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May 21st, 2019
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  1. Les experts n'excluent plus une élévation du niveau des mers de 2 mètres en 2100
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  3. Dans le cas d'un réchauffement de 5 °C, l'hypothèse la plus vraisemblable des chercheurs estime à 111 cm la montée des océans, en partie du fait de la fonte du Groenland et de l'Antarctique. Audrey Garric
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  5. C'est plus que jamais l'enjeu majeur des recherches sur les calottes du Groenland et de l'Antarctique : prévoir quelle sera l'élévation du niveau des océans liée à cette débâcle des glaces. Alors que les relevés de terrain et les mesures satellites se multiplient aux pôles, attestant d'une accélération de l'écoulement des glaciers vers la mer, une nouvelle étude, parue lundi 20 mai, en tire une alarmante conclusion : la montée des eaux pourrait atteindre jusqu'à 2,4 mètres à la fin du siècle dans le pire scénario. Ce qui aurait des conséquences profondes pour l'humanité.
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  7. « Si nous vivions un tel scénario dans les 80 prochaines années, de nombreux endroits, en particulier les petites îles du Pacifique, seraient inhabitables. Cela entraînerait des conséquences à des échelles qui sont inimaginables » , assure Jonathan Bamber, glaciologue à l'université de Bristol (Royaume-Uni) et premier auteur de l'étude.
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  9. En 2013, le Groupe d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) évoquait, dans son pire scénario, une élévation du niveau des mers de 98 cm d'ici à la fin du siècle, toutes causes confondues, soit deux fois moins. Cette nouvelle étude prévient qu'il existe une probabilité non négligeable que la hausse soit plus grave.
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  11. Pallier les imperfections des modèles
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  13. Ces travaux, publiés dans Les compte-rendus de l'Académie américaine des sciences (PNAS) , font appel à une méthode originale et néanmoins robuste : l'analyse du jugement d'experts. Ce procédé, « qui ne doit pas se substituer à la recherche fondamentale » , préviennent les auteurs, permet d'estimer l'étendue des connaissances, et en particulier des incertitudes, sur un sujet. Il a été utilisé pour évaluer d'autres risques, comme les tremblements de terre, les éruptions volcaniques ou la propagation de maladies à transmission vectorielle.
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  15. En ce qui concerne les grandes étendues blanches des pôles, les incertitudes restent fortes du fait d'une connaissance encore insuffisante des mécanismes physiques de glaciologie et de climatologie mais surtout du manque de données de base, en termes de topographie, de profondeur des fonds marins ou de température de l'eau. La science est même devenue de plus en plus incertaine à mesure que les chercheurs en apprennent davantage sur la façon dont les calottes glaciaires réagissent au réchauffement. Les mesures satellitaires les plus récentes montrent que la perte de masse de glace se produit plus rapidement que ce que prévoyaient les modèles.
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  17. « Les modèles ont jusqu'à present été largement déficients pour les projections parce qu'ils n'incluent pas les procédés physiques rapides de désintégration des glaces ni des représentations réalistes des interactions fortes avec l'ocean », juge Eric Rignot, glaciologue (université de Californie à Irvine/NASA) aux Etats-Unis, l'un des experts interrogés dans le panel.
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  19. Le jugement d'experts peut alors servir à pallier les imperfections des modèles. « Cette méthode est très utile car les scientifiques ont beaucoup de connaissances, de compréhension et d'intuition qu'il est difficile, voire impossible, de "coder" dans les modèles climatiques » , explique Jonathan Bamber.
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  21. En janvier et février 2018, les auteurs de l'étude ont alors interrogé vingt-deux experts, parmi les plus éminents connaisseurs des calottes glaciaires des pôles. Ils leur ont d'abord fait passer des tests afin de pouvoir pondérer par la suite leurs avis en fonction de leur capacité à estimer les marges d'erreur. Les scientifiques étaient interrogés sur trois mécanismes physiques - l'accumulation de précipitations neigeuses, l'écoulement des glaces et le ruissellement de surface - affectant le Groenland, l'Antarctique de l'Ouest et l'Antarctique de l'Est. Et ce, en fonction de deux scénarios de réchauffement : + 2 °C d'ici à la fin du siècle par rapport à l'ère préindustrielle - soit l'objectif minimal de l'accord de Paris -, et + 5 °C, ce qui revient à poursuivre la trajectoire actuelle des émissions de gaz à effet de serre. La Terre s'est déjà réchauffée d'environ 1 °C depuis cette époque.
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  23. Analyse mêlant sciences du climat et statistiques
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  25. Enfin, les experts ont dû détailler les corrélations entre les différents phénomènes. « Par exemple, au Groenland, quand il y a beaucoup d'eau qui ruisselle en surface, elle pénètre dans les crevasses, ce qui modifie d'hydrologie et le frottement sous-glaciaire, et accélère l'écoulement des glaces vers les mers » , explique Catherine Ritz, glaciologue à l'Institut des géosciences de l'environnement à Grenoble, également membre du panel. Les interactions existent également entre les pôles. « La fonte du Groenland injecte de l'eau douce dans l'Atlantique nord, ce qui modifie la circulation océanique. Cela emmène du froid au nord, vers le Groenland, mais également du chaud vers l'Antarctique, ce qui peut accélérer l'écoulement de ses glaces » , poursuit la spécialiste.
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  27. A l'issue de cette analyse mêlant sciences du climat et statistiques, les auteurs concluent que la fonte des calottes glaciaires, soumises à une hausse de la température mondiale de 2 °C, entraînerait une élévation du niveau des mers de 26 cm pour la valeur médiane, avec un risque de 5 % de dépasser 81 cm. Dans le cas d'un réchauffement de 5 °C, la montée des océans liée à la débâcle de l'Antarctique et du Groenland atteindrait le plus vraisemblablement 51 cm, sans que l'on puisse exclure une hausse de 178 cm.
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  29. Ce à quoi il faut encore ajouter, dans tous les cas, la fonte des glaciers de montagnes et la dilatation thermique de l'océan. Au total, la prédiction médiane des experts, toutes causes confondues, est de 69 cm dans un schéma optimiste de réchauffement, et de 111 cm dans la trajectoire actuelle, par rapport à 2000. Et en cas de hausse de 5 °C, il existerait un risque de 5 % que la hausse dépasse 2,38 mètres à la fin du siècle. « Une probabilité faible mais plausible , conclut Jonathan Bamber. Il est important de la prendre en compte dans les projections, mais aussi les projets d'aménagement, car ses conséquences seraient très élevées. »
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  31. Selon l'étude, qui cite des travaux de 2011 , une élévation du niveau de la mer de 2 mètres entraînerait la perte de 1,79 million de km2 de terres, notamment des régions cruciales pour la production de nourriture, et provoquerait le déplacement de 72 à 187 millions de personnes.
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  33. « Quantifier les désaccords »
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  35. « Cette étude est utile pour quantifier les désaccords dans la communauté scientifique, estime Catherine Ritz. On est tous d'accord pour parler de catastrophe en cours. Mais pour certains, la disparition de l'Antarctique de l'Ouest surviendra dans 300 ans, pour d'autres dans 3 000 ou 4 000 ans. »
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  37. Selon une étude parue dans le journal Geophysical Research Letters jeudi 16 mai, un quart de la calotte de l'Antarctique de l'Ouest est aujourd'hui instable, en raison d'un amincissement de la zone. Certains glaciers, notamment ceux de Thwaites et de l'île du Pin, engagés dans des retraits inexorables, ont perdu jusqu'à 120 mètres d'épaisseur par endroits. Ces nouveaux éléments seront intégrés dans le prochain rapport du GIEC, qui doit paraître en septembre sur les liens entre changement climatique, océans et glace.
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  39. Audrey Garric
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