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L’extrême droite partout, tout le temps: l’accusation mécanique de la gauche radicale (2025)

Mar 15th, 2025
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  1. Le Figaro (site web)
  2. vendredi 14 mars 2025
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  5. L’extrême droite partout, tout le temps: l’accusation mécanique de la gauche radicale
  6. Albert Zennou
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  8. ANALYSE - Quand accuser constamment ses adversaires de fascisme tient lieu de stratégie politique. Pour la gauche et notamment LFI, l’accusation est répétée à l’envi dans le but de dénoncer, diaboliser et délégitimer tous ceux qui ne sont pas sur leurs positions.
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  10. Facho, fasciste, faf, extrême droite … Les insultes ne manquent pas à une partie de la gauche pour qualifier ce qu’elle perçoit comme une dérive évidente de l’extrême-droitisation de ses opposants. C’est l’argument ultime d’une partie de la gauche et particulièrement de La France insoumise. Que LFI appelle à une manifestation le 22 mars contre le fascisme, l’extrême droite et le racisme n’est que l’une des innombrables tentatives de montrer qu’ils sont « le » rempart contre la montée des périls.
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  12. Dramatiser à outrance pour se montrer en sauveur de la République, de la démocratie et des libertés. Mais dans leur bouche comme dans leurs accusations, « extrême droite » est devenu un concept à géométrie très variable dont sont affublés tous ceux qui ne sont pas alignés sur leurs positions. La droite LR est naturellement d’extrême droite, tout comme les macronistes, qui ont été contaminés par le Rassemblement national ou Reconquête. Mais la gauche sociale-démocrate l’est tout autant, dès lors qu’elle veut défendre une conception qui ne s’accorde pas ou plus avec celle de La France insoumise.
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  14. Ainsi, tous les tenants à gauche d’une laïcité revendiquée sont devenus des agents de l’extrême droite et taxés d’islamophobie, ce qui, dans la bouche d’un élu ou d’un militant de la gauche radicale, est le signe évident d’une extrême-droitisation avancée.
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  16. Un affrontement
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  18. Il suffit d’émettre des doutes sur la politique en matière d’immigration ou de sécurité pour être rangé au rayon du fascisme décomplexé. C’est ce qui permet à une partie de la gauche de désigner les élus de la droite républicaine ayant franchi la frontière qui sépare les progressistes des extrémistes de droite. Cette rhétorique a pour but de pousser le débat dans un affrontement qui opposerait les partis démocratiques aux formations autoritaires. L’objectif est de permettre, le moment venu, l’organisation d’un « front républicain », la fameuse théorie du barrage au fascisme.
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  20. Ce qui auparavant était l’insulte politique suprême est devenu un mot automatique, comme une virgule dans une phrase, comme une respiration dans un discours. C’est souvent la seule critique qui est faite, proférée continuellement. C’est l’insulte parapluie, celle qui contient toutes les autres. Le terme est répété à l’envi, dit de façon mécanique, et ne veut plus dire grand-chose tant il a été utilisé à très mauvais escient. Puisque l’adversaire appartient de fait au camp fasciste , inutile de parler avec lui, d’argumenter, d’opposer des faits rationnels ou des rappels historiques. C’est l’argument quand on n’a pas d’arguments.
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  22. « Extrême droite » permet tous les raccourcis au nom du « on ne parle pas avec elle, on la combat ». C’est le « No pasaran » qui est brandi, celui qui rappelle les combats contre les franquistes pendant la guerre civile espagnole. Le mot renvoie à une mythologie révolutionnaire, quand il s’agissait de combattre, à juste titre, la version espagnole du fascisme.
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  24. Toujours l’extrême droite
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  26. Le mot est attendu, jamais réfréné et toujours prononcé. Jean-Luc Mélenchon était questionné ce jeudi sur France Inter sur l’affiche présentant Cyril Hanouna sous les traits s’apparentant à la propagande antisémite du temps de l’occupation : pour le leader LFI, c’est l’extrême droite qui est à la manœuvre, en s’attaquant à cette affiche. Si une critique est émise contre la position de son mouvement sur le dossier ukrainien, c’est encore l’extrême droite qui veut imposer sa vision. Sur les conséquences en France du conflit entre Israël et le Hamas, c’est toujours l’extrême droite qui cherche à décrédibiliser le mouvement. Les réseaux sociaux et notamment X (ex-Twitter) en sont remplis.
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  28. Mais quand la qualification est à ce point répétée, il se produit un phénomène connu : la banalisation. Il n’est pas sûr que tous ceux qui cèdent à ce tic de vocabulaire soient réellement convaincus de sa justesse. Il suffit d’avoir une vision différente d’un événement ou d’une idée pour vite se voir replacer dans un continuum extrémiste. Pour la gauche radicale, l’extrême droite est une maladie contagieuse dont on peut déceler les premiers symptômes très rapidement. Pour de nombreux LFI, certains socialistes ont passé le Rubicon et sont même devenus à leurs yeux de vulgaires « droitards ».
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  30. L’utilisation à outrance du terme d’extrême droite n’est pas anodin. Depuis les XIXe siècle et le début de la psychologie des foules, on sait que pour convaincre le plus grand nombre, il faut s’en tenir à un message le plus simple possible et le répéter sans cesse. Car c’est bien de cette répétition que peut naître un début d’adhésion. C’est la technique utilisée par tous les démagogues et les populistes. À force de qualifier constamment ses adversaires d’être d’extrême droite, ils espèrent que leurs cibles électorales en seront convaincues.
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  32. Il y a une dimension performative dans cette rhétorique avec l’illusion que l’adversaire, cloué au pilori, ne pourra que difficilement s’en remettre. Il suffirait de le dire pour que tout le monde soit convaincu que la personne l’est réellement. C’est une bataille sémantique qui se joue, répéter le mot pour que le plus grand nombre commence à y croire. Il se produit le même phénomène avec le conflit entre Israël et Gaza, où sont sans cesse assenés les mots « génocide » et « apartheid ». Imposer son mot est vu comme une première étape vers la victoire.
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  34. La règle des 3 D
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  36. La stratégie de l’extrême-droitisation obéit implicitement à la règle des 3 D : dénoncer, diaboliser et délégitimer. L’objectif de cette accusation constamment réitérée est bien entendu de gagner un combat sémantique mais également politique. Arriver à faire croire que l’extrême droite est partout est une manière de se présenter comme l’ultime rempart, le seul qui puisse contrer la barbarie.
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  38. Il ne suffit pas de dénoncer, ce qui est la première étape. Le rappel constant que le camp d’en face n’est qu’un rassemblement de droite radicale n’a d’autre ambition que d’installer un pouvoir antidémocratique. Il s’agit ensuite de diaboliser, de sortir l’autre du champ démocratique. En diabolisant, LFI cherche à faire entrer l’adversaire dans un univers intrinsèquement négatif qui rappelle « les-heures-les-plus-sombres-de-notre-histoire ». À l’affrontement politique vient s’ajouter une dimension morale.
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  40. En renvoyant à peu près tout ce qui n’est pas de gauche à une extrême droite larvée, celle-là espère maintenir le fameux cordon sanitaire, celui qui permet d’isoler certains partis ou candidats et rendre impossible toute forme de compromis électoral. Gare à celui qui y contrevient, il se voit taxer de collusion avec le diable.
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  42. Assimiler ses adversaires à l’extrême droite permet aussi de mobiliser son électorat contre un ennemi bien identifié. C’est la théorie du danger imminent qui, si l’on n’y fait pas attention, a bien vite la possibilité d’installer au pouvoir un régime autoritaire. Mais, à force d’utiliser le mot à outrance, la gauche radicale prend le risque de sa banalisation et de la perte progressive de son impact. À terme, accuser tout le monde d’être d’extrême droite peut être alors perçu avant tout comme une stratégie d’évitement du débat.
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