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Copyright: nonoko - Les Mystérieuses Cités d'Or - http://www.lescitesdor.com/forum/
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                                                           Unagikami mon amour
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                                                          Drame en quatre actes
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Avertissement au lecteur.
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   Je m'apprête à commettre un sacrilège, et toi à le consommer avec moi. Mais les idoles ne sont-elles pas faites pour être brisées, les anges pour être déchus, et les icônes pour être clastées ? Me voilà donc devenue icononoclaste.
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 Toutefois, pas de grivoiseries rabelaisiennes en perspective, c'est à peine si on pourrait interdire mon œuvre aux moins de dix ans.  Je l'ai conçue comme un vaudeville durassien, mais on pourrait aussi bien dire qu'il s'agit d'un « spectacle dans un fauteuil » à la manière de Musset, qui écrivait sans espoir d'être joué. « On ne badine pas  avec l'amour », « Il ne faut jurer de rien »,  « Les caprices de Mendoza. »....autant de titres qui pourraient  également convenir.
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 A ceux qui s'indigneraient de l'image que je donne de ce pauvre Mendoza, je répondrai simplement : qui aime bien bien, châtie bien. Et puis trente ans après, tout est permis, non ? Il n'y a qu'à voir la saison deux, qui m'a largement inspirée, merci à elle.
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 Enfin, si le premier acte joue sur la facilité et annonce une comédie, j'ai tenté d'explorer les tréfonds de l'âme de mes personnages au risque d'en perdre la raison, que j'ai senti vaciller plus d'une fois pendant l'écriture. Comment tout cela m'est-il venu à l'esprit ? Je n'ose tenter de répondre à cette question, cher lecteur, mais sache que,  bien que novice en la matière, j'ai essayé de rendre l'action la plus lisible possible afin que tu prennes plaisir à imaginer à ton tour les scènes sorties de mon cerveau définitivement malade. Mais je ne regrette rien.  
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  Que ta lecture soit agréable.
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                                    Acte I
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                   La tasse de chocolat chaud
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La nef, intérieur nuit, quelque part au Japon. On devine l'aube au dehors : lumière faible, d'intensité croissante tout au long de l'acte.
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Scène 1.
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Mendoza est à moitié allongé sur la méridienne, torse nu, sa cape en guise de couverture. Il a gardé ses bottes. Son épée est posée en équilibre contre la table aux éprouvettes. Il sirote une tasse de chocolat chaud d'un air concentré.
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Du plancher de la nef émerge progressivement Ambrosius, qui revient de la cale dans son costume habituel, gants y compris, mais légèrement débraillé.
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Mendoza (se redressant de façon à se tenir le dos droit, ce qui fait glisser sa cape sur sa taille, et après avoir bu une nouvelle gorgée de chocolat) : Alors, comment va-t-il ?
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Ambrosius (après avoir renvoyé le monte-charge, se tourne vers lui et le contemple, poings sur les hanches, la mine réjouie) : Aaaah ! ….Très cher ami ! Comment trouvez-vous ce xocoatl ? J'ai suivi la recette des nonnes d'Oaxaca : miel, sucre, musc et une goutte de fleur d'oranger. N'est-ce pas délicieusement revigorant ? (il va vers la paroi) Et regardez : j'ai là des dizaines de variétés de fèves de cacao, conservées précieusement dans ces boîtes : mon péché mignon. (il commence à s'agiter comme un bonimenteur de foire) Et c'est très facile à préparer ! Admirez cet appareil de mon invention, qui permet de fermenter, torréfier puis broyer la fève, afin d'obtenir une poudre que je mélange avec mes condiments dans ce petit compartiment, là, hop, un peu d'eau, et ça touille, ça touille, et ça chauffe, ça chauffe, et ça sent bon dans la maison, huum ! Et ça fonctionne à la vapeur solaire, génial non ? Moi, je préfère les fèves mayas, et vous, cher ami ? Notez que les fèves aztèques sont tout aussi goûteuses, mais leur amertume m'amène à les mélanger à d'autres variétés. D'ailleurs, je vous ai fait goûter mon mélange spécial « Xochiquetzal », déesse aztèque de la fertilité. Pas mal, non ? Alors ? Vous ne m'avez toujours pas répondu. Oh!Mais, suis-je sot ! Vous préférez peut-être le café ! Ou le thé ? Je me suis réapprovisionné pendant notre séjour à Pékin chez « Li Van frères », le fournisseur officiel de l'Empereur, faites votre choix, je suis votre serviteur....(il s'incline avec cérémonie tout en désignant des boîtes à thé sur les rayonnages)
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Mendoza (après un regard concentré vers le fond de sa tasse) : Eh bien....
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Ambrosius, se redressant : Non ! Ne dites rien ! (il pose sa main sur son front et ferme les yeux). Vous aimez le...lapsang souchong, j'en suis sûr !
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Mendoza : C'est à dire...
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Ambrosius (son visage s'éclaire) : Aaah ! Mais j'ai l'impression de connaître mon Mendoza sur le bout des doigts à présent ! (il se tourne pour attraper une boîte). Voilà ! (il lit l'étiquette) Nuage céleste, un excellent cru, un vrai nectar d'ambroisie, eh eh eh !
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Mendoza (se rallongeant) J'en boirai volontiers mais...
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Ambrosius : Tut tu tut ! Pas de manières entre nous ! (il fait volte-face et s'exclame avec emphase en levant sa boîte au ciel) Ah ! Je me sens un cœur à aimer la terre entière !
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Mendoza (fermant les yeux et soupirant) : Ambrosius, voyons ! Mais enfin, comment va-t-il ?
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Ambrosius (surpris, bras toujours en l'air) : Hum ? De quoi parlez-vous mon cher ? Oooh !  Mais bien sûr! Où avais-je la tête ? (il va poser sa boîte sur la table) Tout va bien, tout va bien, ce système  est vraiment très ingénieux, l'oxygène se renouvelle régulièrement, pas de souci, belle technologie, c'est juste un peu embêtant d'avoir à renverser la capsule toutes les douze heures pour activer le système, heureusement que j'ai l'exosquelette, hein ! Mais il faudra que je construise un mécanisme à réglage automatique car en cas d'absence, notre ami risquerait d'étouffer, ce serait stupide....Et ne vous inquiétez pas, je lui ai donné sa pâtée, bien sûr, c'est plein de vitamines, une recette de ma grand-mère, il ne risque pas de mourir de faim, vous avez constaté ça vous-même ! Je mélange de la poudre d'os de seiche avec du jus de radis noir et...
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Mendoza (toujours les yeux fermés) Très bien, si tout va bien, alors...tout est bien. (Silence. Il semble dormir mais tient toujours sa tasse de chocolat. Ambrosius s'approche à pas de loups et va enlacer ses épaules par derrière. Mendoza sursaute et se redresse brusquement). Eeeh ! J'ai failli tacher ma cape, bougre d'âne ! Qu'est-ce qui t'a pris ?
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Ambrosius (dans un grand éclat de rire) J'adore les surprises ! (ton rêveur) Mais la meilleure est venue de toi.....
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Mendoza(scrutant sa cape) : tu as de la chance, on dirait qu'elle n'a rien.
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Ambrosius (contournant la méridienne pour venir à la hauteur de Mendoza). Et quand bien même ? J'ai une super machine à laver qui fonctionne à la vapeur solaire, technologie de Mu garantie, j'ai trouvé ça dans la pyramide, une vraie mine ! (il regarde sa montre). D'ailleurs, tu vas bientôt pouvoir constater son merveilleux pouvoir de nettoyage, et sans détergent qui plus est ! J'ai mis une lessive à tourner pendant que tu dormais, le cycle de lavage est bientôt terminé. Tu vas retrouver tes vêtements comme neufs ! (sourire épanoui).
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Mendoza, toujours sa tasse à la main, lui jette un long regard de biais, puis regarde sa tasse et boit une gorgée.
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Ambrosius (se frottant les mains) : Tu es ravi, n'est-ce pas ?
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Silence.
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Mendoza : Les enfants....que font-ils en ce moment ? (il regarde au dehors, le jour se lève). Ils vont bientôt se réveiller....que vont-ils penser ?
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Ambrosius : Que tu es parti pêcher ! Vous vous êtes posés près d'une excellente rivière à anguilles, non ?
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Mendoza (haussant les épaules) : Pedro et Sancho, oui, sans doute, c'est ce qu'ils penseront...s'ils se réveillent...mais Esteban...(regardant Ambrosius) je suis sûr qu'il va s'inquiéter, et Zia aussi ! Quant à Tao....(baissant les yeux, dans un murmure) il se méfie de moi...et je crois bien qu'il me déteste...c'est pas comme ça que je vais me racheter une conduite à ses yeux...
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Ambrosius (retournant à sa boîte à thé et commençant à préparer une tasse) : Penses-tu ! Tu te fais des idées ! Il est juste un peu jaloux de toi, c'est tout, et puis comme tu te méfiais de moi, forcément....Quant à Esteban, il ne va pas s'inquiéter, sois en sûr, il sera trop content d'être débarrassé de toi pour pouvoir aller cueillir des fraises.
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Mendoza (peu convaincu) : Et Zia ?
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Ambrosius : Zia ? Non mais ils iront tous cueillir des fraises, qu'est-ce que tu crois ?
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Mendoza (levant les yeux vers Ambrosius) : et Pichu ?
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Ambrosius : Pichu ? Ah, s'il se met à crier « Alerte, Alerte, Mendoza est parti ! Mendoza est parti ! », on est cuits ! Non, sérieusement, Mendoza...
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Soudain on entend dans le lointain un cri d'oiseau. Mendoza se lève d'un bond, sa tasse à la main. La cape glisse à terre. Heureusement, la table fait écran.
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Mendoza (l'oreille aux aguets) : Ecoute!On dirait Pichu !
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Ambrosius : Aaaah...cher ami...vous êtes toujours aussi surprenant, j'adore. ...Pichu, hum ?  (il écoute à son tour) Mais non, c'est un vulgaire corbeau, une espèce très courante au Japon . Votre confusion vexerait ce pauvre Pichu ! (il ramasse la cape) Attendez que je vous aide.
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Mendoza (toujours pétrifié la tasse à la main) C'est Pichu...C'est lui, j'en suis sûr ! (on entend toujours les cris).
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Ambrosius : vous êtes délicieusement ridicule ! Allons ! (il tente de remettre la cape sur les épaules de Mendoza, en vain, en raison de sa petite taille et parce que Mendoza se précipite vers le hublot). Couvrez-vous, voyons ! (il essaye encore et encore, sans succès). Bon ! Attendez, j'ai une idée, ne bougez pas, je reviens ! (il part dans la cale)
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Scène 2
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Mendoza n'a pas bougé et écoute toujours l'oiseau en répétant en boucle :
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 Pichu...Esteban...Zia...Tao...
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Il est de dos, de sorte que le public intéressé puisse admirer pudiquement sa plastique de statue grecque ou de gravure de mode, les autres peuvent fermer les yeux. La scène dure cinq bonnes minutes, le temps qu'Ambrosius revienne, revêtu de l'exosquelette et de la robe de Zarès.
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Scène 3.
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Ambrosius : Aaah....(il reprend la cape qu'il avait posée sur la méridienne). Ça va mieux comme ça ! (il parvient à poser la cape sur les épaules de Mendoza et le tourne vers lui pour l'attacher, puis il lui prend sa tasse, la pose sur la table, revient secouer les plis pour que la cape tombe bien) . C'est parfait !  Décidément, cet exosquelette est bien pratique ! Et dire que j'ai failli te tuer avec ! Quelle erreur véritablement regrettable j'ai manqué de commettre là !
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Mendoza (le regardant enfin et cessant sa litanie) : Quand tu me tues, tu me fais du bien....
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Fin du premier acte.