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Édouard Louis a confondu son roman avec la réalité (Le Point 08/02/2022)

Feb 10th, 2022 (edited)
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  1. LE POINT
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  3. Publié le 08/02/2022 à 07h00
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  5. Me Marie Dosé : « Édouard Louis a confondu son roman avec la réalité »
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  7. INTERVIEW. Accusé de violences sexuelles dans un livre et devant les tribunaux par le romancier Édouard Louis, Riadh B. a été relaxé. Son avocate réagit.
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  9. Propos recueillis par Nicolas Bastuck
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  11. La cour d'appel de Paris a confirmé, lundi 7 février, la relaxe de Riadh B., 36 ans, accusé d'agression sexuelle par l'écrivain Édouard Louis. La cour a requalifié les faits de vol avec violences reprochés par ailleurs au prévenu en vol simple (une tablette et un téléphone portable), le condamnant pour ce délit connexe à trois mois de prison avec sursis. L'avocat général, à l'origine de l'appel, avait requis une peine de quatre ans d'emprisonnement – dont deux ferme –, comme en première instance.
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  13. Le soir de Noël 2012, Édouard Louis avait déposé une plainte pour « viol avec arme » et « vol aggravé », mettant en cause un certain Reda (Riadh B.). Expliquant avoir eu dans un premier temps des relations sexuelles consenties avec lui, il s'était rendu compte ensuite que son téléphone et sa tablette lui avaient été dérobés. Mis en cause, son amant d'un soir serait alors devenu violent, l'étranglant avec son écharpe avant de le violer.
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  15. Édouard Louis avait raconté cette histoire dans un livre, Histoire de la violence (Seuil) , paru en 2016. À l'issue de l'information judiciaire ouverte contre Riadh B., les faits de viol avaient été requalifiés en agression sexuelle et le mis en cause avait été renvoyé devant le tribunal correctionnel, devant lequel il encourait dix ans d'emprisonnement.
  16. Me Marie Dosé, qui défend depuis le début de l'affaire Riadh B. aux côtés de sa consœur Judith Lévy, réagit à cette deuxième décision de relaxe et répond aux questions du Point.
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  18. Le Point : Comment accueillez-vous la décision de la cour d'appel de Paris rendue ce lundi ?
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  20. Me Marie Dosé : C'est la fin d'un éprouvant parcours judiciaire et d'une décennie de procédure pour celui qui n'a eu de cesse de clamer son innocence. Il a payé cette affaire au prix fort en passant près d'un an derrière les barreaux, en détention provisoire, avant de comparaître à deux reprises devant ses juges. Nous pensions, en décembre 2020, que la page serait tournée puisque les magistrats l'avaient relaxé. C'était sans compter sur la partie civile, qui a interjeté appel et a tout fait pour que le parquet fasse appel à son tour.
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  22. La relaxe a été confirmée par ses « seconds juges », vous êtes donc satisfaite…
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  24. Satisfaite, non, parce que Riadh B. a été trop longtemps incarcéré. Mais rassurée, oui, assurément. L'institution judiciaire acte une seconde fois, et définitivement, l'absence totale de charges contre celui qui a été en prison pendant 11 mois, pour rien. Elle a fait son travail et l'a bien fait. L'arrêt de la cour d'appel ne se contente pas d'asséner que « le doute profite à l'accusé », mais motive la relaxe de Riadh B. sur cinquante pages. Si après ça, on considère – comme le clame la partie civile – que déclarer deux fois l'innocence d'un homme équivaut à ne pas condamner un coupable, c'est la fin de l'État de droit. Ce n'est pas un magistrat mais six juges (deux fois trois, en première instance et en appel) qui ont estimé que Riadh B. n'était pas coupable.
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  26. Il confond son roman avec une réalité qui n'a jamais existé. La vérité est qu'Édouard Louis s'est piégé lui-même. En affirmant, lors de la parution de son livre, que tout ce qui y est écrit est vrai, que son récit est l'exacte réalité, il s'est condamné à ne plus pouvoir faire marche arrière. C'est ce que j'explique depuis le début de cette affaire. Les témoignages de Didier Éribon et Geoffroy de Lagasnerie, porte-paroles plus que témoins, ont été écartés par la cour d'appel à juste titre. Leurs déclarations ont contredit toutes les constations matérielles actées par les enquêteurs.
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  28. Édouard Louis et ses proches ont-ils voulu sacrifier un innocent pour préserver leur réputation littéraire ?
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  30. Je ne veux pas répondre à cette question. En revanche, je ne supporte pas de lire et d'entendre que la justice n'écoute pas les victimes lorsqu'elles refusent tous les rendez-vous judiciaires. C'est exactement le cas d'Édouard Louis. Dès sa garde à vue, Riadh B. a demandé à être confronté avec celui qui l'accusait, et Édouard Louis a refusé. Au cours de l'instruction, j'ai demandé à pouvoir poser des questions à Édouard Louis en présence de son avocat et en l'absence de Riadh B., Édouard Louis a refusé. Il n'a jamais argué de la peur que pouvait lui inspirer son prétendu agresseur pour refuser de répondre à ses questions ou à celles de son avocat, jamais. Je note par ailleurs que la cour d'appel n'a pas eu besoin de souligner l'absence et le silence de la partie civile aux deux procès pour relaxer Riadh B.. Elle se contente de relever, et c'est suffisant, qu'aucun élément ne permet de corroborer les allégations d'Édouard Louis.
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  32. Que pensez-vous de cette attitude ?
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  34. Édouard Louis, Geoffroy de Lagasnerie et Didier Éribon [ses proches et soutiens, NDLR] doivent comprendre que la justice ne leur appartient pas et qu'elle n'est pas ce qu'ils décident d'en faire. Elle ne leur obéit pas. C'est ça, l'indépendance, l'État de droit, et la protection des plus faibles. Le résultat de tout cela, c'est qu'un innocent a été jeté en prison et y resté près d'un an. Au lieu de faire profil bas, ils en appellent à Primo Lévi. Je n'ai plus de mots. La justice est donc coupable d'avoir innocenté un homme à deux reprises après dix ans de procédure ? Puisqu'il est innocent, la justice est coupable ? Jusqu'où va-t-on se perdre ?
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  36. De plus en plus d'affaires de ce type sont instruites dans les médias et en prenant l'opinion à témoin. Que dit cette procédure, selon vous ?
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  38. Elle dit simplement que l'État de droit nous protège de l'arbitraire et nous protège du règne de la dictature de l'émotion. Je salue le courage des magistrats qui se sont mis à l'épreuve des faits. Et je me dis que cette résistance est la plus légitime qui soit. Je songe à Riadh B., surtout, qui a été détruit à jamais par cette affaire.
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  40. https://www.lepoint.fr/societe/me-marie-dose-edouard-louis-a-confondu-son-roman-avec-la-realite-08-02-2022-2463809_23.php
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