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- LA RESPONSABILITÉ DU MARÉCHAL PÉTAIN DANS LE DÉSASTRE MILITAIRE DE MAI-JUIN 1940
- par le général (cr) Alban Merglen.
- (Guerres mondiales et conflits contemporains, No. 184, octobre 1996)
- Le maréchal Pétain, membre a vie du Conseil supérieur de la guerre de 1919
- a 1939, a eu une influence omniprésente et dominante sur la politique militaire
- de l'entre-deux-guerres. Sa doctrine défensive s'est matérialisée dans la
- construction de la ligne Maginot, comme dans les instructions de base pour Faction des
- grandes unités: IGU de 1921 et IGU de 1936. En cette période sensible de 1939
- 1940, il a exposé ses conceptions militaires dans une préface de 17 pages du livre
- du général Chauvineau: "Une invasion est-elle encore possible ?" 1re édition en
- mars 1939 (Hitler entrait a Prague), 2e édition en février 1940 (cinq mois après
- la campagne victorieuse hitlérienne en Pologne).
- Dans cette longue préface, il affirmait autoritairement la supériorité de la
- défensive par le feu et la fortification et soulignait clairement l'infériorité du
- char. De nombreux officiers, entre autres le général Estienne et le colonel de
- Gaulle, préconisaient une doctrine basée sur la manœuvre mobile des chars. Le
- maréchal Pétain, non seulement ne les a pas appuyés, mais avec le général
- Weygand ("rien n'est a créer, tout existe"), a repoussé leurs idées et a empêché tout
- effort de modernisation en ce sens.
- La thèse de doctorat du colonel Saint-Martin: Le concept blinde des
- années 1930. De la doctrine a l'emploi, 1944, a prouvé ces faits. Cette thèse a reçu
- l'approbation et les marques de considération des hautes autorités militaires ainsi
- que le prix militaire de 1'Association de 1'Arme blindée cavalerie. Basé sur
- d'abondantes archives militaires et les déclarations de nombreux experts, cette
- thèse doit être considérée avec attention par tout historien qui veut traiter de ces
- problèmes et porter un jugement sur les origines et responsabilités du désastre
- militaire de mai-juin 1940.
- L'erreur doctrinale française était particulièrement grave et même
- incompréhensible alors que l'Allemagne nationale-socialiste de Hitler affirmait et
- présentait ouvertement sa conception offensive blindée diamétralement opposée.
- La France avait une DLM (division légère mécanique) alors qu'étaient créées
- en 1935, 3 "Panzer Division" (divisions blindées) allemandes. En fin 1938,
- Hitler avait 6 "Panzer Division", 4 "leichte" (divisions légères mécanisées) et
- 4 divisions d'infanterie motorisées. Et en fin 1939, 10 divisions blindées, très
- entraînées et ayant l’expérience pratique de la guerre. Alors qu'en France
- il n'y avait en septembre 1939 que 2 DLM et 2 brigades cuirassées. Ce n'est
- qu'en janvier 1940 que furent créées 2 DCR (divisions cuirassées de réserve),
- une autre en mars, une quatrième en mai 1940. Evidemment, sans 1'organisation,
- l’entraînement et expérience des divisions "Panzer" allemandes.
- Aussi le 10 mai 1940, l’armée française lançait dans les Ardennes contre les
- divisions "Panzer" allemandes 3 brigades de cavalerie (à cheval) et 5 DLC (
- divisions légères de cavalerie, a moitié a cheval, a moitié mécanisées), qui se feront
- héroïquement repousser et écraser.
- Ces cas concrets très significatifs des doctrines de guerre opposées sont assez
- peu considérés par les historiens militaires français, mais ont été
- remarquablement étudiés par le colonel beige A. Bikar dans la Revue beige
- d'histoire militaire (années 1975, 1983 et 1984, 1985, 1987 et 1988, et 1989).
- Pendant ce temps, l’armée française conservait sous le béton de la ligne
- Maginot un personnel d'active de haute valeur: 23% des officiers, 31% des
- sous-officiers, 20% de la troupe. Qui resteront inactifs, l'arme au pied jusqu’à la
- mi-juin 1940. Pour alors se replier dans des circonstances lamentables, en se
- battant héroïquement mais inutilement en rase campagne. L'historien "amateur"
- Bruge a décrit ces combats trop ignorés en ses remarquables volumes sur
- l'histoire de la ligne Maginot (1973 a 1989). Ces ouvrages devraient être lus avec
- attention par les historiens français traitant trop souvent dans l'abstrait de cette
- sinistre période. Ils y trouveraient tant d'exemples de ce qu'a coûté au combat à
- l’armée française sa doctrine dépassée, basée sur la puissance du feu enterré et la
- longue ligne défensive prônée par la préface de Pétain au livre de Chauvineau.
- Un autre historien "amateur" a expose les mêmes faits et événements
- concernant les unités de chars françaises, prouvant combien le désastre français
- de 1940 est du a cette énorme faute doctrinale: De Wailly (Weygand, de Gaulle
- et quelques autres, 1983); De Gaulle sous le casque, 1990; La victoire évaporée,
- Abbeville 1940, 1995).
- II faut aussi vouloir bien étudier des ouvrages d'historiens militaires
- étrangers sur cette tragique campagne de mai-juin 1940 qui vit disparaître en six
- semaines cette armée française encore estimée être la première du monde un an
- auparavant. L'infériorité de la doctrine de guerre française y est disséquée avec
- plus de lucidité et de réalisme que dans quelques ouvrages français
- hagiographiques sur le maréchal Pétain :
- V. Wieland, Zur Problematik der franzosischen Militarpolitik und Militardoktrin in
- der Zeit zunschen den Weltkriegen, 1973 (allemand).
- R. A. Doughty, The seeds of disaster ? Development of French Army doctrine 1919
- 1930,1985 (americain).
- Et surtout le remarquable livre allemand, paru en fin 1995, de K. H. Frieser,
- Blitzkrieg - Legende ? Der Westfeldzug 1940 (Miinchen Oldenbourg Verlag,
- 473 p.).
- Publié sous l'égide de l'Office de recherches d'histoire militaire allemand
- (Freiburg, Potsdam), base sur une masse imposante d'archives et d'ouvrages
- allemands et internationaux, il met en lumière avec des précisions et des détails
- révélateurs combien cette éclatante victoire allemande fut la conséquence d'une
- doctrine et de méthodes de guerre basées sur les principes de surprise, de vitesse,
- de puissance concentrée, de mobilité matérielle et intellectuelle (les bases des
- grandes victoires du général Bonaparte et de l'empereur Napoléon Ier), en opposition
- avec les conceptions dogmatiques françaises de défensive.
- Ce remarquable livre de l'historien militaire allemand Frieser explique pour
- quoi et comment "l'invasion" décrétée impossible par le général Chauvineau
- en 1939-1940 et garantie comme telle par le maréchal Pétain fut réalisée en six
- semaines malgré les moyens militaires français et allies au moins égaux a ceux
- des Allemands, et malgré le courage et l'esprit de sacrifice (120 000 tues) de ces
- régiments et divisions françaises handicapées par l'erreur fondamentale de doc
- trine et son corollaire, le manque de réaction et d’énergie d'un haut-
- commandement assommé par l'inattendu matériel et moral de cette guerre pourtant prévue
- et si mal préparée.
- II faut bien le reconnaître et dire avec Péguy: "Ayant subi cela, pour la
- vérité nous n'accepterons pas qu'on nous force a la lâcher pour ménager les
- susceptibilités, les amour-propres, les épidermes de quelques individus".
- géneral (cr) Alban Merglen.
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