L'Ascension du roi liche





Il grimpa une à une les marches du trône de glace. Le prince déchu se rappelait durant l'ascension de toute sa vie... Tout ce qui avait été accompli... Son enfance, la peste, la guerre en Norfendre, sa trahison...

Les gravas de la caverne du trône de glace s'effondraient, l'ambiance était pesante tandis qu'il gravit la dernière marche, arrivant sur une sorte de plateforme gelée, trônant au sommet du monde. En son bout, se trouvait un immense bloc de glace. Arthas entendait les chuchotements des morts lui parvenir à l'esprit, il plongea son regard au centre du bloc et la vit enfin... La silhouette du roi liche, assis sur son trône, piégé dans la glace. Soudain les chuchotements devinrent plus clairs, une voix d'outre-tombe, une voix stridente, au volume beaucoup trop fort, hurla dans les oreilles du chevalier de la mort...

"Ramenez la lame... Terminez le cercle... LIBEREZ MOI, DE CETTE PRISON !"

Ni une ni deux, Arthas empoigna Deuillegivre, et chargea vers le bloc de glace. Un cri de rage, un cri de guerre sortait de son gosier tandis qu'il leva l'épée et abattit sa pointe sur la glace.

Un hurlement strident, insupportable et impie s'échappa du bloc de glace brisé et disparut dans le vent. Les morceaux de l'armure du roi liche qu'il avait aperçus, bloqués dans le trône tombèrent en poussière, mais pas son heaume. Il roula sur le sol dans un claquement métallique avant de s'arrêter aux pieds d'Arthas. Tout s'effondrait autour de lui. La montagne entière finit par s'effondrer dans un immense nuage de poussière, laissant le bloc de glace du trône seul, surplombant tout ce qui était en Norfendre.

Arthas se baissa et empoigna de ses gants, le heaume du roi liche. Puis, il le plaça sur sa tête et ferma les yeux...

Ses yeux vibrèrent dans leurs orbites, comme si ils allaient s'expulser.
Le monde bleu et blanc se brouille dans la vision onirique d'Arthas. Les couleurs froides, pures changèrent, se transformèrent en tons chauds de bois, de feu et de torches. Il avait fait comme il l'avait dit; il s'était rappelé  sa vie et tout ce qui avait été fait. Il avait à nouveau avancé le long du chemin qui l'avait mené sur le siège du Trône de glace et dans ce profond, très profond état de rêve.

Mais le rêve n'était pas fini, semblait-il. Il s'assit à nouveau à la tête de la longue table magnifiquement ouvragée qui occupait la plus grande partie de cette salle imaginaire.

Les deux personnages qui portaient un tel intérêt à son rêve étaient toujours là, l'observant

L'orc à sa gauche, ancien mais toujours puissant, chercha son visage du regard, puis esquissa un sourire, le mouvement étirant l'image du crâne peint sur son visage. Et à sa droite, le garçon, le garçon émacié, malade, l'air en plus piteux état encore que le souvenir qu'il en gardait de son dernier passage dans ce rêve.

Le garçon lécha ses lèvres gercées et pâles et prit une inspiration comme pour parler, mais ce furent les mots de l'orc qui brisèrent le silence en premier.

-Il y a bien plus, promit-il

Des images affluèrent dans l'esprit d'Arthas, s'entremêlant et se glissant les unes au-dessus des autres. Des aperçus du futur et du passé enchevêtrés. Une armée d'humains à dos de cheval, portant la bannière de Hurlevent...se battant aux côtés, et non contre, une troupe d'orcs de la Horde montés sur des loups grognants. Ils étaient alliés, attaquant le Fléau ensemble. La scène changea. Maintenant, les humains et les orcs se battaient les uns contre les autres ainsi que contre les morts-vivants. Certains d'entre-eux criaient des ordres et combattaient en étant en pleine possession de leurs esprits. Ceux-ci se tenaient aux côtés des orcs avec d'étranges hommes-taureaux, et des trolls.

Quel'Thalas...intacte ? Non, non, il y avait la cicatrice que lui et son armée avaient laissée, mais la cité avait été reconstruite...

Les images se déversaient désormais plus rapidement dans son esprit, vertigineuses, chaotiques, désordonnées.

Il était désormais impossible de faire la différence entre le passé et le futur. Une autre image, celle de dragons squelettiques faisant pleuvoir la destruction sur une cité qu'Arthas n'avait encore jamais vue, un lieu chaud et sec peuplé d'orcs.

Et oui, oui, c'était Hurlevent elle-même qui était désormais attaqué par les dragons mort-vivants.

Des nérubiens, non, non, pas des nérubiens, pas le peuple d'Anub'arak, mais apparentés, oui. C'était une race du désert. Leurs serviteurs étaient des créatures gigantesques à tête de chien, des golems faits d'obsidienne, qui marchaient d'un pas rapide à travers les sables jaunes et étincelants.

Une symbole connu d'Arthas apparut, il s'agissait L de Lordaeron, empalé par une épée, mais peint de gueule et non d'azur. Le symbole changea, devenant une flamme de gueule sur fond d'argent. La flamme sembla s'animer d'une vie propre et engloutit le fond de l'image, la brûlant pour révéler la couleur argentée d'une veste étendue d'eau...un océan...

...Quelque chose flottait juste sous la surface de l'océan. Cette surface jusqu'alors lisse commença à s'agiter follement, bouillonnante, comme lors d'une tempête, alors que le ciel était clair. Un horrible son qu'Arthas n'apparenta que difficilement à un rire lui attaqua les oreilles, accompagné des cris d'un monde arraché à son emplacement d'origine, tracté pour affronter la lumière du jour qu'il n'avait pas vue depuis des temps immémoriaux.

Soudain il rouvrit les yeux et se réveilla à nouveau à la table. Le garçon lui souriait:

-"Arthas... Je sais, je sais qu'il reste encore une part d'humanité en toi et j'en suis la preuve ! S'il te plaît, libère-moi et tout ira mieux... C'est de la folie ce qui est en train de se passer !"

-"NE L'ECOUTE PAS !" hurla l'orc "Je suis ton maître, il ne veut que te rendre faible et contrecarrer nos plans."

Arthas, n'écoutant pas les jérémiades de ses interlocuteurs, se leva, et tendit la main au garçon. Fou de joie, il sautilla et s'approcha d'Arthas, le prenant dans ses bras, avant de se prendre un coup de poing gantelé de fer et de s'écrouler le visage en sang sur le sol. Le garçon pleurait à chaudes larmes, avant d'être attiré hors de la salle, comme de façon magique, emprisonné au fin fond d'Arthas, dans son coeur. L'orc se leva, lançant des hourras, il dansait, chantait, regardant Arthas de toute sa folie, écarquillant les yeux injectés de sang.

-"Voilà ! VOILA ! C'est ce qu'il fallait faire ! Désormais plus rien ne pourra nous arrêter ! A nous deux nous SOMMES le roi-liche ! NOUS NE SOMMES PLUS QU'UN !"
La phrase résonna dans sa tête

-"Nous ne sommes plus qu'un !"

Ce à quoi il répondit.

-"Non... Nous ? Nous ne sommes plus qu'un ? Je n'ai plus besoin de toi, j'ai la loyauté de tout les serviteurs du Fléau, j'ai le heaume, j'ai la domination dans ce heaume. JE suis le roi liche, tu n'es rien et tu dois disparaître."

Un craquement sinistre se fit entendre tandis que l'âme de l'ancien roi liche s'échappa également du heaume. Le corps d'Arthas périt. Son coeur cessa de battre, sa respiration s'arrêta, il ne sentait plus rien... Ni la douleur, ni la peur, que de l'envie et de la colère. Il ouvrit les yeux qui s'illuminèrent d'une lueur bleutée macabre, d'un feu bleu nécromantique, avant de s'endormir sur le trône de glace, dans le trou qu'il avait formé, comblant le trou d'Illidan et récupérant ses forces pour son retour, dans quelques années.