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Libre-échange : encore un mauvais moment à passer pour la majorité sur le Ceta

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May 30th, 2024
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  2. Libre-échange : encore un mauvais moment à passer pour la majorité sur le Ceta
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  4. Une résolution communiste exhortant à un débat sur l’accord de libre-échange avec le Canada, jugé négatif, devrait être votée à l’Assemblée, au grand dam du gouvernement, démuni de soutiens
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  6. A la faveur de sa niche à l’Assemblée nationale, jeudi, le groupe communiste a déposé une résolution « visant à exiger un débat parlementaire sur l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada ». Le 22 mai, les mêmes communistes avaient réussi un coup politique spectaculaire au Sénat, sur le même sujet. Ils avaient inscrit dans leur niche un vote sur la ratification de l’accord, qui n’avait jamais été demandé aux sénateurs, bien qu’il soit effectif depuis 2017. Grâce à un curieux attelage de toute la gauche et des Républicains, l’accord avait alors été rejeté. Les députés doivent se prononcer à leur tour après les élections européennes. Mais aucune date n’a été fixée.
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  8. La résolution déposée par le groupe communiste au Sénat est un piège parfait pour le gouvernement et sa majorité. Il n’y a, pour la macronie, aucune façon de sortir la tête haute du vote qui aura lieu ce jeudi 30 mai. « Il ne s’agit pas de se prononcer pour ou contre l’accord de libre-échange signé avec le Canada, comme ce fut le cas au Sénat le 22 mai, explique Christopher Weissberg, député Renaissance pour les Français établis au Canada, auquel cas, la réponse serait évidemment oui. »
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  10. La résolution communiste emprunte des détours, car il n’est pas possible pour un groupe parlementaire de déposer directement un texte sur la ratification d’un traité à l’Assemblée. Elle exige donc un débat parlementaire sur le bien-fondé du Ceta, mais elle les assortit d’un exposé des motifs apocalyptique... Et c’est là qu’est la chausse-trappe. « Si moi, qui suis un ardent partisan du Ceta, je vote pour la proposition communiste, pose Christopher Weissberg, je semble valider le bilan qu’ils en dressent, ce que je me refuse à faire. Ce débat suscite l’incompréhension au Canada, notamment parmi nos confrères parlementaires. Ils ont le sentiment, à raison, d’avoir énormément concédé à l’Europe, pour pouvoir se libérer un peu de la dépendance aux importations américaines. Que nous fassions la fine bouche les dépasse. » On les comprend : le groupe parlementaire dirigé par André Chassaigne écrit dans sa résolution que « cet accord de libre‑échange emporte des conséquences négatives sur nos agriculteurs, sur les consommateurs, sur le climat et l’ensemble de nos concitoyens ».
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  12. Dilemme. Pour autant, voter contre la résolution serait tout aussi dévastateur pour la majorité. « Cela voudrait dire que nous refusons que le Ceta fasse l’objet d’un vote des députés. Ce qui n’est évidemment pas le cas », se désole Christophe Weissberg. Les trois groupes composant la majorité à l’Assemblée nationale vont donc devoir s’abstenir. Et accepter de passer un bien mauvais moment dans l’hémicycle.
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  14. Les communistes vont enregistrer une deuxième victoire sur le Ceta. Sans surprise, l’extrême gauche et les écologistes voteront leur résolution. Le PS aussi, qui a pourtant applaudi le Ceta, signé sous François Hollande, et se félicitait alors que l’exception culturelle française y soit sanctuarisée. Le temps passe et, avec lui, les convictions.
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  16. Notre débat sur le Ceta suscite une immense incompréhension au Canada, notamment parmi nos confrères parlementaires. Ils ont le sentiment, à raison, d’avoir énormément concédé à l’Europe, pour pouvoir se libérer un peu de la dépendance aux importations américaines. Que nous fassions la fine bouche les dépasse
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  18. Le député Renaissance Christopher Weissberg
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  20. Pour parfaire le moment d’humiliation de la majorité, comme au Sénat, les communistes pourront aussi compter sur la droite. Les députés Républicains – qui devraient être peu nombreux – soutiendront leur démarche. En 2019, déjà, lors de l‘examen de l’accord par les députés, le groupe LR avait voté massivement contre le Ceta. Quitte à paraître à contre-emploi pour un parti qui défend le libre-échange. Le président des députés LR, Olivier Marleix, y voit une « question de principe ». « Il reste inconcevable pour nous qu’on signe des traités de libre-échange au terme desquels on importe des marchandises produites dans des conditions environnementales que nous nous interdisons pour nous-mêmes ». Et de citer l’exemple « des bœufs nourris aux farines animales ».
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  22. On est là dans la posture politique. LR a fait du Ceta, pourtant initié et soutenu par Nicolas Sarkozy en 2009, un argument de campagne pour les européennes au nom de la défense des agriculteurs français. « Nous sommes favorables au commerce et au libre-échange car la France compte de nombreux exportateurs, mais pas à n’importe quelles conditions ni à n’importe quel prix », peut-on lire dans le programme européen de François-Xavier Bellamy. Or, les clauses miroirs prévues par le Ceta « imposant aux exportateurs canadiens de s’aligner sur nos standards européens sont soit insuffisantes, soit non contrôlées », estime-t-il.
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  24. Postures. Que, dans la réalité, aucune des craintes listées pour la filière bovine ne se soit matérialisée en sept ans ne semble perturber ni les Républicains, ni le reste des opposants au Ceta. « Les importations de viande bovine sous contingent Ceta sont très faibles à l'échelle de l’Europe, note Thierry Pouch, le chef économiste des Chambres d’agriculture. 869 tonnes équivalent carcasse par an [NDLR : l'équivalent de 1 500 bovins]. Cela s’explique par l’absence de filière bovine au Canada qui peut s’aligner sur les normes européennes, notamment avec une absence d’hormones. 40 fermes d'élevage au Canada, sur 75 000, sont en mesure de répondre à nos exigences sanitaires. »
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  26. Las. Le jeu de dupe qui a consisté à faire du Ceta un traité agricole et de sa ratification un référendum contre le capitalisme et le libre-échange a fonctionné. En effaçant de l’analyse tous les bénéfices que le traité a par ailleurs objectivement.
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  28. Le gouvernement a beau s'époumoner avec les chiffres, rappeler que l’accord a fait décoller les importations françaises vers le Canada de 33 % (à 4,5 milliards d’euros) entre 2017 et 2023, rien n’y fait. Il a beau répéter de bons arguments économiques (l’accord ne lèse aucune filière) ou géopolitiques (il allège la dépendance européenne aux hydrocarbures russes), il prêche dans le désert. Il est condamné à attendre, peut-être, une embellie politique dans quelques mois, pour proposer, enfin, la ratification avec l’espoir que celle-ci intervienne. Mais y croit-il encore ?
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