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Hypo à l'HP

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Nov 21st, 2019
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  1. Centre Hospitalier du Rouvray, Sotteville-les-Rouen
  2. Bâtiment Maupassant, côté fermé
  3. Docteurs : Sadeq Haouzir, Raphaëlle Deneuve, Sophie Tran
  4. Cobaye : Hypocéan Bleu
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  6. Le premier jour où je suis arrivé à l'hôpital psychiatrique, je pensais que mon séjour à l'HP ne durerait pas deux jours... Au final, j'y suis encore après 16 mois.
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  8. J'ai été emmené du CMP (Centre Medico-Psychologique) à l'HP par les pompiers, sur arrêté préfectoral et municipal, pour une Hospitalisation d'Office (le régime d'hospitalisation le plus liberticide).
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  10. Dès le premier jour, Rosie, une maniaque de 19 ans, est venue me dire qu'elle a couché avec un patient et qu'elle dort en chambre d'isolement pour cela. Rosie n'est pas attirante, alors calmez tout de suite vos fantasmes.
  11.  
  12. Au début, j'étais très revendicatif face aux médecins, justifiant mon action avec des arguments qui me paraissaient rationnels. Je ne réalisais pas que je m'enfonçais : il ne faut jamais justifier son comportement face à un médecin qui vous a déjà diagnostiqué comme fou à lier, mieux vaut ne rien dire et acquiescer à tout ce qu'ils dit. Ce n'est pas une conversation, c'est une observation clinique et le malade à forcément tort.
  13.  
  14. Le Docteur Haouzir a une technique pour mettre le patient en confiance et lui tirer les vers du nez, qu'il a utilisé sur moi : affirmer qu'il n'est pas là pour juger le patient ni pour protéger la Société, fonction dont il prétend se foutre et qu'il alloue à la Police. Il a ainsi réussi à me faire avouer qu'il y a une certaine violence en moi, qui ne se limiterait pas aux chats et aux chiens, et qui pourrait s'étendre au genre humain. C'est de cela qu'ils ont peur, et ils ont réussi à me le faire dire en utilisant la technique du "Je ne suis pas de la Police, vous pouvez donc tout me dire". Bête comme je suis, je suis tombé dans le panneau et j'ai trop parlé.
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  16. J'ai été cynique avec eux, leur disant que si j'étais fou ils sauraient le prouver objectivement, en bons scientifiques qu'ils sont (je ne considère pas la Psychiatrie comme une science exacte).
  17. Je leur ai dit que la Psychiatrie c'est du bidon parce qu'il n'y a pas de test physiologique pour prouver la présence d'une maladie mentale mais que cela passe seulement par l'interprétation du médecin, et qu'à ce titre elle peut être biaisée. Ma sœur, qui est étudiante en médecine, est d'accord avec moi, mais m'a quand même conseillé (trop tard) de ne pas dire ça aux médecins.
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  19. Les médecins disent que je fais des erreurs d'interprétation, c'est-à dire-que je délire. Je ne sais pas de quoi ils parlent. Je n'ai jamais déliré de ma vie. Si je peux me tromper sur certaines choses, je ne vois pas en quoi serait-ce une pathologie mentale. Tout le monde peut avoir de fausses croyances.
  20. Qu'ils disent que j'aille mal ou que j'aille mieux me parait complètement arbitraire. J'ai peine à croire que l'on dépense autant d'argent public (700 Euros par jour et par patient) pour ces conneries.
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  22. Il y a les chambres normales et les chambres d'isolement : dans les chambres normales, il y a la télévision, un placard, un lit, une salle de bain... En chambre d'isolement, il n'y a qu'un lit cloué au sol, et un seau pour les besoins corporels. Heureusement, je n'ai jamais été en chambre d'isolement. Le fait de priver ainsi un patient de tout peut servir de punition pour un comportement agressif ou perturbant. Néanmoins, je trouve cela très sévère. C'est encore plus liberticide que la Prison.
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  24. Pendant mon premier mois d'hospitalisation, j'ai refusé tout traitement antipsychotique, mais j'acceptais les somnifères. Sachant que cela ne m'aiderait pas à sortir, j'ai fini par me plier à l'injonction thérapeutique. C'est alors que je pris Tercian, Olanzapine, Haldol et Clozapine pour faire plaisir aux médecins. Le Tercian ne m'a rien fait, l'Olanzapine m'empêchait d'articuler mes pensées (vous connaissez cette sensation d'avoir un mot sur le bout de la langue, mais de ne pas le trouver ? C'était comme ça tout le temps), le Haldol me donnait des impatiences insupportables (besoin irrépressible de bouger et de taper dans le mur), et le Clozapine me fait dormir comme une souche pendant douze heures (bien plus fort que n'importe quel somnifère que j'ai jamais pris). Le Clozapine me donne aussi de petites crises d'angoisse et d'impatience. Mais le pire traitement était de loin l'Aldol : je n'imagine pas vivre avec un tel traitement.
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  26. Les seules activités possibles à l'hôpital sont : lire, jouer au ping-pong, regarder la télé, et jouer à l'ordinateur ou à la console (si vous avez la chance de pouvoir ramener quelque chose de chez vous, c'est-à-dire : disposer d'une permission de sortie. J'ai dû avoir trois permissions de sortie en 15 mois). J'ai aussi fait des exercices cognitifs avec la neuro-psychologue (c'était assez cool, mais ça n'a pas duré longtemps). Et, au bout de quelque mois, j'ai pu participer à des séances de remise en forme.
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  28. Un soir, alors que je me baladais dans le service, je trouva une clé et son trousseau fichés dans la serrure de l’ascenseur : c'était le trousseau de clés d'une infirmière ! Rapide et furtif tel le varan de Sumatra, je subtilisa le trousseau de clé et le cacha dans ma poche. Me voilà en possession de toutes les clés de l'hôpital : les chambres individuelles, les chambres d'isolement, l’ascenseur, la bagagerie (le local des affaires personnelles), la cuisine, l'infirmerie, le bureau de la cadre, les sorties de secours... Absolument tout.
  29. Arrivé dans ma chambre, je réalisa que le personnel allait partir à la recherche de l'objet perdu. Dans la précipitation, par peur, je décida de séparer le trousseau de clé en deux : une partie que j'ai caché sur le rebord d'une fenêtre, l'autre partie que j'ai jeté dehors. Cela peut paraître absurde, mais je ne pouvais pas garder tout le trousseau, et je ne savais pas où le cacher sur le moment. Il y a eu un éceuil : un patient m'a vu cacher les clés. Il m'a balancé. Comme prévu, les infirmières sont venues fouiller ma chambre, et m'ont même forcé à me mettre en caleçon. Ne trouvant pas le reste des clés, elle me laissèrent tranquille pour la soirée. Le lendemain, la médecin est venu me parler. Elle savait pour le trousseau de clé, autant la partie cachée sur le rebord de la fenêtre que la partie jetée dehors. Elle me demanda pourquoi j'avais fait cela, je répondis que je ne savais pas (YOLO sale pute).
  30. Avec le recul, je me rends compte que j'aurais pu mieux jouer cette partie : au lieu de balancer le trousseau, j'aurais pu le garder et le cacher derrière le panneau des chiottes. J'aurais alors eu à ma disposition une puissance de nuisance incroyable, comme pouvoir libérer les patients des chambres d'isolement, leur ouvrir les sorties de secours, balancer tous les médicaments à la poubelle, lire les rapports médicaux... Bref, foutre le bordel tous azimuts. Mais j'ai été une couille molle, et je n'ai pas profité de cette occasion d'une vie. Toute ma vie, je le regretterai.
  31.  
  32. J'ai aussi trouvé une feuille sur laquelle étaient répertoriés tous les patients ainsi que leur maladie. Curieusement, il n'y avait pas de maladie assignée à mon nom : la case était vide. Je l'ai fait remarquer au médecin (du coup, ils m'ont repris la feuille).
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  34. Je me suis battu avec un patient : il faisait du bruit en tapant contre la porte de sa chambre d'isolement la nuit, m'empêchant de dormir. Je me suis excusé envers lui par la suite, et nous sommes devenus amis. Maintenant, je joue à des jeux de société et à l'émulateur avec lui.
  35.  
  36. >Comment sont les autres patients ?
  37. La grande majorité est calme. Ce n'est pas l'UMD (Unité des Malades Difficiles) : c'est le service standard. Certains ont des symptômes évidents, d'autres pas. Certains rôtent et pètent sans retenue. J'ai vu une quantité incalculable de raies des fesses, il y a vraiment un problème de surpoids et de conscience de soi à l'HP. Il y a des patients qui disent des choses étranges ou illogiques, un parano qui se sent espionné par la télévision, un jeune qui est resté assis dans le couloir torse nu la nuit, des gens qui tapent sur la porte en chambre d'isolement, etc... Tout ce que vous imaginez de l'HP, mais rien d'extrême. Les cas extrêmes sont dans un autre bâtiment.
  38.  
  39. Il y a du vandalisme : le baby-foot est cassé et inopérant, la fenêtre du fumoir a été brisée par un vieux, il manque le filet de la table de ping-pong, et les livres... Mon Dieu, les livres et les magazines... Presque tous déchirés, lorsqu’ils ne disparaissent pas tout simplement. Les livres vont à l'HP pour mourir. Ne faites jamais don de livres à un hôpital psychiatrique : ils finissent invariablement en confettis.
  40.  
  41. Les infirmiers sont polis et professionnels : ils me posent peu de questions sur ce que j'ai fait et sur ce que j'en pense. Ils ne paraissent pas me juger. Je suis beaucoup mieux traité ici qu'à l'hôpital général, où le patient est traité comme un indésirable. Ici, les patients sont mieux considérés, les infirmiers et les aide-soignants ne donnent pas l'impression de détester leur boulot comme à l'hosto.
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  43. Les médecins sont moins sympas : j'avais demandé au Docteur S. Haouzir de ne pas parler de mes problèmes judiciaires à ma famille. Il l'a fait quand même. "Vous ne voulez pas que j'en parle, mais j'en parle quand même" m'a-t-il dit en présence de mes parents. J'ai trouvé cela tellement désinvolte... J'ai fait confiance à un psychiatre, et je l'ai encore regretté.
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  45. Depuis quelque mois, je suis autorisé à sortir, mais seulement pour aller à l'HDJ (Hôpital De Jour) afin de participer à des médiations neuro-cognitives (Jeux de société, écriture et analyse de chant. Analyse de chant est de loin la pire). C'est lors de ces sorties programmées que j'en profite pour aller à la bibliothèque et sur Internet, c'est comme cela que j'arrive à maintenir le contact avec vous. Je ne vais pas chez moi, et de toute façon je n'ai plus de PC depuis qu'il a été saisi par la Police (pourquoi, je l'ignore).
  46.  
  47. Dans le parc de l'hôpital (immense), est caché au milieu des broussailles un potager entretenu par un ancien patient. J'ignore si il a obtenu une autorisation pour faire cela. Toujours est-il que je me suis infiltré dans son "jardin secret" en passant à travers les ronces. Je l'ai fait plusieurs fois, la curiosité m'animait. La dernière fois que j'y suis allé, le propriétaire du potager était là. Je me suis fait engueuler, je me suis confondu en excuses, et n'y suis plus retourné depuis lors.
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  49. Aussi incroyable que ça puisse paraître, il y a des maisons dans le parc de l'hôpital. J'ignore qui y habite : des particuliers, ou le personnel soignant ? J'ai même trouvé un bateau sur une remorque et une cabane abandonnée...
  50. L'hôpital est tellement grand qu'il dispose de sa propre station service, de son propre garage, et de sa propre serre avec plusieurs tracteurs et une armée de jardiniers. Vos impôts sont bien utilisés !
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  52. Certains coins de l'hôpital ressemblent vraiment à un film d'horreur, comme la section d'expression artistique où il y a des statues bizarres réalisées par les patients, et des chambres "redécorées" dans un bâtiment désaffecté, avec des inscriptions rouge sang et des peintures informes. Je me vois bien déambuler au milieu de ces horreurs la nuit, lampe torche à la main !
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  54. Il y a souvent un patient qui essaye d'entrer dans ma chambre malgré le digicode. Peu importe si ils ne connaissent pas le code, ils essayent. Ils n'ont pas l'air de comprendre la logique d'un code : ils tapent au hasard et restent plantés devant ma porte comme des cons pendant plusieurs secondes dans l'espoir que ça s'ouvre, avant de partir. Puis ils reviennent à la charge.
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  56. Quand je ne suis pas là (quand je suis à l'HDJ) les infirmiers fouillent ma chambre à la recherche d'objets "dangereux." Ils m'ont pris une aiguille à coudre que je voulais donner à ma mère. Ils ne me font aucune confiance. Je trouve cela très stressant.
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  58. Le cadre de santé m'a dit que j'en aurai encore pour un an. Le Docteur Deneuve m'a dit qu'il n'y avait pas de limite et que je pourrai très bien rester à l'HP 15 mois encore. Je ne comprends pas pourquoi ils s'acharnent ainsi sur moi. Cela dit, je ne suis pas le seul dans ce cas : d'autres patients font un long séjour à l'HP, pour des raisons encore plus mystérieuses.
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  60. we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we we
  61. bien dowmiw
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