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Apr 22nd, 2022 (edited)
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  1. C'était en l'an 253 après Farell. Le trône du Donnon était encore disputé entre les Oèls et les Caldos, et ma maison, les Connacht, entamait la construction du premier château de mon père. C'était pour nous une période faste, le commerce de baleines nous avait assez enrichis pour ordonner la construction d'un tel projet, nous allions enfin rentrer dans les grandes familles du royaume.
  2. Et puis il y a eu la guerre.
  3. Mes frères et mon père sont morts au combats, dans la terrible bataille du pic blanc. Je me suis trouvé seul très tôt, à la tête de l'immense domaine acquis par mon illustre géniteur, vidé des trois quarts de ses habitants, alors que la guerre faisait rage aux frontières.
  4. Cela a duré cinq ans.
  5. Cinq longues années d'horreur, où terré dans ma longère, j'apprennais chaque jours que des armées traversaient mes terres, les revers subis par nos soldats, les rois et régences en pagaille.
  6. Je me suis endurci. J'ai appris à me battre avec des mannequins de paille, là où jadis c'était mes frères qui maniait l'épée. Je me rappelle les avoir enviés, pendant mon éducation religieuse. J'étais censé devenir barde.
  7.  
  8. La guerre s'est finie. Un crieur est passé devant mes murs, il y a quelques jours. Victoire... ?
  9. Ce n'était pas une belle victoire comme dans les livres, où les héros triomphants revenaient chez eux couverts de gloire et d'or. C'était une victoire lasse, contrainte davantage par la ruine des pays que par la supériorité d'une armée sur l'autre - elle laissait un goût amer dans toutes les bouches, soufflant sur les braises de la revanche.
  10.  
  11. Nous sommes le 23 juin 258. Je suis Delvin Connacht, humble seigneur avec pour seul château les fondations creusées sur la colline de la Fée, à l'époque où les esclaves et ouvriers taillaient les pierres de ce qui aurait été la gloire des Connacht.
  12.  
  13. Je me levai de ma chaise en bois, observant le ciel gris au travers des petits carreaux crasseux. La pièce était ma chambre, à gauche du grand couloir. Le mur extérieur était en bois, les cloisons en terre. Mon lit et ma table étaient placés sur les largeurs de la pièce. Au centre du mur, en face de la porte, la fenêtre qui donnait sur la cour, encadré par deux rideaux de tissus rapiécés, jadis rouges. Aucun tapis, un sol en bois.
  14. Ma chambre avait toujours contrasté avec les espaces raffinés de mes frères, à droite de la longère, et de mon père, au bout du couloir.
  15. Même si j'étais le nouveau maître de ces lieux, je n'osais pas investir la chambre de l'Earl. Mon titre n'avait pas encore été validé par le haut roi d'Uthaicht, et l'ombre de mon prédecesseur planait encore sur le domaine.
  16. Je sortis de ma chambre, poussant la porte de bois, la refermant le plus calmement possible.
  17. Le couloir menait à la grande salle du trône et de banquet. En passant à côté du miroir, j'apperçu mon reflet. Mes longs cheveux bruns n'étaient plus éclatants comme il fut un temps, mais j'avais volé les jupes de mes frères aux couleurs familiales. Je n'avais jamais été autorisé à en porter, et la partie gauche de ma poitrine dénudée ne portait aucun tatouage guerrier. Mais ces vêtements séyaient déjà mieux à ma nouvelle condition.
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  21. C'était la première pièce de la longère, celle qui devait impressionner chaque arrivant. En face de la grande porte, un grand brasier. Derrière, le trône du domaine, siège de bois sculpté. Deux tables de grande taille flanquaient le chemin vers le souverain, accueillant les nombreux invités de la cour.
  22. À gauche, les cuisines, dont les effluves savoureux embaumaient la cour de la propriété. À droite, une sortie qui menait au temple de Lugh.
  23. La bâtisse avait des fondations en gros granite, les poutres étaien de chêne solide, les murs fais de planche de sapin. Une bâtisse de petit seigneur de campagne, à quelques pas d'un village de paysans, comme l'on en trouvait des dizaines à Donnon. C'était pour s'élever que mon père avait décidé de construire un château. La famille aurait eu le droit à une place au conseil, et les traditionnels privilèges sur la vente d'esclaves qui sont accordés aux Diùcs.
  24.  
  25. Le domaine Connacht bordait la grande mer dans sa partie la plus septentrionale. Elle ne gelait pas, mais des baleines longaient parfois les côtes, et des glaçons géants s'échouaient au printemps sur les plages, poussés par les vents d'ouest.
  26. Nous étions dans la partie nord du Royaume, au pied des montagnes Blanches, là où ma famille fut massacrée. Les terres étaient couvertes de grandes forêts de chênes, traversées par des chemins de terre. À ma connaissance, seuls trois villages se sont implantés ici. Peut être plus, mais les frontières sont abstraites, et les paysans font souvent le choix de s'installer dessus pour éviter la taxe de résidence.
  27.  
  28. Je passait à hauteur du trône, caressant le bois ciselé, quand les bruits des sabots d'un cheval retentirent sur le chemin de la longère. Ce son raviva en moi des ardeurs que je croyais éteintes depuis que j'étais le maître de ces lieux, au début de la guerre.
  29. Je me précipitai à la lourde porte de bois. Puis reprit contenance, posant ma main sur les clous de métal noir, laissant au visiteur le temps de s'annoncer avant d'ouvrir.
  30.  
  31. "Eh, il y a quelqu'un ? cria le cavalier. J'ai un message à faire passer à Delvin Connacht, l'on m'a dit qu'il était ici"
  32.  
  33. Je poussai la porte, faussant une lenteur gracieuse, qui camouflait en fait ma difficulté à ouvrir les deux lourds battants. Puis je me stoppa et me planta à l'exact centre de l'ouverture, bombant le torse, les mains sur les hanches.
  34.  
  35. "Je suis Delvin Connacht, ma voix tonna, quelles sont les raisons de votre présence ici, cavalier ?
  36. - C'est un message du haut roi, Erven Caldo Mab Evyn. Il vous invite à la capitale pour recevoir les honneurs qui vous sont dus en temps que nouveau Earl du domaine. le cavalier grommela, Faut croire qu'ils ont plus grand monde à honorer pour introniser les Earls... Ah et voici l'invitation"
  37.  
  38. Mon sang ne fit qu'un tour. À la capitale ? À Gweden ?! Le haut roi en personne voulait m'attribuer les honneurs nobiliaires ? Le messager me jetta un rouleau de parchemin scellé, que j'eu grand peine à rattraper.
  39. Je balbutiai, cachant ma surprise
  40.  
  41. "D'd'accord, à Gweden donc... Rien d'autre ?
  42. - Non non, C'est tout. il inspecta le petit village qu'il venait de traverser pour arriver à la longère, Dites, il y a une auberge là dedans ?
  43. - Oui, mais il n'y a plus personne pour la tenir. On n'a qu'à grand peine de quoi manger.
  44. - Bon, pas grave. Bonne continuation à vous."
  45.  
  46. Son cheval se cambra, et il reparti au galop du même chemin où il était venu. J'avais encore du mal à cerner ce qu'il venait de m'arriver, si tout cela était bien réel. Mais la lettre marquée du sceau vert royal entre mes mains tremblantes me confirma (l'heureuse ?) réalité. J'étais donc convoqué à Gweden par le roi en personne, convocation impossible à refuser. J'espérais me montrer digne des honneurs royaux, même à peine adulte, imberbe et non tatoué; ainsi que mon domaine dévasté.
  47.  
  48. Je ne pensais pas être assez valeureux pour ces honneurs, il me restait tant à faire pour les mériter... Et j'avais si peu de moyens à ma disposition...
  49. Le château. Il me fallait finir le château. Rapporter la prospérité à mon domaine. Acquérir la gloire pour laquelle j'allais être redevable à mon intronisation...
  50.  
  51. Mais la raison me regagna. Quand ?
  52. Le rouleau, il devait me l'indiquer !
  53. Je fermai la porte en tirant sur les poignées de fer forgé, avant de m'asseoir sur le bout d'un des bancs qui longeaient les deux grande tables. Personne ne s'était assis ici depuis longtemps, car la poussière s'envola sous mes fesses.
  54. Mes doigts fendirent lentement le sceau vert, gravé du cerf de Cernunnos, dieu protecteur des dynasties royales. Jamais mon père n'aurait imaginer recevoir ce sceau un jour, je pense même qu'il en aurait gardé les bris comme preuve de sa gloire.
  55. Je déroulais le parchemin de mes mains tremblantes, afin de découvrir les mots qui y était inscrits.
  56.  
  57. "Écrit à Gweden, par le très humble druide Connor, sous l'ordre du glorieux Erven Caldo Mab Evyn, le 21 mai de l'année 258.
  58. À l'intention de Delvin Connacht, Earl de Connacht.
  59.  
  60. Très honorable Delvin,
  61.  
  62. Vous serez intronisé à Gweden des mains du haut roi, en l'honneur des explois accompli par votre père, et en gage des condoléances que nous vous adressons suite aux terribles événements de la bataille du Pic Blanc.
  63. La réception aura lieu le 18 juillet de cette année, en compagnie d'autres Earls et Diùcs du royaume d'Uthaicht.
  64. Le roi pourra ainsi s'assurer de la fidélité de ses nouveaux vassaux, et de leur coopération pour la reconstruction de notre gloire.
  65.  
  66. Tout l'honneur vous revient.
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  68. Erven Caldo Mab Evyn, haut roi d'Uthaicht, terrasseur des Lloegrois, vainqueur de la grande guerre, souverain humble et généreux."
  69.  
  70. Sous la signature se trouvait, tamponné à l'encre verte, le sceau royal. Seul le roi en personne disposait du sceau, il l'avait donc lui même appliqué sur le velin.
  71. Un mélange de fierté de d'humilité m'envahit, chassé par la hâte. Je disposais d'un petit mois pour me présenter à Gweden, le trajet ne prendrais pas autant de temps, mais je devais partir vite, afin de me protéger des aléas.
  72.  
  73. Je posai le rouleau sur la table, et me leva avec grand empressement. J'étais inquiet, j'allais être ridicule. Je n'étais pas un guerrier, n'en ayant pas reçu l'entraînement. Je n'étais pas tatoué, je n'avais pas ma propre arme... Comment pourrais je porter allégeance à mon roi en tant que simple apprenti barde ?
  74. Ces questions me firent tourner la tête, à tel point que je dû m'appuyer contre un des poteaux de bois épais de l'habitation.
  75. Une arme, il me fallait au moins une arme. Et une vraie arme de guerre ou d'apparat, pas une des lames émoussées et rouillées plantées sur les mannequins de paille de la cour.
  76. L'angoisse faillit me faire vomir, mes frères avaient emportées leurs haches et épées le jour où ils sont partis. Mon père avait prit son grand bouclier de chêne cerclé de métal, et son impressionnant marteau. C'était les seules armes forgées et respectables du domaine. Je n'avais rien.
  77. Je repris mes esprits. Je devais avant tout préparer mon voyage, et ne me soucier de mon arrivée que dans un second temps. Car si il y avait une honte pire que de se présenter non convenablement devant le haut roi, c'était bien de ne pas se présenter du tout.
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  82. Je m'étais reveillé avec les premières lueurs de l'aube. Il me fallait partir tôt. Les planches sous mes pieds nus craquèrent, je cherchais en tâtonnant mes vêtements, puis sortit de ma chambre, fermant la porte calmement.
  83. Les bruits noctures résonnaient encore au travers des murs de bois et de terre, et la lumière timide du soleil levant filtrait au travers des carreaux épais des petites fenêtres.
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  85. La guerre avait emportée avec elle tout les destriers et coursiers de nos écuries. Par chance, un vieux cheval de trait demeurait, exactement ce qu'il me fallait. Je n'avais pas été initié aux soins équestres, mais j'avais dû apprendre, principalement car nos écuyers étaient partis en même temps que tout les hommes du domaine.
  86. J'avais regroupé dans la soirée des vestes et des jupes dans un sac de toile, avec une bourse remplie d'or. Dans un sac de cuir, j'avais entassé quelques pains et un tonnelet d'hydromel.
  87.  
  88. J'essayais de ne pas trop me charger, les routes, bien que débarassées de la plupart de ses bandits, n'étaient pas des plus sûres, et souvent, un voyageur sans grande cargaison n'était pas importuné.
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  90. Avec moi, une épée d'entraînement dans un fourreau de cuir. Une arme dissuade souvent un aggresseur inopportun, et le fourreau permettait de cacher la salissure de la lame. Je me trouverais une meilleure arme sur la route, les forgerons en ont parfois de prêtes à vendre.
  91.  
  92. Je chargai mon cheval de ma cargaison avec un trétau de bois sur son dos, attaché par des lanières de cuir. Cela allait être une longue marche.
  93. Le vent marin se remit à souffler, balayant les hautes herbes et les feuilles des chênes sur la colline. Il était temps de partir.
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  95. Le soleil se levait, au delà des montagnes. Le domaine était enclavé dans la partie septentrionale du royaume, entre les montagnes du nord et de l'est, et l'océan à l'ouest. Pour aller à Gweden, je devrais aller plein sud, traverser les grands bois de chênes, avant d'arriver aux plaines continentales où la capitale était bâtie.
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  97. En descendant vers le village, je cherchais des yeux mes braves paysans restants qui se levaient déjà pour moissoner ce qu'il restait des champs de ma famille, surtout des femmes et des enfants. Mon père était fréquemment invité dans les fêtes paysannes. Je les saluais d'un signe de main auquel il me répondirent de la même façon.
  98. Un gamin passa sur le chemin devant moi, rejoignant sa mère dans le champ de blé en friche de l'autre côté, je l'interrompu.
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  100. "Eh, petit gars là !"
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  102. Il se retourna et se dirigea vers moi, curieux.
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  104. "Oui monsieur ?
  105. - Dis à ta maman que le seigneur quitte les lieux, les villageois sont exempts de la taxe banale pendant mon absence. déclarai-je d'un ton amical"
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  107. L'enfant hocha la tête, il savait qui j'étais et me prodiguait le respect qui m'était dû, sans toutefois me craindre.
  108.  
  109. Je dépassai le village, tenant mon cheval chargé par sa bride, j'étais rarement allé plus loin, car je ne chassais pas. Au delà s'étendait une grande plaine parsemé de bosquets et de marres. Plus au sud, la grande forêt de chênes du royaume, qu'il va me falloir traverser.
  110. À vive allure, il me faudra deux semaines pour atteindre la capitale. J'inspirai profondément, je me dirigeais vers mon destin, et vers les grandes villes, dont je n'ai vu que des images dans les gravures de bois druidiques.
  111. Pourquoi des gens choisiraient-ils de s'entasser dans une grande ville ? Alors que la vie est plus paisible et moins dangereuse dans la nature.
  112. Les rois et les Diùcs doivent bien se donner l'impression de régner sur autre chose que des paysans, je suppose...
  113.  
  114. Je repris ma marche, la tête perdue dans mes pensées, dépassant les pierres levées dédiés aux fées et lutins sur le bord du chemin. La journée sera chaude, la marche sera longue.
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  117. Comme je l'avais prévu, malgré les brumes du matin, l'air de la matinée était brûlant. les arbres sur le bord du chemin et dans les grandes plaines vides se faisaient de plus en plus abondants, et les bergers sur les pâturages étaient eux de plus en plus rares. Cela ne pouvait signifier qu'une chose. J'allais bientôt pénétrer dans la grande forêt.
  118. Je m'accordai quelques minutes de pause, et je m'effondrai sous un grand chêne au bord du chemin de terre battue. Je m'assis sur les racines noueuses, en savourant la fraîcheur qui régnait sous le feuillage imposant. De grands arbres comme celui qui m'offrait refuge, et des bosquets de frêles bouleaux et peupliers, parsemaient les vastes prairies qui s'étendaient sous mon regard.
  119. Le chemin continuait tout droit sur l'herbe verte et sous les rayons ardents du soleil. Je plissai les yeux. À bien y scruter, des hauts feuillages de chênes étaient visibles au bout du sentier. L'orée de la forêt, enfin.
  120. Je me levai, revigoré par la perspective de continuer mon trajet à l'ombre, et saisit la gourde de peau qui pendait à ma taille, et dont la lanière reposait sur mon épaule. J'avais bien mérité quelques gorgées.
  121. L'eau demeurée fraîche coula dans ma bouche désséchée, et je me retint de boire goulûment afin d'appaiser ma soif. Je ne savais pas si j'allais croiser une source durant les prochains jours de voyage.
  122. Je repris la bride du cheval et marchai avec vigueur vers la forêt, dans l'espoir d'atteindre l'ombre de ses arbres avant le zénith.
  123.  
  124. Mes pas et les sabots de mon cheval foulaient la terre sèche, la forêt n'était plus qu'à une centaine de mètres. Des pierres taillées de courbes et des signes anciens accompagnaient notre entrée dans l'orée du bois, comme un avertissement ou quelconque prière aux divinités sylvestres.
  125. Enfin, l'entrée de cette forêt. Les troncs d'arbres avaient poussés comme le long d'une ligne, la séparation entre la plaine et le bois semblait avoir été tracée par des lutins. Mais, les frissons qui parcouraient mon dos n'étaient pas dus à cette frontière fantastique.
  126. Une énorme pierre sculptée, à ma droite, surplombait le sentier. Taillée de motifs en forme de serpents parcourant les aspérités à la surface, la roche semblait receler une force magique, délimitant par sa présence une limite entre le domaine des hommes et le domaine des fées.
  127. J'avalai ma salive et dépassai le menhir, tenant la bride de ma monture, et l'ombre des feuillages des arbres déjà hauts couvrèrent bientôt ma route.
  128. Il serait difficile de décrire la sensation que l'on éprouve en cheminant dans ses bois, entre ses troncs centenaires sur ces terres depuis toujours sacrées. Mais il me semblait toujours être observé par des dizaines de paires d'yeux entre les feuillages des buissons qui bordaient le chemin.
  129. Malgré cette sensation plus étrange qu'inquiétante, le début de ma traversée me fut plutôt agréable. Ah, que la fraîcheur régnant sous les ramures des grand chênes était agréable ! Et les animaux qui détalaient sur mon passage semblaient abondants, presque autant que la variété des oiseaux qui chantait au dessus de ma tête ! Cette forêt était assurément bénie des esprits sylvestres, et peut être même un domicile pour certains. J'aimais ces arbres tout autours, me remémorant les mythes qui avaient bercé mon enfance et mon éducation druidique. Peut être était ce ma formation mystique qui expliquait l'effet qu'avait la douce magie des lieux sur mon esprit.
  130. Le soir ne tarda pas à tomber, comme le temps avait passé vite !
  131. La canopé gênait le passage des rayons obliques du crépuscule, et je dû me résoudre à établir mon campement un peu plus tôt que je ne l'aurais voulu, si je ne souhaitais pas être surpris par l'obscurité.
  132. Cette première journée dans la forêt m'avait paru comme une heure, pensai-je sur le cuir tanné qui me servait de matelas, assurément la traversé serait rapide et facile.
  133.  
  134. Je repris ma route au matin, l'air était encore humide et la rosée s'était déposée sur les feuilles. Les sous bois étaient encore frais, mais le soleil se levait déjà et j'appercevais la lueur du jour naissant à l'est.
  135. Cependant, quelque chose n'allait pas.
  136. Un frisson me parcouru l'échnidne, et je me retournai brusquement vers les troncs derrière moi.
  137. Plus l'on s'éloignait du chemin, et plus la lumière se faisait rare, mais j'avais l'impression très claire d'être suivi.
  138. J'avais dû pénétrer sur le territoire d'une créature forestière qui m'épiait dans l'ombre.
  139. Je levai une main et fouilla dans un sac arnaché à ma monture, pour en sortir un morceau de pain sec. Le tenant bien en l'air, je fis un tour sur moi même, et posa le croûton sur les pavés du sentier. Mes sens étaient en éveil, je saisi la bride de mon cheval et quitta l'endroit pour de bon, en m'efforçant de ne pas me retourner. J'écoutais autour de moi, mais rien ne vint précéder mes pas. Gagné ?
  140. Mais mon ouïe m'alerta d'une autre victoire. De l'eau coulait sur des roches non loin. J'allais pouvoir remplir ma gourde.
  141. Je forçai l'allure pour enfin voir les scintillements d'un ruisseau plus loin sur le chemin.
  142. Ma gourde était encore pleine, mais j'étais rassuré. Cette forêt était encore involée et sûrement des ruisseaux comme celui ci ne manqueraient pas. Je me baissai pour remplir mon outre,
  143. Plus loin, un reflet attira mon attention. Ce n'était pas un reflet doré comme ceux du jour sur l'eau. C'était un reflet rouge.
  144. Sur un lit de bruyère, était posé une pierre taillée aux profond reflets pourpres. La pierre était fixée à un plateau en métal, muni d'une chaîne argentée.
  145. Lisse au toucher, elle pourrait sans doute me rapporter quelques pièce à un colpoteur.
  146. Je la glissai dans ma poche et revint vers mon cheval pour continuer ma route.
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  148.  
  149. L'odeur de bois et de chair brûlées ne m'étaient que trop connues. Au détour d'un arbre dont l'écorce était gravée de courbes harmonieuses, la puanteur emplit mes narines.
  150. La nausée me prit, et je me courbai sur le sol pour tousser.
  151. Que s'était il passé ?
  152. Après un moment penché sur la route, je m'habituai à l'infâme odeur qui planait entre les troncs. Je saisis le fourreau de mon épée et courru dans la forêt en direction du foyer.
  153. Pas très loin de la route, une hutte de pierre avec un toit en chaume brûlé, encadré par un énorme rocher lui aussi sculpté, et un petit abri rempli de bûches que l'incendie de l'habitation avait épargné.
  154. je tournai la tête aux alentours. Un petit potager non loin de la cabane semblait avoir été piétinné.
  155. Manifestement, quelqu'un habitait ici... jusqu'à il y a récemment.
  156. L'épée était toujours dans son fourreau à mon côté, j'en saisi la poignée sans la dégainner, et me dirigea vers les ruines encore brûlantes de la hutte.
  157. La porte avait elle aussi été épargnée dans sa plus grande partie. L'intérieur de la maison était sombre et j'étouffait déjà à cause de la fumée.
  158. Alors que je passai le pas de la porte, une pointe en métal se posa sur ma gorge
  159. Je me stoppai net, glacé par la froideur crue du fer.
  160. Une voix féminine brisa le silence.
  161. "- Ne fais pas un pas de plus, dit elle d'une voix distincte, ou mon carreau part. Lâche ton arme."
  162. Tétanisé, je ne parvint pas à faire un geste, et ma tête se tourna instinctivement vers la source de la voix.
  163. Le carreau s'enfonça légèrement dans ma peau, faisant perler une goutte de sang.
  164. "- J'ai dis, lâche ton arme. Et écarte toi."
  165. Éveillé par la douleur, je jettai mon épée devant moi, et m'écarta lentement afin de faire face à mon aggresseur.
  166. L'ombre du toit brûlé et la capuche de l'inconnue ne me permettait pas de distinguer son visage, son arbalète dans le rayon de lumière en revanche m'était un peu trop visible à mon goût.
  167. "- Tu t'appelles comment ? cracha la voix sous sa capuche, Et d'où viens tu ?
  168. - Je m'appelle Delvin ! répondis-je en bégayant, Delvin Connacht ! Je viens du nord !"
  169. La fille s'avança vers moi en me gardant en joue, je pu appercevoir à la lumière du soleil un visage définitivement féminin et des cheveux sombre.
  170. Elle se baissa et ramassa mon épée, la saissant par la poignée et laissant tomber le fourreau par terre.
  171. "- Et tu t'attendais à te défendre avec ça ? lança elle en observant la lame, Tu es un barde ou quoi ?"
  172. J'avalai ma salive et je repris contenance
  173. "- Non non pas du tout ! Je-je suis un Earl, du domaine Connacht, je me rend à Gweden pour ma nomination.
  174. - Toi ? Un EARL ? répliqua elle, Les Earls ne se baladent pas tout seuls au beau milieu d'une forêt sans escorte et sans armes. Pour la dernière fois, qui es tu ?"
  175. Un éclair surgit dans mon esprit
  176. "- Je peux le prouver ! J'ai une lettre de marque qui m'est adressée !"
  177. La silouette sembla relâcher sa vigilence, plus que déconcertée par mon assurance. Son arme se baissa, et son carreau ne visait plus ma gorge, mais mon sternum, ce qui était une avancée.
  178. "- Sors de cette maison et rapporte moi la lettre. Déclara elle sèchement, J'ai vu ton cheval là bas. Si tu tentes te t'échapper avec je t'assure que je te transperce. C'est une arbalète que j'ai là, pas un vulgaire arc."
  179. "- Ce-Ce ne sera pas nécessaire, je l'ai dans ma poche."
  180. Avec des mouvements très lents, je saisi le parchemin dans la doublure de ma tunique de laine, le sceau brisé toujours collé au velin, et le lança en direction de la fille.
  181. Elle lâcha mon épée et attrapa la lettre tombée au sol, en baissant sa garde pour de bon. Elle jetta un rapide coup d'oeil au message sans le lire, et rengaina son carreau dans un carquoi qu'elle portait à sa ceinture.
  182. "- C'est bon, je te crois. Ce sceau vert me suffit. Lâcha elle, Maintenant sort, et n'oublie pas ton épée. Et tu restes avec moi, compris ?
  183. Je poussai un soupir de soulagement et ramassa mes affaires, puis sorti. Elle avait retiré son capuchon et je distiguais maintenant mieux son visage.
  184. Ses cheveux étaient sombres, et sa peau claire constrastait avec ses yeux verts. Elle devait avoir un peu plus de mon âge.
  185. Mais quelque chose m'intrigait davantage. Mon regard s'attarda sur les brodures de sa cape, et son arbalète dont le bois était damasquiné... Étrange.
  186. "- Tu regardes quoi là ? dit elle d'un ton sec.
  187. - Rien rien, dis je en m'empressant de détourner les yeux.
  188. - J'en oublie la politesse, mon nom est Rozenn."
  189. C'était clair, elle non plus n'était pas une simple voyageuse.
  190.  
  191.  
  192. Les bonnes rencontres sont plutôt rares sur les routes, et j'étais aussi rassuré d'avoir une personne armée à mes côtés qu'elle d'avoir trouvé un compagnon et un cheval, sur lequel elle s'était empressé de poser ses afaires. Aussi d'un accord tacite, nous voyageions ensemble.
  193. Apparemment, elle enquêtait pour savoir ce qu'il s'était passé à la cabane lorsque les sabots de mon cheval retentirent sur la route. Elle avait retrouvé le corps brûlé d'un druide derrière sa hutte, et avait prit peur à mon arrivée.
  194. Sûrement des pillards, j'étais rassuré de ne pas devoir faire face aux dangers seuls dorénavant.
  195. Je ne savais toujours pas où elle allait, et je supposais à Gweden, ou du moins à Garman, qui était la principale ville à l'orée sud de la forêt. Il était après tout de bon ton de lui demander, aussi rompai-je le silence pour poser la question
  196. "- Où vas tu sur cette route ?"
  197. Elle me fixa durement, et je me sentis aussitôt gêné d'avoir posé la question.
  198. Puis elle détourna le regard et répondit sèchement.
  199. "- À Garman."
  200. C'est ce que je me disais. Au moins bénéfécierais-je d'une compagnie bienvenue jusque là. J'espérais cependant qu'elle n'était pas une voleuse de grand chemin, qui partirais avec mon cheval aussitôt que je me serais endormi. Mais son allure m'inspirait confiance. Elle était éduquée, elle n'avait pas eu l'impolitesse de lire le courrier royal qui m'était adressé. De plus, si elle avait voulu me voler, elle aurait pu le faire il y a longtemps sous la menace de son arme.
  201.  
  202. Alors que je réfléchissais en marchant, la journée passa et nous fûmes forcés d'établir un camp pour la nuit.
  203. Nous nous arrêtâmes sur le bord de la route, entre deux roches surplombées par un bosquet de sapins.
  204. Rozenn entassait quelques brindilles qu'elle avait entouré de pierres alors que je déchargeait quelques provisions. Un feu serait perçu par les habitants de cette forêt comme une aggression supplémentaire, je n'y était pas favorable. Lorsque je lui fit remarquer, je n'eu pour seule réponse qu'un haussement de sourcils.
  205. Elle était impieuse, soit, mais je garderais un oeil ouvert.
  206. Je mangeais une miche en vitesse avec un peu de miel, fuyant la désagréable compagnie de mon compagnon. Sa voix brisa le silence.
  207. "- Désolée pour tout à l'heure, mais tu comprends que l'on doive être prudent."
  208. Je répondis, déjà enfoui sous ma couverture.
  209. "- C'est normal, j'aurais fait la même chose."
  210. Puis, après un moment de silence, j'osai enfin poser la question.
  211. "- D'où viens-tu, toi ? Tu es un peu... Enfin, disons que j'ai rarement l'habitude de croiser des voyageurs comme toi."
  212. Elle marqua un temps avant de me répondre.
  213. "- De Keravel, je ne peux pas t'en dire plus."
  214. Corraithe était une grande ville au nord ouest du pays. Domaine portuaire d'un grand seigneur à la frontière de la Lloegrie. Si elle venait vraiment de cette ville, elle serait passé par le sud de la forêt pour arriver à Garman. Manifestement, elle mentait. Sous ma couverture, ma bourse, ma lettre et mon épée. Je ne lui faisais pas encore confiance, aussi me promettai-je de garder l'oeil ouvert pendant toute la nuit.
  215. J'entendis Rozenn bouger derrière moi, elle se couchait également.
  216. Les braises du feu s'éteignaient doucement alors que je sombrais lentement dans le sommeil. Il nous faudrait encore deux ou trois jours pour traverser la forêt, j'espérai que tout allait bien se passer.
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