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Jul 20th, 2017
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  1. La rencontre n’allait pas de soi. Rachida Dati, l’ex-garde des sceaux ? L’âme damnée de Nicolas Sarkozy, la pourfendeuse en cheffe, jamais avare d’une saillie acerbe ? Une gouaille sans pareille, au service de son mentor souvent, de la droite toujours. Or Nicolas Sarkozy apprécie assez peu Le Monde, et encore moins ses enquêteurs. Et il n’a pas disparu du paysage, loin s’en faut.
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  3. « Vous avez déjà vu quelqu’un retraité de sa passion ? », s’amuse-t-elle. Elle n’avait donc aucune raison d’accepter le défi d’une longue interview, garantie sans relecture, même si elle avait toute sa place dans cette série consacrée aux grandes gueules.
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  5. Elle a pourtant accepté, tout de suite. Une seule exigence : « Ne me faites pas passer pour une dingue ! » Nous l’avons donc vue et revue, et ce fut un déluge verbal, déconcertant, parfois émouvant, d’abord à l’hôtel de ville du 7e arrondissement de Paris, dont elle est la maire, puis un soir, au restaurant.
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  7. Elle semble avoir changé, un peu. Le prix de quelques déconvenues politiques, bien sûr. Et puis, Rachida Dati, tout en restant fidèle à ses emportements, a vu sa vie familiale basculer durant l’agonie de son père, au printemps dernier.
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  9. « Ma mère était sublime, mon père était charismatique, on l’appelait “Clemenceau”. Il s’inquiétait quand il me voyait à la télé, il me disait : “Sors de ce milieu, ça nous a fait trop de mal, tu étais très bien quand tu étais magistrate.” Maintenant, j’ai démystifié le pouvoir. On croit que tout est grave, mais non », relativise-t-elle, du haut de ses 51 ans. Depuis, celle qui régentait déjà son monde est devenue mère de famille nombreuse. « Avec mes onze frères et sœurs, on vit en paquet depuis le décès de mon père, dit-elle. Sans compter les soixante-neuf neveux et nièces ! »
  10. « L’envers du décor »
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  12. Pour autant, celle qui est aussi députée européenne a conservé son mordant, même si les médias se l’arrachent un peu moins. Elle sait généralement jusqu’où ne pas aller trop loin. Téméraire, oui, mais pas folle. « Même si je transgresse, j’ai toujours tenté de m’arrêter au bord. On ne m’a d’ailleurs jamais exclue, ni attaquée, confirme-t-elle. Quand je vais à la radio ou à la télé, j’essaye de me contrôler. »
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  14. Elle s’amuse de l’exercice. Nous parler, sans fard. Elle en connaît le prix : « Sarko, il m’en a toujours voulu que je vous soutienne ainsi, alors que je ne vous connaissais pas personnellement. Parce qu’un jour, je vous ai cités positivement dans une émission, chez Bourdin. Il m’attendait avec le fusil de chasse alors que je n’avais pas encore mis le pied en dehors du studio ! » Rachida Dati se prépare donc à recevoir une nouvelle salve, après cet article, mais au fond, elle s’en moque.
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  16. Il n’est pas né, celui qui la fera taire. Tout dire, sans trop en dire. Un art. « Moi, je pense que j’ai l’âme d’un grand voyou, dans le sens où je ne dénonce pas les gens que j’aime. J’ai été élevée avec des assassins, dans un immeuble où la moitié des mecs étaient soit des camés, soit en taule. Donc, ça forge un peu, les bastons, les trucs de bandes… » Elle se souvient de ses premières années de magistrate : « J’étais procureure, et je disais aux dealers : “Arrêtez de vendre à mes frères, je suis quand même magistrate !” C’est pour ça que j’ai du mal avec les balances… »
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  18. Dans le paysage hyperformaté de la politique française, où chacun est prié de pratiquer la langue de bois, Rachida détonne. Dati ne parle pas ; elle dynamite, elle disperse, elle éparpille façon puzzle. Et s’il n’y avait que le style… « Je connais les secrets des uns, des autres. Je ne suis pas une grenade dégoupillée, mais je sais l’envers du décor. »
  19. Incartades maîtrisées
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  21. Dans son camp, on la surnomme même « Rachida Data », tant on l’imagine accumulant des données et distribuant à la presse des informations dérangeantes sur ses petits camarades. Nombre de fillonistes la soupçonnent d’ailleurs, sans preuve, d’être à l’origine des déboires de leur candidat. Le prix à payer pour ses incartades maîtrisées. Ingérable, Rachida Dati ? Elle balaie l’objection : « Je me considère comme hyperconventionnelle. Petit à petit, j’ai fait mon Macron et j’ai appris tous les codes. » Elle l’aime bien, le président. « Macron m’avait dit : “Est-ce que ça te dirait qu’on bosse ensemble ?” Mais ministre, plus jamais… »
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  23. Lire aussi : Rachida Dati, Rastignac des temps modernes
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  25. De toute façon, aussi loin que remontent ses souvenirs, elle n’en a toujours fait qu’à sa tête. « Moi, je ne me suis jamais rien interdit », opine-t-elle. Quitte à se fâcher avec nombre de journalistes influents, à balancer à l’une d’elles : « Ça vous emmerde que les domestiques soient au niveau des maîtres ? » Elle a cette certitude, sur cette classe sociale qu’elle fréquente dans son arrondissement, et même dans les dîners du très select club Le Siècle : « La France leur appartient, mais moi, je ne leur appartiens pas. »
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  27. Au vu de ses origines, on se dit que son destin aurait sans doute inspiré Zola, même si c’est aussi du côté de Balzac et de son ambitieux Rastignac qu’il faut chercher. « Rien ne peut se faire simplement chez les gens qui montent d’un étage social à l’autre », pointait d’ailleurs l’auteur de La Comédie humaine dans César Birotteau.
  28. Au bluff
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  30. Tout ou presque, y compris pas mal d’âneries, a déjà été dit et écrit sur la jeune Rachida, sa maman algérienne, son papa marocain, maçon de son état, débarqué en 1963 en France, où elle est née deux ans plus tard. Une enfance désargentée du côté de Chalon-sur-Saône, une impressionnante fratrie : « Ils ont quasiment tous bien réussi, j’ai fait toutes les inscriptions pour eux, ils n’avaient pas le choix, ils ont tous fait ce que je leur ai demandé ! »
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  32. Pour aider sa famille, elle fait, en plus de ses études, tous les petits boulots possibles. « A l’école, j’étais très bonne élève, je m’étais dit : “Avoir la vie de ma mère, jamais !”, se souvient-elle. Alors, je bossais à côté. Dès 14 ans, je vendais des produits, puis j’ai fait du porte-à-porte, j’ai bossé au noir à Intermarché, je triais les fruits et légumes tous les matins avant de les mettre sur les rayons, puis j’ai été caissière, toujours au noir, et encore aide-soignante à 16 ans et demi… Je m’étais dit : “J’y arriverai.” »
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  34. Elle y est arrivée. Devenue magistrate, pour la plus grande fierté de ses parents, elle écrit à Sarkozy qui, bluffé, en fera, une fois à l’Elysée, en 2007, sa première garde des sceaux, et une icône de la diversité.
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  36. Cette ambition dévorante – doublée d’un culot ahurissant – constitue le fil rouge du parcours hors norme de cette femme parfois admirée, souvent vilipendée, toujours jalousée.
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  38. « Pendant la présidentielle, parce qu’il fallait se réconcilier, je montais dans l’avion avec Hortefeux, mais je le saluais en disant : “Bonjour, le guignol” »
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  40. Elle raconte sans fausse pudeur comment, au bluff, elle parvient à s’incruster, à la fin des années 1980, dans une réception à l’ambassade d’Algérie afin de pouvoir rencontrer Albin Chalandon, ancien dirigeant d’Elf Aquitaine, dont elle avait lu un portrait dans Le Figaro.
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  42. « Je lui dis : “Je veux être patron d’entreprise” ; il me dit : “Vous appellerez mon bureau” ; je lui réponds : “Non, personne ne me connaît, ça ne marchera pas, dites-moi tout de suite si vous voulez me revoir, oui ou non !” » Amusé par l’audace de la jeune fille, Chalandon lui laisse son adresse personnelle, puis accepte de la recevoir. Peu de temps après, elle rentre comme comptable chez le géant pétrolier.
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  44. Rebelote quelques années plus tard : elle rêve d’intégrer Matra. Comment faire ? Convaincre directement Jean-Luc Lagardère de l’embaucher, pardi. Elle repère l’homme d’affaires dans une soirée, son toupet fait le reste : « Je le suis quand il va aux toilettes et je lui dis : “Je veux travailler pour vous.” Dans les toilettes pour hommes ! Il m’a dit : “Venez me voir demain”, et en quarante-huit heures, j’avais un contrat ! »
  45. Psychodrame d’Etat
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  47. Inutile de chercher plus loin sa réputation de carriériste sans scrupule, d’arriviste, voire de manipulatrice. Et, surtout, d’intrigante. Le terme la fait bondir. « Je suis l’inverse, lâche-t-elle. C’est vraiment la chose qui me gêne le plus, qu’on dise que je suis une intrigante, alors qu’au contraire, je suis “cash”. Je peux minauder deux secondes et demie, mais à la troisième, le naturel revient au galop. Rastignac ? C’est vexant. Je n’en ai rien à faire qu’on dise que j’ai enfoncé les portes. Et alors ? Pour trouver un job, je suis prête à tout. Non, vraiment, courtisane ou intrigante, c’est pas ma nature. Mais ce qui me vexe le plus, c’est qu’on dise que j’ai couché avec tout le monde. »
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  49. On lui a prêté tant d’aventures, toujours intéressées, forcément. Elle s’esclaffe : « Même Sarko, on a dit qu’on avait couché ensemble, mais c’est absurde ! Je ne suis pas du tout son type. Il me tapait dans le dos comme un copain de régiment, et moi je l’appelais “Jean-Claude Dusse” [le célibataire maladroit des Bronzés joué par Michel Blanc]. »
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  51. Elle ajoute : « Je sais tout de Sarkozy. On est partis en vacances ensemble, je l’accompagnais dans tous ses voyages. Il disait : “On emmène Dati, c’est drôle.” Ce qu’il aimait, c’est que je ne sois pas une racaille, une beurette de banlieue… »
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  53. La vie privée de Rachida Dati n’a pas seulement fait, depuis dix ans, les délices de la presse people. Elle a également viré au psychodrame d’Etat, en 2009, lorsque l’exécutif mobilisa les services de renseignement pour enquêter sur elle. Un épisode hallucinant, dont Rachida Dati a accepté de révéler les dessous au cours d’un dîner, sous l’œil légèrement inquiet de sa fidèle collaboratrice, Emmanuelle Dauvergne, dont la mission première semble être de contrôler les dérapages récurrents de sa patronne. « Parce que moi, je gère les merdes derrière ! », s’exclame la conseillère.
  54. Sous surveillance
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  56. Retour au début de l’année 2009, donc. En janvier, Rachida Dati met au monde une fille, Zohra, dont personne ne connaît le père – « Je n’avais rien dit parce que c’était ma vie », dit-elle simplement. Avant d’ajouter, à l’adresse de la garde rapprochée de Sarkozy : « Ce qui les emmerde, c’est qu’ils ne savent pas avec qui je vis, je couche… Et il n’y a pas un homme politique qui peut prétendre avoir été avec moi. »
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  58. « Ils ont envoyé des gens jusque dans les cliniques pour connaître le père de ma fille. Sarko, lui, il s’en foutait. Pas les autres. »
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  60. Restée fidèle à Cécilia Sarkozy, mais aussi un peu trop proche du chef de l’Etat, Rachida Dati est dans le collimateur du premier cercle sarkozyste, qui l’a toujours considérée comme un corps étranger, une intruse envahissante.
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  62. De Carla Bruni à Brice Hortefeux, en passant par Pierre Charon, conseiller de l’ombre du président, ou Bernard Squarcini, tout-puissant patron de la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur, le contre-espionnage), tous font de la garde des sceaux la femme à abattre. D’autant qu’elle est de plus en plus ouvertement soupçonnée d’alimenter les rumeurs sur le couple présidentiel, les liaisons supposées de l’un ou de l’autre…
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  64. Rachida Dati découvre alors qu’elle est sous étroite surveillance. Espionnée, tout simplement ! L’entourage du chef de l’Etat a discrètement actionné les services de renseignement pour… découvrir l’identité du père de la petite Zohra – on apprendra plus tard qu’il s’agit de l’homme d’affaires Dominique Desseigne.
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  66. « Ils ont envoyé des gens jusque dans les cliniques pour connaître le père de ma fille, affirme Rachida Dati. Sarko, lui, était très content que j’aie un enfant, il s’en foutait de savoir de qui… Pas les autres. A un moment, ils ont pensé que c’était genre l’émir du Qatar, ou le premier ministre espagnol Jose Maria Aznar, et ils se sont dit : “On va la tenir.” Ils sont convaincus que j’ai eu des aventures avec des hommes dangereux et que j’ai pu être entretenue… »
  67. L’art de la contre-attaque
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  69. Au sein de la Sarkozie, les règlements de comptes sont souvent violents. La tension ne cesse de monter, alors que les jours de Rachida Dati à la chancellerie sont comptés – elle quitte la place Vendôme en juin 2009. Elle reçoit même des menaces de mort visant la petite Zohra.
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  71. Un soir de l’année 2010, en marge d’un bureau politique de l’UMP, un parlementaire lui révèle avoir découvert qu’elle était sur écoute. « Je lui demande s’il est prêt à témoigner dans le cadre d’une plainte. Il me répond : “Je suis lié par le secret défense, mais si je suis convoqué par un juge d’instruction, je pourrais peut-être” », révèle Rachida Dati.
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  73. L’ex-garde des sceaux n’est pas en colère, elle est alors enragée, hystérique même. Puisque les sarkozystes veulent la guerre, ils l’auront. Elle décide de contre-attaquer, à sa manière. Brutale. Elle charge l’avocat Olivier Metzner, bête noire du chef de l’Etat (il défendait notamment Dominique de Villepin dans l’affaire Clearstream), de constituer un dossier pouvant nourrir une plainte pénale.
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  75. Lire aussi : Enquête sur Bernard Squarcini, le maître-espion des réseaux sarkozystes
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  77. Afin de faire monter la pression, elle fait savoir, début avril 2010, qu’elle va vider son sac au micro de Jean-Michel Apathie, sur RTL. Au sommet de l’Etat, l’inquiétude grandit. Nicolas Sarkozy prend son téléphone pour la dissuader de parler. Sous les yeux effarés d’Emmanuelle Dauvergne, Dati insulte le chef de l’Etat, lui raccroche au nez, avant que celui-ci rappelle… Surréaliste. Dati : « Il m’a dit : “Tu es devenue dingue ?” Je lui ai répondu : “Vous avez les doubles des clés de chez moi, allez-y, foutez-moi de la cocaïne, ce sera comme les Irlandais de Vincennes.” De ce qu’on m’a rapporté ensuite, il faisait des bonds ! »
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  79. Rachida Dati ne cède rien. Le lendemain du coup de fil, le 7 avril 2010, sur RTL, elle dénonce l’entourage de Sarkozy, vise notamment Pierre Charon, mais épargne le président. « En fait, résume-t-elle en souriant, je lui écrase la figure puis je relâche le talon, pour qu’il ait bien compris le message. »
  80. Hortefeux, le meilleur ennemi
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  82. Cet invraisemblable épisode trouvera son épilogue dans le bureau présidentiel. Tout en tenant dans les mains l’assignation rédigée par Me Metzner, Rachida Dati réclame la tête de ses principaux contempteurs : Charon, Squarcini, Hortefeux…
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  84. De fait, fin 2010, Pierre Charon sera démis de ses fonctions à l’Elysée, Hortefeux quittant le gouvernement quelques semaines plus tard. « Après cette histoire, je me suis mangé du Hortefeux matin, midi et soir », rit l’ancienne ministre.
  85.  
  86. Ah, Brice Hortefeux… Son meilleur ennemi, à n’en pas douter. Mediapart avait révélé, en novembre 2016, le contenu d’un SMS assassin, datant de 2013. Rachida Dati y menaçait l’ancien ministre de l’intérieur de révélations embarrassantes, le qualifiant au passage de « voyou » et de « sale facho ».
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  88. Apparemment, leurs relations ne se sont pas améliorées : « Pendant la dernière campagne présidentielle, parce qu’il fallait se réconcilier, je montais dans l’avion avec lui, mais je le saluais en disant : “Bonjour, le guignol”, puis je disais : “Vous ne trouvez pas que ça sent le nazi ici ?” Le grand facho, il se cachait derrière son journal, les hôtesses étaient mortes de rire ! »
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  90. Lire aussi : « Facho », « naze », le texto rageur et menaçant de Rachida Dati à Brice Hortefeux
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  92. Rachida Dati livre aussi cette anecdote étonnante : « Un jour, devant un ascenseur, je lui dis : “Alors le facho, ça va ?” Il me répond : “Ça va, intrigante.” Là, je me retourne et je lui mets un coup de poing dans la gueule, et il se mange le miroir ! Après, Sarko m’appelle : “Qu’est-ce que t’as encore fait ?” Je lui dis : “Il m’a insultée.” Et lui :” Arrête de le chercher.” »
  93. A Paris, la greffe a pris
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  95. Son autre souffre-douleur préférée, c’est sa grande rivale parisienne, Nathalie Kosciusko-Morizet. Aux dernières élections législatives, elle a lui a mis deux candidats dans les pattes afin d’empêcher sa victoire. Pari réussi. « Je trouve que NKM a toujours surfé sur la facilité. Humainement, je ne l’aime pas du tout. Elle a été élevée comme la huitième merveille du monde, tout ce qu’elle fait est parfait, et tout ce qui ne va pas, c’est la faute des autres. L’armoire de mon bureau a pour moi plus d’intérêt qu’elle. »
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  97. Lire aussi : Dati demande à la haute autorité de la primaire à droite de mettre NKM « hors jeu »
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  99. Elle raconte tout ça comme si de rien n’était, dans un grand sourire, comme une gamine trop contente de sa dernière facétie. Assurément, cette femme est unique. On peine à lui trouver un(e) équivalent(e) dans la classe politique française. Son tempérament bouillant, sa personnalité « ingouvernable », sa nature imprédictible, sans compter son attachement, presque irrationnel, à Nicolas Sarkozy ont sans doute condamné ses ambitions sur le plan national. Dati l’affranchie s’en moque comme de son premier esclandre, semble-t-il.
  100.  
  101. « D’abord, j’adore mon boulot de maire, assure-t-elle. J’adore les fonctions d’autorité, plus que le pouvoir. C’est pour ça que j’ai préféré être magistrate qu’avocate, parce que le pouvoir est éphémère, pas l’autorité. » Elle en convient, il était improbable qu’elle devienne maire du 7e arrondissement de Paris. « Ça, je dois le reconnaître, c’est un super coup de Sarko. »
  102.  
  103. La fille d’immigrés maghrébins dans le temple de la bourgeoisie parisienne, cela n’allait pas de soi. Pourtant, la greffe semble avoir pris. « J’adore ce fief, insiste-t-elle. Tous les jours, on me fait chier pour me piquer ma place, mais j’ai tracé mon sillon. Ici, je ne suis pas en décalage, c’est mon enfance : les curés, le catéchisme, les gna-gna-gna, gna-gna-gna… »
  104.  
  105. Quoique musulmane, Rachida Dati va à la messe – il est vrai qu’elle a étudié dans un établissement catholique. « Je ne veux jamais qu’on me ramène à l’islam, j’ai fait dix-huit ans chez les carmélites. »
  106. Un dilemme à venir
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  108. Elle reste lucide sur la nature profonde de certains de ses administrés. Selon elle, sous le vernis des beaux quartiers se dissimulent parfois des penchants peu ragoûtants. « Ici aussi, on est confronté à la nature humaine : ça dénonce, ça dénonce… Les travaux, les jardins intérieurs, etc. C’est des amis, et ils se balancent à mort ! Pendant ma campagne, certains me disaient : “Rassurez-nous, vous n’êtes pas juive ?” »
  109.  
  110. Elle se plaît également beaucoup au Parlement européen, où les caméras de « Cash investigation » lui ont pourtant collé une image de harpie. Poursuivie dans les couloirs, Rachida Dati, harcelée de questions sur un cas de possible conflit d’intérêts, se retourne et s’en prend durement à la journaliste Elise Lucet, qu’elle traite notamment de « pauvre fille ».
  111.  
  112. Les images, sur lesquelles elle est peu à son avantage, n’ont pas redoré son blason. A la limite, toujours. « Mais pas plus loin, après je recule. Sinon, on devient marginale, on est hors-jeu. » Et, de toute façon, elle assume : « Je ne regrette pas l’esclandre. Et contrairement aux apparences, je bosse, notamment au Parlement européen… »
  113.  
  114. En 2019, elle devra choisir. Réintégrer le monde judiciaire, mais en bas de l’échelle. Ou démissionner. Dur dilemme. « J’aimerais revenir dans la magistrature, j’aime ce métier », dit-elle. Pas simple, quand on a été ministre de la justice.
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  116. Il restera toujours ce poste d’observation et de décision parfait qu’est la mairie du 7e, avec vue dégagée sur le pouvoir, ses sombres allées. Et ses opportunités. Prête à bondir sur celui ou celle qui oserait venir la défier sur ses terres. « Dingue », Rachida Dati ? Non, juste incontrôlable.
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