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Virginie Gautier, mère d'un des trois gendarmes a décidé de s'exprimer sur l'affaire Adama Traoré

Sep 5th, 2023
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  1. Aujourd'hui en France
  2. mardi 27 septembre 2022
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  4. « Nous avons subi la haine »
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  6. EXCLUSIF. Dans un livre à paraître ce jeudi, Virginie Gautier, mère d'un des trois gendarmes mis en cause dans la mort d'Adama Traoré, a décidé de rompre le silence et de livrer son ressenti sur l'affaire.
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  8. Propos recueillis par Jean-Michel Décugis
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  10. Six ans après le décès d'Adama Traoré, en 2016, après son interpellation par trois gendarmes à Beaumont-sur-Oise (Val-d'Oise), l'instruction de ce qui est devenu l'affaire Traoré n'est toujours pas bouclée. Aucun des trois gendarmes mis en cause n'a à ce jour été mis en examen. Ils attendent, comme le clan Traoré, depuis des mois les résultats d'une dixième expertise médicale.
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  12. Alors que douze juges d'instruction ont déjà travaillé sur ce dossier, M e Yassine Bouzrou, l'avocat de la famille Traoré, a annoncé vouloir demander la récusation d'une des juges actuellement en charge du dossier. « Un artifice pour faire traîner en longueur l'instruction » affirme Virginie Gautier, la mère de Romain, l'un des gendarmes mis en cause. Dans « Mon fils n'est pas un assassin » (éditions Robert Laffont), écrit avec Erwan Seznec, la mère rompt le silence pour raconter l'enfer que sa famille a vécu et pour rectifier ce qu'elle estime être des mensonges. Elle a accepté de nous donner en exclusivité sa vérité.
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  14. Pourquoi avoir écrit ce livre à la place de votre fils ?
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  16. VIRGINIE GAUTIER. Mon fils est soumis au devoir de réserve, il ne peut pas parler. Mais je parle en mon nom, pas en son nom, même si j'ai souvent eu envie de prendre la parole à sa place, en entendant toutes les contre-vérités dites à son sujet.
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  18. Pourquoi seulement maintenant ?
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  20. Tout simplement parce que je suis prête. Durant cinq ans, je me suis tue. Avant de mourir, ma mère, journaliste et écrivaine, m'a dit : « Raconte ce que tu vis, dis qui nous sommes. » Dans cette affaire, la partie civile a eu longtemps un boulevard de communication. La gendarmerie est restée silencieuse, et les fonctionnaires mis en cause n'ont pas eu accès au dossier durant deux ans (ils n'étaient pas encore placés sous le régime de témoins assistés). La presse et l'opinion publique n'ont entendu qu'un son de cloche : celui d'Assa Traoré et de son avocat, M e Bouzrou.
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  22. Qui êtes-vous, alors ?
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  24. Nous ne sommes pas une famille de fachos, d'assassins, comme j'ai pu l'entendre. Nous sommes des gens de gauche, engagés, j'ai été syndicaliste, militante antiraciste. Mais sans savoir, on nous a cloués au pilori. Nous avons vécu un lynchage médiatique, subi la haine, été confrontés aux préjugés, aux mensonges. Au début de l'affaire, j'ai lu tout ce qui s'écrivait, dans les médias, sur les réseaux sociaux. Je découpais tous les articles, les classais l'un après l'autre, de façon compulsive, relevais toutes les contradictions du comité Adama. Je ne dormais plus. J'ai fait un choc anaphylactique. Mon mari m'a retrouvée sur le canapé en train d'étouffer. J'ai été hospitalisée en urgence. Il m'a fallu des mois pour réapprendre à vivre.
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  26. Qu'attendez-vous de ce livre ?
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  28. J'espère que de nombreuses mères ou épouses de gendarme ou de policier entendront mon cri et se reconnaîtront dans ce livre. Il faut rompre le silence. C'est difficile d'être mère de gendarme (elle verse quelques larmes), de savoir que son fils est parfois confronté à une violence extrême, qu'il côtoie la mort mais se fait régulièrement insulter, caillasser. Pour les autres, Romain est un simple gendarme en uniforme mais pour moi, c'est mon fils.
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  30. Que devient-il ?
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  32. Il continue à faire son métier, à être sur le terrain, et je l'admire pour ça. Aujourd'hui, sa fille a presque 7 ans, elle est suivie de près. À l'époque des faits, elle n'était qu'un bébé. En 2016, il faut savoir que Romain et son épouse ont été exfiltrés en quatre heures de leur logement puis ont été cachés plusieurs semaines de peur qu'on attente à leur vie.
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  34. Ce livre, c'est une porte de sortie ?
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  36. Aujourd'hui, c'est à mon tour de parler, de donner ma vérité. Six ans et demi après le drame, les gendarmes ne sont toujours pas mis en examen mais, dans la tête de beaucoup, ils sont coupables. Les médias ont fabriqué une icône : Assa Traoré, dont le discours est pour moi extrémiste et violent. Adama, c'est une marque déposée à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI, le 30 septembre 2016), propriété collective de dix membres de la famille, qui se décline en photographies, cartes, serviettes de papier... Je reproche aux journalistes d'avoir été dupes. J'en veux aux artistes comme Omar Sy d'avoir crié au racisme et à la violence sans savoir.
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  38. Pour vous, cette affaire n'est pas emblématique des violences policières ?
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  40. On a volontairement fait un amalgame entre l'affaire George Floyd aux États-Unis (mort étouffé par un policier, dans le Minnesota, en mai 2020) et l'affaire Adama Traoré, alors que les deux ne sont pas du tout comparables. Les États-Unis ne sont pas la France. La France n'est pas un pays raciste, même s'il y a des Français racistes, les forces de l'ordre ne sont pas racistes, même s'il peut se trouver des racistes dans leurs rangs. Je suis allée manifester à Nantes pour Floyd car ce qui se passe aux États-Unis me révolte. Pour ne rien vous cacher, j'ai été choquée que l'ex-garde des Sceaux, Nicole Belloubet, invite Assa Traoré et son avocat, M e Bouzrou, après le rassemblement interdit en juin 2020 devant le tribunal judiciaire de Paris qui avait réuni 20 000 personnes (les intéressés avaient refusé l'invitation). Selon moi, la justice s'est couverte de ridicule.
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  42. Que reprochez-vous à la justice ?
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  44. Il existe un déni de justice. Sur ce point, je suis d'accord avec Assa Traoré. Six ans d'instruction, c'est beaucoup trop long. Nous en sommes actuellement à douze juges d'instruction, des dizaines d'expertises, plus de 20 000 PV. Mais contrairement à ce qu'on entend, ce n'est pas parce que la justice cherche à cacher la vérité, à protéger les gendarmes. Ceci est un mensonge. La famille, via M e Bouzrou, a utilisé tous les artifices pour faire volontairement traîner l'instruction en longueur, empêcher qu'un non-lieu soit prononcé. M e Bouzrou a réussi à créer un match d'expertises, en faisant appel à des experts privés au motif que ceux mandatés par la justice étaient partiaux. Sans compter qu'au départ de l'affaire, il a demandé son dépaysement (le dossier a été transféré de Pontoise à Paris), ce qui a fait perdre sept mois.
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  46. Le procureur Yves Jannier avait quand même fait une erreur en indiquant « une infection très grave » chez Adama Traoré « touchant plusieurs organes ».
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  48. C'était une maladresse de communication. Le jour du drame, il n'était pas de permanence, c'était un jeune substitut inexpérimenté qui était sur place. Il y a eu beaucoup de cafouillage au départ de l'affaire, et pas seulement de la part de la justice. La préfecture a mis du temps à annoncer la mort d'Adama Traoré, cela a conduit à tous les fantasmes et a donné l'impression qu'on voulait cacher quelque chose.
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  50. Qu'attendez-vous aujourd'hui ?
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  52. Que la justice rende sa décision, sans préjuger de ce qu'elle va dire. Mais qu'elle fasse vite, on en a marre. J'espère que le vent va tourner...
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  54.  
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