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May 31st, 2025
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  1. Comment des hommes se radicalisent derrière leurs écrans
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  3. Ils se vantent d’actes sexuels violents envers les travailleuses du sexe. Dans la face cachée des forums de prostitution où l’anonymat libère les pulsions.
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  6. «Ça lui a vraiment fait mal, mais je m’en fous...» C’est ainsi que commence un témoignage sur un forum destiné aux aficionados de la prostitution en Suisse. Un homme qui paie pour ses rapports sexuels raconte ses aventures en ligne à d’autres hommes. Le langage est cru. Les mots sont rabaissants. Plongée dans un univers qui valorise la brutalité et nous incite à adopter des comportements violents.
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  8. «C’est comme ça que ça doit être! Donne-lui ce qu’elle mérite!» lui répond un internaute.
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  10. Ces forums sont accessibles à tous. Les hommes se cachent derrière des pseudonymes, souvent vulgaires. Ils jugent les femmes selon leur apparence et leur attitude. Ils racontent leurs expériences sans retenue. Ils se sentent tout-puissants, allant jusqu’à se vanter de leurs comportements transgressifs: rapports anaux non protégés, violence si une femme refuse un acte. Ils échangent des informations sur les risques encourus et le trafic d’êtres humains.
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  12. Certains s’en contrefichent: «Je n’ai aucun problème à ce qu’elle donne le fric à son proxénète depuis qu’elle a 15 ans.» D’autres recherchent exclusivement des rapports avec des mineures. «Elles font bien comme elles veulent», peut-on lire dans un autre témoignage.
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  14. Comment expliquer une telle situation? Jusqu’où certains hommes sont-ils prêts à aller?
  15. «Ça se passe comme ça sur les forums en ligne. C’est ce que je veux aussi»
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  17. L’existence de forums pour accros à la prostitution n’est un secret pour personne. Ils représentent un réel danger pour les gérants d’établissements érotiques et surtout pour les femmes. Ils sont remplis d’idées fausses et préconçues.
  18. Femme sur un trottoir à Lausanne la nuit du 7 au 8 juillet 2014, attendant des clients sur la rue de Genève, quartier de Sébeillon.
  19. Les forums en ligne, lieux de tous les fantasmes transgressifs et de la brutalité normalisée, deviennent des incubateurs de comportements violents envers les travailleuses du sexe.
  20. KEYSTONE
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  22. Il est tenancier zurichois et souhaite rester anonyme. Il a déjà dû intervenir à plusieurs reprises. «Certains hommes m’ont écrit sur WhatsApp qu’ils avaient eu lu certaines choses sur les forums et qu’ils voulaient la même chose.» Je suis ferme dans ma réponse: «Si tu veux de la viande, va à la boucherie!»
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  24. Selon le patron du bordel, les fantasmes ne sont pas un problème tant qu’il y a consentement. «Mais dès qu’un client se comporte de manière condescendante, j’interviens. Je refuse que mes filles soient traitées de la sorte.» Ces situations sont récurrentes. Autrefois, les clients se présentaient au club comme des mendiants disposés à débourser une somme considérable pour un service. Aujourd’hui, certains s’imaginent être en position de force simplement parce qu’ils offrent 80 francs de l’heure. Ils pensent que tout leur est permis et qu’ils peuvent agir comme bon leur semble.
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  26. Les clients qui dépassent les bornes en toute connaissance de cause sont les plus problématiques. «Il y a des hommes qui savent très bien ce que la femme ne veut pas. Ils le font quand même. Ils partent du principe qu’elle ne portera pas plainte.»
  27. Affichage publicitaire du club de nuit ’Egoist’ à Zurich montrant des photos de femmes en tenue glamour, pris le 14 novembre 2013.
  28. Une publicité racoleuse devant un établissement de nuit zurichois.
  29. ENNIO LEANZA/KEYSTONE
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  31. C’est ressorti dans un autre témoignage. «Au début, elle m’a dit qu’elle n’accepterait de le faire qu’avec son copain (qu’elle n’avait pas à l’époque). Mais, un peu à contrecœur, elle a fini par accepter.»
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  33. Ce qui commence comme un service consenti se termine trop souvent par un abus. C’est l’une des raisons qui relance le débat politique sur la prostitution. Les Femmes du Centre et plusieurs autres élus souhaitent une responsabilisation accrue des clients et gérants de maisons closes, incluant des sanctions pénales si nécessaire.
  34. Un expert en médecine légale met en garde contre la radicalisation
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  36. Une étude de l’association faîtière Procore, bien que non représentative, révèle le niveau de danger auquel sont exposées de nombreuses femmes dans l’industrie du sexe. Elles subissent en Suisse plus de violences physiques, psychiques et sexuelles que la moyenne. C’est ce qui ressort des forums liés à la prostitution. Des méthodes violentes y sont parfois discutées ouvertement.
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  38. «Elle saignait. Quelqu’un avait probablement été trop brutal avec elle. Ça m’importe peu», relate un utilisateur.
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  40. Jérôme Endrass, psychologue médicolégal et directeur adjoint de l’Office d’exécution des peines et de réinsertion du canton de Zurich, connaît bien ces dynamiques. Il a réalisé de nombreuses expertises dans ce domaine. Pour de nombreux délinquants sexuels, les forums internet spécialisés jouent un rôle central, non seulement comme source d'information, mais aussi comme lieu de reconnaissance sociale et de radicalisation progressive.
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  42. «Dans la pratique, nous constatons que la fréquentation de ces forums s’est intensifiée pour beaucoup d’entre eux avant leur passage à l’acte», explique-t-il. Les hommes ayant des penchants sexuels problématiques y trouveraient des personnes partageant les mêmes idées, et donc un environnement qui les désinhiberait et les ferait se sentir invincibles. Les fantasmes pervers se normalisent. Les limites morales sont repoussées. «Ils se disent que si tant d’hommes sont attirés par la même chose, ça les dédouane.»
  43. Portrait de Jérôme Endrass, adjoint au chef de l’Office de l’exécution des peines de Zurich, photographié dans son bureau à Altstetten.
  44. Jérôme Endrass, psychologue, fait des recherches sur l’extrémisme en tout genre, dont la perversion sexuelle.
  45. URS JAUDAS/TAMEDIA
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  47. Certains utilisateurs passeraient plusieurs heures chaque jour sur ces plateformes. C’est presque une question d’identité. Certains y découvrent même des penchants dont ils n’étaient pas conscients auparavant, par exemple une attirance pour les mineures. «Un comportement pédophile peut se révéler en lisant les témoignages d’autres et en recherchant délibérément des contenus en lien.» Internet est difficile à surveiller pour les forces de l’ordre, notamment en raison de l’immense volume de contenus qui y circulent. Plusieurs polices cantonales attestent ne pas effectuer de surveillance systématique. «Ce n’est que lorsque nous avons connaissance d’un délit concret que nous agissons», rapporte un porte-parole de la police cantonale de Zurich.
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  49. Là est le problème. Pour que des enquêtes soient ouvertes, il faut qu'une plainte soit déposée. Le FIZ, Centre d’assistance aux migrantes et aux victimes de la traite des femmes, fait remarquer que grand nombre de femmes travaillent dans l’illégalité. Par peur d’être expulsées, sanctionnées ou stigmatisées, elles ne vont pas voir la police. Même celles qui travaillent sous la contrainte ignorent souvent qu'elles ont droit à une protection.
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  51. Jérôme Endrass estime qu’une interdiction pure et simple de ces forums est difficilement applicable. Une réglementation pourrait s’avérer utile, en rendant l’accès aux contenus les plus dangereux plus difficile. Mais il met en lumière une autre problématique: «Souhaitons-nous consacrer le peu de moyens de la justice pénale à surveiller ce qui se passe sur les forums en ligne? Ne serait-il pas plus utile d’investir plus dans l’éducation et la prévention?»
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