Guest User

Untitled

a guest
Oct 3rd, 2023
274
0
Never
Not a member of Pastebin yet? Sign Up, it unlocks many cool features!
text 7.54 KB | None | 0 0
  1. Extrait d’un article du monde :
  2.  
  3. L’ami qui accompagne Hedi, Lilian P., est le premier à livrer le récit de la soirée, dès la fin d’après-midi du 2 juillet. Le jeune homme, coiffeur de formation qui effectue des extras dans la restauration, confesse une « forme de “curiosité” pour justifier sa présence à Marseille, en ajoutant qu’il avait l’habitude de sortir le soir avec Hedi ». Vers 2 heures du matin, Hedi l’appelle : veut-il le rejoindre pour se rendre à Marseille ? Il acquiesce, prend sa voiture et la gare « près de la Joliette » pour retrouver son ami sur le Vieux-Port. Quelques minutes plus tard, alors qu’ils marchent dans la rue, ils croisent cinq hommes à l’angle des rues d’Italie et du Commandant-Imhaus, dans le 6e arrondissement de la ville. A ce moment-là, assure-t-il, il entend une voix les interpeller : « Vous allez où comme ça ? »
  4.  
  5. « Le témoin, poursuivent les magistrats, affirmait n’avoir pas eu le temps de répliquer dans la mesure où l’un des membres du groupe sortait quelque chose de son pantalon, qui s’apparentait à une matraque télescopique, pour tenter de lui donner un coup sur la tête. Il parait le coup et partait en courant. » Hedi le suit, paniqué. Un « plop » caractéristique retentit. Il chute au sol presque aussitôt
  6.  
  7.  
  8.  
  9. Toujours selon Lilian P., « au moins trois des membres du groupe se jetaient sur ce dernier en lui donnant des coups de pied et de poing, alors que lui-même se trouvait à environ dix mètres de la scène. Craignant pour sa personne, il n’intervenait pas ». Et il voit son ami traîné au sol vers une ruelle, « hors de son champ de vision ».
  10.  
  11. Auditionné à son tour deux jours plus tard, Hedi complète le récit de son ami. « Ensuite, déclare-t-il, c’est allé très très vite. (…) Ils nous ont tiré dessus au Flash-Ball. Ils n’ont tiré que sur moi, une balle dans la tête. De là, je suis tombé au sol. Quand je suis tombé au sol, les policiers sont venus me chercher, ils m’ont traîné dans le coin de la rue. Ils m’ont tabassé, ils m’ont mis des coups de poing dans la tête, des coups de pied, ils m’ont frappé avec les matraques. »
  12.  
  13. Versions divergentes
  14.  
  15. C’est à partir de ce moment précis que les versions divergent entre celle fournie par Hedi R. et Lilian P. et celle avancée par les policiers. Les investigations de la police judiciaire de Marseille et de l’inspection générale de la police nationale (IGPN) permettent, sitôt l’ouverture d’une information judiciaire contre X, le 18 juillet, d’identifier une « colonne constituée de sept policiers de la brigade anticriminalité, engagés sur les lieux et aux horaires correspondant à la commission des faits ». Quatre d’entre eux, un major et trois gardiens de la paix, désignés de XH01 à XH04, sont directement impliqués dans les faits. L’un d’eux, XH01, est bien équipé d’un lanceur de balles de défense (LBD), que les non-initiés désignent souvent du terme générique de « Flash-Ball ».
  16.  
  17. Placés en garde à vue, tous les policiers décrivent à l’unisson « le contexte insurrectionnel dans lequel ils étaient amenés à intervenir, synonyme d’épisodes de violences sur la voie publique inédits dans leur intensité, auxquels ces policiers expérimentés n’avaient jamais été confrontés ». Ils évoquent aussi un trafic radio saturé et des geôles de garde à vue bondées, et n’oublient pas de préciser le manque de visibilité dans la rue d’Italie, théâtre des violences, totalement dépourvue d’éclairage. Plus surprenant, tous s’accordent à affirmer n’avoir été témoins d’aucun tir de LBD sur place. Jeudi matin à l’audience toutefois, le policier C.I., identifié comme le tireur, a admis un tir, mais « rien ne prouve » que ce soit celui qui a blessé le jeune Hedi, selon son avocat. A cela s’ajoutent des déclarations pour le moins troublantes quant au rôle et aux gestes de chacun des policiers présents sur les lieux cette nuit-là.
  18.  
  19. Le plus gradé, le major, affirme d’abord « ne jamais avoir frappé quelqu’un qui se trouvait au sol ». Puis, confronté à des images de vidéosurveillance, il admettra l’avoir fait. Un autre, qui fait pourtant partie de la même équipe, affirme « ne pas être en mesure d’identifier quiconque sur les images tirées de la vidéosurveillance, formule qu’il appliquait à sa personne », note le parquet général d’Aix-en-Provence. Le tireur au LBD, lui, nie contre l’évidence toute participation aux violences : « Pour ma part, dit-il au magistrat instructeur, je n’ai pas assisté aux faits. Encore une fois, la rue d’Italie étant dans le noir, je n’ai pas assisté à la scène. » Mais, finira-t-il par ajouter, « il se trouvait dans un état d’épuisement qui pouvait avoir entamé sa lucidité », étant entendu que « l’absence de souvenirs plus précis ne se réclamant aucunement d’une volonté de dissimulation ». Deux autres policiers, enfin, présents sur les lieux, ne se souviennent pas du déroulement de la soirée, pas davantage que d’une « confrontation » avec deux individus.
  20.  
  21. Moins d’une minute
  22.  
  23. Quatre caméras de surveillance appuient les témoignages de Hedi R. et son ami Lilian P., selon le réquisitoire du parquet général d’Aix-en-Provence. « L’exploitation, dans le temps de la flagrance, des images issues de la vidéoprotection municipale, ne semblait pas remettre en cause l’économie générale de ce récit quant au cheminement du plaignant et de son ami », précise même le texte.
  24.  
  25. En dépit de positionnements parfois éloignés de l’action, et d’une luminosité basse dégradant la qualité des images, ces quatre angles de vue racontent un assaut durant au total moins d’une minute. L’exploitation de la caméra de la synagogue Ohel-Torah, située du 96 rue d’Italie, offre même des « éléments primordiaux ». Elle montre ainsi qu’à 1 h 56 min et 35 secondes – l’horodatage commence avec le déclenchement de la caméra, il ne coïncide pas nécessairement avec l’horaire proprement dit –, alors qu’il vient d’être touché par le tir de LBD, Hedi est déséquilibré par un « violent coup de pied (…) au niveau des mollets ou des chevilles, ce qui faisait chuter le jeune homme au sol. Ce dernier se retrouvait alors en position assise, entouré de plusieurs policiers ».
  26.  
  27. Deux secondes plus tard, le même policier qui vient de le balayer lui assène « deux coups de pied en direction de son bassin ou de son ventre ». Couché, Hedi reçoit encore un coup de poing. Puis, à 1 h 56 min et 48 secondes, un nouveau policier fait son apparition pour lui donner « une gifle ou un coup de poing au visage ou sur la tête ». Le jeune homme parvient à se rétablir, s’assied tant bien que mal « avec une main sur son visage ou sa tête, s’apprêtant à se relever » et prend un « nouveau coup de pied dans les jambes ».
  28.  
  29. Une autre vidéo, tournée par un riverain témoin direct des faits, vient même ajouter une touche d’humiliation à ce traitement. Alors que le jeune homme quitte les lieux « d’un pas hésitant », totalement sonné, un policier lui délivre un coup de pied aux fesses. Il s’effondrera, inconscient, quelques minutes plus tard, au moment où le propriétaire d’une épicerie de nuit et son camarade Lilian P. le chargent dans la voiture qui le conduira en trombe vers les urgences de l’hôpital de la Timone. Les assaillants, formellement reconnus selon le réquisitoire, se sont déjà évanouis dans la nuit.
Add Comment
Please, Sign In to add comment