que le rapport
- à ces questions financières
- est plus du tout celui qu'on pouvait avoir
- dans le passé, qui était en gros
- intermédiaire par votre banquier,
- qui jouait un peu le rôle d'un notaire
- financier, qui était un conseil
- et en même temps le producteur du service,
- et en même temps aussi
- un peu le garant
- de cette opération, avec souvent
- une relation familiale et générationnelle
- du banquier, qui passait
- de génération en génération,
- à un rapport qui est beaucoup plus
- on pourrait dire consumériste,
- mais qui est peut-être aussi beaucoup plus
- finalement responsable,
- où on reprend à sa charge
- la responsabilité vis-à-vis
- de la décision financière,
- et où le banquier est cette fois-ci plus
- un vendeur,
- donc avec tous les éléments
- qu'on peut y associer,
- et en particulier la possibilité
- de pouvoir se faire avoir,
- ou de devoir être dans une position de négociation.
- Après 2000,
- le mouvement
- de baisse des taux d'intérêt,
- par exemple, s'est accompagné d'un grand mouvement
- de renégociation des crédits bancaires,
- qui là a
- un symptôme très fort et assez nouveau
- de la relation avec son banquier,
- parce que la possibilité d'aller
- discuter d'un emprunt déjà contracté
- auprès de sa banque
- est évidemment quelque chose de relativement
- nouveau, qui n'existait pas au XXème siècle
- du tout,
- où cette relation était figée,
- et elle était en fait à la main de la banque,
- et là elle a changé de camp.
- Voilà, donc ça c'est des éléments
- qui font que
- oui, il y a un changement
- de position sur
- ces questions-là, moins infantile,
- plus responsable, plus actif,
- mais aussi plus exposé du coup,
- parce que le banquier paternaliste
- pouvait quand même avoir quelques avantages.
- Et de fait, Xavier Thimbault, cette question
- de la confiance et de la confiance dans sa banque,
- potentiellement avec ce lien de proximité aussi que vous évoquez,
- s'est tenue, et ce
- malgré la grande crise financière
- des années 2007-2008,
- c'est ce qu'on entend dans ce reportage.
- Bonsoir, et bienvenue à tous. Sans être
- spécialiste de la finance, il y a
- des noms prestigieux que chacun connaît,
- Rothschild, Morgan ou
- Lehman Brothers. Et bien c'est
- cette dernière banque d'affaires qui est ruinée
- aujourd'hui. Elle annonce sa mise en faillite.
- C'est un coup de tonnerre dans le monde économique.
- Et aussi le signe que la fameuse crise
- des subprimes n'est pas du tout terminée.
- Sophie Brune, Bernie Merriam.
- New York, hier soir. Après un week-end
- de tractations, la nouvelle tombe.
- Lehman Brothers ne sera pas sauvée.
- La quatrième banque d'affaires américaine est en faillite.
- Sans attendre, des employés
- viennent vider leur bureau.
- C'est terrible, terrible.
- On ramasse toutes nos affaires.
- Parallèlement, un autre établissement
- de renom, Merrill Lynch, est racheté
- par Bank of America.
- Un séisme inédit selon l'ancien
- gourou des marchés, Alan Greenspan.
- C'est la crise la plus grave
- sans doute depuis un siècle.
- La conséquence sur les bourses est
- immédiate. Dans la nuit, en Asie,
- puis ce matin en Europe,
- les marchés plongent. 15h15
- à Paris. Dans cette salle de marché,
- on scrute les statistiques. C'est l'heure
- de la production industrielle américaine.
- Sans surprise, elle est mauvaise.
- C'est vraiment la journée
- des mauvaises nouvelles aujourd'hui.
- 9h30, heure de New York,
- l'ouverture de Wall Street.
- Toute la planète finance a les yeux rivés
- sur le marché américain.
- À Paris, on attend les cotations avec angoisse.
- Une faillite, un rachat...
- C'est...
- C'est pas courant d'avoir comme ça, dès le lundi,
- autant d'infos, autant de
- mouvement.
- On attend une très grosse journée.
- Pas inquiétude du tout. Au contraire,
- la Caisse d'épargne, pour moi, c'est un organisme
- qui date de longue date. Et de ce fait,
- j'ai confiance dans la maison.
- Je vais voir selon ce que ça va
- donner. Voilà.
- Ça consisterait en quoi ? Vendre ?
- Retirer de l'argent.
- Peut-être un peu, pour avoir un peu
- d'argent sous la main.
- Un client qui a des actions a aussi,
- le trois quarts du temps,
- de l'épargne liquide. C'est-à-dire
- que si d'aventure il avait besoin
- de faire un investissement, il pourrait
- à ce moment-là,
- retirer son épargne liquide.
- Sans avoir à revendre ses actions.
- Je suis venu céder mes titres
- et tout reverser
- sur mon compte personnel.
- Voilà.
- Parce que la bourse
- m'inquiète.
- Alors Kenwell Core, c'était un ensemble de réactions
- récoltées dans une banque régionale près de Nice.
- C'était en octobre 2010.
- Donc on est dans le sillage effectivement
- de cette crise de 2008.
- Est-ce qu'elle a marqué cette crise-là ? Une sorte de tournant ?
- On va dire dans le rapport des Français à l'économie.
- Alors je ne parle pas encore des questions
- de dette parce qu'on va y venir
- je vous le promets.
- Mais de façon générale, est-ce qu'on peut dire
- qu'il y a une forme peut-être de crise
- de la confiance ? Mais en attendant, on n'a pas vu non plus
- les gens se ruer pour vider leur compte en banque.
- Est-ce qu'il y a eu un avant et un après crise
- de 2008 de ce point de vue-là ?
- Écoutez, je ne sais pas. D'après ce que j'ai pu en voir
- dans les enquêtes d'opinion
- et les séries
- de journaux que j'ai analysés, effectivement
- il y a un intérêt
- accru sur ces questions
- économiques et financières
- qui se traduit par une
- inquiétude
- très forte qui se retrouve
- dans les sondages faits notamment par Jérôme Fourquet
- dette publique, inquiétude publique
- pas seulement des dettes mais effectivement
- c'est un sujet qui commence
- à inquiéter et plus largement
- on se pose la question
- de l'importance de la finance
- dans l'économie.
- Et de cette finance très lointaine, le fait de cette finance
- où il n'y a plus vraiment d'intermédiaires, c'est ce qu'on disait
- et où tout est beaucoup plus flou
- et donc de fait potentiellement coupable
- ou en tout cas soupçonnable
- on va dire, ça aussi, ça a joué
- potentiellement l'organe Wellicore.
- Jean-Luc Tavernier, est-ce qu'on peut dire de façon plus générale
- les moments de crise sont aussi
- des occasions de prise de conscience générale
- de phénomènes macroéconomiques ?
- On a beaucoup parlé de finance, de finance personnelle.
- Est-ce que les crises s'imposent
- et de fait, bon gré, mal gré
- on cherche à en comprendre les mécanismes ?
- Oui, j'espère qu'on apprend des crises
- et on en a eu beaucoup.
- On a eu la crise financière, on a eu la crise Covid
- on a eu la crise liée
- à la hausse des prix d'énergie de certains produits alimentaires
- liée à la guerre en Ukraine
- et je pense que déjà
- il faut qu'on apprenne, je pense qu'on apprend
- que l'économie ne gouverne pas tout et qu'il y a des chocs
- sanitaires ou des chocs géopolitiques
- qui s'imposent à l'économie.
- La deuxième chose
- c'est je pense qu'on a appris aussi
- qu'on n'était pas forcément
- pour parler un peu en jargon macroéconomique
- en situation de déficit de demande.
- Et en situation où les politiques
- canadiennes s'imposent. Il nous est arrivé
- avant 2019
- et puis en sortie de Covid
- d'avoir des situations dans lesquelles
- il y avait plus d'entreprises qui étaient contraintes par l'offre
- difficultés d'approvisionnement, difficultés de recrutement
- que par des difficultés de demande. Et donc
- l'économie c'était quelque chose d'un peu plus compliqué
- que quelque chose de nécessairement hydraulique.
- Donc je pense qu'on a appris
- de nos...
- on apprend de ces crises, très certainement.
- Il y a malgré tout un point commun
- à toutes ces crises, c'est que l'Etat est protecteur.
- On a mis beaucoup d'argent au moment
- de la crise financière. Ça n'a pas été forcément
- un trou pour le déficit
- les aides des banques.
- Mais il y a eu des aides
- en tout cas macroéconomiques pour absorber
- la crise économique liée
- à la crise financière. Idem au moment du Covid
- on le sait bien. Idem avec les boucliers
- au moment de la crise énergétique.
- Et ce côté protecteur
- auquel on tient beaucoup
- notamment dans ce pays qui n'est pas partagé par tous les pays
- même européens, en tout cas
- de la même manière. Ce côté protecteur peut avoir aussi
- un côté qui nous éloigne
- nous tous
- d'en fait la prégnance des crises
- et du fait qu'à un moment donné, quand il y a un choc
- il faut que
- quelqu'un le ressente.
- J'ai quand même cette réserve.
- Et ce qui est intéressant
- également c'est que cette crise de 2008
- et là pour le coup ça a été analysé de façon
- par la théorie économique. Je renvoie notamment
- les auditrices et les auditeurs à un très bon article
- de Lucas Rondel sur le sujet.
- Mais il a été beaucoup dit que la crise financière
- prenait en partie son origine
- d'une méconnaissance de l'économie.
- Alors là pour le coup des ménages américains qui n'ont pas
- bien saisi finalement
- quels étaient les enjeux de leur
- niveau d'endettement et qui s'étaient retrouvés un peu
- piégés de fait dans cette spirale-là.
- Xavier Thimbault, il faut qu'on parle
- quand même de pourquoi est-ce important
- que les individus, les ménages,
- les acteurs économiques, ceux qui font l'économie au quotidien
- aient une bonne connaissance de l'économie.
- Est-ce qu'une économie que l'on
- comprend c'est une économie qui va mieux ?
- Alors c'est pas forcément une économie qui va mieux
- mais je pense que...
- pour continuer dans
- la voie qu'a empruntée Jean-Luc
- Tavernier à l'instant, je pense que
- les économies sont effectivement
- des lieux d'incertitude
- et de complexité.
- Donc évidemment quand chacun des acteurs
- déjà est conscient de cette incertitude
- et de cette complexité, il est plus à même
- d'avoir d'abord
- les réactions de prévention,
- de se protéger de ce genre de situation
- et puis aussi de pouvoir réagir une fois que
- des mauvaises nouvelles arrivent, de savoir quoi faire.
- C'est-à-dire pouvoir adapter
- quand son revenu diminue très rapidement
- pouvoir adapter ses décisions
- de dépenses assez rapidement
- pour éviter de se retrouver en déficit
- la dette privée n'étant pas du tout la dette publique
- à cet égard.
- Pouvoir peut-être
- comprendre qu'il faut s'assurer
- contre un certain nombre de risques qui peuvent arriver
- qui ne sont pas forcément couverts par le système social
- du pays dans lequel on vit.
- Ou même comprendre, et je pense que ça aussi
- c'est très important, que
- le pays dans lequel on vit vous donne une assurance
- mais que cette assurance n'est pas gratuite
- qu'elle a un coût
- et qu'elle a des conséquences ensuite.
- Je ne sais pas si Jean-Luc pensait à ça mais
- on a baissé les taxes sur l'énergie
- au moment de l'augmentation des prix de l'énergie
- il est question aujourd'hui
- de les...
- évidemment rétablir
- ce que tout le monde semble accepter
- mais éventuellement de les accroître
- d'une certaine façon, payer
- ce qui a été donné
- pendant la crise énergétique
- et la diminution de ces taxes.
- Ce qui paraîtrait finalement assez logique
- mais dont on voit que
- ça se retrouve à faire face
- à un bouclier d'opposition
- qui trouve cette possibilité
- cette perspective totalement injuste
- et donc qui y répond avec beaucoup de violence.
- Donc il y a un petit mélange entre
- la défense de ses intérêts
- d'un côté, alors évidemment
- plus on est instruit, plus on est informé
- plus on peut avoir conscience
- de ses intérêts et les défendre
- et puis de l'autre côté, cette capacité quand même
- à un peu se décentrer et à comprendre
- qu'on fait partie d'un système
- et qu'il y a des échanges. Alors c'est à la fois
- un problème d'éducation mais c'est aussi
- un petit peu un problème de morale en fait.
- Bien sûr et on va y revenir d'ailleurs
- et d'idéologie en fait.
- De compréhension que
- il y a des choses qui sont des contrats
- et que dans un contrat il y a des droits
- évidemment mais il y a aussi des devoirs
- à un moment donné et que l'un ne peut pas
- laisser l'autre et que à dénoncer
- les devoirs quand ils vous arrivent
- devant vous, on risque
- de perdre les droits demain.
- Jean-Luc Tavernier, avant de rentrer peut-être dans ces considérations
- peut-être plus politiques et c'est important
- quand même de savoir comment aussi
- le discours économique a une traduction de fait
- idéologique potentiellement politique.
- Jean-Luc Tavernier, on a parlé de l'économie
- de façon très générale. On voit qu'il y a plusieurs
- branches qui peuvent être distinguées entre
- finance, économie internationale, macroéconomie.
- De la même façon on parle depuis le début de l'émission
- des français entre guillemets.
- Alors les français, et je parle au directeur
- de l'INSEE que vous êtes,
- les français c'est aussi très concrètement
- des paramètres. C'est la demande,
- c'est l'épargne. Autrement dit ce sont
- aussi des moteurs de l'économie. Dans quelle mesure
- on a besoin de savoir ce qu'ils
- comprennent, ce qu'ils pensent et potentiellement
- ce qu'ils ressentent aussi pour
- modéliser finalement
- certains
- comportements et puis pour modéliser finalement
- les décisions de politique publique à prendre.
- C'est absolument fondamental.
- Nous on regarde beaucoup le ressenti
- des français. D'ailleurs j'ai fait un
- billet de blog et c'était la suite à une sollicitation
- de la fondation Jean Jaurès pour expliquer qu'aussi
- en statistique publique on s'efforçait
- de mesurer le ressenti, le bien-être des gens,
- leur perception de l'inflation, j'en ai parlé
- tout à l'heure, leur perception du chômage
- et ça a des conséquences
- très très concrètes y compris
- là sur des prévisions à très court terme.
- On est dans une situation où
- en Europe et particulièrement en France
- on a un taux d'épargne globalement
- qui est nettement plus élevé qu'avant Covid.
- Et c'est quelque chose que
- sous réserve, sauf si Xavier
- a un scoop aujourd'hui, globalement
- la communauté des économistes comprend mal.
- Elle a du mal à expliquer. Donc qu'est-ce qui justifie
- cet excès,
- enfin surcroît,
- c'est un jugement de valeur, surcroît de
- précaution des français pris globalement.
- Alors nous on essaye
- de faire des choses et on essaye justement de sortir
- du français pris globalement parce que personne n'est
- le français moyen. Et bien évidemment.
- Et donc on a publié le 5 novembre, on publiera
- chaque année et j'espère que ça va nous
- permettre d'améliorer notre connaissance
- de ces choses-là. Des comptes distributionnels
- où on ne se contente pas de
- consommation, revenus, épargne sur
- l'ensemble des français mais on regarde
- selon l'âge, selon la situation professionnelle
- etc. pour essayer de comprendre.
- On voit bien sûr que l'épargne est extrêmement concentrée sur
- les plus hauts déciles, les plus bas déciles étant plutôt
- en situation d'endettement ou de désépargne.
- Mais ça ne suffit pas pour l'instant
- à, je trouve, trouver
- concrètement la raison de
- ce surcroît d'épargne. Et ne serait-ce
- que pour les prévisions à court terme, savoir si
- ce comportement de précaution va continuer,
- s'il va se réduire un petit peu
- et si la consommation
- dont on attend quand même un réveil
- pour soutenir l'activité dans les
- trimestres et les années qui viennent sera au rendez-vous,
- c'est absolument crucial. Donc
- pour répondre à votre question, oui, c'est fondamental.
- Xavier Thimbaud, je pose la question aussi
- parce que Les Échos ont cité un chiffre
- que j'ai trouvé assez effarant
- je dois le dire. Ils estiment que
- le manque de culture économique
- ferait perdre à la France 26 milliards
- d'euros par an du fait notamment de places
- peu efficaces de l'épargne. Ça vous semble crédible,
- Xavier Thimbaud ? Ça ne me semble pas
- invraisemblable.
- Les Français, vous citiez
- Lucas Rondel tout à l'heure
- et avec André Masson, ils ont fait
- un certain nombre de travaux justement sur
- la perception du risque
- dans les placements que font
- les Français. Et de ce point de vue-là,
- la France est quand même un peu une anomalie
- dans laquelle les Français recourent
- beaucoup à des intermédiaires. Donc ils passent par
- l'assurance-vie, ils passent par des produits réglementés
- plutôt que de posséder
- eux-mêmes directement des produits financiers.
- Alors on pourrait dire bah oui mais
- ça simplifie la vie et puis après tout.
- Oui, sauf qu'en fait à chaque fois c'est des
- frais de gestion qui sont pris. Et ces frais de gestion
- ils sont de l'ordre de
- 1% en gros dans les placements
- que vous faites par an. Jean-Luc Tavernier ?
- Il y a ce point, Xavier, plus le point que
- les Français sont moins investis en
- titres d'actions, en titres d'entreprises
- qu'en produits d'obligation.
- Et
- alors c'est toujours facile de faire le calcul rétrospectivement
- bien sûr mais rétrospectivement
- sur le long terme on gagne plus
- en ayant des actions que des produits à taux fixe.
- Ça signifie pas que c'est une
- règle d'airain pour l'éternité mais
- c'est avec ce genre de
- je pense d'estimation qu'on a ces
- ordres de grandeur dont vous parliez. Après est-ce que
- c'est l'économie française qui
- paie cet argent ? Bah
- c'est pas si simple parce que là pour le coup
- c'est en fait de l'argent qui change de poche. C'est-à-dire
- au lieu d'être dans la poche des ménages, il est dans la poche des intermédiaires
- financiers. Bon les
- intermédiaires financiers ont
- d'autres choses et puis à la fin ce sont des
- ménages en fait ces intermédiaires financiers.
- Donc c'est leur revenu et c'est
- leur fortune. Donc ça peut
- contribuer à des inégalités, ça peut
- contribuer à le sentiment
- que la finance prend trop de place et
- beaucoup de place. Mais en même temps c'est
- un peu le paradoxe. C'est-à-dire que d'un côté beaucoup de Français pensent
- qu'il y a trop de finances et qu'on vit dans un monde
- trop financiarisé. Et puis de l'autre côté
- en fait privilégient des produits
- intermédiaires
- laissant à d'autres le soin
- finalement de prendre ces décisions financières qu'ils ne veulent pas prendre.
- Donc oui c'est un paradoxe et c'est
- sur des ordres de grandeur qui sont considérables.
- Juste pour réagir effectivement
- sur cet attachement aux produits intermédiaires
- ça ne date pas d'hier évidemment.
- C'est un attachement
- qui remonte peut-être au début
- du XXème siècle et même
- au-delà. On a
- en plus les propositions qu'on a faites
- aux Français, c'était justement par les investisseurs
- institutionnels,
- les compagnies d'assurance et qui elles-mêmes
- devaient détenir
- un certain nombre d'obligations. C'était l'obligation de
- la France.
- Donc on a un système qui s'est mis en place
- progressivement et qui effectivement
- a conduit à ce que les Français ne soient
- pas directement en prise sur
- les placements. Et c'est aussi quelque chose
- qu'on peut rattacher au fait que les marchés financiers
- en France sont
- en tout cas depuis
- 1945 étaient
- vraiment une peau de chagrin dans le financement
- de l'économie jusqu'à la période des années
- 80. Donc peut-être qu'on a des cultures
- de long terme comme cela sur
- le manque d'appétence pour
- le placement en action. Et que finalement
- cette place des économies, on va dire,
- des ménages français au sein du système
- économique français plus global est relativement
- récent. Donc peut-être qu'on peut comprendre
- effectivement qu'il y a une forme de culture
- encore peut-être à mettre en place.
- Alors justement par quels canaux passent les informations
- économiques et comment ont-ils évolué
- en 25 ans ? La politisation
- si on peut le dire ainsi, la donnée économique
- est-elle le marqueur de ce quart de siècle ?
- Quoi qu'il arrive, on a beau ne pas s'y connaître
- beaucoup dans certaines disciplines perçues comme très
- techniques, il reste des valeurs sûres
- et c'est Sam Cooke qui le dit.
- ...
- ...
- Sous-titrage Société Radio-Canada
- Sous-titrage Société Radio-Canada
- C'est parti.
- What a wonderful world ! Quel monde merveilleux est celui de l'économie, pour peu qu'on en saisisse les rouages et les principes.
- Les Français sont-ils en 25 ans de crise, monétaire, budgétaire ou financière, mais aussi de déploiement de nouveaux outils devenus de meilleurs économistes ?
- C'est notre sujet du jour. Entendez-vous l'écho et vous êtes bien sur France Culture.
- Autour de la table se trouvent toujours, et je les en remercie, Jean-Luc Tavernier, directeur général de l'INSEE, Xavier Thimbault, directeur de l'OFCE,
- et Laure Kenwell-Core, économiste et historienne, directrice de recherche au CNRS.
- Alors nous avons vu que le rapport de l'économie à la population et inversement de la population à l'économie et sa bonne compréhension par le commun des mortels
- variait considérablement selon les circonstances, si nous sommes en période de crise ou non, et à plus forte raison de fait en temps de crise.
- Et ce, d'autant plus qu'à l'occasion de ces crises, des discours nouveaux émergent, brouillant encore un peu plus les pistes.
- Mario Draghi, président de la Banque Centrale Européenne, le 26 juillet 2012.
- Elena Salgado, ministre de l'économie espagnole, le 10 mai 2010.
- La grande disponibilité...
- ...sont placées pour garantir la stabilité financière en Europe.
- Emmanuel Macron, le 31 décembre 2020.
- Notre pays est l'un de ceux qui est le plus intervenu pour protéger et accompagner les jeunes, les travailleurs, les entrepreneurs.
- Ce quoi qu'il en coûte, je l'assume.
- Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, le 7 novembre 2024.
- ...qui honnêtement ici peut se plaindre des dépenses...
- ...pour ce que nous avons engagé pour les salariés, les entrepreneurs, les français, pour protéger, parce que c'est bien ça le rôle de l'État, protéger.
- Nous avons protégé en alourdissant la dette publique de 15 points. Entre 2008 et 2010, ça a été 35 points pour protéger.
- Nous avons protégé aussi en résistant aux déluges de dépenses supplémentaires que tout le monde m'a réclamé pendant cette période-là.
- Et je constate que les plus virulents naguèrent pour dénoncer notre souci d'économie...
- ...sont les plus critiques maintenant de notre pays.
- ...et de notre prodigalité.
- L'oubli est l'ennemi des grandes démocraties.
- Alors pour rafraîchir la mémoire de toutes et de tous, je tiens à leur disposition les milliers de courriers, amendements, propositions de lois...
- ...qui représentent au total près de 400 milliards de dépenses supplémentaires.
- Ils sont tous archivés.
- Voilà la menace de Bruno Le Maire. Tout est archivé.
- Lorcan Ouellecor, vous le dites dans votre ouvrage, depuis une vingtaine d'années, le sujet de la dette publique est omniprésent dans les médias et dans les publications françaises et étrangères.
- ...le phénomène est encore plus puissant.
- Il est prégnant depuis la crise des subprimes, la pandémie de Covid, puis le retour de l'inflation.
- Lorcan Ouellecor, est-ce qu'on peut dire qu'il y a eu un avant et un après, whatever it takes, notamment dans les discours diffusés à propos de la dette ?
- Oui, en tout cas sur la dette publique, effectivement.
- Moi, j'ai senti cette bascule dans le discours sur la dette et donc sans doute sur la réception par les Français.
- C'est-à-dire qu'il y a une vraie idéologisation du sujet.
- Puisque, en fait, il faut rappeler le contexte général.
- On est justement la critique virulente de la responsabilité des banquiers qui ont provoqué cette crise des subprimes
- et qui vont donc appauvrir le monde entier.
- Il y avait Occupy Wall Street, il y avait le mouvement Attaque, le mouvement d'abolition des dettes du Tiers-Monde.
- Tous ces mouvements, même le mouvement des indignés de Stéphane Hessel,
- tous ces mouvements se sont un petit peu focalisés justement après sur cette crise des subprimes.
- Et ont engendré un discours assez politisé sur la dette publique.
- Donc, c'était soit la dette illégitime, on dit plus odieuse...
- C'est le déni du titre de votre ouvrage.
- Oui, mais bon, le déni était plus compliqué parce qu'il y a eu la dette cachée, invisibilisée, niée, etc.
- Là, c'est vraiment la dette illégitime qui, en fait, est due au...
- Avant, il y avait la dette odieuse.
- La dette odieuse qui date de la dette que les bolcheviques n'ont pas voulu rembourser.
- La dette sariste qu'ils n'ont pas voulu rembourser.
- Là, on est passé à la dette illégitime parce qu'elle est due à des banquiers qui sont la cause de tous nos maux.
- Donc, il y a eu toute une partie d'un discours politique qui a porté cette...
- Et de l'autre côté, on avait un discours très anxiogène sur la dette, l'État au bord de la faillite, etc.
- Donc, c'était très clivant.
- Et c'était, à mon avis, assez nouveau.
- Et en fait, je pense que c'est pas bien parce que ça...
- Ça a un peu biaisé la perception de la dette et on en a fait un objet polémique
- au lieu de pouvoir réfléchir posément sur ces enjeux, sur les possibilités, sur les relations.
- Et en fait, ça a faussé complètement le débat.
- C'est ça. On en parle plus, de façon plus polarisée,
- ce qui ne permet pas forcément d'en comprendre les mécanismes assez, on va dire, objectifs.
- Cela dit, l'endettement comme recours face à la crise qui menace, voire qui est déjà là, Xavier Thimbault,
- c'est quand même quelque chose de nouveau qui débarque.
- Ce qui contraste quand même avec le début des années 2000.
- On sort quand même des années 80-90 des résidus alternatifs.
- Il y a quand même une espèce de vent de renouveau qui a dû potentiellement bouleverser la culture économique de certains.
- Oui, je pense qu'effectivement, on a, comme le rappelait Bruno Le Maire, une tendance à l'oubli.
- Pas avec lui, mais il a les dossiers.
- Oui, mais je pense que même Bruno Le Maire a pu oublier les choses.
- On pourrait s'interroger sur ce qu'il...
- ce dont il se souvient et ce qu'il a oublié.
- Mais on a effectivement vécu, entre les années 80 et les années 90-2000,
- une phase assez longue dans laquelle la question économique était vraiment une question un petit peu dégagée de la politique.
- C'était la fin de l'histoire, c'était la mondialisation, c'était la construction européenne,
- ce qu'on appelle parfois, même si je n'aime pas du tout ce terme,
- le néolibéralisme qui s'imposait avec la fameuse phrase de Margaret Thatcher,
- « There is no alternative ».
- Et l'idée que la politique se situe ailleurs.
- C'est aussi, pour faire un tout petit peu de théorie économique,
- l'idée que les questions d'efficacité économique sont orthogonales aux questions de justice.
- Et donc, voilà, on peut mettre de la politique dans la justice,
- dans la justice sociale, la justice redistributive,
- mais que dans l'économie, en fait, on ne peut pas trop mettre de politique.
- Il y a des règles qui s'imposent à tout le monde,
- que ce soit des États, des entreprises, des ménages,
- qu'elles ont des contingences un petit peu différentes suivant les acteurs,
- mais au fond, tout le monde est soumis à ce même schéma.
- Et tout ça dans l'idée que, en fait, c'est pour le mieux et le meilleur des mondes,
- parce qu'on va entrer dans une espèce d'ère de rationalité imposée par les marchés,
- et où on combine rationalité et liberté.
- Et donc, finalement, on a un système qui est assez acceptable pour tout le monde,
- et qui est très universel.
- Et je pense que, voilà, la crise financière de 2008,
- le retour de la géopolitique, les questions commerciales avec la Chine et les États-Unis,
- Donald Trump aux États-Unis, le Covid, la guerre en Ukraine,
- tous ces événements, en fait, sont des événements dans lesquels on se rend compte que,
- oui, la géopolitique, les questions sanitaires, les questions sociales,
- avec aussi la question des inégalités,
- qui est devenu un thème très important aux États-Unis,
- peuvent l'emporter sur les questions économiques.
- Par exemple, le sentiment des Français vis-à-vis de la mondialisation a basculé au cours des dix dernières années.
- Il était plutôt positif, il devient plutôt négatif.
- Et à côté de ça, effectivement, se trouve une espèce de réappropriation par le politique
- de champs qui étaient un peu oubliés dans ces années du « il n'y a pas d'Internet ».
- Alors, parfois, avec quand même des positions radicales un peu extrêmes,
- on pourrait parler du programme du Rassemblement National ou du nouveau Front Populaire,
- on pourrait trouver parfois un petit peu de la pensée magique, y compris en économie.
- Alors justement, sur ces liens entre potentiellement « pensée magique »
- et, on va dire, « réalité économique », si tant est qu'elle existe,
- et en tout cas cette potentielle politisation,
- je voudrais vous faire entendre un extrait diffusé sur BFM TV, c'était en avril 2012.
- On a la totalité de l'offre 2012, que ce soit Sarkozy ou Hollande.
- Alors, vous aurez remarqué que tous font des paris très aléatoires sur l'avenir.
- Tous ont des mesures un peu floues.
- Tous font le rêve que la croissance va toucher les 2,5% dès 2014.
- Maintenant, c'est parti. Faites vos jeux, rien ne va plus, la roue va tourner pendant une dizaine de jours.
- Si vous ne voulez pas payer plus d'impôts, changez de pays.
- Parce que Sarkozy ou Hollande, c'est kiff-kiff.
- Avec légère avantage pour Nicolas Sarkozy, qui taxera un tout petit peu moins.
- Maintenant, si vous pensez qu'il faut de la rigueur, si vous pensez qu'il faut geler la glace,
- la dépense publique, si vous pensez qu'il faut plus de secteurs privés,
- qu'il faut réformer le marché du travail, qu'il faut conserver le parc nucléaire en l'état,
- votez Nicolas Sarkozy.
- A l'inverse, si vous pensez qu'il faut taxer les riches,
- si vous pensez qu'il faut augmenter les dépenses,
- ou en tout cas, les quasi-geler,
- si vous pensez qu'il faut ne pas attaquer les collectivités locales sur leurs dépenses,
- si vous pensez qu'il faut embaucher des fonctionnaires,
- qu'il faut conserver le droit du travail en l'état,
- et qu'il faut réduire le parc nucléaire français,
- votez François Hollande.
- Jean-Luc Tavernier,
- Alors moi, je vais vous dire, d'un point de vue un peu différent,
- je n'ai jamais cru que l'économie s'était imposée aux politiques.
- Et je pense que les pays ont toujours eu des préférences collectives différentes et les ont manifestées.
- On n'a pas les mêmes préférences collectives en Europe qu'aux Etats-Unis,
- on n'a pas les mêmes préférences collectives en France qu'en Europe,
- et on est en France, le pays maintenant, plus que les Scandinaves,
- qui a le modèle social, socialisé, dépenses publiques préalablement obligatoires,
- le plus élevé. Et c'est notre choix, et faire une offre, c'est tout à fait légitime.
- Évidemment, ça a quand même des contraintes, ça oblige.
- Ça oblige à ce que le système public soit efficace, on ne va pas vouloir payer pour.
- Ça oblige aussi... Est-ce qu'il s'est passé à la faveur de chaque crise ?
- On accroît les dépenses publiques parce qu'il est légitime de vouloir absorber le choc,
- il est légitime de vouloir intervenir, de vouloir protéger les Français du choc.
- Mais si ensuite on ne réduit pas, on ne revient pas à un arrière,
- il se passe une marche sur la dépense publique,
- les préalables obligatoires ne peuvent pas suivre parce qu'effectivement,
- on est à un niveau de taux où la concurrence fiscale avec les autres pays s'exerce,
- l'appétence à payer l'impôt aussi a des limites,
- et on arrive à secréter un déficit, ne plus arriver à le réduire,
- à avoir une dette qui monte, qui monte, qui monte.
- Donc, on peut avoir un modèle social différent, et on l'a eu continuellement.
- Simplement, ça oblige, ça oblige à une certaine efficacité,
- ça oblige à une certaine responsabilité, et la gestion contracyclique,
- c'est bon, quand il y a une crise,
- quand il y a une crise, on aide, quand la crise se dissipe,
- il faut revenir à plus de sérieux, de responsabilité,
- sans ça, il y a une tendance qui est insoutenable, arithmétiquement insoutenable.
- C'est extrêmement intéressant ce que vous dites, Jean-Luc Tavernier,
- puisque ça interroge en fait quelque chose de fondamental,
- le rapport des Français à l'État.
- On a beaucoup parlé de la connaissance des Français via de l'économie,
- mais en fait, il faudrait se demander peut-être s'il n'y a pas une vision française de l'économie,
- lors qu'est noué le corps.
- En plus, vous le dites dans votre ouvrage,
- en France, dès le début des années 2000,
- on voit qu'il y a une sorte de fossé qui se creuse,
- et notamment avec la Grande-Bretagne et l'Allemagne.
- Tony Blair lui fait campagne sur le respect des plafonds de dépenses publiques en 1997.
- L'Allemagne est campée sur sa règle d'or d'un déficit à 0,5% du PIB.
- En France, on n'a clairement pas la même vision.
- Ça interroge ce lien, ce rapport à l'État aussi, lors qu'est noué le corps.
- Alors, j'apporterais un peu une nuance par rapport à cela,
- c'est qu'effectivement, l'Allemagne et la Grande-Bretagne ont fait,
- dans ce tournant décisif, la réforme structurelle.
- En France, on a essayé.
- En fait, c'était un peu...
- C'était un peu plus tardif, c'était en 2006,
- puisque Nicolas Sarkozy a commencé à vouloir mettre en place des règles budgétaires un peu plus strictes.
- Et puis, patatras, la crise des subprimes est arrivée.
- Donc là, on est rentré dans le cycle des trois grandes crises du XXIe siècle,
- donc dans un état de fragilité, justement, financière.
- Je voulais revenir un peu sur l'extrait que vous avez proposé là,
- sur les politiques, effectivement.
- Moi, ce qui me frappe dans l'extrait, c'est qu'on ne parle jamais de la dépense publique
- et encore moins de l'endettement.
- Lors des campagnes électorales, c'est-à-dire qu'on n'en parle pas.
- Et c'est quelque chose qui n'est pas naturel chez les politiques,
- de le mettre en haut de leur tract et de leur programme politique.
- Jean-Luc Tavernier.
- Oui, moi, je crois que c'est assez fondamental, ce que vous venez de dire.
- On ne peut pas se payer le luxe d'élections générales
- où on ne parle pas du sujet capital,
- qui est la correction d'une situation qui n'est pas soutenable.
- En 2022, il y a une élection présidentielle qui est dans un contexte un peu particulier,
- marqué par le coquille.
- En août, la guerre en Ukraine.
- Là, on a eu une snap election, comme on dirait en anglais,
- une élection législative avec une campagne très rapide
- et où personne n'a souhaité mettre le sujet sur la table des finances publiques.
- Alors, certes, le déficit public apparaît plus élevé en 2024 qu'il ne l'était à l'époque.
- Mais enfin, il était déjà dans une situation qui était largement insoutenable.
- Et à partir du moment où on n'en parle pas pendant la campagne,
- où on ne s'astreint pas à se mettre dans un cadre
- où on propose des politiques économiques
- qui reviennent à une trajectoire soutenable de finances publiques,
- il n'y a pas de légitimité, ensuite, pour mener une action
- qui est conforme à cette règle arithmétique, à nos engagements européens.
- Donc ça, c'est vraiment une question démocratique absolument fondamentale que vous soulevez.
- Tout à fait.
- Alors, vous le dites vous-même, les discours qui concernent peut-être plus de rigueur budgétaire,
- en tout cas un certain sérieux, dans les dépenses, sont rares.
- Mais ils existent.
- Je voudrais vous faire écouter François Fillon en 2009,
- puis Gabriel Attal en mars 2024,
- et enfin Jean-François Husson, qui est sénateur,
- c'était le 7 novembre 2024.
- Je suis à la tête d'un État qui est en situation de faillite sur le plan financier.
- Je suis à la tête d'un État qui est, depuis 15 ans, en déficit chronique.
- Je suis à la tête d'un État qui n'a jamais voté un budget en équilibre depuis 25 ans.
- Nous avons eu une baisse dans les recettes qui est liée à un ralentissement de l'activité économique.
- Face à ça, il faut évidemment une très grande rigueur dans les choix que nous faisons.
- Pour le reste, monsieur Marlex, nous allons poursuivre sur cette voie de rigueur et de responsabilité,
- avec toujours un fil rouge.
- Et je crois, là aussi, que nous pouvons nous retrouver.
- Nous n'avons jamais invectivé.
- Nous avons souvent appelé l'attention du gouvernement sur la nécessité,
- dès la sortie de la crise, de revenir à davantage d'un cadre beaucoup plus rigoureux.
- Bon voilà, c'était pour vous donner peut-être un exemple aussi de la façon dont ce discours
- autour d'un cadre plus rigoureux, comme on l'entendait à l'instant, s'était construit.
- Xavier Tamou, il y a un autre élément que je voudrais aborder avec vous et qui, à mon sens,
- est assez important. En 2001, on a quand même eu la LOLF, la loi organique de loi de finances,
- qui est mise en œuvre à partir de 2006, dont l'objectif est quand même d'afficher une plus grande transparence
- des programmations budgétaires et d'instaurer un peu plus de démocratie lors du débat d'orientation budgétaire
- exigé avant la rédaction du PLF, le projet de loi de finances.
- Ça, on pourrait se dire que c'est quand même une avancée en termes non seulement d'accès, finalement,
- à la qualité et à la quantité de débats que cela génère au sein de l'Assemblée nationale et donc nécessairement
- que davantage de Français peuvent s'en saisir.
- Oui, alors je pense que l'objectif de la LOLF, c'était quand même avant tout que ce soit le parlementarisme
- qui soit renforcé, avec le sentiment que l'administration avait la haute main sur l'élaboration du budget,
- sur le contrôle des dépenses et que le Parlement n'était pas vraiment en position de pouvoir en décider
- et donc que la loi organique de la loi de finances devait proposer un certain nombre d'outils,
- à la fois pour augmenter l'information des députés
- et leur donner aussi plus de moyens pour prendre des décisions, comme par exemple pouvoir revoter les dépenses au premier euro
- et non pas par addition de disposer de textes aussi qui étaient des textes consolidés, non pas des textes simplement modifiés.
- Enfin, je ne sais pas si vous avez jamais regardé des textes de loi non consolidés.
- En fait, c'est inaccessible à quelqu'un qui est un néophyte parce qu'on a des modifications de textes qui sont modifiées par couches successives
- et donc on ne sait pas du tout où on en est.
- Sauf si on a un très grand spécialiste de la loi.
- Bon, mais donc la LOLF visait à ça. Elle visait aussi à produire des indicateurs pour évaluer la performance,
- puis à aussi changer la procédure budgétaire pour la rendre plus rigoureuse,
- avec en particulier l'introduction du débat d'orientation budgétaire au mois de juin,
- qui devait être un moment important dans la vie budgétaire et démocratique.
- Alors, je pense que ce qu'on peut dire c'est que la LOLF est un demi-succès.
- Hum.
- Peut-être que...
- on pourrait même dire que...
- C'est-à-dire que c'est un demi-échec, dans le sens où elle a probablement amélioré le pouvoir du Parlement,
- mais elle n'a pas véritablement changé la logique qui préexistait avant.
- Et si on s'interroge sur l'année 2024, qui est quand même assez intéressante de ce point de vue-là,
- ce qui est assez spectaculaire, c'est que précisément la dissolution de l'Assemblée
- a un peu mis par terre toute cette procédure et redonné la haute main à l'administration
- et au gouvernement, alors au gouvernement au pluriel,
- mais a quand même créé une situation de fait, à mon avis,
- dans laquelle le Parlement n'est pas vraiment en situation de pouvoir prendre ses décisions budgétaires.
- Et c'est encore accentué par la fracture au sein du Parlement,
- dans laquelle le débat, mais comme ça a été dit,
- le débat n'est pas nécessairement au bon endroit
- et ne traite pas ces questions qui sont pourtant fondamentales.
- Jean-Luc Tavernier, encore une fois, du point de vue du directeur de l'INSEE que vous êtes,
- est-ce qu'on peut dire que les 25 dernières années,
- alors que ce soit dans certaines arènes politiques et notamment l'Assemblée nationale,
- mais aussi de façon beaucoup plus large,
- en fait, est-ce que les 25 dernières années ne sont pas celles d'un accès quand même beaucoup plus large
- à la donnée et au débat autour des questions économiques ?
- Alors moi, dans mon position, je ne peux pas vous dire autre chose que le fait que je crois que...
- C'est pas que la donnée, l'INSEE fait aussi un gros effort de pédagogie.
- On éclaire énormément le débat sous de multiples formes,
- sur les agrégats macroéconomiques, sur la distribution des revenus,
- sur la distribution aussi des situations au sein des entreprises, ce qu'il ne faut pas oublier.
- On fait énormément de choses.
- Et je pense aussi qu'on a fait quelque chose...
- J'en profite pour en parler parce que j'y tiens et à chaque fois que j'ai l'occasion, j'en parle.
- On essaie aussi de lutter contre les biais cognitifs qu'on voit.
- Moi, je dis toujours, j'ai été frappé par des sondages.
- Alors il y en avait un au moment des Gilets jaunes, le premier, mais il y en a eu d'autres depuis.
- La plupart des Français, mais c'est de l'ordre de trois quarts,
- pensent qu'ils contribuent plus au système public qu'ils n'en tirent bénéfice.
- La plupart.
- Et ça interpelle ça, parce que sur le vivre ensemble,
- sur la capacité, évidemment, à faire cohésion,
- c'est absolument crucial.
- Alors, traditionnellement, on avait un gros réverbère sur les impôts, les prélèvements,
- sur les transferts en espèces.
- Mais il y a aussi tous les services gratuits, santé, éducation.
- On a essayé de faire les micro-simulations, de mettre des équivalents monétaires à ça.
- Quand on essaie de faire les choses un peu sérieusement,
- le meilleur chiffrage qu'on a, c'est que deux tiers des Français,
- 60% des Français, bénéficient plus du système qu'ils ne contribuent.
- Moi, j'essaie à chaque fois d'en parler,
- parce que je pense qu'il y a...
- C'est la question fondamentale du consentement à l'impôt.
- Voilà, sur le consentement à l'impôt,
- sur la pérennité de ce modèle social auquel on tient.
- Si tout le monde croit qu'il paye pour le voisin, ça ne fonctionnera pas.
- Et ce n'est pas le cas.
- Mais encore faut-il avoir en tête que,
- quand on roule sur une route,
- quand on amène ses enfants à l'école,
- quand on bénéficie de la santé largement prise en charge,
- c'est quelque chose qu'ils font pour des raisons.
- Moi, je voudrais juste réagir sur la LOLF, très rapidement.
- La LOLF n'a pas vocation
- à s'imposer sur le politique.
- Jamais, jamais.
- Il ne faut pas qu'un process administratif bureaucratique,
- quel qu'il soit,
- vienne s'imposer à la décision politique.
- La décision...
- Les politiques de finances publiques,
- elles ne trouvent leur source unique que dans le mandat
- que donnent les électeurs au moment des élections générales, présidentielles et législatives.
- Point barre.
- Alors, Ken Welcor ?
- Oui, non, je voulais rebondir sur ce que vous aviez dit auparavant
- sur l'éducation financière.
- Et je pense que là, on a peut-être des progrès à faire.
- Justement, peut-être les...
- Je sais que la Banque de France,
- fait beaucoup de choses,
- l'INSEE aussi,
- mais justement,
- peut-être que la Banque de France devrait faire plus de...
- voilà, d'apprentissage sur...
- sur tous les aspects macroéconomiques,
- et pas seulement sur...
- La Banque de France a une direction à l'éducation financière.
- Elle est directrice de l'éducation financière.
- Très active.
- Oui, mais c'est vrai que c'est plutôt centré sur les ménages,
- et ça serait bien que...
- Auprès des classes aussi.
- Oui, oui, mais en tout cas,
- sur la finance des ménages.
- Il faudrait qu'elle parle aussi des finances publiques.
- Il y a un vrai enjeu d'éducation.
- On aura certainement l'occasion
- d'y consacrer une émission.
- Ce que nous avons d'ailleurs fait par le passé.
- Un grand merci à tous les trois.
- Laure Kenwell-Corr, Jean-Luc Tavernier et Xavier Timbaud
- d'avoir participé à cette émission.
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