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Apr 5th, 2018
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  1. I. LES ARGUMENTS D'ORDRE BIOLOGIQUE
  2.  
  3. 1. « Ce n’est qu’un amas de cellules »
  4.  
  5. Deux objections à répondre à cet argument.
  6.  
  7. Premièrement, ce n’est pas parce que l’embryon, au tout début de son développement, n’a pas encore une apparence humaine, que cela lui enlève son humanité intrinsèque et son caractère vivant pour autant. Vous et moi sommes nous-mêmes des amas de cellules à notre échelle également. C’est simplement la définition de tout être vivant. Cela ne signifie pas que nous ne sommes pas humains ou que nous ne sommes pas vivants.
  8.  
  9. Deuxièmement, quand bien même on se baserait sur le critère de l'apparence et de la taille pour légitimer si un embryon est un être humain ou non, la comparaison à un amas de cellules ne serait possible uniquement dans les toutes premières semaines de la grossesse. A partir de 7 semaines de grossesse, les bras et les jambes sont déjà formés, les orteils et les doigts sont bien définis, la tête s'arrondit progressivement et le cou se redresse. A 10 semaines, les principaux organes et tissus sont formés.
  10. Source : https://naitreetgrandir.com/fr/grossesse/trimestre1/fiche.aspx?doc=grossesse-developpement-foetus-embryon
  11.  
  12. En supposant que le critère de la forme humaine soit valable pour légitimer l’avortement, il faudrait dans ce cas-là que les partisans de l’avortement revoient la limite légale et l'abaissent largement en-dessous des 12 semaines conventionnelles.
  13.  
  14. 2. « Ses organes ne sont pas formés en totalité »
  15.  
  16. Le degré de formation des organes est autre argument souvent utilisé par les pro-choix mais qui repose sur une interprétation purement arbitraire encore une fois. Certains vont exiger un cœur qui bat, d’autres vont exiger des poumons qui respirent (à titre d’exemple) pour légitimer le fait que l’embryon soit vivant ou non, etc.
  17.  
  18. Répondons donc brièvement à ces deux cas de figure (cela aurait pu être n’importe quel autre organe mais ceux-là sont les plus cités quand il s’agit de définir la vie intra utero).
  19.  
  20. Premièrement, les premiers battements du cœur apparaissent à partir de la 4ème semaine de grossesse (même source que ci-dessus), ce qui supposerait d’abaisser la limite légale d’avortement de 12 semaines à 4 semaines dans le cas où l’on considère que l’on commence à vivre lors des premiers battements de notre cœur.
  21.  
  22. Deuxièmement, le foetus n’utilise pas ses poumons pendant la grossesse tout simplement car il n’en a pas besoin, jusqu’à la naissance son apport d’oxygène est garanti par le placenta (qui contient à la fois le sang maternel et le sang du fœtus).
  23. Source : https://www.allodocteurs.fr/grossesse-enfant/grossesse/foetus/comment-le-foetus-respire-dans-le-ventre-de-sa-maman_2084.html
  24.  
  25. Pour finir : tous les organes d’un bébé ne sont pas constitués de manière définitive non plus, même après la naissance. C’est le cas notamment des organes génitaux et du cerveau, qui continuront de se développer durant plusieurs années (le cerveau continue de se développer même à l’âge adulte).
  26. Sources : https://www.sciencesetavenir.fr/sante/a-l-age-adulte-une-partie-du-cerveau-continue-a-grandir_109495
  27. http://sante.lefigaro.fr/article/comment-le-cerveau-grandit-avec-l-age/
  28.  
  29. Le niveau de développement des organes n’est donc certainement pas un argument pertinent ni objectif.
  30.  
  31. 3. « L’embryon est comparable à un spermatozoïde »
  32.  
  33. Version plus vulgaire : "Et quand tu te branles, c’est un génocide peut-être ?"
  34.  
  35. Blague à part, l’embryon est un organisme à part entière, issu de la fécondation d’un gamète femelle (l’ovule) par un gamète mâle (le spermatozoïde), et qui forme un tout. Le spermatozoïde est une cellule faisant partie de ce tout, mais ne constitue pas un organisme complet à lui seul. Le spermatozoïde seul sera incapable de se développer et de se reproduire, y compris avec l’apport des bons nutriments, à l’inverse de l’embryon. Tuer un spermatozoïde n’est pas tuer un être humain, car le spermatozoïde seul ne constitue pas un organisme à part entière. Un spermatozoïde ne donnera jamais un nouveau-né après 9 mois de développement, contrairement à un embryon.
  36.  
  37. Je ne prends même pas la peine de mettre de sources pour une réponse aussi évidente, tout ce que je dis là est vérifiable dans n’importe quel livre de SVT d’un collégien.
  38.  
  39. 4. « Tant qu’il n’est pas viable, il n’est pas une personne »
  40.  
  41. Le critère de la viabilité consiste à définir le fœtus comme une personne à part entière à partir du moment où il serait en mesure de survivre indépendamment de sa mère. Or il existe des failles évidentes dans cet argument, car il revient à considérer l’indépendance physique potentielle comme une condition nécessaire de la personne.
  42.  
  43. Premièrement, il existe des personnes déjà existantes et qui sont dépendantes physiquement d’autrui pour continuer à vivre. C’est le cas par exemple des personnes dont la survie dépend d’une transplantation d’organes (greffe de cœur ou de rein par exemple). C’est le cas également des personnes âgées en fin de vie, qui sont supervisées en permanence par des centres hospitaliers, par des auxiliaires de vie, par des équipements médicaux particuliers. Seriez-vous prêt à assumer que ces gens-là ne sont pas des personnes à part entière uniquement car ils dépendent physiquement d’autrui pour survivre ? Ceux qui soutiennent que la viabilité constitue la frontière décisive à l’une des extrémités de la vie, doivent nous expliquer pourquoi il n’en va pas de même à l’autre extrémité.
  44.  
  45. Deuxièmement, ce critère constitue une frontière beaucoup trop instable et arbitraire. L’OMS fixe le seuil de viabilité du fœtus à 22 semaines d’aménorrhée (ou bien lorsqu'il dépasse 500 grammes).
  46. Source : https://www.insee.fr/fr/mr/metadonnees/definition/c1394
  47.  
  48. Or, certains nourrissons naissent plus tard sans être viables, tandis que d’autres parviennent à survivre malgré une naissance plus précoce. En raison des progrès de la médecine, la zone de survie potentielle ne cesse de reculer. Or il semble y avoir quelque chose d’arbitraire dans l’idée d’une frontière mouvante, car il nous faudrait alors déclarer : "L’année dernière, à ce même stade de développement, le fœtus n’aurait pas été une personne, mais puisque l’on a modernisé les équipements de l’unité de soins intensifs, il s’agit bien aujourd’hui d’une personne". Ceci n’est pas cohérent.
  49.  
  50. 5. « Il ne devient une personne qu’à la naissance »
  51.  
  52. Selon ce critère, le passage du fœtus par le vagin lors de l’accouchement transformerait soudainement une « chose » contenue dans le corps de la mère, en un être humain complet détenteur de droits.
  53.  
  54. Supposons une expérience de pensée où le ventre de la mère enceinte serait transparent et où nous pourrions voir à travers celui-ci. Pourrions-nous continuer à dire qu’il ne s’agit que d’une chose ? Je ne pense pas, et encore moins lors des dernières étapes du développement.
  55. Le problème d’une telle conception est donc qu’elle résulte dans le fait que le fœtus reste hors de notre vue, et non pas de l’avènement soudain d’une personne à l’instant précis de la naissance. Un tel point de vue est analogue à l’idée que la mort et la famine seraient moins graves quand elles ont lieu dans un pays éloigné et que nous en sommes moins conscients. On peut le penser, mais ça n'est pas objectivement acceptable.
  56.  
  57. Enfin, la similitude entre les fœtus en fin de grossesse et les bébés prématurés, met à mal l’argument selon lequel la naissance correspondrait au stade d’apparition de la personne. Certains bébés prématurés survivent à un accouchement après 6 ou 7 mois de grossesse. Pourquoi eux seraient des personnes, et pas les autres bébés dans le ventre de leur mère à 8 mois par exemple ?
  58.  
  59. 6. « L’embryon est comparable à un parasite dépendant des ressources de sa mère ; elle a donc légitimement le droit de s’en débarrasser »
  60.  
  61. L’embryon est pourtant parfaitement différenciable d’un parasite, tout simplement car il appartient à l’espèce humaine. Or un parasite est, par définition, un organisme animal ou végétal qui se nourrit strictement aux dépens d’un organisme hôte d’une espèce différente, de façon permanente ou pendant une phase de son cycle vital.
  62. Source : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/parasite/58023
  63.  
  64. On voit bien que cette définition ne peut pas s’appliquer à l’embryon, car il n’est pas issu d’une espèce différente mais bel et bien de la même espèce que sa mère (en l’occurrence l’espèce humaine).
  65.  
  66. Quant critère de la dépendance, qui stipule qu’il ne survit uniquement grâce aux ressources de sa mère (qui est d'ailleurs déjà partiellement traité dans le point n°4), cela est autant vrai pour un embryon que pour un bébé après sa naissance. Tout bébé est en effet dépendant des ressources d’autrui. Est-ce que l’on va considérer le très jeune bébé comme un "parasite" et pouvoir se débarrasser de lui, simplement sous prétexte qu’il est incapable de survivre seul ?
  67. Le fait de savoir que sa survie dépend de nous devrait au contraire nous pousser à le protéger, et non pas à le laisser mourir.
  68.  
  69. II. LES ARGUMENTS D'ORDRE PHILOSOPHIQUE
  70.  
  71. 7. « Le fœtus n’est pas un être humain mais simplement un être vivant d’un rang inférieur ou égal à celui des animaux »
  72.  
  73. C'est le fameux argument anti-spéciste (souvent utilisé par les vegans, végétariens, etc.), qui en gros nous dit : "si tu refuses l'avortement, tu dois commencer par arrêter de tuer et de manger des animaux". Biologiquement, il est vrai que l’Homme appartient au règne animal.
  74.  
  75. Mais le paradoxe de cette argumentation vient de la comparaison entre le droit animal et celui de l’être humain. Les droits de l’homme sont relatifs à l’espèce humaine. On n’a pas encore vu des lions refuser de tuer des antilopes sous prétexte que les antilopes auraient le droit de vivre. On a pas encore non plus vu un lion défendre son droit à la vie. Un animal qui mange un autre animal n’agit pas de façon immorale. Il suit sa nature.
  76.  
  77. L’homme peut soit user de la violence pour survivre ; ou au contraire, l’homme peut échanger et commercer avec d’autres hommes et donc survivre en respectant la vie des autres êtres humains quelles que soient leur race, la couleur de leur peau ou de leur sexe. C’est la différence fondamentale entre les animaux et les êtres humains. Les premiers n’ont pas de libre-arbitre, les autres si. Les enfants en très bas âge ne défendront pas leur droit à la vie non plus, mais ce ne sont pas des animaux pour autant. Il sera dans la nature même de leurs corps de se comporter comme des êtres humains, s’ils le désirent. L’être humain a le choix de se comporter comme un animal (en mordant son supérieur par exemple), par contre le chien n’a pas le choix de se mettre à lui parler et de lui raconter ses états d’âme, tout simplement car ce n’est pas dans sa nature et qu’un chien ne s’exprimera jamais comme un être humain.
  78.  
  79. 8. « Le fœtus n’est pas un être humain mais un être humain potentiel »
  80.  
  81. Je pense que cet argument constitue LE point central du débat autour de l’avortement. La plupart des pro-choix ou pro-IVG défendent l'idée que l'embryon ou le foetus n'est qu'un être humain potentiel et que donc il n'aurait pas un droit absolu à la vie pour cette raison.
  82.  
  83. Le problème, c'est que même en admettant que le fœtus serait un être humain potentiel, ça ne donne pas le droit de le tuer pour autant.
  84. Je m'explique : un être humain (né ou pas) est toujours en potentialité lui-même. Il est tendu vers des fins et utilise des moyens pour les atteindre. Par exemple, lorsque quelqu’un investit dans un diplôme, il n’est pas diplômé à l’instant t mais réalisera son objectif et donc ses potentialités une fois réussi l’examen attribuant le diplôme. Mais tant qu'il n'a pas décroché le diplôme en question, il n'est toujours qu'un diplômé potentiel.
  85. Autre exemple : on peut aussi dire que les enfants ne sont que des adultes potentiels. Or, légitimer l’avortement parce que l’embryon et le fœtus ne sont que des êtres humains potentiels, cela reviendrait à légitimer des crimes infanticides parce que des enfants ne sont que des adultes potentiels.
  86. La notion de potentialité est en réalité inhérente à chaque individu, et elle ne peut pas constituer un motif de suppression de la vie.
  87.  
  88. Ensuite, si on se place du point de vue biologique, il n’y a pas de rupture dans le développement à partir de la fécondation. Tout ce qui fait de vous la personne que vous êtes aujourd’hui était déjà contenu dans l’embryon d’un millimètre. Cet organisme humain, avec son ADN unique, reste le même depuis l’embryon jusqu’à la mort. Tout ce qui fait de l’humain un humain est contenu dans l’embryon dès la fécondation. La seule chose qui change étant le stade de développement, développement qui n’est en réalité jamais rompu, même après la naissance.
  89. Aujourd’hui encore, même étant adulte, votre développement n’est pas fini. La vie n’est rien d’autre qu’un processus permanent de développement, sans discontinuités ni interruptions, de l’embryon jusqu’à la mort.
  90.  
  91. 9. « L’embryon ou le fœtus n’a aucune conscience »
  92.  
  93. Il faut bien comprendre que la conscience est un concept tellement flou d'un point de vue neurologique qu’il n’existe pas une seule et unique définition, il existe en réalité plusieurs concepts différents de la conscience.
  94. (A titre d’exemple, même Larousse n’arrive pas à donner une seule et unique définition : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/conscience/18331 )
  95.  
  96. Ici, je vous ai trouvé deux articles qui expliquent les difficultés à trouver une même définition de la conscience, y compris pour la communauté scientifique elle-même (http://www.cerveauetpsycho.fr/ewb_pages/a/article-la-conscience-dans-une-impasse-31158.php et https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/cerveau-cerveau-conscience-localisee-scientifiques-harvard-65121/ )
  97.  
  98. Pour en revenir à notre argument : laquelle de ces définitions garde-t-on ? Est-ce qu'on se limite à la seule conscience d’un environnement extérieur (qui n’implique pas nécessairement une conscience de soi) ? Doit-on plutôt se limiter à la conscience d'exister et d'être en interaction avec le monde extérieur (conscience de soi) ? Est-ce qu'on définit la conscience d'un point de vue purement psychologique avec l'analyse des expériences passées et la capacité de l'individu à se projeter dans l'avenir ? Ou bien encore est-ce qu'on parle de conscience morale (discerner le bien et le mal) ?
  99. Premièrement, dans tous les cas, vous voyez bien qu'il n'existe pas de définition unanime, simplement des degrés différents du niveau de conscience. Deuxièmement, il existe beaucoup d’être humains qui ne répondent à aucune de ces exigences : c’est le cas des très jeunes nourrissons, c’est le cas dans gens qui sont dans le coma, etc.
  100.  
  101. Une recherche européenne à laquelle ont participé des chercheurs du CNRS et publiée le 18 avril 2013 montre que les nourrissons ont une conscience de leur environnement similaire aux adultes dès l’âge de 5 mois.
  102. Sources : http://www.huffingtonpost.fr/2013/04/19/bebes-cinq-mois-conscience-similaire-adultes-selon-etude-americaine_n_3114684.html
  103. https://www.livescience.com/28848-babies-have-consciousness.html
  104.  
  105. Autrement dit, avant 5 mois, il n’y aucun mécanisme cérébral de perception d’un événement extérieur (on appelle aussi cela la signature neuronale de l’état de conscience, qui constitue un des stades les plus primitifs de la conscience). Ceux qui se fient donc à cette définition de la conscience (capacité à percevoir un événement extérieur) doivent donc défendre aussi l’infanticide jusqu’à 5 mois.
  106.  
  107. Mais attention, ici on ne parlait que d’un niveau purement élémentaire de conscience (une réponse neuronale en fait), car si on parle de conscience de soi (être conscient de son environnement extérieur ET de sa propre existence) - et je pense que c'est cette définition que nous avons tous plus ou moins en tête lorsque nous parlons de conscience -, il faut attendre en moyenne jusqu’à 2 ans après leur naissance pour la voir apparaître chez les nourrissons.
  108. Sources : http://www.magicmaman.com/,le-stade-du-miroir-une-etape-essentielle-pour-bebe,2006259,2036598.asp
  109. http://www.cerveauetpsycho.fr/ewb_pages/a/article-quand-bebe-prend-conscience-de-lui-33221.php
  110.  
  111. On le sait grâce à l’expérience de la reconnaissance dans un miroir, qui est un test très fréquemment utilisé en psychologie pour pouvoir déterminer si un individu (humain ou animal) a une conscience de lui-même ou pas.
  112. Là encore, si vous vous basez sur cette définition de la conscience, vous devriez défendre l’infanticide jusqu’à 2 ans également.
  113.  
  114. Quant aux autres formes de conscience bien plus évoluées (analyse des souvenirs, projections dans le futur, élaborations de projet, distinction entre le bien et le mal), elles apparaissent bien plus tardivement, il n’est même pas la peine d’en débattre ici.
  115.  
  116. Enfin, prenons un tout dernier exemple (qui s’apparente en fait plutôt à une expérience de pensée) : Supposons un homme âgé, retraité, environ 80 ans, dans le coma suite à un terrible accident de car. Cet accident a coûté la vie à toute sa famille (frères, sœurs, neveux, fils, filles, petits-enfants, etc.), il est le seul survivant. Il n’a plus aucune attache familiale existante sur cette Terre. De plus, individu solitaire de nature, il n’avait pas d’amis et était à la retraite depuis longtemps. Autrement dit, qu'il meure ou non n'affectera aucun ami ni membre de son entourage, car il n'en a plus, et n'affectera pas non plus la société, car étant retraité, il ne contribue plus à la production de richesses du pays.
  117. Ma question est la suivante : est-ce que vous jugeriez moral de "débrancher" cet homme de son coma et donc de le tuer, sous prétexte qu’il est complètement inconscient actuellement, ne ressentirait aucune douleur et que vous estimeriez que sa vie post-coma ne vaut pas la peine d’être vécue, sans lui demander son avis, sachant qu’il a pourtant de réelles chances de sortir de son coma un jour ? Si oui, de quel droit ?
  118.  
  119. 10. « L’embryon n’a pas une apparence humaine, on ne peut pas le considérer comme un être humain »
  120.  
  121. Cet argument rejoint un peu l'argument n°1 évoqué dans la partie I (l'argument de l'amas de cellules).
  122.  
  123. Comme dit, ce critère ne peut certainement pas servir de critère objectif. Tout simplement car il n’existe pas d’apparence humaine type, qu’elle varie en fonction de chaque individu. Certains individus sont tellement petits même à l’âge adulte qu’on les confond parfois avec de très jeunes enfants (les nains), d’autres individus souffrent de malformations tellement graves (depuis la naissance ou bien suite à un grave accident) que l’on arrive même plus à les reconnaître. Pourtant, nous savons pertinemment que ces individus, malgré leur apparence physique particulière, restent des êtres humains. Avoir une apparence déformée ou différente, n’enlève en rien l’humanité de l’individu. Une petite taille ne rend pas moins humain qu’un autre. Un bas niveau de développement non plus.
  124. Tous ces critères s’exprimant à différents degrés sont donc parfaitement arbitraires.
  125. Cela est tout autant valable pour la couleur de peau, le niveau d’intelligence, le genre, etc. Avec des critères arbitraires, nous pouvons justifier le meurtre de bien des êtres humains sous prétexte que nous ne les considérerions pas comme humains. Cela est parfaitement immoral et condamnable.
  126.  
  127. 11. « On ne pourra jamais vraiment trancher la question de savoir si l'embryon ou le fœtus sont des êtres humains de toute façon, le débat est trop complexe »
  128.  
  129. Ce n’est pas réellement un argument à proprement parler mais plutôt une phrase que beaucoup de pro-choix sortent lorsqu’ils ont reçu tellement d’arguments pertinents venant du camp d’en face qu’ils en viennent à douter de leur position, et donc sans vouloir donner directement raison à leurs adversaires, laissent planer le doute en suggérant que vu la complexité du débat, personne n’a tort et personne n’a raison, et qu’au final il vaut mieux que chacun garde son avis et agisse en son âme et conscience, en toute liberté.
  130.  
  131. Sauf que, c’est un argument qui donne raison aux pro-vie justement. Car si nous sommes incapables de nous mettre d’accord sur ce qu’est réellement l’embryon ou le fœtus, si nous sommes incapables de trancher quant à savoir s’il est une personne ou non, ne serait-il pas plus moral, dans le doute, d’appliquer le principe de précaution et de s’abstenir plutôt que de commettre une action qui pourrait s’apparenter à un meurtre ?
  132.  
  133. III. LES ARGUMENTS D'ORDRE JURIDIQUE
  134.  
  135. 12. « De toute façon il n’est pas détenteur de droits et n’a pas de personnalité juridique avant la naissance, il n'est donc pas une personne : c’est la loi qui le dit »
  136.  
  137. La réalité est que ceux qui évoquent cet argument et se cachent derrière l’aspect juridique, fuient le cœur du débat. Selon eux, la norme juridique serait légitimement placée au sommet d’une hiérarchie des normes sociales.
  138.  
  139. Nous savons pertinemment que le droit n’est pas en accord avec la biologie de ce point de vue-là, l’argument n°5 de la partie I nous ayant déjà prouvé que définir le moment précis de la naissance comme celui où apparaîtra soudainement une personne détentrice de droits n’est pas vraisemblable.
  140.  
  141. Le droit est avant tout la traduction de la représentation des rapports de force dans notre société. Mais surtout, le droit ne peut se désintéresser complètement de son rapport à des jugements moraux formés dans un langage extrajuridique sans risquer d’affaiblir sa force, qui est loin d’avoir la légalité pour seule source, et cela particulièrement quand il est affronté à la critique. Le droit, en tant qu’il n’a de raison d’être que dans la mesure où il s’applique à des objets extérieurs à lui-même, n’est pas seulement un dispositif susceptible de clore les disputes en formulant un jugement ayant pour seule exigence le rapprochement avec d’autres jugements formulés antérieurement ou dans d’autres domaines. Il est aussi lui-même sans arrêt jugé par des personnes ordinaires qui ne se privent pas de déclarer tel ou tel jugement scandaleux au nom des valeurs qui sont les leurs.
  142. Il suffit de voir les nombreux exemples de faits divers marquants qui ont secoué la justice sur ces questions, lorsque des femmes ayant perdu des enfants désirés par la faute (volontaire ou non) d’une tierce personne et qui ont par la suite réclamé la reconnaissance par la justice d’un « homicide », n'ont pas pu obtenir cette reconnaissance de la part de la justice.
  143. Source : http://www.liberation.fr/societe/2001/06/30/le-foetus-n-est-pas-une-personne_369882
  144. (J'ai mis un seul lien mais il y a plein d'autres cas similaires)
  145.  
  146. Enfin, pour donner un dernier exemple, le droit peut très bien aller à l'encontre du principe de dignité de la vie humaine, comme cela était déjà le cas des esclaves des colonies françaises à l'époque de l'Ancien Régime.
  147. Source : http://data.over-blog-kiwi.com/0/57/30/82/20150409/ob_b4eba7_le-statut-juridique-de-l-esclave.pdf (Chapitre, 1 Section 1, "La déchéance juridique d'une personne" )
  148.  
  149. L'esclave à l'époque était considéré juridiquement comme un bien meuble par la loi française. Est-ce que cela signifiait que les esclaves n’étaient pas des êtres humains car ils n’avaient pas de personnalité juridique ?
  150. Lorsque le droit remet en cause la dignité de la vie humaine, alors il peut légitimement être critiqué. Le statut juridique a donc ses limites.
  151.  
  152. 13. « Si la loi a statué sur une limite légale de 12 semaines ce n’est pas pour rien, les médecins et hommes d'Etat qui ont fixé cette limite s’y connaissent sans doute mieux que toi »
  153.  
  154. Le législateur français suppose que l’être humain devient un être humain à partir de la 12ème semaine, mais le même législateur, lorsqu’il est anglais, admet que le fœtus devient humain à 24 semaines. En quoi le fœtus français devrait-il être un humain plus tôt que l’anglais ? Est-ce parce que les Anglais ont une maturité tardive ?
  155. Nous voyons bien que cette limite est purement arbitraire. Par quel miracle, en France, l’embryon était-il un être humain à partir de 10 semaines, puis ensuite à partir de 12 semaines lorsque la loi fut modifiée en 2001 ? Comment est-il possible qu’en franchissant la frontière de tel ou tel pays, l’humanité n’apparaisse qu’au bout de 20 ou 22 semaines ? Meurtre d’un être humain d’un côté de la Manche, simple évacuation d’un "déchet opératoire" de l’autre ? L’apparition ou la disparition de la nature humaine serait-elle fonction des caprices législatifs de tel ou tel pays ?
  156.  
  157. Enfin, que dire de l’IMG (interruption médicale de grossesse) qui consiste en un avortement possible jusqu’au dernier jour avant la naissance, y compris sur des fœtus sains mais éliminés pour simple suspicion d’un risque de handicap, ou bien sur des fœtus parfaitement viables avec et dont le handicap ne mettait ni leur vie en danger ni celle de la mère ?
  158.  
  159. 14. « C’est légal donc tu n’as pas ton mot à dire »
  160.  
  161. Cet argument est proche de l’argument n°12, bien qu’un peu différent néanmoins. Beaucoup de partisans de l’avortement se cachent derrière la loi de 1975 et la brandissent comme un bouclier pour pouvoir réfuter la moindre critique, même construite, du camp adverse.
  162.  
  163. Premièrement, il faut savoir que Simone Veil elle-même, pourtant à l’origine de cette loi, a condamné à de nombreuses reprises la façon dont sa loi a été détournée et l’usage qui en est fait aujourd’hui, faisant passer l’avortement d’un acte exceptionnel et « d’ultime recours pour des situations sans issues » à un acte médical banalisé qui est aujourd’hui intégralement remboursé et qui peut être pratiqué sur simple demande.
  164.  
  165. Deuxièmement, brandir l’étendard de la légalité ne suffit pas à donner un caractère moral à la chose. Les plus grands résistants de l'histoire se sont toujours battus contre la "légalité du moment". Quand Nelson Mandela luttait contre l'apartheid en Afrique du sud, il était "illégal" et pourtant il avait raison. De même quand Oscar Schindler sauvait des juifs en Allemagne nazi, il était à l'époque "illégal". Puisque, en effet, il était alors légal d'exterminer les juifs. Et pourtant, lui aussi, avait raison.
  166.  
  167. Quand on considère les lois et la légalité du moment comme immorales, on a non seulement le droit mais aussi le devoir de les combattre. Si demain une loi venait à légaliser le trafic d’êtres humains, cela ne voudrait pas dire pour autant que le trafic d’êtres humains est acceptable.
  168.  
  169. 15. « Si on pénalise l’avortement, on reviendra aux effet néfastes des avortements illégaux, mettant en danger la vie de la mère »
  170.  
  171. Celui-là aussi est un des arguments qui revient en boucle de la part des partisans de l’avortement. Si on interdit l’avortement, alors on reviendrait à la tragédie des avortements clandestins d’antan (on nous rabâche souvent la même image des cintres où des aiguilles à tricoter en nous demandant, de manière à nous faire culpabiliser : « vous voulez revenir à ça ? »), et ce seul fait justifierait de maintenir l’avortement légal.
  172.  
  173. Premièrement : aujourd’hui, avortement illégal ne rime plus avec insécurité. Même pratiqués dans l’illégalité, bon nombre d’avortements clandestins sont désormais beaucoup plus sécuritaires qu’on pourrait le penser, notamment en raison des progrès de la médecine de ces dernières décennies.
  174. Une publication de l’INED (l’Institut National d’Etudes Démographiques) rendue publique en 2014 l’affirme : « La proportion d’avortements non sécurisés, c’est-à-dire, selon l’OMS, "pratiqués par des personnes non qualifiées ou dans un environnement non conforme aux normes médicales minimales, ou les deux", n’a pas baissé et représente encore près de la moitié des avortements volontaires (49 %) dans le monde en 2008). De façon paradoxale, la mortalité liée à l’avortement a diminué de manière continue depuis deux décennies, passant de 60 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes en 1990 à 40 décès en 2008. La baisse a été particulièrement marquée en Amérique latine alors que l’avortement y reste pourtant fermement condamné. Cette évolution est liée en partie à la diffusion de l’avortement médicamenteux dans des pays où il reste illégal. »
  175. La conclusion du rapport est la suivante : « Aujourd’hui, illégalité ne rime plus systématiquement avec insécurité. »
  176. Il est également précisé dans cette publication, à titre d’exemple, que des avortements réalisés par la méthode du "curetage" dans un cadre légal ne sont pas plus sécuritaires que des avortements réalisés par méthode médicamenteuse dans un cadre illégal.
  177. Source : https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/21391/population.societes.2014.513.avortement.monde.4.fr.pdf
  178.  
  179. Deuxièmement, quand bien même un retour aux avortements clandestins pourrait s’avérer néfaste, cet argument n’est pas recevable. Pour quelles raisons ? Car ce n’est pas un argument de fond qui porte sur l’avortement en soi (Celui-ci est-il bien ou mal ? Est-il moral ou immoral ? Doit-il être interdit ou autorisé ?). C’est une façon de détourner l’attention de l’objet réel de l’argumentation. L’argument selon lequel - si une interdiction a des effets pervers plus désastreux que les bienfaits qu’elle apporte, elle est une mauvaise loi - est hypocrite. Dans ce cas-là, on attend avec impatience l’abolition d’une série de lois comme l’interdiction du commerce des enfants, de la drogue, du travail clandestin, etc. En effet, toutes ces lois sont des interdictions qui empêchent des personnes d’offrir un service au prix qu’elles désirent et qui entraînent des effets pervers désastreux (le travail des enfants n’étant pas autorisé par la loi, cela n’empêchera pas certains très jeunes enfants qui n’ont pas le choix et sont contraints au travail pour nourrir leur famille, de continuer à travailler dans la clandestinité malgré la surexploitation et les conditions désastreuses de travail desquelles ils seront victimes). Or ces lois ne sont pas abolies. Justifier l’abolition d’une interdiction sous prétexte que la loi est inefficace, c’est confondre l’inefficacité de la répression avec l’inefficacité de la loi. Dans le cas de l’avortement, l’inefficacité de la répression résulte peut-être dans les difficultés à se plaindre des victimes (forcément, puisqu’elles sont tuées), ainsi que les difficultés à se plaindre des ayants droit des victimes (forcément, ils ne vont pas porter plainte s’ils sont les meurtriers).
  180.  
  181. Par comparaison, l’inefficacité de la lutte contre la drogue peut être justifiée comme provenant fondamentalement de la loi, parce qu’il s’agit de crime sans victime, au sens où la victime est consentante et où aucun dommage volontaire n’est causé à qui que ce soit. Ce n’est pas le cas de la loi sur l’avortement.
  182. S’il fallait abolir toutes les lois sous prétexte que la répression est inefficace, les lois interdisant le vol, l’escroquerie, les cambriolages, etc. (tous les actes où il y a des victimes) devraient être abolies. On n’autorise pas le meurtre d’adultes au prétexte que, malgré la loi, des meurtres sont toujours perpétrés.
  183.  
  184. 16. « Si on l’interdit en France, les femmes iront avorter dans d’autres pays »
  185.  
  186. C’est un peu la même problématique que pour l’argument juste au-dessus. Cet argument n’est pas un argument de fond qui porte sur l’avortement en lui-même, mais qui porte sur des répercussions externes et permet donc de déplacer le centre du débat.
  187. Cependant, même si on prend la peine d’y répondre, on peut très facilement le contrer. Faudrait-il, par exemple, légaliser la prostitution infantile, parce que de toute façon ceux qui veulent vraiment se taper des gamines vont en Thaïlande (où cela se passe dans des conditions terribles) ?
  188. Au-delà de ce parallèle un brin violent (c’est volontaire), une réalité : ce n’est pas parce qu’on peut faire quelque chose ailleurs qu’on doit pour autant l’autoriser chez nous. Prenons l’exemple, plus soft, de parents qui interdisent à leur enfant de se droguer. Sous prétexte que le gamin pourra très bien aller se piquer chez des amis, doivent-ils l’autoriser à le faire chez eux, et lui fournir en plus les seringues, la drogue, et le transport à l’hôpital à chaque overdose ?
  189. Quand on pense que quelque chose est mauvais, peu importe que ça puisse être fait ailleurs : on se doit de l’interdire à ceux qui dépendent de nous. C’est ce que doivent faire (et font déjà) certains parents. C’est ce que devraient faire des politiques.
  190.  
  191. IV. LES ARGUMENTS D'ORDRE UTILITARISTE
  192.  
  193. 17. « C’est le corps de la femme, sa propriété ; elle peut en disposer librement comme elle veut »
  194.  
  195. Déjà, rappelons que « disposer librement de son corps » est tout relatif. Par exemple, la prostitution, la vente d’organes, la consommation de drogues dures, sont autant de façon de "disposer librement de son corps", mais cela ne veut pas dire pour autant que cela est moral.
  196. Et encore, l’expression "disposer librement de son corps" se discute car le corps n’est pas un objet de propriété.
  197. Article 16-1 du Code Civil : « Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial. »
  198. Source : https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006419293&cidTexte=LEGITEXT000006070721
  199. Si c’était le cas, la vente d’organes serait autorisée depuis longtemps. Mais mettons cet aspect juridique de côté, car comme je l’ai déjà évoqué dans ma réponse à l’argument n°12, on ne peut pas se cacher uniquement derrière le droit et les aspects juridiques pour défendre des convictions.
  200.  
  201. Dans l’hypothèse où le droit de propriété sur son corps existerait quand même, il est moralement critiquable d’accorder tant de poids à celui-ci dans un contexte où sont en jeu des vies humaines. Mais passons, et analysons quand même cet argument plus en détail.
  202.  
  203. Premièrement, le problème de cet argument est qu’il part d’une pétition de principe selon laquelle les droits de la femme sur son propre corps seraient supérieurs aux droits du fœtus sur le sien, en oubliant que le fœtus - bien que présent temporairement dans le corps de sa mère - possède lui aussi son propre corps. Si on part du principe que la mère est propriétaire de son corps, alors il n’y a aucune raison objective de penser qu’il n’en va pas de même pour le fœtus. Refuser cela, c’est accepter l’esclavage, système où l’être humain peut devenir propriétaire d’un autre.
  204.  
  205. Deuxièmement, le fœtus, c’est une évidence biologique, n’a strictement rien à voir avec un bras ou un rein. Il s’agit d’un être bien distinct du corps de sa mère, qui ne fait qu’utiliser celui-ci pour se développer, mais qu’on ne peut certainement pas confondre avec le corps de la mère ou bien avec un organe de celle-ci. Il se développe dans le corps de la mère, mais il n’est pas celui-ci. Il est appelé à sortir tôt ou tard du corps de sa mère, que cela soit comme cadavre assassiné par un avortement ou bien comme bébé vivant. S’il n’était qu’une partie du corps de la mère ou bien un de ses organes, pourquoi chercherait-on à l’éjecter à tout prix ?
  206.  
  207. Enfin, si un fœtus demeure bien dans la propriété de sa mère (son ventre), cela ne donne pas à cette dernière un droit absolu de vie ou de mort sur le bébé pour autant. Cette circonstance justifierait l’avortement durant toute la période de la grossesse, voire même plus tard, dans la mesure où la maison de la mère est également sa propriété. Par exemple, une mère ne peut pas tuer le nourrisson qui réside dans sa maison après la naissance sous prétexte qu’il réside dans sa propriété.
  208. Pour résumer, je conclurai avec une phrase de Marry Anne WARREN (dans l’ouvrage On the moral and legal status of abortion, 1973) qui résume très bien ma pensée : « Le simple fait d’être propriétaire ne me donne pas le droit de tuer un innocent sur ma propriété, sachant que je sais pertinemment qu’il mourra si j’agis de la sorte ».
  209.  
  210. 18. « L’enfant non-désiré est condamné à une vie malheureuse, il ne vaut mieux pour lui qu’il ne naisse jamais »
  211.  
  212. Cet argument est aussi l’un des plus utilisés par les partisans de l’avortement. Le problème est qu’il se base sur une position purement utilitariste et complètement arbitraire. Il est d’autant plus gênant que les gens qui l’utilisent sont persuadés d’agir en bien en décidant de supprimer une vie humaine sur la base de leurs seuls critères parfaitement subjectifs et arbitraires. Ils pensent pouvoir juger à eux seuls si une vie est digne d’être vécue ou non, et donc que cela leur donne la légitimité de pouvoir interrompre cette vie comme bon leur semble en fonction de leurs hypothèses et de leur prédictions concernant cette vie future.
  213.  
  214. Outre le caractère complètement arbitraire d’un tel concept (il n’existe pas de consensus unanime sur la définition du bonheur ni sur la notion de « vie digne d’être vécue »), cette idée implique une comparaison possible entre le fait d’être en vie et le fait d’être mort. Or, si vous tuez le fœtus dans le ventre de sa mère sans lui avoir laissé la chance de naître et de grandir, comment pouvez-vous savoir à l’avance que sa vie ne valait pas la peine d’être vécue ? La mort n’est pas un événement de la vie, la mort ne peut pas être vécue.
  215.  
  216. La réalité est qu’il n'existe donc aucun critère fiable et objectif qui permet de prévoir la vie future d’un enfant. A partir de quel degré de bonheur a-t-on le droit de continuer à vivre ? Sommes-nous tous si sûrs d’être heureux ?
  217. Personne n’a le droit de préjuger du bonheur d’autrui. Supprimer la vie de quelqu’un car on préjuge qu’elle sera malheureuse, c’est nier la propre liberté de l’Homme d’exister et d’être acteur de sa vie, peu importe les circonstances.
  218. Il existe des enfants non-désirés qui sont heureux et à l'inverse, il existe des enfants désirés qui sont malheureux. Personne ne peut prévoir à l’avance quel sera le bonheur d’un enfant, qu’il ait été désiré ou non. Tout comme il n’existe aucun algorithme fiable et permettant de calculer à coup sûr le taux de bonheur que vivra cet enfant ou le taux d’amour qu’il recevra de la part de son entourage.
  219. Si pour vous, il est légitime de tuer un être humain parce qu’il risque d’être malheureux, alors il est tout autant légitime de tuer ceux qui sont d’ores et déjà malheureux aujourd'hui (comme par exemple les SDF, les malnutris, les personnes victimes de la guerre, etc.) Si le critère du bonheur est à vos yeux le seul critère permettant à un être humain d’avoir le droit de vivre, autant pousser au suicide et euthanasier toutes les personnes qui sont déjà nées et malheureuses à l'heure actuelle.
  220.  
  221. D’ailleurs, heureusement pour nous que nos ancêtres n’ont pas raisonné avec ce genre d’argument, sinon nous ne serions jamais nés. Pourtant, à l’époque, les conditions de vie étaient beaucoup plus dures qu’aujourd’hui (guerres, épidémies, famine, absence de soins médicaux efficaces, espérance de vie très faible, etc.). Ils avaient bien plus de raisons que nous de penser que leurs enfants auraient une vie malheureuse.
  222.  
  223. 19. « Si les parents n’ont pas les ressources psychologiques financières et nécessaires, il est normal d’avorter plutôt que de faire naître un enfant qui vivra dans la misère affective et matérielle »
  224.  
  225. C’est un argument à ne pas prendre à la légère. Il fait d’ailleurs écho à l’argument n°18. Certaines familles peuvent éprouver des difficultés d’ordre psychologique ou financier à l’approche d’un événement aussi important que l’arrivée d’un enfant. Mais tuer l’enfant n’est certainement pas une solution juste et légitime pour remédier au problème. Plutôt que de promouvoir une solution aussi radicale et immorale que l’avortement, l’Etat devrait plutôt penser à proposer de réelles alternatives aux femmes ou familles en difficulté, via des politiques familiales renforcées, et devrait également subventionner des organismes qui pourraient conseiller la famille et lui proposer des alternatives crédibles pour un accompagnement post-natal par exemple. L’avortement dans ce genre de situations, pour faire une comparaison, est un peu comme la poussière qu’on cache sous le tapis, ou comme la mauvaise herbe qu’on se contente de couper à la surface et non à la racine (sachant qu’elle va repousser). C’est la solution extrême et le refus de combattre les problèmes de fond.
  226.  
  227. Enfin, il est important de rappeler que dans les cas extrêmes où l’enfant n’aurait réellement pas la moindre chance de pouvoir se développer dans un cadre matériel et affectif sain pour lui, même avec toutes les aides extérieures possibles, il est toujours préférable d’accoucher sous X et de le confier à des structures d’accueil de type orphelinat. Personne ne nie l’épreuve psychologique que cela peut représenter pour les parents, d’abandonner leur enfant à la naissance, en sachant qu’ils ne le verront jamais grandir. Mais cette considération est toute relative si on sait que le droit à la vie de l’enfant a été respecté, et en cela l’acte des parents est encore plus beau. Par ailleurs, une famille désireuse d’adopter et ayant des moyens pour l’accueillir sera sans doute ravie de pouvoir s’occuper de lui et lui donner tout l’amour et l’affection dont il a besoin.
  228.  
  229. 20. « La décision d’avorter est une décision purement personnelle dont seule la mère à la responsabilité et qui relève de sa vie privée »
  230.  
  231. Sauf que la loi s’applique également dans le cadre privé. A titre d’exemple, une mère ne peut pas forcer une chirurgie plastique sur son enfant, ou même l’euthanasier, sous prétexte que c’est un choix privé. Le fait de prendre une décision qui s’applique dans un cadre privé ne donne pas tous les droits. Tout est encadré par des lois, même dans le privé.
  232.  
  233. Et il s’avère justement que les questions morales sont des questions privées justement. Car oui, qu’on le veuille ou non, la question de l’avortement est bien une question morale avant tout. Le vrai débat de fond est de savoir si cette pratique est morale ou non, "acceptable" ou non.
  234. On est tenu de ne pas intervenir dans la vie privée des gens, certes. Mais ce principe s’applique uniquement dans le cas où la vie privée ne conduit pas à des crimes. On ne va pas chercher à s’immiscer dans la sexualité d’un couple homosexuel par exemple, car ici il n’y pas de crime ni de victime. A l’inverse, si je maltraite ma femme chez moi tous les soirs, je pense que vous trouveriez immoral de raisonner de la sorte : « Même si cet homme est violent et frappe sa femme régulièrement, je n’ai rien à lui dire et je ne vais pas le dénoncer tant qu’il le fait chez lui, après tout il agit dans un cadre privé ».
  235.  
  236. Le but de toute intervention contre la volonté et le désir des individus d’une société civilisée est de prévenir les dommages que l’on peut causer aux autres. Or dans le cas de l’avortement, même si la décision se prend dans un cadre privé, il y a justement une victime innocente : l'embryon ou le foetus.
  237.  
  238.  
  239.  
  240. 21. « Tu es un homme donc tu n’es donc pas concerné par la problématique de la grossesse et tu n’as donc rien à dire sur le sujet, c’est le choix de la femme et de personne d’autre »
  241.  
  242. Le problème avec cet argument, c’est qu’il voudrait nous faire croire que l’enfant à naître est la propriété exclusive de la mère, sous prétexte que c’est elle qui le porte dans son ventre durant sa grossesse.
  243. Premièrement (comme évoqué précédemment dans la réponse à l’argument n°17), un être humain (potentiel ou non) n’appartient à personne, il est maître de son propre corps. Un être humain n’est pas la propriété d’un autre être humain, sinon cela s’appelle de l’esclavage.
  244. Deuxièmement, même si la nature fait que c’est la femme qui porte l’enfant et non l’homme, il est également lié à son père par les liens biologiques. Un enfant se conçoit à deux, pas tout seul. C’est donc un choix qui concerne tout autant les hommes que les femmes.
  245. A savoir qu’un homme qui pousse une femme à avorter en lui mettant la pression malgré qu’elle veuille garder l’enfant, est un acte tout autant condamnable qu’une femme qui voudrait avorter malgré la volonté du père de le garder. Je ne fais pas de discrimination entre les sexes.
  246.  
  247. 22. « L’avortement permet de lutter contre la surpopulation »
  248.  
  249. Utiliser l’argument de la surpopulation pour justifier l’avortement relève de la pure malhonnêteté intellectuelle.
  250.  
  251. Premièrement pour une raison évidente : c’est un argument d’ordre politique, et la majorité des femmes qui avortent le font pour des raisons « personnelles ». Une femme qui avorte ne se dit pas « je supprime la vie de mon enfant afin que nous ayons plus de ressources sur Terre ».
  252.  
  253. Deuxièmement, les pays ou continents qui avortent en masse ne sont pas forcément ceux qui souffrent de surpopulation. En Europe, continent dans lequel l’IVG est légalisé et généralisé (hormis en Irlande, Pologne, Chypre ou à Malte), aucun des pays n’atteint le taux de fécondité moyen requis pour assurer le renouvellement de sa population sans avoir recours à l’immigration.
  254. Source : https://www.touteleurope.eu/actualite/le-taux-de-fecondite-dans-l-union-europeenne.html
  255.  
  256. Malgré la hausse du taux de fécondité moyen sur ces dix dernières années, l’Europe continue à être en-dessous de son seuil de renouvellement. La France, qui a le taux le plus élevé (2,01) atteint péniblement le taux minimum requis (2,1).
  257.  
  258. L’exemple de la Chine, avec son idéologie anti-natalité extrême et sa politique de l’enfant unique, est aussi extrêmement révélateur et prouve à quel point les politiques démographiques s’avèrent désastreuses. Le taux de natalité a chuté de manière drastique (baisse d’environ 75%), entraînant plusieurs effets pervers : forte baisse de la croissance économique, manque important de femmes dans le pays, vieillissement accéléré de la population. Si bien que le gouvernement a dû revenir en arrière et abolir la politique de l’enfant unique en 2015.
  259. Sources : http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/10/29/chine-l-impact-de-la-politique-de-l-enfant-unique-en-deux-graphiques_4799609_4355770.html
  260. http://www.lefigaro.fr/international/2017/10/29/01003-20171029ARTFIG00060-chine-la-fin-de-la-politique-de-l-enfant-unique-a-deux-ans.php
  261.  
  262. Tout cela illustre à quel point la démographie est un facteur important dans la croissance d’un pays, et que sans un taux de natalité suffisamment élevé, c’est le risque de déclin qui guette.
  263.  
  264. Dernièrement, quand bien même la surpopulation serait avérée, l’avortement ne change rien à la nature du problème. Une femme qui a avorté pourra toujours faire des enfants à l’avenir. Même si l’enfant avorté ne naît pas aujourd’hui, un autre enfant de la même mère pourra toujours naître dans le futur. Le fait de croire que si l’avortement était interdit, le nombre d’enfants par femme serait plus élevé, résulte d’une idée fausse. L’avortement légal n’affecte pas la fécondité d’une population, pour la simple et bonne raison que l'avortement n'affecte pas la stérilité des femmes qui le pratiquent.
  265. Source : https://ivg.gouv.fr/est-ce-qu-une-ivg-peut-rendre-sterile.html
  266. Un enfant avorté peut donc tout aussi bien être remplacé par un autre de la même mère plus tard.
  267.  
  268. Paradoxalement, et sans vouloir faire de l'humour noir, si vous avez tellement peur d'être submergés par la surpopulation, il faudrait justement que vous soyez en faveur de l'avortement clandestin de la bonne vieille époque, car c'est celui-ci qui possède réellement des risques pour la stérilité des femmes.
  269.  
  270. 23. « Les moyens de contraception ne sont pas fiables à 100%, l’avortement est indispensable dans ces conditions afin de pallier aux éventuelles erreurs »
  271.  
  272. C’est vrai. Aucun moyen contraceptif n’est sûr à 100%. Il y en a qui s’approchent très fortement de 100% ( > 99%) mais le risque zéro n’existe pas.
  273. Source : http://www.choisirsacontraception.fr/contraception_tableau_comparatif.htm
  274.  
  275. Une chose est sûre : une forte proportion des avortements est la conséquence directe d’un oubli ou d’un déficit de contraception. Si tous les gens ayant des rapports sexuels se protégeaient convenablement (c’est-à-dire au moins un moyen contraceptif des deux côtés) on n’atteindrait pas ce nombre effrayant de + de 200 000 avortements chaque année.
  276. Mais même pour les gens qui se protègent convenablement, on ne peut pas les déresponsabiliser si facilement. Une erreur ou un imprévu, même indépendant de votre volonté, n’implique pas de réparer cette erreur par un acte aussi lourd et dramatique que l’avortement. Une vie humaine innocente ne peut pas faire les frais d’un simple oubli ou défaut de contraception.
  277.  
  278. Tout être humain, quand il s’adonne à un acte connu pour être un acte pouvant déboucher sur une grossesse et sur une vie, connaît les risques, même en optimisant sa contraception et en diminuant les risques au maximum. Même lorsque la grossesse n’est pas désirée, la responsabilité ne peut pas être réfutée.
  279. Si par exemple, je fais un pari sportif sur une équipe côtée à 1.10, je suis quasiment sûr de gagner mon pari. Pourtant, je sais très bien que le risque zéro n’existe pas, et que je ne suis pas à l’abri d’une déconvenue et d’une potentielle perte d’argent, aussi "safe" mon pari semblait-il initialement.
  280. Cela s’applique aussi à l’avortement. On connaît les risques lorsque l’on s’adonne à un acte sexuel, aussi minimes soient-ils. A nous d’en assumer les conséquences.
  281.  
  282. V. LES ARGUMENTS CONCERNANT LES CAS EXCEPTIONNELS
  283.  
  284. 24. « Une femme violée, tu ne vas pas lui imposer le traumatisme de garder l’enfant d’un violeur ! »
  285.  
  286. Premièrement, rappelons que l’argument du viol concerne environ 1% des cas d’avortements. Quand bien même on viendrait à l’accepter, cet argument ne légitime donc qu’1% des avortements, et rend illégitime les 99% d’avortements restants.
  287. Sources : http://www.biomaca.fr/avortement_statistiques.php (onglet « les raisons des avortements »)
  288. http://www.avortementivg.com/node/665
  289.  
  290. Le cas du viol est donc un exemple extrêmement particulier. On ne base pas une argumentation, et à plus forte raison, une loi, sur des cas particuliers. Prétendre que le cas du viol justifie l’avortement en général est une escroquerie intellectuelle. Il est malhonnête de se servir de situations extrêmes pour banaliser l’avortement.
  291.  
  292. Deuxièmement, même si le viol est une situation tragique et dramatique, et nécessite des mesures de soutien pour la victime et des mesures de sanctions pour le coupable, la circonstance ne justifie pas de tuer le fœtus. Car l’enfant sera certes l’enfant d’un violeur, mais il sera aussi l’enfant de la victime du viol. On ne remédie pas à une injustice (le viol) par une autre injustice (l’avortement). Réparera-t-on le crime commis par le père en supprimant une vie innocente ? L’avortement permettra-t-il à la mère d’effacer le traumatisme du viol ? Je ne pense pas.
  293. L’enfant à naître est complètement innocent du crime de son père, ce n’est pas à lui de payer. A noter que dans beaucoup de pays, les violeurs ne seront pas condamnés à mort, la peine de mort n’étant pas en vigueur. Le violeur qui a commis cette injustice resterait donc en vie quand l’enfant innocent devrait mourir pour les crimes de son père ? Cela est profondément injuste.
  294.  
  295. Dernièrement, on ne juge pas la moralité d’un acte au pathos qu’il engendre. On ne considère pas si un acte est moral ou non au regard des circonstances. Si on considère l’embryon ou le fœtus comme un être humain, un meurtre reste un meurtre. C’est la suppression d’une vie humaine, que rien ne peut moralement justifier, et cela, peu importe les circonstances.
  296.  
  297. Que la mère ne veuille pas élever cet enfant, cela est totalement compréhensible. Mais lui donner une chance de vivre en le confiant à l’adoption par exemple, aussi douloureuse son histoire soit-elle, est la plus belle des réponses dans ces cas-là.
  298.  
  299. 25. « Lorsque la grossesse met en danger la vie de la mère, il est largement préférable d’avorter »
  300.  
  301. Autre cas extrême, qui concerne là aussi une minorité des cas d’avortement.
  302.  
  303. Dans les cas où la vie de la mère est en danger, la majorité des personnes contre l’avortement sont d’accord avec le fait que la mère doive poursuivre tout traitement médical (par exemple, chimiothérapie) dont elle a besoin, même s’il y a la possibilité d’effets négatifs sur l’enfant. Si la mère est à un stade suffisamment avancé de grossesse, on peut tenter de sauver l’enfant par césarienne si les médecins estiment que le seuil de viabilité a été dépassé et qu’il a des chances de survivre.
  304.  
  305. Mais dans certains cas extrêmes, comme lors des cas de grossesse extra-utérine par exemple, cela n’est pas possible. Dans ces cas-là, non seulement les chances de survie de l’embryon sont nulles (la grossesse ne pourra pas arriver à terme), mais en plus la vie de la mère est en danger. Dans ces conditions, l’avortement (ou tout traitement opératoire similaire) est considéré un avortement involontaire (comme une fausse couche). Un avortement involontaire, du point de vue moral, n’est pas condamnable parce que l’intention n’est pas de tuer l’enfant à naître. La mort de l’enfant est simplement une conséquence externe inévitable des soins appliqués à la mère pour sauver la vie de celle-ci.
  306.  
  307. 26. « Une femme enceinte d’un enfant handicapé ou atteint de malformations peut légitimement avorter, elle ne va pas élever un enfant qui risque de souffrir toute sa vie et de l’empêcher de vivre sa vie correctement quand même ! »
  308.  
  309. Cet argument est extrêmement traître et vicieux. Car il fait croire que l’on se place dans une optique louable, que l’on tue uniquement par "compassion", que l’on veut simplement empêcher l’affreuse et inévitable vie future qu’auront ces pauvres enfants handicapés. Il se rapproche un peu de l’argument n° 18 en fait, que j’ai déjà traité plus haut, sur la potentielle vie malheureuse d’un individu.
  310.  
  311. Pour rappel, personne ne peut prévoir à l’avance la vie future de l’enfant (y compris celle des enfants handicapés) et personne ne devrait avoir le droit de vie ou de mort sur celui-ci uniquement en fonction d’hypothèses sur son potentiel futur malheur. Si pour vous, vivre avec un handicap est tellement impossible et insurmontable, pourquoi ne pas éradiquer toutes les personnes sur Terre qui sont déjà nées et handicapées à l'heure actuelle ?
  312. Si vous estimez que tous les trisomiques et autres handicapés sont voués à une vie infernale et ne méritent pas de vivre à cause de cela, allez voir les familles élevant un enfant handicapé et annoncez-leur qu’ils auraient dû le supprimer. Je pense que vous serez étonnés d’apprendre que la majorité d’entre elles ne regrettent pour rien au monde leur choix d’avoir gardé leur enfant, et cela malgré son handicap.
  313.  
  314. Ensuite, que vous le vouliez ou non, cet argument relève de l’eugénisme.
  315. Définition de l’eugénisme (Larousse) : Théorie cherchant à opérer une sélection sur les collectivités humaines à partir des lois de la génétique.
  316. Lorsque par exemple, vous éliminez un enfant atteint de trisomie 21 (cela pourrait être n’importe quelle autre maladie génétique mais j’ai pris cet exemple car c'est un des plus fréquents et connus) dans le ventre de sa mère uniquement parce qu’il est trisomique, cela s’appelle de la sélection génétique. Car s’il n’avait pas été trisomique et victime de ce problème génétique, vous l’auriez très probablement gardé (toutes choses égales par ailleurs). C’est donc une méthode de sélection basée sur des critères purement génétiques. Et quand on sait que 95% des mères apprenant que leur fils est trisomique avortent, cela conduit à éradiquer les trisomiques et autres malades de notre société à grande échelle. C’est ce que faisaient les nazis durant la Seconde Guerre Mondiale en déportant les malades mentaux dans les camps d’extermination.
  317.  
  318. Si l’on admet que l’on peut éliminer tous les indésirés (les handicapés, le trisomiques, les malades mentaux), la société humaine se détruit. Si l’on admet pas la présence des autres avec leurs différences, la vie en société devient infernale. Face à un handicapé, quelle est la solution la plus humaine, le supprimer ou l’aider à mener la meilleure existence compte tenu de ses capacités ? L’enfant atteint d’une malformation ou d’un handicap est pourtant membre de l’espèce humaine. Lui enlever son droit à la vie et décider pour lui s’il doit vivre ou mourir sur un critère de handicap ou de maladie, cela s’appelle le mépris de toute forme de faiblesse et de différence.
  319.  
  320. Avec ce genre de mentalités, toutes les dérives sont permises et bientôt on éliminera ceux qui n’ont pas la couleur de peau ou le sexe espéré (ce qui est déjà fait dans certains pays)
  321. Dernier exemple pour finir de vous convaincre : admettons un enfant, qui ait un grave accident, et soit hospitalisé. On sait que si on le soigne, il survivra mais devra vivre le restant de ses jours avec des troubles incurables et un handicap extrêmement lourd. Le fait de savoir qu’il survivra en ayant un handicap est-il une raison valable pour lui refuser les soins et le laisser mourir ?
  322.  
  323. BONUS : L'EXEMPLE DU VIOLONISTE DE THOMSON
  324.  
  325. « Quand bien même on considérerait le foetus comme une personne à part entière, son droit à la vie ne peut pas prévaloir sur le droit à l'autonomie de la mère »
  326.  
  327. Il s’agit ici du fameux exemple du violoniste de Thomson.
  328. Dans son ouvrage A Defense of Abortion publié en 1971, Judith Jarvis Thompson, une philosophe libérale américaine, propose l’expérience de pensée suivante :
  329.  
  330. "Vous vous réveillez le matin dans votre lit, et vous découvrez que vous vous trouvez dos-à-dos avec un violoniste inconscient – un violoniste de grande renommée internationale. Il a été diagnostiqué comme souffrant d'une maladie des reins mortelle, et la Société des Amoureux de la Musique, après avoir examiné toutes les données médicales disponibles, a découvert que vous seul aviez le groupe sanguin permettant de le sauver. Aussi vous ont-ils kidnappé, et au cours de la nuit, le système sanguin du violoniste a été branché sur le vôtre, afin que vos propres reins travaillent à extraire les poisons du sang du violoniste, dans le même temps qu'ils continuent à purifier le vôtre. Si le violoniste est débranché de votre corps à ce jour, il mourra ; mais s'il reste branché pendant neuf mois, il sera guéri, et pourra être débranché en toute sécurité".
  331.  
  332. Thomson soutient qu'il est légitime de décider de débrancher le violoniste, même si cette décision doit provoquer sa mort. Le droit à la vie, pour Thomson, n'implique pas le droit à disposer du corps d'une autre personne. Aussi, en débranchant le violoniste, vous ne violez pas son droit à la vie, mais le privez simplement de quelque chose auquel il n'a pas droit – l'usage de votre propre corps : « Si vous l'autorisez à utiliser vos propres reins, c'est un effet de votre gentillesse, et non quelque chose qu'il peut réclamer de vous comme son dû ».
  333.  
  334. Sur cette base, Thomson tire une analogie avec le droit à l'avortement : pour les mêmes raisons, dit-elle, l'avortement ne viole pas le droit à la vie du fœtus, mais prive simplement le fœtus de quelque chose – l'usage du corps de la femme enceinte – auquel il n'a aucun droit. Ainsi, pour Thomson, il ne s'agit pas d'accuser une femme qui mettrait un terme à sa grossesse de manquer à ses obligations morales, mais plutôt de considérer qu'une femme qui mènerait le fœtus à son terme est une sorte de bon Samaritain, qui va au-delà de ses obligations.
  335.  
  336. Avec cet argument, on tient enfin la solution parce que l’on va pouvoir poser correctement le problème. En effet, on reconnaît un droit de propriété de la mère sur elle-même et on traite le fœtus comme un être humain. Tout le monde devrait être content dans les deux camps, non ?
  337.  
  338. Mais cet argument souffre de plusieurs failles.
  339.  
  340. Premièrement, hormis les cas de viol, la mère a toujours une part de responsabilité dans la présence de l’être humain qui est en elle. L’enfant n’est pas apparu comme par magie en elle, à son insu, sans qu’elle n’y soit pour rien du tout (et cela même si elle a utilisé des moyens de contraception : cf. la réponse à l'argument n°23 et sur l'obligation de responsabilité). Dans ce cas, il est difficilement acceptable de justifier que le droit d’autonomie de la mère prévaudrait sur la vie de l’enfant.
  341.  
  342. Deuxièmement, le droit à l’autonomie d’une personne ne suffit pas à dire que toute action qu’il entreprendrait pour défendre son principe d’autonomie est morale. Lorsque quelqu’un souhaite se suicider, nous considérons en général qu’il est moral de l’en empêcher, car nous estimons que sa vie vaut véritablement la peine d’être vécue et qu’il nous remerciera ultérieurement de notre geste salvateur. Or si nous n’appliquons que le principe d’autonomie dans les questions de vie ou de mort, il nous faudrait souvent nous abstenir d’intervenir. Ce type de libertarianisme radical a certes ses partisans, mais pour ma part, il ne peut pas s’ériger en règle morale pour une société.
  343.  
  344. Troisièmement, le fœtus est lui aussi propriétaire de son corps, sans qu’il puisse exercer son libre arbitre puisqu’il n’est pas encore un adulte. Un conflit de droit de propriété apparaît entre les deux personnes. La mère étant la plus proche du fœtus, elle est aussi l’hôte du fœtus. Le droit de garde est donc attribué à la mère. Mais un droit de garde n’est pas n’importe quoi. Ce n’est pas le droit d’agresser un corps humain du fœtus ni de l’enfant. Ce n’est pas le droit de le martyriser. C’est le droit de protéger le fœtus et plus tard l’enfant contre lui-même et les agressions des tiers tant qu’il n’aura pas affirmé son autonomie. C’est ce qui se passe pour les enfants désirés. Dans le cas d’un enfant non désiré, le paradoxe tient au fait que la victime n’a pas la capacité de porter plainte et que la personne qui est censée assurer le droit de protection sur l’enfant est celle qui va commanditer le crime.
  345.  
  346. Quatrièmement, cet exemple du violoniste n'est pas en adéquation avec la grossesse. Dans l'exemple le fœtus est traité comme un parfait et froid inconnu, alors qu'une femme porte son enfant en elle, qui est biologiquement unie à elle par les liens de la maternité. Peu importe le temps que l'on reste branché au violoniste, il ne deviendra jamais notre fils après 9 mois.
  347. De plus, le violoniste est perçu comme un agresseur injuste dans le scénario alors que le fœtus est totalement innocent et n'a aucune volonté de nuire à la mère.
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