"Sauvez les séquoias"

"Sauvez les séquoias"
par John Muir

On nous dit souvent que le monde va de mal en pis, sacrifiant tout à Mammon. Mais ce juste soulèvement pour défendre les arbres de Dieu au milieu de la politique et des guerres passionnantes raconte une histoire différente, et chaque Séquoia, j'imagine, a entendu la bonne nouvelle et agite ses branches pour la joie. Les torts faits aux arbres, les torts de toutes sortes, se font dans l'obscurité de l'ignorance et de l'incrédulité, car quand la lumière vient le cœur du peuple est toujours juste. Il y a quarante-sept ans, l'un de ces Calaveras King Sequoias fut laborieusement abattu, afin que la souche puisse être utilisée comme piste de danse. Un autre, l'un des plus beaux du bosquet, d'une hauteur de plus de trois cents pieds, a été écorché vif à une hauteur de cent seize pieds du sol et l'écorce a été envoyée à Londres pour montrer à quel point cet arbre Calaveras était fin et grand - un plan aussi raisonnable que l'écorchage de nos grands hommes serait pour prouver leur grandeur. Ce grand arbre est bien sûr mort, une ruine affreusement défigurée, mais il se dresse toujours debout et tend ses bras majestueux comme s'il était vivant et dit : "Pardonne-leur ; ils ne savent pas ce qu'ils font." Maintenant, des millmen veulent couper tous les arbres de Calaveras en bois d'œuvre et en argent. Mais nous avons trouvé un meilleur usage pour eux. Nul doute que ces arbres feraient du bon bois après être passés par une scierie, comme George Washington après être passé par les mains d'un cuisinier français aurait fait de la bonne nourriture. Mais aussi bien pour Washington que pour l'arbre qui porte son nom, des utilisations plus élevées ont été découvertes. Si l'un de ces rois séquoias venait en ville dans toute sa majesté divine pour être vu de façon frappante et pouvoir plaider sa propre cause, il n'y aurait plus jamais de manque de défenseurs. Et on peut dire la même chose de toutes les autres plantations et forêts de séquoias de la Sierra avec leurs compagnons et des nobles séquoias sempervirens, ou séquoias, des montagnes de la côte.

D'un point de vue général, nous constatons que le Sequoia gigantea, ou Grand Arbre, est distribué dans une ceinture largement interrompue le long du flanc ouest de la Sierra, depuis un petit bosquet sur la fourche centrale de la rivière American jusqu'à la tête du Deer Creek, sur une distance d'environ deux cent soixante milles, à une altitude de cinq mille à huit mille pieds au-dessus de la mer. De la forêt de la rivière American à la forêt de la rivière Kings, l'espèce n'est présente que dans des parcelles isolées relativement petites ou dans des bosquets si peu répartis le long de la ceinture que trois de ses interstices ont une largeur de 40 à 60 milles. Depuis la rivière Kings vers le sud, le séquoia ne se limite pas à de simples bosquets, mais s'étend à travers les larges bassins accidentés des rivières Kaweah et Tule dans des forêts majestueuses sur une distance de près de soixante-dix milles, la continuité de cette partie de la ceinture n'étant que légèrement brisée par les cañons profonds.

Dans ces bosquets et forêts nobles au sud de la Calaveras Grove, la hache et la scie ont longtemps été occupées, et des milliers de séquoias parmi les plus beaux ont été abattus, dynamités à des dimensions raisonnables, et sciés en bois d'œuvre par des méthodes destructives presque incroyables, tandis que les incendies se sont propagés encore plus largement et plus lamentable ruine. Au cours de mes explorations il y a vingt-cinq ans, j'ai trouvé cinq scieries situées sur ou près de la marge inférieure de la ceinture de Sequoia, qui coupaient toutes plus ou moins du bois de Big Tree, qui ressemble au séquoia de la côte, et qui était vendu comme séquoia. L'une des plus petites de ces scieries de la saison 1874 a scié deux millions de pieds de bois de séquoia. Depuis lors, d'autres moulins ont été construits parmi les Séquoias, notamment ceux de la rivière Kings et de la tête du Fresno. La destruction de ces grands arbres se poursuit.

D'autre part, la Calaveras Grove est fidèlement protégée depuis quarante ans par M. Sperry, et à l'exception des deux arbres mentionnés ci-dessus, elle est toujours d'une beauté vierge. Les bosquets de Tuolumne et de Merced près de Yosemite, le bosquet de Dinky Creek, ceux du parc national de General Grant et du parc national de Sequoia, avec plusieurs bosquets exceptionnels sans nom dans les bassins des rivières Kings, Kaweah et Tule, et inclus dans la réserve forestière de Sierra, ont été partiellement protégés par le gouvernement fédéral pendant des années tard ; le célèbre bois de Mariposa a été longtemps gardé par l'Etat.

Pour les milliers d'acres de forêt de Séquoia à l'extérieur de la réserve et des parcs nationaux, et entre les mains des bûcherons, aucune aide n'est en vue. Probablement plus de trois fois plus de séquoias que ce qui est contenu dans toute la Calaveras Grove ont été coupés en bois d'œuvre chaque année depuis les vingt-six dernières années sans laisser ni entraver, et avec à peine un mot de protestation de la part du public, tandis qu'au premier murmure de l'adhésion de la Calaveras Grove au bûcheron presque tous se levait en alarme. Cette indignation juste et vivante des Californiens après la longue période d'apathie mortelle, au cours de laquelle ils ont été témoins de la destruction d'autres bosquets sans bouger, semble étrange tant que la croissance rapide que l'opinion publique a connue ces dernières années et l'intérêt particulier qu'elle porte aux géants des Calaveras ne sont pas considérés. Ils ont été les premiers à être découverts et sont les plus connus. Des milliers de voyageurs de tous les pays sont venus leur rendre hommage avec admiration et louanges, leur réputation est mondiale et les noms de grands hommes leur sont depuis longtemps associés - Washington, Humboldt, Torrey et Gray, Sir Joseph Hooker et d'autres. Ces rois de la forêt, les plus nobles d'une race noble, appartiennent à juste titre au monde, mais comme ils le sont en Californie, nous ne pouvons échapper à leurs responsabilités de gardiens. Heureusement, le peuple américain est à la hauteur de cette confiance, ou de toute autre qui peut surgir, dès qu'il la voit et la comprend.

N'importe quel idiot peut détruire des arbres. Ils ne peuvent pas se défendre ou s'enfuir. Et peu de destructeurs d'arbres n'en plantent jamais, et les plantations ne sont pas non plus d'une grande utilité pour la restauration de nos grands géants autochtones. Il a fallu plus de trois mille ans pour fabriquer certains des plus anciens séquoias, des arbres qui sont encore debout dans une force et une beauté parfaites, ondulant et chantant dans les puissantes forêts de la Sierra. Au cours de tous les siècles mouvementé depuis le temps du Christ, et bien avant cela, Dieu a pris soin de ces arbres, les a sauvés de la sécheresse, des maladies, des avalanches et de mille tempêtes ; mais il ne peut les sauver des scieries et des fous ; ceci est laissé au peuple américain. Les nouvelles de Washington sont encourageantes. Le 3 mars 1905, la Chambre des représentants des États-Unis a adopté un projet de loi prévoyant l'acquisition par le gouvernement des géants de Calaveras. Le danger que ces séquoias ont couru fera du bien bien bien au-delà des limites de la Calaveras Grove, en sauvant d'autres bosquets et forêts, et en accélérant l'intérêt pour les affaires forestières en général. Tant que le fer de l'opinion publique est chaud, frappons fort. En particulier, une réserve ou un parc national des seules autres espèces de Séquoia, les sempervirens, ou séquoias, à peine moins merveilleux que la gigantea, devrait être rapidement sécurisé. Il devra être acquis par don ou achat, car le gouvernement a vendu toutes les sections de la ceinture de séquoias, de la frontière de l'Oregon jusqu'en aval de Santa Cruz.