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Oui, il y a des antisémites en France ! (Marc Knobel, 7 décembre 2001)

Nov 30th, 2024
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  1. Marc KNOBEL, Oui, il y a des antisémites en France !
  2. Le Figaro, vendredi 7 décembre 2001
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  4. Face à la recrudescence des agressions visant les communautés juives
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  6. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt l'article de M. Daniel Amson, " Il n'y a pas de problème juif en France ! " (" Débats et opinions ", 4 décembre 2001). Daniel Amson nous explique que l'esprit des Français a profondément évolué et qu'il n'existe plus d'antisémitisme institutionnalisé comme cela fut le cas dans les années 30 et 40. Ce fait est heureusement avéré, les juifs ne sont plus écartés de professions, leurs biens ne sont plus aryanisés, ils ne sont plus dénoncés, arrêtés et convoyés vers Drancy et Auschwitz. Seulement, l'auteur aurait dû éviter de dresser une comparaison qui n'a pas lieu d'être. S'il faut comparer des situations et tenter d'en dégager une substance, il faut comparer ce qui est comparable et ne s'étendre que sur les dix dernières années.
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  8. En ce sens, le dernier rapport de la Commission nationale consultative des droits de l'homme fourmille d'indications, statistiques, analyses et observations de terrain. Le rapport constate en tout premier lieu que différentes communautés dont la communauté musulmane sont victimes de racisme et de discriminations intolérables. Le rapport dresse ensuite la courbe des menaces antisémites dans la dernière décade. Cette courbe montre un accroissement du volume de menaces consécutives à la profanation du cimetière israélite de Carpentras : 372 menaces sont en effet recensées en 1990. La courbe de ces manifestations s'infléchit jusqu'en 1993. En 1995, le reflux reprend pour atteindre son niveau le plus bas en 1999. L'an 2000 voit un niveau de menaces sans précédent, concentrées à plus de 85 % sur le dernier trimestre (603 menaces). Le même rapport dresse la liste des violences antisémites signalées depuis dix ans. Depuis 1991 (24 violences), les courbes du nombre et de la gravité des actes de violence visant les membres de la communauté juive s'infléchissent régulièrement jusqu'à devenir " résiduelles " (3 violences en 1997). Une remontée, constatée en 1999 était confirmée au cours des 9 premiers mois de l'année 2000. Mais le dernier trimestre a enregistré, note le rapport, une véritable explosion du nombre d'actions (111) en raison de la situation au Moyen-Orient : 116 violences antisémites en 2000 dont 44 tentatives d'incendie, 33 dégradations par coups de feu, jets de pierres, bris de vitres et 33 agressions qui blesseront 11 personnes.
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  10. Synagogues et autres lieux de culte ont été visés à 43 reprises, 3 cimetières juifs ont fait l'objet de profanations. Des fidèles sortant de lieux de culte ont été la cible de 39 actions violentes et des professeurs, des élèves ou des cars transportant des élèves ont fait l'objet de violences à 9 reprises. Pour l'année 2001, le ministère de l'Intérieur déclare avoir enregistré jusqu'au 15 novembre dernier, 26 actions violentes et 111 intimidations et menaces. Le ministère en conclut que la violence a été moindre et minimise ainsi les chiffres communiqués par la communauté juive.
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  12. Seulement, et comme le note le journaliste Eric Conan dans L'Express du 6 décembre 2001, les spécialistes de l'Intérieur font remarquer que leurs statistiques fiables sont loin d'être exhaustives et que les faits non recensés (notamment pour les petites agressions) leur échappent alors que la communauté juive enregistre systématiquement ces actes. In fine, Nonna Mayer et Guy Michelat dans le rapport de la CNCDH dressent un bilan pour le moins inquiétant de la situation.
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  14. Certes, il n'y a pas forcément plus d'antisémites dans la société française en l'an 2000 et 2001 qu'en 1990, mais il y a moins d'antisémites honteux, constatent les chercheurs du Centre d'étude de la vie politique française : " La hausse de l'antisémitisme déclaré s'observe dans toutes les catégories de la population, chez les hommes et chez les femmes, chez les jeunes et chez les plus âgés, chez les ouvriers et chez les cadres, à gauche et à droite (p. 100). " Et surtout, en raison de la recrudescence du conflit israélo-arabe, le contexte est propice à l'expression de sentiments anti-israéliens et anti-juifs. La presse répercute cette intifada dans son intensité dramatique ou passionnelle. Et cette guerre est avant tout une guerre des images et des symboles. La force des images laissera des séquelles. Ce sont les images qui marqueront les consciences et des jeunes s'identifieront alors à ceux qu'ils pensent être les victimes pour frapper ceux qu'ils pensent être des bourreaux.
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  16. Lorsque l'on regarde par exemple ce qui est arrivé ne serait-ce qu'au mois d'octobre 2000 on est frappé par le grand nombre d'attaques et autres actes de violence qui ont été commis. De ces actions, 70 sont perpétrées à cette époque en France, 29 au Canada, 22 aux Etats-Unis et 20 en Grande-Bretagne. En novembre 2000, leur intensité retombe mais les agressions se poursuivront au-delà de cette date. Les services de la communauté juive ont enregistré, au jour le jour, les incidents dont a été le théâtre la communauté depuis le mois d'octobre 2000 (1). Près de 350 agressions et menaces ont été enregistrées en un an dont l'une des plus marquantes a été l'incendie de la synagogue de Trappes. On y trouve des actes graves mais des incidents qui le sont moins. Il se dégage de leur énumération et de leur accumulation une atmosphère globale comme le constatent les travaux récents de l'observatoire du monde juif marquée par l'insécurité des personnes et des biens, sur une période durable, qui n'est pas toujours close, génératrice d'un sentiment d'abandon et de déréliction. Un rapport détaillé dont un extrait a été publié dans Marianne (17 septembre 2001) sur ces agressions a été préparé Place Beauvau. Il est basé sur les interrogatoires de 42 suspects. Ce rapport précise le profil des agresseurs : " Il s'agit pour la plupart d'individus impliqués majoritairement dans la délinquance (...) Ils paraissent néanmoins animés par un sentiment d'hostilité à Israël plus ou moins diffus, exacerbé par la médiatisation d'affrontements au Proche-Orient. Ceci facilite leur projection dans un conflit, qui à leurs yeux reproduit des schémas d'exclusion et d'échec dont ils se sentent eux-mêmes victimes en France. "
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  18. Les chercheurs qui travaillent sur ces questions tentent de comprendre cette situation. Ils ne prétendent nullement que la France est un pays raciste ou antisémite. Ils veulent surtout prévenir nos compatriotes et le gouvernement. Lorsque, par exemple dans son interview du 5 décembre 2001, le premier ministre assure que le gouvernement sera inflexible dans la condamnation et la poursuite des actes antisémites, comment ne pas s'interroger ? Le rapport de la CNCDH relève ainsi à propos des centaines d'" intimidations " à caractère antisémite que, sur une soixantaine d'interpellés, seuls cinq individus, relevant de l'extrême droite, ont fait l'objet de procédures judiciaires. Comme si les autres n'étaient pas vraiment antisémites ! Des soupapes sont en train de tomber, s'il convient de ne pas surestimer la gravité de la situation, il ne convient pas pour autant de faire de l'angélisme et d'ignorer la réalité. Si la réalité est ce qu'elle est, il appartient alors aux citoyens que nous sommes de rappeler les grands principes. Nous devons tous apprendre les uns des autres, vivre les uns avec les autres, bénéficier de mêmes droits et devoirs et respecter la dignité de tout un chacun.
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