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- Destinus, la start-up qui arme secrètement l’Ukraine en drones militaires
- EXCLUSIF - Connue pour ses projets de drones hypersoniques, la start-up suisse Destinus livre depuis 2023, dans le plus grand secret, des centaines de drones militaires à l’Ukraine. Son fondateur Mikhail Kokorich, qui vient de renoncer à sa citoyenneté russe, va installer le groupe en France. Révélations.
- Comme le dieu romain Janus, Destinus a deux visages. Le premier, largement médiatisé, est celui d’une start-up prometteuse, basée en Suisse, qui veut développer des drones et avions hypersoniques (vitesse supérieure à Mach 5), à la fois pour les marchés cargo et passagers. L’autre visage, que Challenges révèle aujourd'hui, était jusqu’à présent resté dans l’ombre : depuis l’année dernière, Destinus, fondé par l’entrepreneur d’origine russe et opposant anti-Poutine Mikhaïl Kokorich (qui vient de renoncer à sa citoyenneté russe), est également un des principaux fournisseurs européens de drones militaires à l’Ukraine.
- Selon nos informations, Destinus a livré à Kiev depuis le deuxième trimestre 2023 des centaines de drones low cost de longue portée. Ces appareils à hélice, baptisés Lord, afficheraient de 750 à plus de 2.000km de portée selon les versions, sont destinés aux frappes au sol. Ils sont aussi capables de missions de renseignement, d’interception électromagnétique et de brouillage. Une technologie clé alors que la Russie intercepte de nombreux drones ukrainiens. Leur rayon d’action apparaît supérieur à celui des appareils jusqu’à présent utilisés par l’armée ukrainienne, comme l’Ukrjet UJ-22, l’UJ-25 Skyline ou encore l’UJ-26 Beaver, qui ne dépassent pas les 1.000km de portée.
- Drones intercepteurs
- La start-up va également livrer à Kiev deux autres types de drones : le Ruta, un engin à réacteur aux faux airs de missile de croisière, dotés d’ailettes, et d’une portée de 300km (frappes au sol, drone cible, misions de surveillance…) ; et le Hornet, un mini-drone de quelques kilos très rapide (près de 300km/h), capable d’intercepter et de détruire des drones adverses, mais aussi de cartographier une zone ou de servir de relais télécoms.
- Dans une interview à Challenges, le fondateur de Destinus Mikhail Kokorich confirme ces livraisons à l’Ukraine. « Nous sommes d’ores et déjà parmi les principaux producteurs de drones en Europe, estime le fondateur de Destinus. Nous livrons plus d'une centaine de drones de grande taille chaque mois, et l'Ukraine est l'un de nos principaux clients. Nos produits sont des appareils à double usage, qui répondent aussi bien à des missions civiles que militaires. »
- La société, qui revendique 75 millions d’euros levés depuis sa création, a ainsi réalisé 17 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023, dont une grosse majorité sur le dernier trimestre, indique Mikhail Kokorich. « Les ventes 2024 pourraient atteindre plusieurs fois, peut-être dix fois, le chiffre de l’année dernière », indique le dirigeant. Destinus, toujours en recherche de fonds, prévoit de passer le point mort en 2024.
- Futur siège social à Paris
- Si la start-up est basée à Payerne (Suisse), ses drones étaient, jusqu'à présent, fabriqués en Allemagne (Munich), en Espagne (Madrid) et aux Pays-Bas (Hengelo), ce dernier site ayant rejoint le groupe lors du rachat du fabricant de turbines Opra en 2023. La plupart des appareils sont exportés depuis l’Allemagne. Une usine est également prévue en Ukraine, dans un lieu tenu secret.
- Mikhail Kokorich veut désormais déménager le siège social de la start-up de la Suisse vers la France. « Nous allons déménager le siège du groupe à Paris, indique-t-il. Pour la production de drones, nous n'avons pas encore finalisé le projet, mais elle se fera probablement près de Paris pour des raisons logistiques.» Pourquoi ce choix de la France ? «L’Allemagne est un super pays pour faire du business, mais sa politique en matière d’exportations d’armement est restrictive, explique le fondateur de Destinus. La neutralité de la Suisse rend les exportations difficiles. La France a une grosse expertise aéronautique et militaire. Nous pensons y avoir plus de facilité à obtenir les licences d’exportation. »
- Pour soigner ses relations avec la France, l’entrepreneur d’origine russe a attiré à son conseil d’administration le général Michel Friedling, ancien commandant de l’espace de l’armée française et fondateur de la start-up spatiale Look Up Space. Et pour marquer son ancrage européen et pro-Ukraine, il a aussi nommé au board l’ancien astronaute et ministre espagnol de l’innovation Pedro Duque, ainsi que l’ancien ministre des Finances et secrétaire du Conseil national de sécurité ukrainien, Oleksandr Danylyuk.
- Accueil frisquet en France
- Si le fondateur de Destinus a choisi la France, plutôt que les Pays-Bas et l'Espagne, l'accueil y a plutôt été frisquet les premiers temps, assure-t-il. « Beaucoup de contacts se focalisent sur mes origines russes, et l’échange s’arrête là, raconte-t-il. Pourtant, je viens de renoncer à ma citoyenneté russe, je combats la politique de Poutine depuis des années, j’ai même dû faire venir ma famille en Europe pour qu’ils ne soient pas des cibles. Que faut-il faire de plus ? »
- Le fondateur de Destinus assure ne pas demander d’argent à l'Etat. « On cherche seulement à être les bienvenus, et à ce qu’on nous laisse travailler, indique-t-il. Nous voulons absolument devenir une société française, c’est notre objectif majeur. » La France ne s’est, pour l’instant, pas particulièrement distinguée par des transferts massifs de drones en Ukraine, à la notable exception des 150 engins de surveillance qui devraient être livrés par le toulousain Delair. L’Allemagne a été plus incisive, avec des livraisons de centaines de drones, certains de conception étrangère (RQ-35 Heidrun danois, Primoco One tchèque), d’autres de fabrication allemande (Vector). L'installation de Destinus en France pourrait rebattre les cartes. « Nous prévoyons d'atteindre une cadence de plusieurs centaines de drones livrés par mois », assure Mikhail Kokorich.
- Prototype supersonique
- Destinus a-t-elle définitivement « pivoté » vers les drones militaires, au détriment de ses projets d'engin cargos et passagers ? Mikhail Kokorich assure ne pas avoir abandonné ses ambitions de départ. « Nous travaillons toujours sur nos projets de drones hypersoniques, mais ce genre de rupture technologique nécessite du temps, explique-t-il. Il a bien fallu vingt ans à Elon Musk pour développer le lanceur de ses ambitions martiennes, Starship, qui n’est pas encore opérationnel. Il faudra peut-être 30 ans pour certains projets hypersoniques. En attendant, il faut que l’entreprise vive et se développe. »
- La prochaine génération de drones de la start-up sera inspirée du prototype présenté au salon du Bourget en juin, baptisé Destinus 3. Après deux premiers prototypes, Jungfrau et Eider, qui ont volé en 2021 et 2022, Destinus 3, premier engin supersonique développé par Destinus, devrait voler en 2025.
- La start-up s’appuiera sur l’appareil pour développer, par la suite, une gamme de trois engins à destination civile et militaire. Destinus E consistera en un engin à turboréacteur, rapide mais subsonique (Mach 0.8), capable de voler à très basse altitude, sous la couverture radar, avec une portée de 2.000km. Destinus envisage ensuite un intercepteur supersonique (plus de Mach 2), Destinus G, capable d'intercepter des cibles à 750km en une demi-heure. A plus long terme, le groupe veut développer un drone hypersonique à hydrogène, Destinus D, capable d’atteindre Mach 5 (6.100km/h).
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