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Jun 25th, 2018
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  1. Le Mondial de foot fascine les traders mais déprime les marchés financiers
  2. CHRONIQUE - Ils ne savent pas faire deux choses à la fois, regarder un match et investir.
  3. On ira droit au but, et une fois n'est pas coutume, commençons par un conseil pratique de notre cru et fort simple: «Évitez d'investir votre argent en Bourse pendant une Coupe mondiale de football de la Fifa. Attendez plutôt le coup de sifflet terminal, quand on connaît le vainqueur et que la fête est finie.» Telle est la conclusion qui s'impose à l'examen des liaisons étranges et passionnées qu'entretiennent le monde du football et la finance.
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  5. La phase finale de la compétition oppose désormais 32 équipes nationales (elles n'étaient que 13 à l'origine en 1930) dans le pays organisateur, la Russie, en 2018. Cette période s'avère en effet très mauvaise pour les Bourses. Durant les quatre semaines où se déroulent les 64 matchs - des premiers affrontements à la grandiose finale -, les marchés traversent généralement un passage à vide. Le nombre de transactions baisse de plusieurs crans avec souvent un repli sensible des cours.
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  7. «Depuis 1950, le marché américain perd en moyenne 2,6 % pendant les périodes de Coupe du monde (entre mi-juin et mi-juillet approximativement tous les quatre ans), contre un gain de 1,1 % sur la même période pour les années sans Coupe du monde. Qui plus est, sur les 17 périodes observées depuis 1950, 13 affichent une performance négative», note Freddy Desquenne. Ce gestionnaire de portefeuille senior du fonds Candriam a utilisé, nous précise-t-il, la méthode mise au point par deux professeurs de l'université de Jérusalem, Guy Kaplanski et Haim Levy.
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  9. La référence à l'Amérique peut étonner de prime abord, car les États-Unis ne sont pas réputés «grande nation footballistique», même si les Yankees ont participé à 10 Coupes du monde. En revanche leNYSE Composite Indexa une ancienneté à nulle autre pareille. Et surtout le New York Stock Exchange constitue la place phare de la planète finance, celle qui donne le la à toutes les autres.
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  11. «Une population masculine et plutôt jeune, un sens du jeu très prononcé, le goût des challenges et des paris sont dans le caractère des professionnels des marchés» Freddy Desquenne
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  13. Malgré la faiblesse des marchés pendant la Coupe du monde, les traders sont fascinés par le foot. Les banques d'investissement aiment à étaler leur expertise en la matière. Goldman Sachs y consacre un dossier de 42 pages, pariant cette fois pour une finale Brésil-Allemagne, le premier prenant sa revanche sur 2014 quand il avait été éliminé par la Mannschaft. Autour de la machine à café des salles de marché, on ne parle que de ça, de Zidane, de Neymar, de Griezmann et tutti quanti.
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  15. Pardon pour le sexisme, en France notamment, moins de 23 % des «opérateurs de marché» - terme français pour trader - sont des opératrices. Cette faible proportion est d'autant plus remarquable que les femmes représentent 57 % des effectifs bancaires, selon l'Observatoire des métiers de la banque. Or ce n'est pas la seule prédisposition pour expliquer l'intérêt des traders vis-à-vis du ballon rond. «Une population masculine et plutôt jeune, un sens du jeu très prononcé, le goût des challenges et des paris sont dans le caractère des professionnels des marchés», résume Freddy Desquenne. Sans oublier une prédilection commune aux deux professions pour les gros chiffres ; les bonus des financiers peuvent atteindre la même ampleur que les prix de transferts des footballeurs, des centaines de millions d'euros.
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  17. «La tête ailleurs»
  18. Les opérateurs paraissent en tout cas incapables de faire deux choses à la fois! Regarder les matchs sur leurs écrans et passer des ordres d'achat ou de vente semblent incompatibles, comme en témoignent plusieurs enquêtes très pointues. Ainsi la Banque centrale européenne, qu'on n'attendait pas sur ce terrain, a effectué une étude sur «l'inattention des investisseurs durant les matchs de la Coupe du monde de la Fifa». Se fondant sur la coupe de 2010 en Afrique du Sud et dont «beaucoup de matchs ont été joués durant les heures d'ouverture des marchés», Michael Ehrmann qui dirige la recherche sur la politique monétaire à la BCE est parvenu à trois conclusions convergentes.
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  20. Tout d'abord quand une équipe nationale est en train de jouer, la Bourse de son pays subit une baisse du nombre de transactions de 45 % en moyenne et la valeur totale des échanges recule de 55 %. En second lieu, les replis sont encore plus nets lorsque des buts viennent d'être marqués. Troisième observation, les Bourses nationales dont l'équipe joue voit leurs cours évoluer moins rapidement que ceux du marché mondial ; la déconnexion entre les deux peut atteindre entre 20 % et 40 % en termes de rendement, est-il précisé.
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  22. «Cette comparaison suggère que le football a engendré des niveaux d'inattention (des opérateurs) relativement élevés, entraînant des révisions des cours moins fréquentes (que sur les marchés dont l'équipe nationale ne joue pas)», souligne l'étude de la BCE. Pendant un match, les traders «ont la tête ailleurs», comme on dit vulgairement. C'est l'explication clé, banale et fondamentale, de la déprime des marchés pendant la Coupe du monde.
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  24. Le constat corrobore «l'idée que l'attention est une ressource rare», comme Daniel Kahnemann, le psychologue-économiste (et Prix Nobel) a été l'un des premiers à le remarquer dans les années 1970. Depuis lors «l'économie de l'attention» a pris une importance phénoménale car la concurrence entre les sites Internet fait rage pour capter l'intérêt des internautes-consommateurs.
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  26. Curieusement, l'étude de Goldman Sachs, «2018, The World Cup and Economics», n'aborde pas cette dimension de la déprime habituelle pendant la Coupe, préférant attirer l'attention sur les chances de réussite des équipes en lice. Mais on ne doute pas que la banque d'investissement vedette de Wall Street, l'une des plus avisées et âpres au gain, joue sur les trous d'air des marchés au gré des buts marqués pour faire de l'argent.
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