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- «Adieu à 30 ans d’inefficacité» : pourquoi le Royaume-Uni renationalise ses chemins de fer
- Par Adrien Bez
- Le 23 septembre 2025 à 06h30
- Sujets
- Royaume-Uni
- trains
- South Western Railway a été la première compagnie à repasser dans le giron public, en mai 2025. South Western Railway a été la première compagnie à repasser dans le giron public, en mai 2025.
- South Western Railway a été la première compagnie à repasser dans le giron public, en mai 2025. William / stock.adobe.com
- DÉCRYPTAGE - Exaspéré par trois décennies de gestion privée du rail, marquées par des retards, des prix élevés et des sous-investissements, le gouvernement travailliste a lancé au printemps dernier un grand plan de renationalisation, qui doit s’étendre jusqu’à octobre 2027.
- Il fallait être bien matinal, le 4 février 1996, pour voir partir le tout premier train privé du Royaume-Uni depuis l’après-guerre. C’était le 5h10 de la compagnie South West Trains, au départ de Twickenham et à destination de Londres-Waterloo, sur la rive droite de la Tamise. Margaret Thatcher n’était plus premier ministre, mais la fièvre des privatisations des années 80 et 90 courait toujours outre-Manche. Trente ans plus tard, c’est tout un pays qui fait machine arrière : votée fin 2024, la grande renationalisation du rail britannique a débuté cet été et doit s’étendre à l’ensemble du réseau d’ici octobre 2027.
- Comme un symbole, c’est la compagnie South Western Railway, lointaine successeur de South West Trains, qui est repassée la première dans le giron public, en mai dernier. L’occasion pour la ministre des Transports Heidi Alexander de «dire adieu à 30 ans d’inefficacité, de gaspillage», et pour le premier ministre Keir Starmer de promettre «de meilleurs services, une billetterie plus simple et des trains plus confortables». En juillet, la compagnie est-londonienne c2c lui a emboîté le pas. Suivra notamment Greater Anglia à l’automne, qui dessert l’est de l’Angleterre.
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- Promesse de campagne du parti travailliste, le Passenger Railway Services Act est une réponse implacable à un constat partagé par une bonne partie des Britanniques : l’ouverture à la concurrence a été un échec, et le rail un «symbole du déclin national». Fin 2022, 67% des Britanniques étaient pour une renationalisation, selon un sondage. Même le parti conservateur, pas vraiment friand de l’étatisation à outrance, a bien été obligé, lorsqu’il était au pouvoir, de reprendre le contrôle de quatre compagnies aux résultats catastrophiques : Northern, TransPennine Express, Southeastern et LNER. Le pays de Galles et l’Écosse avaient quant à eux franchi le pas entre 2021 et 2022.
- Seulement 67,6% des trains à l’heure
- L’affaire a de quoi étonner quand, de l’autre côté de la Manche, nombreux sont ceux qui appellent à mettre fin au monopole de la SNCF. La France s’ouvre d’ailleurs peu à peu à la concurrence, avec Trenitalia sur la ligne Paris-Lyon, Renfe sur les lignes Lyon-Barcelone et Marseille-Madrid, ou encore Transdev sur la ligne TER entre Marseille et Nice. Mais paradoxalement, le système français fait figure de modèle aux yeux des passagers britanniques. Ces derniers payent en moyenne cinq fois plus cher par kilomètre parcouru que les Français, a calculé le think tank Common Wealth. «C’est tout sauf de l’efficacité, c’est de l’exploitation», peste sa directrice générale Sarah Nankivell.
- Ce système était censé favoriser la compétition entre opérateurs, mais cela n’a jamais fonctionné, car chacun avait un monopole naturel sur ses tronçons régionaux
- Andrew Cumbers, professeur d’économie politique et spécialiste du rail à l’université de Glasgow
- Plus agaçant, encore : les retards. Seulement 67,6% des trains britanniques étaient à l’heure en 2023-2024, selon un rapport de l’Office of Rail and Road (ORR), l’agence gouvernementale chargée de la régulation du secteur ferroviaire, quand la SNCF affirme que 87% des siens sont à l’heure. Certaines voix pointent également du doigt un sous-investissement chronique. Dans le même temps, 65% des profits des compagnies réalisés entre 2006 et 2022 ont été reversés aux actionnaires via des dividendes, affirme RMT, le principal syndicat britannique des travailleurs des secteurs ferroviaire. Côté infrastructures, le sous-investissement a coûté cher avec plusieurs accidents mortels, dont celui de Hatfield en octobre 2000 (4 morts et 70 blessés). Railtrack, la société privée qui détenait tout le rail britannique depuis 1996, a d’ailleurs fait faillite en à peine six ans. Remplacée par l’entreprise publique Network Rail en 2002, elle était en quelque sorte le premier fusible de la privatisation à sauter.
- C’est désormais tout le système de franchises ferroviaires, vieux de trente ans, qui tombe. Au moment du démantèlement de British Rail dans les années 1990, le Royaume-Uni avait été découpé en une vingtaine de zones attribuées chacune à un opérateur privé pour une durée limitée (7 à 15 ans généralement). S’il remportait l’appel d’offres, l’opérateur était chargé d’assurer tout le service aux voyageurs pour son tronçon. «Ce système était censé favoriser la compétition entre opérateurs, mais cela n’a jamais fonctionné, car chacun avait un monopole naturel sur ses tronçons régionaux», expliquait récemment au Monde Andrew Cumbers, professeur d’économie politique et spécialiste du rail à l’université de Glasgow.
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- Vraie amélioration ou «plus de bureaucratie» ?
- Le système de franchises avait déjà officieusement pris fin durant la pandémie de Covid-19, lorsque l’État avait volé au secours d’opérateurs grandement fragilisés par l’effondrement du nombre de passagers. À la fin de leurs contrats respectifs, dans les prochains mois, tous les opérateurs seront consolidés au sein de nouvelle entité publique, Great British Railways (GBR), qui détiendra aussi les infrastructures. GBR aura la lourde tâche de panser les plaies de tout un peuple, frustré par trois décennies de défaillances en tous genres.
- Le plan de Keir Starmer et de son gouvernement pourrait même aller encore plus loin, suggèrent certains outre-Manche. Par exemple, pourquoi ne pas nationaliser également les sociétés de «rolling stock», qui détiennent les rames et les locomotives et les louent aux compagnies ? Celles-ci ne sont, pour le moment, pas concernées.
- Mais quelques voix dissonantes, notamment dans les rangs des Tories, regrettent que la renationalisation ne se fasse pas au cas par cas. Julia Lopez, parlementaire conservatrice dans la circonscription d’Hornchurch et Upminster, dans la région de Londres, martèle que la nationalisation de c2c en juillet était une grave erreur qui «risque de réduire à néant des années de progrès et d’investissements». «La communauté est desservie par l’un des opérateurs ferroviaires les plus fiables et les plus ponctuels du pays», assure-t-elle. «Est-ce la meilleure utilisation qui puisse être faite de l’argent des contribuables ? Les passagers verront-ils une amélioration, ou simplement plus de coûts et de bureaucratie ?» Rob Mullen, directeur général de c2c, semble de son côté résigné. Il estime qu’un réseau ferroviaire «unifié et ciblé peut apporter davantage à nos communautés, notamment une meilleure croissance, des emplois et des logements».
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- 166 commentaires
- anonyme
- le 24/09/2025 à 01:04
- Il suffit d'avoir pris une fois le train outre Manche pour réaliser que la SNCF fonctionne très bien !
- Clairvoyance
- le 23/09/2025 à 22:42
- Bien sur !
- Gardons des systèmes intégrés !!
- Arrêtons ce découpage absurde
- Les anglais sont pragmatiques. Ils ont fait des erreurs , ils les corrigent.
- Notre inertie nous perdra...
- VuDeLoin18
- le 23/09/2025 à 21:42
- La principale cause de ce désastre est qu’une société, où aucun investissement n’avait été réalisé depuis des décennie, a été vendue à des sociétés qui n’avaient pas les moyens démentiels nécessaires pour remettre le réseau aux normes. A l’époque il y avait encore des locomotives à vapeur qui circulaient…
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