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Jul 17th, 2024
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  1. Des décrets de la loi immigration signés en pleine démission du gouvernement
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  3. Gérald Darmanin a annoncé la publication de six décrets au « Journal officiel » mardi 16 juillet, au cœur de l’été et alors que le pays traverse une crise politique majeure. Une façon de réaffirmer des mesures de « fermeté » sur la question migratoire.
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  5. Nejma Brahim
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  7. 16 juillet 2024 à 19h38
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  9. Mardi 16 juillet, six décrets d’application de la loi immigration ont été publiés au Journal officiel, et ce alors que le gouvernement vient de démissionner, et que le Nouveau Front populaire (NFP) avait promis de l’abroger. C’est ce que vient d’annoncer Gérald Darmanin, expliquant que ces décrets « s’ajoutent aux mesures de grande fermeté déjà en vigueur depuis l’adoption [de la loi] le 28 janvier », et précisant que 2 500 étrangers délinquants ont été expulsés au premier semestre 2024.
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  11. Le ministre de l’intérieur démissionnaire veut vanter les mérites du texte d’ampleur qui aura marqué son passage Place Beauvau. Votée fin 2023 avec les voix de la droite et du Rassemblement national (RN), la loi immigration a vécu moult rebondissements et provoqué une mobilisation de la société civile, avant d’être en partie censurée par le Conseil constitutionnel, puis promulguée fin janvier.
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  13. Elle revient aujourd’hui sur le devant de la scène, alors que le pays est en plein chaos politique au lendemain des élections législatives et de la démission du gouvernement. Certes, la loi a bien été promulguée. Et après le faux scoop du Journal du dimanche le 5 juillet dernier, annonçant la « suspension » de la loi immigration avant de se rétracter à la suite d’une plainte du parti Renaissance, le gouvernement a réaffirmé sa volonté d’« aller plus vite » sur la loi et ses décrets d’application. Est-ce vraiment le bon moment ?
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  15. « La loi a été adoptée, il est tout à fait normal de respecter la volonté de la représentation nationale », rétorque le ministère de l’intérieur, contacté par Mediapart. Tout était « dans les clous, depuis plusieurs mois », et cette salve de décrets fait suite à d’autres décrets publiés plus tôt, ajoute le ministère, qui vante l’« efficacité » de la loi s’agissant de l’expulsion des individus considérés comme « dangereux ». « Cela a pris le temps qu’il fallait, comme pour toutes les autres lois, mais cela n’a rien à voir avec la démission du gouvernement », insiste-t-on à Beauvau.
  16. Un timing bien particulier
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  18. Les publier aujourd’hui envoie un message aux « conséquences désastreuses », estime Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale de la Cimade, association d’aide aux étrangers et étrangères. « On constate que dans un moment politique comme celui-ci, où l’extrême droite et le RN n’ont jamais été aussi près du pouvoir, la seule urgence est de continuer la mise en œuvre de mesures restrictives sur les droits des personnes étrangères », précise-t-elle.
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  20. La question migratoire se retrouve une nouvelle fois « au centre d’un jeu politique et médiatique », présentée comme « un problème et un danger » qu’il faudrait à tout prix freiner, déplore Carrey-Conte : « On commet encore et toujours la même erreur tragique. »
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  22. Ces décrets constituent une « régression d’ampleur du droit de l’asile et de l’immigration, particulièrement les modalités du contrat d’engagement républicain », a alerté de son côté le professeur de droit public Serge Slama ce mardi.
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  24. Ainsi, l’un des décrets publiés vise à conditionner la délivrance d’un document de séjour au respect des principes de la République. Avec, parmi ceux-ci, le respect de l’égalité femmes-hommes ou le respect de la liberté d’expression et de conscience. « C’est la porte ouverte à tous les arbitraires, puisque derrière ces principes se cachent des notions floues, soumises à des interprétations diverses », alerte la représentante de la Cimade, qui souligne que cette mesure repose sur la « suspicion ».
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  26. « L’étranger peut se voir refuser le renouvellement de son document, ou se le voir retirer en cas de manquement caractérisé (grave et éventuellement, réitéré) à l’un de ces principes », peut-on lire dans le détail du décret.
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  28. Un autre décret permet de faciliter les expulsions des étrangers et étrangères et d’augmenter le nombre de pointages quotidiens dans le cadre des assignations à résidence visant à les éloigner. Sur le front du droit des étrangers, un autre décret, publié le 14 juillet, vise à « simplifier » les règles de contentieux – autrement dit, réduire leurs voies de recours.
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  30. Le délai pour le placement en rétention avant la possibilité de saisir le juge des libertés et de la détention passe officiellement à quatre jours, au lieu de 48 heures auparavant. Une disposition particulièrement controversée que les associations d’aide aux étrangers et étrangères avaient tenté de contrer durant des mois, en vain.
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  32. Surtout, le décret ayant provoqué l’ire du milieu associatif, permettant l’enfermement de personnes qui pourraient vouloir demander l’asile en France, a lui aussi été publié.
  33. Mesures régressives
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  35. « Il est donc possible aux préfets d’enfermer en rétention des personnes souhaitant demander l’asile. Cette loi, voulue par le gouvernement, défendue par la droite et votée par le RN est une terrible régression et une décadence totale de nos valeurs », a réagi sur X le juriste Paul Chiron, chargé d’enseignement en liberté publique. « C’est un scandale absolu, dénonce de son côté Marius, un militant solidaire des exilé·es. On est dans la fermeté, il n’y a aucune humanité en Macronie. »
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  37. La délivrance d’obligations de quitter le territoire français (OQTF) de manière automatique pour les débouté·es de l’asile sous quinze jours signe, selon lui, le « durcissement confirmé » de nos politiques migratoires, tout comme les restrictions d’accès aux conditions matérielles d’accueil pour les demandeurs et demandeuses d’asile marquent un profond recul de leurs droits, et vient légitimer la théorie raciste de l’appel d’air portée par l’extrême droite, qui laisse entendre que des personnes migrantes pourraient rejoindre la France pour bénéficier d’aides sociales.
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  39. En matière de droit d’asile, les décrets publiés actent par ailleurs la territorialisation de la Cour nationale du droit d’asile, chargée d’étudier les recours des requérant·es ayant vu leur demande rejetée, avec la création de chambres au niveau local.
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  41. Ils permettront également l’élargissement de la procédure en juge unique, que les avocat·es de l’asile ou des rapporteurs et rapporteuses de la Cour dénonçaient déjà, estimant qu’il était dangereux de sacrifier la formation collégiale (et donc une prise de décision juste et équitable) pour répondre à un souci d’efficacité et de délais.
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  43. « C’est dans la continuité des derniers textes législatifs et réglementaires en matière d’immigration, conclut Marius, le militant déjà cité. Toujours plus de répression pour celles et ceux qui cherchent refuge ou qui demandent un titre de séjour car elles et ils ont des attaches professionnelles ou personnelles. » Pour Fanélie Carrey-Conte, la loi et ses décrets d’application auront des conséquences terribles pour l’ensemble de la société. « Si on veut combattre l’extrême droite, estime-t-elle, il faut cesser de mettre en place des politiques qui corroborent ce qui se trouve dans son programme. »
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  45. Elle appelle à un changement de philosophie sur la question migratoire, qu’elle espère voir porté par la gauche, si celle-ci parvient à maintenir l’union pour former un gouvernement – et, peut-être, à abroger la loi immigration. « On a besoin de reposer les bases de l’accueil, de la solidarité et du respect des droits fondamentaux. » Mais il faut rester lucides, nuance Carrey-Conte, sur l’enjeu de convaincre le reste du pays : « Cela ne pourra pas se faire tant qu’un discours alternatif ne sera pas porté par les politiques et la société civile. »
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