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Être arabe israélien aujourd’hui : l’itinéraire emblématique George Deek (Les Temps Modernes, 2016)

Sep 21st, 2023 (edited)
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  1. Joëlle Hansel
  2. Être arabe israélien aujourd’hui : l’itinéraire emblématique George Deek[1]
  3. Les Temps Modernes 2016/3 (n° 689)
  4.  
  5. La vague d’attentats qui marque l’actualité en Israël depuis plusieurs mois conforte une idée solidement ancrée : les relations entre Juifs et Arabes sont placées inéluctablement sous le signe du conflit. Ce qui est vrai pour les Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza vaudrait aussi pour les citoyens arabes de l’Etat d’Israël qui constituent aujourd’hui plus de 20 % de la population totale du pays?[2]. Parler d’une « radicalisation de la société israélienne » dans laquelle la discrimination des minorités et le racisme ne font que s’aggraver est devenu un lieu commun?[3]. Les déclarations fracassantes de certains députés de la Liste arabe unie à la Knesset perpétuent l’image d’une société dont une bonne partie des membres ne se sentent pas israéliens et se définissent avant tout comme palestiniens.
  6.  
  7. Le conflit entre Juifs et Arabes, qui a éclaté avant même la naissance de l’Etat d’Israël, s’est envenimé au moment de sa création. Les événements qui ont marqué l’année 1948 en témoignent?[4]. C’est à ce moment-là que se sont élaborés les deux narratifs qui sont encore en vigueur aujourd’hui. Leur radicale opposition tient en quelques mots : « Indépendance versus Nakba?[5] ». Selon le narratif israélien, le 14 mai 1948, date de la création de l’Etat d’Israël, marque une pierre blanche : la réalisation du projet sioniste et l’édification d’un Etat juif souverain. Selon le narratif palestinien, la création d’Israël a coïncidé avec la « Nakba » ou la « catastrophe » qu’a constitué l’exode de près de 700 000 Arabes qui ont fui ou ont été expulsés du territoire du nouvel Etat?[6].
  8.  
  9. Près de soixante-huit ans après les événements, leur souvenir reste encore vivace. Il alimente, chez une partie des Arabes israéliens, un nationalisme qui se manifeste particulièrement le « jour de la Nakba ». En 1998, Yasser Arafat, alors président de l’Autorité palestinienne, a instauré cette journée de commémoration, le 15 mai, au lendemain même de la fête de l’Indépendance qui célèbre l’anniversaire de la création de l’Etat d’Israël. Suivant les années, elle donne lieu, en Israël, à des rassemblements pacifiques ou à des manifestations violentes au cours desquelles sont brandis des drapeaux palestiniens. Un député de la droite ultra-nationaliste a préconisé, il y a quelques années, de la considérer comme une infraction passible d’une peine de trois ans de prison. Tout en déclarant que cette proposition de loi constituait « un danger pour la démocratie », Avishay Braverman, alors ministre des Affaires des minorités, a souligné que « la délégitimation de l’Etat d’Israël par une frange extrémiste des Arabes israéliens ne contribue pas à favoriser la coexistence?[7] ».
  10.  
  11. Le chemin qui mène à cette coexistence n’est pas pavé de roses, surtout s’il doit aboutir à une véritable vie en commun. Bien qu’il existe en Israël des villes mixtes où cohabitent Juifs et Arabes, cela ne signifie pas que leurs relations soient toujours de tout repos. Durant l’été 2014, une « journée nationale de la colère », organisée en signe de protestation contre l’opération « Bordure protectrice », a donné lieu à des émeutes au cours desquelles certains manifestants ont scandé des slogans de soutien au Hamas. Des troubles ont éclaté à Jaffa, en août 2015, au prétexte que les Juifs auraient eu l’intention de s’emparer de la mosquée d’Al-Aqsa?[8]. Du côté juif, on observe, depuis plusieurs années, la multiplication des actes de vandalisme (« Tag Mehir », « prix à payer ») qui consistent à taguer des mosquées, incendier des voitures ou déraciner des oliviers appartenant à des Palestiniens. L’ironie du sort a voulu que les jeunes auteurs de ces actes soient allés jusqu’à s’en prendre à l’armée israélienne en attaquant une base militaire.
  12.  
  13. Par ailleurs, plusieurs Arabes israéliens ont été impliqués dans les attentats, au couteau, à la voiture bélier et à l’arme à feu, perpétrés ces derniers mois. Il n’est pas rare non plus que des membres de leur communauté décernent à leurs auteurs le titre de « martyr », comme l’ont fait, d’ailleurs, ouvertement des députés de la Liste arabe unie. Du côté juif, un incendie criminel a causé la mort, fin juillet dernier, dans le village palestinien de Douma, de trois membres d’une même famille, dont un enfant d’un an et demi. Désormais, on parle de « terroristes juifs » et Benyamin Netanyahou lui-même a qualifié cet attentat d’« acte terroriste dans tous les sens du terme ».
  14.  
  15. On ne saurait minimiser la gravité de ces faits. On ne saurait pas non plus en tirer parti pour donner raison aux Cassandre qui peignent sous un jour sombre l’avenir des relations entre Arabes et Juifs en Israël. Ce serait là, en effet, méconnaître un phénomène qui, sans être tout à fait nouveau, prend de plus en plus d’ampleur. Aujourd’hui, une nouvelle génération d’Arabes se sentent israéliens à part entière et pleinement membres d’une société à laquelle ils apportent une précieuse contribution. C’est ce qu’atteste le nombre élevé de juristes de haut niveau, dont un juge à la Cour suprême, d’universitaires et de savants de réputation internationale, de médecins, de journalistes et d’intellectuels, d’écrivains, d’artistes, d’acteurs et de comédiens, qui sont des figures de proue de la culture israélienne?[9]. Sur le plan politique, une évolution notable s’est produite lors de l’élection du Premier ministre en mars 2015, lorsque la Liste arabe unie est devenue la troisième formation politique du pays.
  16.  
  17. L’intégration d’Arabes israéliens dans les rangs de l’armée est un fait qui mérite d’être signalé. En vertu d’une décision prise par David Ben Gourion en 1948, ceux-ci avaient été dispensés du service militaire qui incombait à leurs concitoyens juifs, druzes, bédouins et tcherkesses?[10]. Il n’était pas question, en fait, de les mettre dans une situation où ils auraient à combattre les membres de leur peuple servant dans les armées des pays arabes. Cette mesure était également motivée par le souci de ne pas leur donner accès à certaines fonctions d’ordre sécuritaire. Bien qu’elle ait été, en un sens, justifiée, elle a empêché les Arabes israéliens de bénéficier d’un moyen d’intégration majeur dans la société israélienne. C’est cette situation qu’entendent changer ceux qui appellent les jeunes à s’enrôler dans l’armée, comme le père Gabriel Nadaf?[11].
  18.  
  19. Dans une « nation start-up » comme Israël, c’est particulièrement dans ce domaine que se produisent des changements marquants. Des centres de high-tech ont été inaugurés dans des villes arabes. Nazareth n’est plus seulement réputée pour ses lieux saints et ses attractions touristiques, mais aussi pour le parc industriel ultramoderne qui y a été inauguré en 2012. Pour l’un de ces jeunes ingénieurs arabes de high-tech qui travaillent main dans la main avec leurs collègues juifs, « la diversité est un formidable catalyseur. Il faut une coopération pour que chacun y trouve son compte?[12] ». C’est cette coopération que promeut Tsofen, une association juive-arabe dont le mot d’ordre est éloquent : « La diversité au moyen de la technologie ». Elle a pour vocation « de promouvoir l’intégration des citoyens arabes israéliens dans l’industrie du high-tech » afin de « faire d’Israël une société plus juste et plus équitable?[13] ».
  20.  
  21. Le fait qu’il y ait des diplomates arabes est peu connu?[14]. Cela peut paraître surprenant : comment un Arabe issu d’une famille palestinienne qui a connu la Nakba peut-il représenter l’Etat juif à l’étranger ? Cette question renvoie à une autre, tout aussi cruciale : est-il possible, sans pour autant oublier son passé, de se libérer du ressentiment pour se tourner vers l’avenir ?
  22.  
  23. Ces thèmes ont été au cœur du discours que George Deek (trente-deux ans) a fait à Oslo en septembre 2014, alors qu’il était numéro deux à l’ambassade d’Israël en Norvège?[15]. Il y a employé explicitement le mot « Nakba ». Dans la bouche d’un membre d’une famille qui a subi cette épreuve, l’usage de ce terme pouvait sembler naturel. Dans celle d’un diplomate représentant l’Etat juif, il l’était beaucoup moins. En Israël, le mot « Nakba » est banni des discours officiels et rarement employé dans le langage courant. On ne le trouve pratiquement que dans les travaux universitaires comme ceux des « nouveaux historiens » israéliens qui ont « revisité », dans les années 1980, les événements de l’année 1948, ou bien sous la plume de journalistes dans un quotidien marqué à gauche comme Haaretz.
  24.  
  25. Pour bien des Israéliens, parler de la Nakba revient à remettre en question le narratif fondateur de leur Etat et à donner raison aux pays arabes et à la direction palestinienne qui ont, depuis toujours, rejeté sur Israël seul la responsabilité d’une tragédie dans laquelle ils ont eu largement leur part. Bien peu partagent la conviction d’un historien comme Benny Morris qui estime que l’« on peut tout à fait être sioniste tout en prenant en compte les pages sombres de l’histoire d’Israël?[16] ».
  26.  
  27. En utilisant le terme « Nakba », George Deek est donc allé à l’encontre d’un consensus bien établi en Israël. En racontant l’histoire de sa famille, il a appelé ses concitoyens juifs à prendre conscience d’un traumatisme dont on peut reconnaître l’existence sans pour autant donner raison à ceux qui l’exploitent pour inciter à la haine d’Israël :
  28.  
  29. « Quand l’ONU approuva l’établissement d’Israël, et que
  30. l’Etat d’Israël fut créé quelques mois plus tard, les
  31. dirigeants arabes avertirent les Arabes que les Juifs
  32. allaient les tuer s’ils restaient chez eux et se servirent
  33. du massacre de Deir Yassin comme exemple. Ils leur dirent :
  34. “Quittez vos maisons et courez au loin.” Ils leur promirent
  35. que leurs cinq armées détruiraient en quelques jours l’Etat
  36. qui venait tout juste de naître. Horrifiée par ce qui
  37. risquait d’arriver, ma famille décida de fuir. Mes
  38. grands-parents, George et Vera, eurent tout juste le temps
  39. de se marier avant de quitter Jaffa où la famille Deek était
  40. implantée depuis plusieurs siècles. Ma grand-mère n’eut même
  41. pas le temps de mettre sa robe de mariée. Après ce mariage
  42. express, ils se réfugièrent au Liban en faisant une partie
  43. du voyage à pied. L’histoire de ma famille n’est qu’une
  44. histoire — et probablement pas la pire — parmi toutes les
  45. histoires tragiques de l’année 1948. »
  46.  
  47. Revenus à Jaffa un an après l’avoir quittée, les grands-parents de George Deek n’ont connu que brièvement la situation de réfugiés qui est encore le lot de nombreux Palestiniens aujourd’hui. Ils n’ont pas non plus subi le sort du reste de leur famille qui a été dispersée aux quatre coins du globe, y compris dans des pays arabes dont on leur refuse aujourd’hui encore la citoyenneté. Néanmoins, leur univers a été entièrement bouleversé. Sur les 70 000 Arabes qui habitaient la ville avant la guerre d’Indépendance, il n’en restait plus que 4 000. Ces derniers se retrouvaient tout à coup dans la situation d’une minorité qui devait adopter une langue et une culture qui leur étaient étrangères.
  48.  
  49. Ils n’étaient pourtant pas totalement isolés de leurs voisins juifs. Avant même la création de l’Etat, le grand-père de George Deek travaillait à la Compagnie d’électricité où il entretenait des relations cordiales avec ses collègues juifs. Après la guerre d’Indépendance, c’est même l’un d’eux qui l’avait aidé à revenir à Jaffa avec sa famille et à retrouver son ancien emploi. Il faisait partie de ces Arabes palestiniens, relativement nombreux à l’époque, qui parlaient yiddish?[17].
  50.  
  51. Les mélanges entre les différentes populations qui habitaient Jaffa n’étaient pas rares. George Deek et sa famille, qui appartiennent à la communauté chrétienne orthodoxe dont son père a été le dirigeant, avaient pour voisins « des musulmans, des Juifs et même un prêtre polonais qui, né juif, avait été caché dans un monastère pendant la Shoah et qui, après s’être converti, avait demandé à remplir sa mission dans le pays de ses ancêtres ». Lui-même avait fait ses études primaires au Collège des Frères de Jaffa. Il était ainsi « un chrétien orthodoxe qui faisait ses études dans une école française catholique où la majorité des élèves étaient musulmans, dans un Etat juif, au Moyen-Orient arabe ».
  52.  
  53. Malgré les relations personnelles qu’elle entretenait avec ses voisins juifs, la famille Deek restait profondément marquée par le souvenir de la Nakba. C’est ce qui explique que le père de George Deek, qui a pourtant œuvré activement pour la coexistence entre Juifs et Arabes à Jaffa, ait été membre de la « Ligue démocratique nationale » (« Balad »), parti arabe ultra-nationaliste et antisioniste. George Deek lui-même s’identifiait, dans son adolescence, à la cause palestinienne qu’il défendait avec passion, en pleine seconde Intifada, face à ses camarades de classe juifs du lycée de Tel-Aviv où il était l’un des seuls élèves arabes.
  54.  
  55. Pourtant, c’est cette interaction quotidienne avec des jeunes juifs de son âge qui l’a amené à changer sa manière de voir et qui a fait naître en lui, peu à peu, un sentiment d’appartenance à la société israélienne. Un autre fait a enclenché, très tôt, ce processus : sa rencontre, à l’âge de sept ans, avec Abraham Nov qui a été son professeur de musique. Au contact de ce rescapé de la Shoah qui, après avoir perdu tous les siens, était venu en Israël où il avait fondé une famille, il a compris « que l’on ne peut regarder en arrière, vers le passé et les tragédies que l’on a vécues, que si l’on se tourne d’abord, résolument, vers le futur en construisant non seulement un foyer, mais aussi un pays qui est aujourd’hui, comme c’est le cas d’Israël, à la pointe du progrès dans tous les domaines ». C’est cette ligne de conduite qu’avaient suivi ses grands-parents lorsqu’ils avaient décidé, à la fin de la guerre d’Indépendance, de retourner à Jaffa au bout d’un an d’exil dans un camp de réfugiés au Liban. Réalisant qu’ils étaient dans une impasse, ils prirent une décision qui paraissait apparemment impensable : « se joindre à ceux que leur communauté considérait comme des ennemis ».
  56.  
  57. Cette décision de se tourner vers l’avenir implique que l’on surmonte des obstacles que George Deek connaît bien pour y avoir été confronté lui-même. Considérer ses deux identités, israélienne et arabe-palestinienne, comme non contradictoires exige, en effet, « un énorme travail sur soi, aussi bien sur le plan intellectuel que sur le plan affectif ». S’intégrer à la société israélienne, c’est s’exposer aussi bien à la discrimination et au racisme de la part de la majorité juive qu’à des critiques virulentes issues de sa propre communauté.
  58.  
  59. Il faut aussi tenir compte d’un blocage psychologique :
  60.  
  61. « Beaucoup d’Arabes israéliens pensent qu’ils n’ont le
  62. choix qu’entre deux options : soit s’assimiler à la
  63. société israélienne en renonçant à leur spécificité,
  64. comme Amjad, personnage d’une série télévisée très
  65. populaire dans notre pays — “Travail d’arabe” de
  66. l’écrivain Sayed Kashua?[18] —, qui, à force de “faire
  67. le Juif”, sombre dans le ridicule ; soit s’engager, au
  68. contraire, dans la voie du séparatisme nationaliste qui
  69. consiste à se définir avant tout comme palestinien, en
  70. considérant que le fait d’être citoyen israélien n’est
  71. qu’un incident technique. En vivant dans le
  72. ressentiment et en cultivant la haine, on gaspille un
  73. potentiel précieux qui pourrait contribuer au
  74. développement et à l’épanouissement de la société arabe
  75. en Israël?[19]. »
  76.  
  77. L’un des obstacles les plus redoutables est, pour George Deek, celui qui a fait de la situation de victime le fondement même de l’identité palestinienne :
  78.  
  79. « Les pays arabes et le leadership palestinien ont mis
  80. en place, dès 1948, un narratif victimaire qui a
  81. instrumentalisé la Nakba en transformant ce désastre
  82. humanitaire en arme politique dirigée contre l’Etat
  83. d’Israël. Sous couvert d’empathie avec les
  84. Palestiniens, la Communauté internationale a repris ce
  85. narratif, en considérant qu’ils étaient les plus
  86. faibles et qu’ils avaient donc des excuses pour se
  87. livrer au terrorisme. Nous, Arabes israéliens, nous
  88. nous sommes aussi complu dans cette position de victime
  89. comme si elle pouvait nous tenir lieu d’identité. C’est
  90. justement cette victimisation qui entretient en nous la
  91. haine et la frustration, et qui nous enchaîne au
  92. passé?[20]. »
  93.  
  94. Ce narratif victimaire a été au cœur des discours qui attisent la haine contre Israël et prônent sa destruction. Il est aujourd’hui la pierre angulaire de la campagne menée par le mouvement du BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions). Aux Etats-Unis, ce dernier est particulièrement actif sur les campus où ses promoteurs exercent des pressions pour obtenir des universités des résolutions décrétant le boycott académique d’Israël. La stratégie des organisateurs du BDS consiste à embrigader dans ses rangs des étudiants de bonne foi, mais quelque peu crédules, en présentant Israël comme un Etat d’apartheid contre lequel tous ceux qui sont soucieux de défendre les droits de l’homme doivent se liguer. C’est ce détournement de la défense des droits de l’homme contre lequel s’est élevé Irwin Cotler, ancien ministre canadien de la Justice et militant pour les droits de l’homme :
  95.  
  96. « Ce n’est pas tant le phénomène même de la
  97. délégitimation d’Israël qui est préoccupant. Il n’est,
  98. malheureusement, pas nouveau. Ce qui l’est et qui
  99. constitue un danger réel, c’est la justification de
  100. cette délégitimation au nom de toutes ces nobles causes
  101. que sont la lutte contre le racisme, la loi
  102. internationale et les droits de l’homme?[21]. »
  103.  
  104. C’est précisément ce discours qui sert de couverture pour atteindre l’objectif dont Omar Barghouti, cofondateur du mouvement BDS, ne fait pas mystère : l’« euthanasie du sionisme » ou, ce qui revient au même, la négation du droit d’Israël à l’existence.
  105.  
  106. Les organisateurs du BDS reprennent également la vieille antienne qui a été, depuis toujours, celle du nationalisme palestinien. C’est ce que note George Deek :
  107.  
  108. « Du point de vue palestinien, le conflit ne met pas en
  109. présence deux mouvements nationaux : d’une part, le
  110. mouvement national du peuple palestinien et, d’autre
  111. part, celui du sionisme comme mouvement national du
  112. peuple juif. Il n’y a qu’un seul mouvement national,
  113. celui du peuple palestinien, qui fait face à Israël,
  114. entité coloniale imposée au Moyen-Orient par
  115. l’impérialisme occidental. »
  116.  
  117. Le refus de considérer Israël comme un peuple qui a conservé son identité nationale tout au long de son histoire était au cœur de la charte de l’OLP qui, établie dans les années 1960, visait « l’élimination de la présence sioniste et impérialiste » de Palestine. L’existence même du peuple juif était considérée comme une invention du sionisme. Ainsi, l’article 20 de la Charte énonçait sans ambages que le « judaïsme » n’était qu’une religion et que « les Juifs ne constituent pas un peuple unique doté d’une identité propre ».
  118.  
  119. Le Conseil national palestinien a abrogé depuis longtemps les articles de la Charte mettant en cause le droit d’Israël à l’existence?[22]. Néanmoins, le refus de reconnaître les Juifs comme un peuple et un Etat-nation ayant des droits historiques sur la terre d’Israël reste profondément enraciné dans l’esprit des Palestiniens et des Arabes israéliens qui professent le nationalisme séparatiste. A cet égard, la définition du sionisme qu’ont donnée les professeurs palestiniens dans Histoire de l’autre est édifiante :
  120.  
  121. « Mouvement politique colonialiste qui conféra aux
  122. Juifs un caractère nationaliste et ethnique. S’opposant
  123. à l’intégration des Juifs dans leur pays d’origine, le
  124. sionisme incita ceux-ci à l’émigration en Palestine où
  125. ils posséderaient, selon ce mouvement, des droits
  126. historiques et religieux, pour résoudre le “problème
  127. juif” en Europe?[23]. »
  128.  
  129. Un autre argument du mouvement BDS et, généralement, des discours antisionistes consiste à soutenir qu’un Etat ne peut être à la fois « juif » et « démocratique ». Cette contestation n’est pas seulement le fait des ennemis déclarés d’Israël. Elle est partagée, comme le note Benyamin Neuberger, à l’intérieur même du pays, par des groupes aussi hétérogènes que « des Juifs ultra-orthodoxes radicaux, des nationalistes juifs farouches, des islamistes et des nationalistes arabes, des Juifs ultra-libéraux et socialistes ». Selon eux, « il y a une contradiction absolue entre le caractère juif de l’Etat et son caractère démocratique, aussi faut-il choisir entre un Etat juif et un Etat démocratique?[24] ». Pour les partis politiques arabes qui siègent aujourd’hui à la Knesset, la judéité de l’Etat d’Israël est incompatible avec le principe d’« une démocratie pour tous ses citoyens?[25] ». Si Israël veut vraiment être une démocratie où règne l’égalité des droits, il doit donc accepter que sa singularité de foyer national du peuple juif s’efface au profit d’une « universalité » dans laquelle cette dernière ne peut que se dissoudre.
  130.  
  131. Dans un article paru en 2009, Ruth Gavison, juriste de renom et lauréate du Prix Israël, a dressé un constat qui renforce l’idée d’un refus qui s’étendrait à l’ensemble de la société arabe israélienne :
  132.  
  133. « La négation d’Israël au droit d’exister en tant
  134. qu’Etat juif est devenue maintenant une position
  135. communément soutenue, et de plus en plus légitime.
  136. Parmi les Arabes israéliens, il est presque impossible
  137. de trouver quelqu’un qui veuille soutenir, du moins
  138. publiquement, le droit des Juifs à l’autodétermination
  139. nationale en Terre d’Israël […] Un tel Etat est par
  140. nature non démocratique et incapable de protéger les
  141. droits de l’homme. Ce n’est que s’il perdait son
  142. caractère juif, insistent-ils, que l’existence d’Israël
  143. serait justifiée?[26]. »
  144.  
  145. La position de George Deek se situe aux antipodes de celle qui est, selon cette analyse, le lot de bien des membres de sa communauté. Pour lui, c’est justement le fait qu’Israël soit un Etat juif qui fait de son existence même un « véritable défi pour le monde arabe ». Comme il le dit avec force, « un Moyen-Orient qui n’a pas de place pour les Juifs n’a pas de place pour l’humanité ». A l’heure où la persécution et l’extermination des minorités par l’Etat islamique menacent « de faire disparaître la diversité religieuse, culturelle et ethnique qui a été propre au Moyen-Orient tout au long de son histoire », le rôle d’Israël est tout à fait crucial. En tant que seul Etat non arabe et non musulman au Moyen-Orient, il reste, comme il l’a été tout au long de son histoire, porteur de cette différence irréductible qui fait de lui un rempart contre Daesh et sa volonté d’imposer une idéologie unique dans cette région du monde.
  146.  
  147. En outre, de toutes les minorités qui vivent au Moyen-Orient, Israël est la seule qui ait à la fois « la volonté et la capacité, y compris la puissance militaire », de préserver la diversité qui a fait sa richesse. C’est également, dans cette région, la seule démocratie où, en dépit de la discrimination et des disparités économiques et sociales qui subsistent, toutes les minorités ethniques et religieuses, chrétiens et musulmans — Arabes, Bédouins, Druzes, Tcherkesses et Bahaïs —, ont leur place?[27].
  148.  
  149. Pour le jeune diplomate, les Arabes israéliens doivent refuser l’alternative stérile qui ne donne le choix qu’entre l’assimilation et le séparatisme. Ils doivent s’engager, comme le font déjà nombre d’entre eux, dans une « troisième voie qui consiste à vivre dans l’Etat juif et à en être pleinement citoyen, non parce que cela nous a été imposé de l’extérieur, mais parce que nous l’avons choisi?[28] ». Telle est la condition qui permettra de donner aux Arabes un rôle de premier plan dans la société israélienne dont ils deviendront les acteurs, au même titre que leurs concitoyens juifs.
  150.  
  151. Dans les temps sombres que vit Israël où les attentats terroristes sont presque quotidiens, le discours de George Deek et des autres Arabes israéliens?[29] qui s’engagent dans la « troisième voie » redonne de l’espoir. Il suscite aussi des interrogations : la coopération fructueuse qui s’est instaurée entre Juifs et Arabes dans tant de domaines peut-elle servir de modèle à l’ensemble de la société israélienne ? La diversité qui est souvent un facteur de division peut-elle devenir un « formidable catalyseur » ?
  152.  
  153. Ces vastes questions restent ouvertes. Ceci dit, le combat pour la justice sociale peut réunir Juifs et Arabes autour d’une même cause. A l’heure où la résolution du conflit israélo-palestinien reste improbable, les problèmes d’ordre économique et social qui préoccupent tous les citoyens israéliens sont les plus urgents. Alors que l’égalité des droits est — quoi qu’en disent certains — un fait incontestable, l’égalité des chances reste un défi que doivent relever toutes les franges de la société israélienne, quelle que soit leur identité religieuse, culturelle ou ethnique?[30].
  154.  
  155. Notes
  156.  
  157. [ATTENTION: dans les liens, remplacer httt par http pour que cela fonctionne: c'est pastebin qui empêche de mettre des liens]
  158.  
  159. [1] Diplomate arabe israélien dont je fais le portrait et décris l’itinéraire plus loin.
  160.  
  161. [2] Soit 1 700 000 sur un total de 8 462 000 d’habitants dont 6 335 000 Juifs, suivant un recensement réalisé au début de l’année 2016.
  162.  
  163. [3] J’ai discuté cette thèse dans un article intitulé « La société israélienne se radicalise-t-elle ? », Le Droit de vivre, no 660, février 2016, p. 39.
  164.  
  165. [4] Voir, parmi les nombreux ouvrages consacrés à cette année cruciale Benny Morris, 1948 : A History of the First Arab-Israeli War, Yale University Press, 2008.
  166.  
  167. [5] Pour reprendre le titre de l’ouvrage de Yoav Gelber, Independence versus Nakba (en hébreu), Zmora-Bitan and Dvir Publishers, 2004. En 2003, un ouvrage intitulé Histoire de l’autre (traduit de l’hébreu par Rosie Pinhas-Delpuech, et de l’arabe par Rachid Akel) est paru aux éditions Liana Lévi, avec une introduction de Sami Adwan, Dan Bar-On, Adnan Musallam et Eyal Naveh. Rédigé par six professeurs d’histoire israéliens et six professeurs d’histoire palestiniens, le livre met en regard les deux narratifs en confrontant la manière dont ils font la relation de trois moments clés : la Déclaration Balfour de 1917, la Guerre de 1948 et la première Intifada de 1987. Alors qu’il a rencontré une large audience à l’étranger, son usage n’a pas été autorisé dans les lycées israéliens — où il n’est néanmoins pas interdit de traiter de la Nakba — et palestiniens. Je remercie Naomi Vered, l’un des six professeurs israéliens, pour les informations qu’elle m’a données à ce sujet.
  168.  
  169. [6] Cet exode a commencé, en fait, en novembre 1947, lorsque le plan qui prévoyait l’établissement d’un Etat israélien et d’un Etat palestinien a été approuvé, le 29 du même mois, par l’Assemblée générale de l’ONU. Accepté par les dirigeants du « Yishouv », ou de la communauté juive en Palestine, ce plan de partage a été rejeté par les pays arabes. L’exode palestinien s’est achevé à l’issue de la guerre d’Indépendance, en juin 1949. Seuls 150 000 Palestiniens sont restés établis dans le nouvel Etat.
  170.  
  171. [7] Cité dans l’article de Brenda Gazzar, « Arabs slam bill to criminalize “Nakba” », Jerusalem Post, 17 mai 2009 (httt://www.jpost.com/Israel/Arabs-slam-bill-to-criminalize-nakba).
  172.  
  173. [8] Cette fausse accusation qui a été à l’origine de la seconde Intifada en 2000 (« Intifada Al-Aqsa ») a été de nouveau formulée pour justifier les attentats terroristes actuels.
  174.  
  175. [9] L’un des cas les plus représentatifs est celui de Lucy Aharish, journaliste, animatrice d’émissions à la télévision israélienne et présentatrice vedette du journal d’information sur I24 News. Elle a fait partie des quatorze citoyens israéliens qui ont allumé, en avril 2015, les flambeaux du Jour de l’Indépendance lors de la cérémonie officielle qui s’est tenue, comme chaque année, au mont Herzl. En réaction aux controverses que cette décision a soulevées de la part de l’extrême droite israélienne et d’Arabes israéliens et palestiniens, elle a déclaré refuser la victimisation tout en revendiquant pleinement ses droits en tant que citoyenne arabe.
  176.  
  177. [10] Voir Ilan Greilsammer, « Les Arabes israéliens : un défi pour la démocratie », Les Temps Modernes, « La sexagénaire jeunesse d’Israël » (tome II : Des Israéliens se parlent, nous parlent), nos 652-653, janvier-avril 2009, pp. 130-142.
  178.  
  179. [11] De rite grec orthodoxe, le père Nadaf est à la tête du Israeli Christians Recruitment Forum.
  180.  
  181. [12] Voir l’article de Nathalie Hamou, « La high-tech, nouvelle frontière des Arabes d’Israël », Les Echos, 13 janvier 2015 (httt://www.lesechos.fr/13/01/2015/LesEchos/21854-055-ECH_la-high-tech--nouvelle-frontieredes-arabes-d-israel.htm).
  182.  
  183. [13] Voir le site de cette association (httt://tsofen.org/en/).
  184.  
  185. [14] Pourtant la nomination du premier ambassadeur d’Israël arabe, Ali Yahya, remonte à 1995.
  186.  
  187. [15] Ce discours est devenu « viral » sur You Tube où il a été vu, à ce jour, plus de 150 000 fois (httts://www.youtube.com/watch?v=8m6ux-IeNo4). Les citations qui figurent dans le présent article sont extraites de sa traduction française légèrement modifiée (httt://www.pneumatis.net/2014/11/georges-deek-mon-histoire-familiale-en-1948-de-la-fuite-de-jaffaa-un-avenir-en-israel/) ainsi que d’une discussion entre George Deek et Lee Smith (Hudson Institute, Washington, 29 octobre 2015) qui a porté sur la question suivante : « What does the latest wave of violence in Israel portend ? » (httts://www.youtube.com/watch?v=pXD2C6r564o). Je me suis aussi servie d’un discours encore non publié que George Deek a bien voulu me communiquer. Voir aussi mon interview parue dans L’Arche Magazine, « De Jaffa à Oslo. L’itinéraire de George Deek, issu d’une famille palestinienne et devenu ambassadeur d’Israël en Norvège », no 653, mars 2015 (httt://larchemag.fr/2015/03/12/1545/de-jaffa-a-oslo/).
  188.  
  189. [16] Voir à ce propos « Benny Morris : the 1948 was an Islamic holy war » (interview où il affirme que la guerre menée alors par les pays arabes contre Israël était un Jihad), Middle East Quaterly, été 2010, pp. 63-69. Sa position sioniste distingue radicalement Morris d’autres « nouveaux historiens », notamment d’Ilan Pappé qui a mis la révision de l’histoire de l’Etat d’Israël au service de la cause palestinienne et qui soutient le boycott des universités israéliennes.
  190.  
  191. [17] Voir le témoignage d’Adin Steinsaltz dans le numéro des Temps Modernes paru en septembre 1979, et consacré aux rencontres à Paris entre Israéliens et Palestiniens, p. 508 : « Laissez-moi vous dire que l’une des choses les plus étranges que j’ai découvertes lorsque je me suis rendu pour la première fois, après tant d’années, dans la vieille ville de Jérusalem, c’est d’y constater qu’un grand nombre d’Arabes parlaient yiddish. » Voir aussi « Speaking Yiddish in Gaza », par Michael Dorfman, Forward, 6 septembre 2015 (httt://forward.com/culture/yiddish-culture/320338/speaking-yiddish-in-gaza/).
  192.  
  193. [18] Ecrivain arabe israélien de langue hébraïque, auteur de romans traduits en français (La Deuxième Personne ; Les Arabes dansent aussi), Chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres, éditorialiste à Haaretz, scénariste du film Mon fils sorti en 2014. « Travail d’arabe » (Avoda aravit) a gagné le prix de la meilleure série télévisée au Festival du film de Jérusalem et a acquis une immense popularité en Israël, malgré les vives critiques qu’il a suscitées aussi bien du côté juif que du côté arabe. Kashua y met en scène des personnages qui représentent des archétypes et se retrouvent souvent dans des situations désopilantes : Amjad qui cherche désespérément à être accepté par la majorité juive ; Amal (interprétée par Mira Awad, actrice et chanteuse), farouche défenseur du nationalisme palestinien, et Meïr, Israélien de droite et quelque peu raciste, qui tombent, à leur corps défendant, follement amoureux l’un de l’autre ; Nathan et Timna, Juifs de gauche et belles âmes qui nourrissent, à leur insu, des préjugés anti-arabes. Sayed Kashua a quitté Israël avec sa famille pour s’installer aux Etats-Unis. Voir sa « Correspondance par-delà l’exil » avec Etgar Keret, romancier israélien dont les livres sont aussi traduits en français, dans Le Monde Diplomatique, 8 octobre 2014.
  194.  
  195. [19] Voir mon article, « De Jaffa à Oslo », op. cit.
  196.  
  197. [20] Ibidem.
  198.  
  199. [21] (httts://engageonline.wordpress.com/2011/07/07/irwin-cotleron-judging-the-distinction-between-legitimate-criticism-and-demonization/). Voir aussi Lord Jonathan Sacks, « We must fight BDS in the name of human rights », Jerusalem Post, 6 novembre 2015 (httt://www.jpost.com/Opinion/We-must-fight-BDS-in-the-name-of-human-rights-405787) ; Monica Osborne, « “Academic Boycott” is an Oxymoron », The Chronicle of Higher Education, 19 février 2016 (httt://chronicle.com/article/Academic-Boycott-Is-an/235350). Signalons aussi l’action de Bassem Eid, militant palestinien pour les droits de l’homme et résident israélien de Jérusalem-Est, contre le boycott. Voir The Times of Israel, 11 juin 2015 (httt://fr.timesofisrael.com/bassam-eid-israel-nest-pas-un-etatdapartheid/) et son article du 12 février 2015 (httt://blogs.timesofisrael.com/we-palestinians-hold-the-key-to-a-better-future/). En vertu de deux arrêts de la Cour de cassation rendus en octobre 2015, le boycott des produits israéliens est, désormais, illégal en France où il est considéré comme un délit de « provocation à la discrimination et à la violence envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée » (article 24, alinéa 8 de la loi sur la presse. Source : httt://www.lemonde.fr/police-justice/article/2015/11/06/l-appel-au-boycott-deproduits-israeliens-est-illegal_4804334_1653578.html).
  200.  
  201. [22] En avril 1996, soit trois ans après la Déclaration de principes signée à Washington, le 13 septembre 1993, par Yitzhak Rabin, Premier ministre israélien, et Yasser Arafat, Président du comité exécutif de l’OLP, et deux après les Accords d’Oslo.
  202.  
  203. [23] Voir dans Histoire de l’autre (op. cit., p. 90), la définition palestinienne du sionisme, et à la p. 91, la définition israélienne qui lui est diamétralement opposée
  204.  
  205. [24] Benyamin Neuberger, « Etat juif et démocratique. Essai de définition », Les Temps Modernes, 2009, op. cit., pp. 19-45 (httts://www.cairn.info/revue-les-temps-modernes-2009-1-page-19.htm).
  206.  
  207. [25] Telle est la plateforme de Balad : « Lutter pour transformer l’Etat d’Israël en démocratie pour tous ses citoyens, quelle que soit leur nationalité ou leur origine ethnique. »
  208.  
  209. [26] Ruth Gavison, « Plaidoyer pour le droit à un Etat juif », Les Temps Modernes, op. cit., pp. 46-85 (httt://www.cairn.info/revue-les-tempsmodernes-2009-1-page-46.htm).
  210.  
  211. [27] Voir Eléonore Merza, « Les Tcherkesses d’Israël : “des Arabes pas arabes” », Bulletin du Centre de recherche français de Jérusalem, no 23, 2012 (httt://bcrfj.revues.org/6850). Le centre mondial des Bahaïs se trouve à Haïfa où leur temple qui surplombe la ville en est devenu le symbole. Fondée au xixe siècle en Iran, leur religion qui prône l’unité spirituelle de l’humanité et l’égalité des religions, des peuples et des sexes, compte aujourd’hui 7 000 000 de fidèles appartenant à 2 100 groupes ethniques et répartis dans 189 pays.
  212.  
  213. [28] « De Jaffa à Oslo », op. cit.
  214.  
  215. [29] Citons, parmi tant d’exemples, Khaled Abu Toameh, journaliste arabe israélien, qui a fait, en mars 2014, une conférence au Sénat où il a vigoureusement critiqué le leadership palestinien tout en jugeant la paix possible, « à condition qu’Israéliens et Palestiniens restent séparés ».
  216.  
  217. [30] A l’intérieur même de la société juive, les inégalités économiques et sociales affectent particulièrement les Juifs d’origine éthiopienne ainsi que les habitants des villes de développement de la périphérie-sud d’Israël.Joëlle Hansel
  218. Être arabe israélien aujourd’hui : l’itinéraire emblématique George Deek[1]
  219. Les Temps Modernes 2016/3 (n° 689)
  220.  
  221. La vague d’attentats qui marque l’actualité en Israël depuis plusieurs mois conforte une idée solidement ancrée : les relations entre Juifs et Arabes sont placées inéluctablement sous le signe du conflit. Ce qui est vrai pour les Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza vaudrait aussi pour les citoyens arabes de l’Etat d’Israël qui constituent aujourd’hui plus de 20 % de la population totale du pays?[2]. Parler d’une « radicalisation de la société israélienne » dans laquelle la discrimination des minorités et le racisme ne font que s’aggraver est devenu un lieu commun?[3]. Les déclarations fracassantes de certains députés de la Liste arabe unie à la Knesset perpétuent l’image d’une société dont une bonne partie des membres ne se sentent pas israéliens et se définissent avant tout comme palestiniens.
  222.  
  223. Le conflit entre Juifs et Arabes, qui a éclaté avant même la naissance de l’Etat d’Israël, s’est envenimé au moment de sa création. Les événements qui ont marqué l’année 1948 en témoignent?[4]. C’est à ce moment-là que se sont élaborés les deux narratifs qui sont encore en vigueur aujourd’hui. Leur radicale opposition tient en quelques mots : « Indépendance versus Nakba?[5] ». Selon le narratif israélien, le 14 mai 1948, date de la création de l’Etat d’Israël, marque une pierre blanche : la réalisation du projet sioniste et l’édification d’un Etat juif souverain. Selon le narratif palestinien, la création d’Israël a coïncidé avec la « Nakba » ou la « catastrophe » qu’a constitué l’exode de près de 700 000 Arabes qui ont fui ou ont été expulsés du territoire du nouvel Etat?[6].
  224.  
  225. Près de soixante-huit ans après les événements, leur souvenir reste encore vivace. Il alimente, chez une partie des Arabes israéliens, un nationalisme qui se manifeste particulièrement le « jour de la Nakba ». En 1998, Yasser Arafat, alors président de l’Autorité palestinienne, a instauré cette journée de commémoration, le 15 mai, au lendemain même de la fête de l’Indépendance qui célèbre l’anniversaire de la création de l’Etat d’Israël. Suivant les années, elle donne lieu, en Israël, à des rassemblements pacifiques ou à des manifestations violentes au cours desquelles sont brandis des drapeaux palestiniens. Un député de la droite ultra-nationaliste a préconisé, il y a quelques années, de la considérer comme une infraction passible d’une peine de trois ans de prison. Tout en déclarant que cette proposition de loi constituait « un danger pour la démocratie », Avishay Braverman, alors ministre des Affaires des minorités, a souligné que « la délégitimation de l’Etat d’Israël par une frange extrémiste des Arabes israéliens ne contribue pas à favoriser la coexistence?[7] ».
  226.  
  227. Le chemin qui mène à cette coexistence n’est pas pavé de roses, surtout s’il doit aboutir à une véritable vie en commun. Bien qu’il existe en Israël des villes mixtes où cohabitent Juifs et Arabes, cela ne signifie pas que leurs relations soient toujours de tout repos. Durant l’été 2014, une « journée nationale de la colère », organisée en signe de protestation contre l’opération « Bordure protectrice », a donné lieu à des émeutes au cours desquelles certains manifestants ont scandé des slogans de soutien au Hamas. Des troubles ont éclaté à Jaffa, en août 2015, au prétexte que les Juifs auraient eu l’intention de s’emparer de la mosquée d’Al-Aqsa?[8]. Du côté juif, on observe, depuis plusieurs années, la multiplication des actes de vandalisme (« Tag Mehir », « prix à payer ») qui consistent à taguer des mosquées, incendier des voitures ou déraciner des oliviers appartenant à des Palestiniens. L’ironie du sort a voulu que les jeunes auteurs de ces actes soient allés jusqu’à s’en prendre à l’armée israélienne en attaquant une base militaire.
  228.  
  229. Par ailleurs, plusieurs Arabes israéliens ont été impliqués dans les attentats, au couteau, à la voiture bélier et à l’arme à feu, perpétrés ces derniers mois. Il n’est pas rare non plus que des membres de leur communauté décernent à leurs auteurs le titre de « martyr », comme l’ont fait, d’ailleurs, ouvertement des députés de la Liste arabe unie. Du côté juif, un incendie criminel a causé la mort, fin juillet dernier, dans le village palestinien de Douma, de trois membres d’une même famille, dont un enfant d’un an et demi. Désormais, on parle de « terroristes juifs » et Benyamin Netanyahou lui-même a qualifié cet attentat d’« acte terroriste dans tous les sens du terme ».
  230.  
  231. On ne saurait minimiser la gravité de ces faits. On ne saurait pas non plus en tirer parti pour donner raison aux Cassandre qui peignent sous un jour sombre l’avenir des relations entre Arabes et Juifs en Israël. Ce serait là, en effet, méconnaître un phénomène qui, sans être tout à fait nouveau, prend de plus en plus d’ampleur. Aujourd’hui, une nouvelle génération d’Arabes se sentent israéliens à part entière et pleinement membres d’une société à laquelle ils apportent une précieuse contribution. C’est ce qu’atteste le nombre élevé de juristes de haut niveau, dont un juge à la Cour suprême, d’universitaires et de savants de réputation internationale, de médecins, de journalistes et d’intellectuels, d’écrivains, d’artistes, d’acteurs et de comédiens, qui sont des figures de proue de la culture israélienne?[9]. Sur le plan politique, une évolution notable s’est produite lors de l’élection du Premier ministre en mars 2015, lorsque la Liste arabe unie est devenue la troisième formation politique du pays.
  232.  
  233. L’intégration d’Arabes israéliens dans les rangs de l’armée est un fait qui mérite d’être signalé. En vertu d’une décision prise par David Ben Gourion en 1948, ceux-ci avaient été dispensés du service militaire qui incombait à leurs concitoyens juifs, druzes, bédouins et tcherkesses?[10]. Il n’était pas question, en fait, de les mettre dans une situation où ils auraient à combattre les membres de leur peuple servant dans les armées des pays arabes. Cette mesure était également motivée par le souci de ne pas leur donner accès à certaines fonctions d’ordre sécuritaire. Bien qu’elle ait été, en un sens, justifiée, elle a empêché les Arabes israéliens de bénéficier d’un moyen d’intégration majeur dans la société israélienne. C’est cette situation qu’entendent changer ceux qui appellent les jeunes à s’enrôler dans l’armée, comme le père Gabriel Nadaf?[11].
  234.  
  235. Dans une « nation start-up » comme Israël, c’est particulièrement dans ce domaine que se produisent des changements marquants. Des centres de high-tech ont été inaugurés dans des villes arabes. Nazareth n’est plus seulement réputée pour ses lieux saints et ses attractions touristiques, mais aussi pour le parc industriel ultramoderne qui y a été inauguré en 2012. Pour l’un de ces jeunes ingénieurs arabes de high-tech qui travaillent main dans la main avec leurs collègues juifs, « la diversité est un formidable catalyseur. Il faut une coopération pour que chacun y trouve son compte?[12] ». C’est cette coopération que promeut Tsofen, une association juive-arabe dont le mot d’ordre est éloquent : « La diversité au moyen de la technologie ». Elle a pour vocation « de promouvoir l’intégration des citoyens arabes israéliens dans l’industrie du high-tech » afin de « faire d’Israël une société plus juste et plus équitable?[13] ».
  236.  
  237. Le fait qu’il y ait des diplomates arabes est peu connu?[14]. Cela peut paraître surprenant : comment un Arabe issu d’une famille palestinienne qui a connu la Nakba peut-il représenter l’Etat juif à l’étranger ? Cette question renvoie à une autre, tout aussi cruciale : est-il possible, sans pour autant oublier son passé, de se libérer du ressentiment pour se tourner vers l’avenir ?
  238.  
  239. Ces thèmes ont été au cœur du discours que George Deek (trente-deux ans) a fait à Oslo en septembre 2014, alors qu’il était numéro deux à l’ambassade d’Israël en Norvège?[15]. Il y a employé explicitement le mot « Nakba ». Dans la bouche d’un membre d’une famille qui a subi cette épreuve, l’usage de ce terme pouvait sembler naturel. Dans celle d’un diplomate représentant l’Etat juif, il l’était beaucoup moins. En Israël, le mot « Nakba » est banni des discours officiels et rarement employé dans le langage courant. On ne le trouve pratiquement que dans les travaux universitaires comme ceux des « nouveaux historiens » israéliens qui ont « revisité », dans les années 1980, les événements de l’année 1948, ou bien sous la plume de journalistes dans un quotidien marqué à gauche comme Haaretz.
  240.  
  241. Pour bien des Israéliens, parler de la Nakba revient à remettre en question le narratif fondateur de leur Etat et à donner raison aux pays arabes et à la direction palestinienne qui ont, depuis toujours, rejeté sur Israël seul la responsabilité d’une tragédie dans laquelle ils ont eu largement leur part. Bien peu partagent la conviction d’un historien comme Benny Morris qui estime que l’« on peut tout à fait être sioniste tout en prenant en compte les pages sombres de l’histoire d’Israël?[16] ».
  242.  
  243. En utilisant le terme « Nakba », George Deek est donc allé à l’encontre d’un consensus bien établi en Israël. En racontant l’histoire de sa famille, il a appelé ses concitoyens juifs à prendre conscience d’un traumatisme dont on peut reconnaître l’existence sans pour autant donner raison à ceux qui l’exploitent pour inciter à la haine d’Israël :
  244.  
  245. « Quand l’ONU approuva l’établissement d’Israël, et que
  246. l’Etat d’Israël fut créé quelques mois plus tard, les
  247. dirigeants arabes avertirent les Arabes que les Juifs
  248. allaient les tuer s’ils restaient chez eux et se servirent
  249. du massacre de Deir Yassin comme exemple. Ils leur dirent :
  250. “Quittez vos maisons et courez au loin.” Ils leur promirent
  251. que leurs cinq armées détruiraient en quelques jours l’Etat
  252. qui venait tout juste de naître. Horrifiée par ce qui
  253. risquait d’arriver, ma famille décida de fuir. Mes
  254. grands-parents, George et Vera, eurent tout juste le temps
  255. de se marier avant de quitter Jaffa où la famille Deek était
  256. implantée depuis plusieurs siècles. Ma grand-mère n’eut même
  257. pas le temps de mettre sa robe de mariée. Après ce mariage
  258. express, ils se réfugièrent au Liban en faisant une partie
  259. du voyage à pied. L’histoire de ma famille n’est qu’une
  260. histoire — et probablement pas la pire — parmi toutes les
  261. histoires tragiques de l’année 1948. »
  262.  
  263. Revenus à Jaffa un an après l’avoir quittée, les grands-parents de George Deek n’ont connu que brièvement la situation de réfugiés qui est encore le lot de nombreux Palestiniens aujourd’hui. Ils n’ont pas non plus subi le sort du reste de leur famille qui a été dispersée aux quatre coins du globe, y compris dans des pays arabes dont on leur refuse aujourd’hui encore la citoyenneté. Néanmoins, leur univers a été entièrement bouleversé. Sur les 70 000 Arabes qui habitaient la ville avant la guerre d’Indépendance, il n’en restait plus que 4 000. Ces derniers se retrouvaient tout à coup dans la situation d’une minorité qui devait adopter une langue et une culture qui leur étaient étrangères.
  264.  
  265. Ils n’étaient pourtant pas totalement isolés de leurs voisins juifs. Avant même la création de l’Etat, le grand-père de George Deek travaillait à la Compagnie d’électricité où il entretenait des relations cordiales avec ses collègues juifs. Après la guerre d’Indépendance, c’est même l’un d’eux qui l’avait aidé à revenir à Jaffa avec sa famille et à retrouver son ancien emploi. Il faisait partie de ces Arabes palestiniens, relativement nombreux à l’époque, qui parlaient yiddish?[17].
  266.  
  267. Les mélanges entre les différentes populations qui habitaient Jaffa n’étaient pas rares. George Deek et sa famille, qui appartiennent à la communauté chrétienne orthodoxe dont son père a été le dirigeant, avaient pour voisins « des musulmans, des Juifs et même un prêtre polonais qui, né juif, avait été caché dans un monastère pendant la Shoah et qui, après s’être converti, avait demandé à remplir sa mission dans le pays de ses ancêtres ». Lui-même avait fait ses études primaires au Collège des Frères de Jaffa. Il était ainsi « un chrétien orthodoxe qui faisait ses études dans une école française catholique où la majorité des élèves étaient musulmans, dans un Etat juif, au Moyen-Orient arabe ».
  268.  
  269. Malgré les relations personnelles qu’elle entretenait avec ses voisins juifs, la famille Deek restait profondément marquée par le souvenir de la Nakba. C’est ce qui explique que le père de George Deek, qui a pourtant œuvré activement pour la coexistence entre Juifs et Arabes à Jaffa, ait été membre de la « Ligue démocratique nationale » (« Balad »), parti arabe ultra-nationaliste et antisioniste. George Deek lui-même s’identifiait, dans son adolescence, à la cause palestinienne qu’il défendait avec passion, en pleine seconde Intifada, face à ses camarades de classe juifs du lycée de Tel-Aviv où il était l’un des seuls élèves arabes.
  270.  
  271. Pourtant, c’est cette interaction quotidienne avec des jeunes juifs de son âge qui l’a amené à changer sa manière de voir et qui a fait naître en lui, peu à peu, un sentiment d’appartenance à la société israélienne. Un autre fait a enclenché, très tôt, ce processus : sa rencontre, à l’âge de sept ans, avec Abraham Nov qui a été son professeur de musique. Au contact de ce rescapé de la Shoah qui, après avoir perdu tous les siens, était venu en Israël où il avait fondé une famille, il a compris « que l’on ne peut regarder en arrière, vers le passé et les tragédies que l’on a vécues, que si l’on se tourne d’abord, résolument, vers le futur en construisant non seulement un foyer, mais aussi un pays qui est aujourd’hui, comme c’est le cas d’Israël, à la pointe du progrès dans tous les domaines ». C’est cette ligne de conduite qu’avaient suivi ses grands-parents lorsqu’ils avaient décidé, à la fin de la guerre d’Indépendance, de retourner à Jaffa au bout d’un an d’exil dans un camp de réfugiés au Liban. Réalisant qu’ils étaient dans une impasse, ils prirent une décision qui paraissait apparemment impensable : « se joindre à ceux que leur communauté considérait comme des ennemis ».
  272.  
  273. Cette décision de se tourner vers l’avenir implique que l’on surmonte des obstacles que George Deek connaît bien pour y avoir été confronté lui-même. Considérer ses deux identités, israélienne et arabe-palestinienne, comme non contradictoires exige, en effet, « un énorme travail sur soi, aussi bien sur le plan intellectuel que sur le plan affectif ». S’intégrer à la société israélienne, c’est s’exposer aussi bien à la discrimination et au racisme de la part de la majorité juive qu’à des critiques virulentes issues de sa propre communauté.
  274.  
  275. Il faut aussi tenir compte d’un blocage psychologique :
  276.  
  277. « Beaucoup d’Arabes israéliens pensent qu’ils n’ont le
  278. choix qu’entre deux options : soit s’assimiler à la
  279. société israélienne en renonçant à leur spécificité,
  280. comme Amjad, personnage d’une série télévisée très
  281. populaire dans notre pays — “Travail d’arabe” de
  282. l’écrivain Sayed Kashua?[18] —, qui, à force de “faire
  283. le Juif”, sombre dans le ridicule ; soit s’engager, au
  284. contraire, dans la voie du séparatisme nationaliste qui
  285. consiste à se définir avant tout comme palestinien, en
  286. considérant que le fait d’être citoyen israélien n’est
  287. qu’un incident technique. En vivant dans le
  288. ressentiment et en cultivant la haine, on gaspille un
  289. potentiel précieux qui pourrait contribuer au
  290. développement et à l’épanouissement de la société arabe
  291. en Israël?[19]. »
  292.  
  293. L’un des obstacles les plus redoutables est, pour George Deek, celui qui a fait de la situation de victime le fondement même de l’identité palestinienne :
  294.  
  295. « Les pays arabes et le leadership palestinien ont mis
  296. en place, dès 1948, un narratif victimaire qui a
  297. instrumentalisé la Nakba en transformant ce désastre
  298. humanitaire en arme politique dirigée contre l’Etat
  299. d’Israël. Sous couvert d’empathie avec les
  300. Palestiniens, la Communauté internationale a repris ce
  301. narratif, en considérant qu’ils étaient les plus
  302. faibles et qu’ils avaient donc des excuses pour se
  303. livrer au terrorisme. Nous, Arabes israéliens, nous
  304. nous sommes aussi complu dans cette position de victime
  305. comme si elle pouvait nous tenir lieu d’identité. C’est
  306. justement cette victimisation qui entretient en nous la
  307. haine et la frustration, et qui nous enchaîne au
  308. passé?[20]. »
  309.  
  310. Ce narratif victimaire a été au cœur des discours qui attisent la haine contre Israël et prônent sa destruction. Il est aujourd’hui la pierre angulaire de la campagne menée par le mouvement du BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions). Aux Etats-Unis, ce dernier est particulièrement actif sur les campus où ses promoteurs exercent des pressions pour obtenir des universités des résolutions décrétant le boycott académique d’Israël. La stratégie des organisateurs du BDS consiste à embrigader dans ses rangs des étudiants de bonne foi, mais quelque peu crédules, en présentant Israël comme un Etat d’apartheid contre lequel tous ceux qui sont soucieux de défendre les droits de l’homme doivent se liguer. C’est ce détournement de la défense des droits de l’homme contre lequel s’est élevé Irwin Cotler, ancien ministre canadien de la Justice et militant pour les droits de l’homme :
  311.  
  312. « Ce n’est pas tant le phénomène même de la
  313. délégitimation d’Israël qui est préoccupant. Il n’est,
  314. malheureusement, pas nouveau. Ce qui l’est et qui
  315. constitue un danger réel, c’est la justification de
  316. cette délégitimation au nom de toutes ces nobles causes
  317. que sont la lutte contre le racisme, la loi
  318. internationale et les droits de l’homme?[21]. »
  319.  
  320. C’est précisément ce discours qui sert de couverture pour atteindre l’objectif dont Omar Barghouti, cofondateur du mouvement BDS, ne fait pas mystère : l’« euthanasie du sionisme » ou, ce qui revient au même, la négation du droit d’Israël à l’existence.
  321.  
  322. Les organisateurs du BDS reprennent également la vieille antienne qui a été, depuis toujours, celle du nationalisme palestinien. C’est ce que note George Deek :
  323.  
  324. « Du point de vue palestinien, le conflit ne met pas en
  325. présence deux mouvements nationaux : d’une part, le
  326. mouvement national du peuple palestinien et, d’autre
  327. part, celui du sionisme comme mouvement national du
  328. peuple juif. Il n’y a qu’un seul mouvement national,
  329. celui du peuple palestinien, qui fait face à Israël,
  330. entité coloniale imposée au Moyen-Orient par
  331. l’impérialisme occidental. »
  332.  
  333. Le refus de considérer Israël comme un peuple qui a conservé son identité nationale tout au long de son histoire était au cœur de la charte de l’OLP qui, établie dans les années 1960, visait « l’élimination de la présence sioniste et impérialiste » de Palestine. L’existence même du peuple juif était considérée comme une invention du sionisme. Ainsi, l’article 20 de la Charte énonçait sans ambages que le « judaïsme » n’était qu’une religion et que « les Juifs ne constituent pas un peuple unique doté d’une identité propre ».
  334.  
  335. Le Conseil national palestinien a abrogé depuis longtemps les articles de la Charte mettant en cause le droit d’Israël à l’existence?[22]. Néanmoins, le refus de reconnaître les Juifs comme un peuple et un Etat-nation ayant des droits historiques sur la terre d’Israël reste profondément enraciné dans l’esprit des Palestiniens et des Arabes israéliens qui professent le nationalisme séparatiste. A cet égard, la définition du sionisme qu’ont donnée les professeurs palestiniens dans Histoire de l’autre est édifiante :
  336.  
  337. « Mouvement politique colonialiste qui conféra aux
  338. Juifs un caractère nationaliste et ethnique. S’opposant
  339. à l’intégration des Juifs dans leur pays d’origine, le
  340. sionisme incita ceux-ci à l’émigration en Palestine où
  341. ils posséderaient, selon ce mouvement, des droits
  342. historiques et religieux, pour résoudre le “problème
  343. juif” en Europe?[23]. »
  344.  
  345. Un autre argument du mouvement BDS et, généralement, des discours antisionistes consiste à soutenir qu’un Etat ne peut être à la fois « juif » et « démocratique ». Cette contestation n’est pas seulement le fait des ennemis déclarés d’Israël. Elle est partagée, comme le note Benyamin Neuberger, à l’intérieur même du pays, par des groupes aussi hétérogènes que « des Juifs ultra-orthodoxes radicaux, des nationalistes juifs farouches, des islamistes et des nationalistes arabes, des Juifs ultra-libéraux et socialistes ». Selon eux, « il y a une contradiction absolue entre le caractère juif de l’Etat et son caractère démocratique, aussi faut-il choisir entre un Etat juif et un Etat démocratique?[24] ». Pour les partis politiques arabes qui siègent aujourd’hui à la Knesset, la judéité de l’Etat d’Israël est incompatible avec le principe d’« une démocratie pour tous ses citoyens?[25] ». Si Israël veut vraiment être une démocratie où règne l’égalité des droits, il doit donc accepter que sa singularité de foyer national du peuple juif s’efface au profit d’une « universalité » dans laquelle cette dernière ne peut que se dissoudre.
  346.  
  347. Dans un article paru en 2009, Ruth Gavison, juriste de renom et lauréate du Prix Israël, a dressé un constat qui renforce l’idée d’un refus qui s’étendrait à l’ensemble de la société arabe israélienne :
  348.  
  349. « La négation d’Israël au droit d’exister en tant
  350. qu’Etat juif est devenue maintenant une position
  351. communément soutenue, et de plus en plus légitime.
  352. Parmi les Arabes israéliens, il est presque impossible
  353. de trouver quelqu’un qui veuille soutenir, du moins
  354. publiquement, le droit des Juifs à l’autodétermination
  355. nationale en Terre d’Israël […] Un tel Etat est par
  356. nature non démocratique et incapable de protéger les
  357. droits de l’homme. Ce n’est que s’il perdait son
  358. caractère juif, insistent-ils, que l’existence d’Israël
  359. serait justifiée?[26]. »
  360.  
  361. La position de George Deek se situe aux antipodes de celle qui est, selon cette analyse, le lot de bien des membres de sa communauté. Pour lui, c’est justement le fait qu’Israël soit un Etat juif qui fait de son existence même un « véritable défi pour le monde arabe ». Comme il le dit avec force, « un Moyen-Orient qui n’a pas de place pour les Juifs n’a pas de place pour l’humanité ». A l’heure où la persécution et l’extermination des minorités par l’Etat islamique menacent « de faire disparaître la diversité religieuse, culturelle et ethnique qui a été propre au Moyen-Orient tout au long de son histoire », le rôle d’Israël est tout à fait crucial. En tant que seul Etat non arabe et non musulman au Moyen-Orient, il reste, comme il l’a été tout au long de son histoire, porteur de cette différence irréductible qui fait de lui un rempart contre Daesh et sa volonté d’imposer une idéologie unique dans cette région du monde.
  362.  
  363. En outre, de toutes les minorités qui vivent au Moyen-Orient, Israël est la seule qui ait à la fois « la volonté et la capacité, y compris la puissance militaire », de préserver la diversité qui a fait sa richesse. C’est également, dans cette région, la seule démocratie où, en dépit de la discrimination et des disparités économiques et sociales qui subsistent, toutes les minorités ethniques et religieuses, chrétiens et musulmans — Arabes, Bédouins, Druzes, Tcherkesses et Bahaïs —, ont leur place?[27].
  364.  
  365. Pour le jeune diplomate, les Arabes israéliens doivent refuser l’alternative stérile qui ne donne le choix qu’entre l’assimilation et le séparatisme. Ils doivent s’engager, comme le font déjà nombre d’entre eux, dans une « troisième voie qui consiste à vivre dans l’Etat juif et à en être pleinement citoyen, non parce que cela nous a été imposé de l’extérieur, mais parce que nous l’avons choisi?[28] ». Telle est la condition qui permettra de donner aux Arabes un rôle de premier plan dans la société israélienne dont ils deviendront les acteurs, au même titre que leurs concitoyens juifs.
  366.  
  367. Dans les temps sombres que vit Israël où les attentats terroristes sont presque quotidiens, le discours de George Deek et des autres Arabes israéliens?[29] qui s’engagent dans la « troisième voie » redonne de l’espoir. Il suscite aussi des interrogations : la coopération fructueuse qui s’est instaurée entre Juifs et Arabes dans tant de domaines peut-elle servir de modèle à l’ensemble de la société israélienne ? La diversité qui est souvent un facteur de division peut-elle devenir un « formidable catalyseur » ?
  368.  
  369. Ces vastes questions restent ouvertes. Ceci dit, le combat pour la justice sociale peut réunir Juifs et Arabes autour d’une même cause. A l’heure où la résolution du conflit israélo-palestinien reste improbable, les problèmes d’ordre économique et social qui préoccupent tous les citoyens israéliens sont les plus urgents. Alors que l’égalité des droits est — quoi qu’en disent certains — un fait incontestable, l’égalité des chances reste un défi que doivent relever toutes les franges de la société israélienne, quelle que soit leur identité religieuse, culturelle ou ethnique?[30].
  370.  
  371. Notes
  372.  
  373. [1] Diplomate arabe israélien dont je fais le portrait et décris l’itinéraire plus loin.
  374.  
  375. [2] Soit 1 700 000 sur un total de 8 462 000 d’habitants dont 6 335 000 Juifs, suivant un recensement réalisé au début de l’année 2016.
  376.  
  377. [3] J’ai discuté cette thèse dans un article intitulé « La société israélienne se radicalise-t-elle ? », Le Droit de vivre, no 660, février 2016, p. 39.
  378.  
  379. [4] Voir, parmi les nombreux ouvrages consacrés à cette année cruciale Benny Morris, 1948 : A History of the First Arab-Israeli War, Yale University Press, 2008.
  380.  
  381. [5] Pour reprendre le titre de l’ouvrage de Yoav Gelber, Independence versus Nakba (en hébreu), Zmora-Bitan and Dvir Publishers, 2004. En 2003, un ouvrage intitulé Histoire de l’autre (traduit de l’hébreu par Rosie Pinhas-Delpuech, et de l’arabe par Rachid Akel) est paru aux éditions Liana Lévi, avec une introduction de Sami Adwan, Dan Bar-On, Adnan Musallam et Eyal Naveh. Rédigé par six professeurs d’histoire israéliens et six professeurs d’histoire palestiniens, le livre met en regard les deux narratifs en confrontant la manière dont ils font la relation de trois moments clés : la Déclaration Balfour de 1917, la Guerre de 1948 et la première Intifada de 1987. Alors qu’il a rencontré une large audience à l’étranger, son usage n’a pas été autorisé dans les lycées israéliens — où il n’est néanmoins pas interdit de traiter de la Nakba — et palestiniens. Je remercie Naomi Vered, l’un des six professeurs israéliens, pour les informations qu’elle m’a données à ce sujet.
  382.  
  383. [6] Cet exode a commencé, en fait, en novembre 1947, lorsque le plan qui prévoyait l’établissement d’un Etat israélien et d’un Etat palestinien a été approuvé, le 29 du même mois, par l’Assemblée générale de l’ONU. Accepté par les dirigeants du « Yishouv », ou de la communauté juive en Palestine, ce plan de partage a été rejeté par les pays arabes. L’exode palestinien s’est achevé à l’issue de la guerre d’Indépendance, en juin 1949. Seuls 150 000 Palestiniens sont restés établis dans le nouvel Etat.
  384.  
  385. [7] Cité dans l’article de Brenda Gazzar, « Arabs slam bill to criminalize “Nakba” », Jerusalem Post, 17 mai 2009 (httt://www.jpost.com/Israel/Arabs-slam-bill-to-criminalize-nakba).
  386.  
  387. [8] Cette fausse accusation qui a été à l’origine de la seconde Intifada en 2000 (« Intifada Al-Aqsa ») a été de nouveau formulée pour justifier les attentats terroristes actuels.
  388.  
  389. [9] L’un des cas les plus représentatifs est celui de Lucy Aharish, journaliste, animatrice d’émissions à la télévision israélienne et présentatrice vedette du journal d’information sur I24 News. Elle a fait partie des quatorze citoyens israéliens qui ont allumé, en avril 2015, les flambeaux du Jour de l’Indépendance lors de la cérémonie officielle qui s’est tenue, comme chaque année, au mont Herzl. En réaction aux controverses que cette décision a soulevées de la part de l’extrême droite israélienne et d’Arabes israéliens et palestiniens, elle a déclaré refuser la victimisation tout en revendiquant pleinement ses droits en tant que citoyenne arabe.
  390.  
  391. [10] Voir Ilan Greilsammer, « Les Arabes israéliens : un défi pour la démocratie », Les Temps Modernes, « La sexagénaire jeunesse d’Israël » (tome II : Des Israéliens se parlent, nous parlent), nos 652-653, janvier-avril 2009, pp. 130-142.
  392.  
  393. [11] De rite grec orthodoxe, le père Nadaf est à la tête du Israeli Christians Recruitment Forum.
  394.  
  395. [12] Voir l’article de Nathalie Hamou, « La high-tech, nouvelle frontière des Arabes d’Israël », Les Echos, 13 janvier 2015 (httt://www.lesechos.fr/13/01/2015/LesEchos/21854-055-ECH_la-high-tech--nouvelle-frontieredes-arabes-d-israel.htm).
  396.  
  397. [13] Voir le site de cette association (httt://tsofen.org/en/).
  398.  
  399. [14] Pourtant la nomination du premier ambassadeur d’Israël arabe, Ali Yahya, remonte à 1995.
  400.  
  401. [15] Ce discours est devenu « viral » sur You Tube où il a été vu, à ce jour, plus de 150 000 fois (httts://www.youtube.com/watch?v=8m6ux-IeNo4). Les citations qui figurent dans le présent article sont extraites de sa traduction française légèrement modifiée (httt://www.pneumatis.net/2014/11/georges-deek-mon-histoire-familiale-en-1948-de-la-fuite-de-jaffaa-un-avenir-en-israel/) ainsi que d’une discussion entre George Deek et Lee Smith (Hudson Institute, Washington, 29 octobre 2015) qui a porté sur la question suivante : « What does the latest wave of violence in Israel portend ? » (httts://www.youtube.com/watch?v=pXD2C6r564o). Je me suis aussi servie d’un discours encore non publié que George Deek a bien voulu me communiquer. Voir aussi mon interview parue dans L’Arche Magazine, « De Jaffa à Oslo. L’itinéraire de George Deek, issu d’une famille palestinienne et devenu ambassadeur d’Israël en Norvège », no 653, mars 2015 (httt://larchemag.fr/2015/03/12/1545/de-jaffa-a-oslo/).
  402.  
  403. [16] Voir à ce propos « Benny Morris : the 1948 was an Islamic holy war » (interview où il affirme que la guerre menée alors par les pays arabes contre Israël était un Jihad), Middle East Quaterly, été 2010, pp. 63-69. Sa position sioniste distingue radicalement Morris d’autres « nouveaux historiens », notamment d’Ilan Pappé qui a mis la révision de l’histoire de l’Etat d’Israël au service de la cause palestinienne et qui soutient le boycott des universités israéliennes.
  404.  
  405. [17] Voir le témoignage d’Adin Steinsaltz dans le numéro des Temps Modernes paru en septembre 1979, et consacré aux rencontres à Paris entre Israéliens et Palestiniens, p. 508 : « Laissez-moi vous dire que l’une des choses les plus étranges que j’ai découvertes lorsque je me suis rendu pour la première fois, après tant d’années, dans la vieille ville de Jérusalem, c’est d’y constater qu’un grand nombre d’Arabes parlaient yiddish. » Voir aussi « Speaking Yiddish in Gaza », par Michael Dorfman, Forward, 6 septembre 2015 (httt://forward.com/culture/yiddish-culture/320338/speaking-yiddish-in-gaza/).
  406.  
  407. [18] Ecrivain arabe israélien de langue hébraïque, auteur de romans traduits en français (La Deuxième Personne ; Les Arabes dansent aussi), Chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres, éditorialiste à Haaretz, scénariste du film Mon fils sorti en 2014. « Travail d’arabe » (Avoda aravit) a gagné le prix de la meilleure série télévisée au Festival du film de Jérusalem et a acquis une immense popularité en Israël, malgré les vives critiques qu’il a suscitées aussi bien du côté juif que du côté arabe. Kashua y met en scène des personnages qui représentent des archétypes et se retrouvent souvent dans des situations désopilantes : Amjad qui cherche désespérément à être accepté par la majorité juive ; Amal (interprétée par Mira Awad, actrice et chanteuse), farouche défenseur du nationalisme palestinien, et Meïr, Israélien de droite et quelque peu raciste, qui tombent, à leur corps défendant, follement amoureux l’un de l’autre ; Nathan et Timna, Juifs de gauche et belles âmes qui nourrissent, à leur insu, des préjugés anti-arabes. Sayed Kashua a quitté Israël avec sa famille pour s’installer aux Etats-Unis. Voir sa « Correspondance par-delà l’exil » avec Etgar Keret, romancier israélien dont les livres sont aussi traduits en français, dans Le Monde Diplomatique, 8 octobre 2014.
  408.  
  409. [19] Voir mon article, « De Jaffa à Oslo », op. cit.
  410.  
  411. [20] Ibidem.
  412.  
  413. [21] (httts://engageonline.wordpress.com/2011/07/07/irwin-cotleron-judging-the-distinction-between-legitimate-criticism-and-demonization/). Voir aussi Lord Jonathan Sacks, « We must fight BDS in the name of human rights », Jerusalem Post, 6 novembre 2015 (httt://www.jpost.com/Opinion/We-must-fight-BDS-in-the-name-of-human-rights-405787) ; Monica Osborne, « “Academic Boycott” is an Oxymoron », The Chronicle of Higher Education, 19 février 2016 (httt://chronicle.com/article/Academic-Boycott-Is-an/235350). Signalons aussi l’action de Bassem Eid, militant palestinien pour les droits de l’homme et résident israélien de Jérusalem-Est, contre le boycott. Voir The Times of Israel, 11 juin 2015 (httt://fr.timesofisrael.com/bassam-eid-israel-nest-pas-un-etatdapartheid/) et son article du 12 février 2015 (httt://blogs.timesofisrael.com/we-palestinians-hold-the-key-to-a-better-future/). En vertu de deux arrêts de la Cour de cassation rendus en octobre 2015, le boycott des produits israéliens est, désormais, illégal en France où il est considéré comme un délit de « provocation à la discrimination et à la violence envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée » (article 24, alinéa 8 de la loi sur la presse. Source : httt://www.lemonde.fr/police-justice/article/2015/11/06/l-appel-au-boycott-deproduits-israeliens-est-illegal_4804334_1653578.html).
  414.  
  415. [22] En avril 1996, soit trois ans après la Déclaration de principes signée à Washington, le 13 septembre 1993, par Yitzhak Rabin, Premier ministre israélien, et Yasser Arafat, Président du comité exécutif de l’OLP, et deux après les Accords d’Oslo.
  416.  
  417. [23] Voir dans Histoire de l’autre (op. cit., p. 90), la définition palestinienne du sionisme, et à la p. 91, la définition israélienne qui lui est diamétralement opposée
  418.  
  419. [24] Benyamin Neuberger, « Etat juif et démocratique. Essai de définition », Les Temps Modernes, 2009, op. cit., pp. 19-45 (httts://www.cairn.info/revue-les-temps-modernes-2009-1-page-19.htm).
  420.  
  421. [25] Telle est la plateforme de Balad : « Lutter pour transformer l’Etat d’Israël en démocratie pour tous ses citoyens, quelle que soit leur nationalité ou leur origine ethnique. »
  422.  
  423. [26] Ruth Gavison, « Plaidoyer pour le droit à un Etat juif », Les Temps Modernes, op. cit., pp. 46-85 (httt://www.cairn.info/revue-les-tempsmodernes-2009-1-page-46.htm).
  424.  
  425. [27] Voir Eléonore Merza, « Les Tcherkesses d’Israël : “des Arabes pas arabes” », Bulletin du Centre de recherche français de Jérusalem, no 23, 2012 (httt://bcrfj.revues.org/6850). Le centre mondial des Bahaïs se trouve à Haïfa où leur temple qui surplombe la ville en est devenu le symbole. Fondée au xixe siècle en Iran, leur religion qui prône l’unité spirituelle de l’humanité et l’égalité des religions, des peuples et des sexes, compte aujourd’hui 7 000 000 de fidèles appartenant à 2 100 groupes ethniques et répartis dans 189 pays.
  426.  
  427. [28] « De Jaffa à Oslo », op. cit.
  428.  
  429. [29] Citons, parmi tant d’exemples, Khaled Abu Toameh, journaliste arabe israélien, qui a fait, en mars 2014, une conférence au Sénat où il a vigoureusement critiqué le leadership palestinien tout en jugeant la paix possible, « à condition qu’Israéliens et Palestiniens restent séparés ».
  430.  
  431. [30] A l’intérieur même de la société juive, les inégalités économiques et sociales affectent particulièrement les Juifs d’origine éthiopienne ainsi que les habitants des villes de développement de la périphérie-sud d’Israël.
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