je suis l'immortel éphémère, aucun souvenir n'échappe à mes bras de vénérable enfant ; sur ma tombe je m'érige en prince, je suis toujours à un fil de tomber et pourtant je canalise mes titubements ; chaque jour je décuve de l'incroyable ivresse qui coule de la vie. Peut-être, penserez-vous naïvement qu'avoir tout vécu et que tout vivre à tout moment est la pire sensation qu'un homme puisse porter; et je me dois de vous l'assurer, comme tout en moi est simultané, comme je ressens toutes les émotions, passées, futures, en l'unité de mesure la plus minime que l'humanité puisse porter, je devrais me sentir totalement impuissant de ne pouvoir contrôler quoique ce soit, de n'être pas en mesure de changer le destin et de devoir malgré moi m'en contenter. Et pourtant, pourtant si simultanément je souffre, si je pense sans arrêt au suicide car l'espoir n'existe plus, peut-être sais-je des choses plus belles encore que l'espoir. Je vais vous dire, moi, quel est le plus atroce et amer problème lorsque l'on ressent tout, lorsque l'on vit toute l'Humanité en un ridicule atome temporel. Rien ne m'exalte davantage que de boire toute l'Humanité car en agissant ainsi, je vis des expériences comme aucun Homme n'en vivrait sur Terre et ainsi, je profite enfin de ce que tout le monde a à m'offrir, j'ai la chance de pouvoir goûter à l'Humanité toute entière, et si je revis instantanément les mêmes émotions, celles-ci sont si puissantes, si lultiples et j'en retire un tel malheur et une telle jouissance en simultané qu'il n'est jamais assez pour moi de les boire, puis de les boire encore et elles sont si extrordinaires et belles, que je suis prêt à les boire et à les vivre à l'infini pour le reste de l'Humanité ; je n'ai pas peur de l'éternel retour. Quand l'on sait tout, on a peur pour les autres mais on n'a plus la peur en soi.