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congo29

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Jul 29th, 2025
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  1. Mine de lithium de Manono : la firme de Bill Gates et Jeff Bezos se précipite au Congo
  2. Célian Macé
  3. 7 - 9 minutes
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  5. Décryptage
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  7. Article réservé aux abonnés
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  9. Après l’accord de paix entre la RDC et le Rwanda parrainé par Donald Trump, la Maison Blanche tente d’imposer des entreprises américaines dans le secteur minier congolais, dominé par la Chine. Celle des deux milliardaires, Kobold Metals, est en première ligne.
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  11. Kobold Metals, la start-up minière des milliardaires américains, déboule au Congo. L’appât est juteux : le gisement de lithium de Manono, dans le sud-est du pays, présenté comme la plus grande réserve de roches dures de ce type au monde. De quoi attirer la firme d’intelligence artificielle spécialisée dans la détection des métaux critiques, lancée en 2018 et soutenue financièrement par Bill Gates et Jeff Bezos.
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  13. Le 17 juillet, Kobold Metals et l’Etat congolais ont signé un «accord de principe», présenté par Kinshasa comme un «partenariat stratégique visant à ouvrir la voie aux investissements américains dans le secteur». Le document n’est qu’une première étape, un signal favorable à la future délivrance d’un permis d’exploration au groupe californien – avec l’appui de la Maison Blanche, qui attend des retombées commerciales de l’accord de paix que Donald Trump tente actuellement de négocier entre la république démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda voisin.
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  15. Le premier coup de pioche n’est toutefois pas pour demain. Le prometteur gisement de Manono est plombé par un contentieux commercial qui paralyse le projet depuis des années. De plus, la Chine, grande rivale des Etats-Unis dans la course planétaire aux minerais, est elle aussi largement engagée dans l’exploitation du lithium de Manono.
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  17. Situé dans la province du Tanganyika, dans le sud-est de la RDC, le gisement de Manono est une immense réserve de roches pegmatites (d’origine magmatique) présentant une haute concentration en lithium. Ce minerai est employé dans la fabrication de batteries rechargeables utilisées dans les véhicules électriques, les appareils électroniques et les systèmes de stockage d’énergie. Sa demande a explosé ces dernières années, suivant le rythme de la transition énergétique.
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  19. Le site de Manono aurait un potentiel de 132 millions de tonnes de lithium et une capacité de production de 4,5 millions de tonnes par an. Les retombées financières attendues sont présentées comme exceptionnelles. Quatre filons ont été cartographiés lors des explorations préliminaires. Celui de Roche dure (au moins deux kilomètres de long) semble le plus prometteur. Son exploitation – qui se ferait à ciel ouvert – n’a pas encore commencé : aucune mine de lithium n’est aujourd’hui en activité sur le territoire congolais.
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  21. Les deux partenaires financiers à l’origine du projet sont aujourd’hui à couteaux tirés : la société australienne AVZ Minerals et la société publique congolaise La Cominière. En 2016, ils avaient créé une joint-venture, Dathcom, pour exploiter conjointement le lithium de Manono. Mais le projet a déraillé. La Cominière se plaignait de ne pas avoir été associée aux études de faisabilité. De son côté, AVZ reprochait à La Cominière d’avoir vendu illégalement une partie de ses actions à une compagnie chinoise.
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  23. «Les Chinois ont payé 70 millions de dollars à une ONG fictive dont le responsable est un administrateur de La Cominière, Jean-David E’ngazi : c’est grâce à ce pot-de-vin déguisé qu’ils sont entrés dans le projet», détaille Ernest Mpararo, secrétaire exécutif de la Ligue congolaise de lutte contre la corruption, qui suit le dossier depuis des années. Des accusations «non fondées», rétorque Jean-David E’ngazi, qui affirme que les rapports d’enquête sur cette affaire (diligentés par la Cellule nationale des renseignements financiers, et par une mission parlementaire ) «n’établissent aucun lien entre ce fonds [qui a subventionné son ONG] et La Cominière, ni aucun lien entre ce fonds et le trésor public – donc pas de corruption».
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  25. Selon Ernest Mparoro, «l’Etat congolais a ensuite manœuvré pour diviser le périmètre d’exploration de Manono, entre Zijin Mining [une société chinoise, ndlr] et AVZ Minerals». Les Australiens, furieux, contestent ce qu’ils considèrent comme une dépossession. Ils ont engagé deux procédures internationales, devant la cour d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale à Paris (contre La Cominière) et devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements à Washington (contre l’Etat congolais). La première a ordonné la suspension de toute activité sur le site de Manono, en attendant un jugement. Prenant AVZ de vitesse, Zijin Mining, qui poursuit ses travaux d’infrastructure, a néanmoins annoncé vouloir démarrer son exploitation au premier trimestre 2026.
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  27. Le 27 juin, Donald Trump a réuni autour de lui, à la Maison Blanche, les ministres des Affaires étrangères de la RDC et du Rwanda – les deux voisins s’affrontent dans l’est du Congo, où Kigali soutient militairement les rebelles du M23. Le président américain, tout à son ambition délirante de prix Nobel, se rêve en parrain de la paix dans les Grands Lacs. L’administration américaine a obtenu la signature d’un premier accord entre Kinshasa et Kigali – qui n’a eu, jusqu’à présent, aucun impact sur le terrain.
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  29. Mais il est présenté par la Maison Blanche comme une première étape vers un accord de paix plus ambitieux, adossé, comme d’habitude avec les négociateurs trumpiens, à un futur deal commercial favorisant les intérêts américains, baptisé «minerais contre sécurité». C’est là que les compagnies minières interviennent. En échange de cette hypothétique Pax Americana, Washington entend obtenir un accès, pour ses entreprises, au fabuleux marché des mines du Congo – un pays immense dont le fabuleux sous-sol regorge de matières premières convoitées par l’industrie mondiale.
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  31. Sur le continent africain, et en RDC en particulier, la Chine a une longueur d’avance sur les Etats-Unis dans la course à l’approvisionnement en métaux critiques. En 2024, les importations chinoises depuis l’Afrique s’élevaient à 117 milliards de dollars (101 milliards d’euros), dont 75 à 80 % pour les matières premières. Les Etats-Unis, eux, importent trois fois moins (40 milliards de dollars soit 34 milliards d’euros), dont environ 50% pour les ressources extractives.
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  33. A Manono, les Etats-Unis tiennent une occasion de damer le pion aux Chinois. Kobold Metals a clamé être prêt à investir plus d’un milliard de dollars dans la mine de lithium. Les autorités congolaises, de leur côté, «soutiendront l’initiative de Kobold Metals d’acheter et de développer le gisement de lithium de Roche dure situé à Manono, afin que les différends ayant retardé le développement soient résolus par Kobold Metals», selon une copie de l’accord consultée par l’agence Bloomberg. La société californienne chercherait à acquérir une licence d’exploration pourtant sur 1 600 kilomètres carrés. AVZ Minerals s’est dit «ouverte à un dialogue constructif» avec Kobold. «Les Australiens, qui étaient bloqués à Manono, pourraient trouver une porte de sortie en vendant leurs permis d’exploration aux Américains, estime Ernest Mpararo de la Ligue congolaise de lutte contre la corruption. Pour Kobold, l’équation est différente : ils disposent de ressources financières bien supérieures, et visiblement d’un appui politique à Washington et Kinshasa.»
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