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- Face à la protestation des milieux financiers, qui ne
- cachent pas leur déception, Emmanuel Macron décide
- d’anticiper les réductions d’impôt au lieu d’avoir pour
- seules priorités la baisse des dépenses publiques et la
- réforme du code du travail.
- C’est un piège qui est en train de se refermer
- sur Emmanuel Macron. Lui qui avait pris mille
- engagements néolibéraux durant sa campagne
- présidentielle, promettant aux milieux d’affaires de
- réduire la dépense publique de manière audacieuse,
- tout en baissant la fiscalité, à commencer par celle
- des plus fortunés, et en mettant à bas une bonne
- partie du code du travail, éprouve à peine arrivé
- à l’Élysée les pires difficultés à tout mener de
- front. Un piège terrible, car Emmanuel Macron a
- précisément construit toute sa crédibilité auprès des
- milieux financiers sur le fait qu’il saurait, lui, conduire
- une politique économique de déréglementation
- économique et sociale beaucoup plus hardie que
- François Hollande, sans les atermoiements ou les
- demi-mesures dont ce dernier était coutumier.
- Or, ce quinquennat commence à peine que déjà
- Emmanuel Macron donne à ses soutiens le sentiment
- de tergiverser. Accélérer ou avancer à pas comptés :
- c’est en quelque sorte le choix auquel le chef de
- l’État s’est trouvé confronté à peine quelques semaines
- après son accession au pouvoir. Après des tractations
- dans les sommets du pouvoir tout au long du dernier
- week-end, le chef de l’État a tranché en retenant la
- première option : mener de front la réforme du code
- du travail et celle de la fiscalité. Une option hautement
- périlleuse, pour des raisons tout autant politiques et
- sociales qu’économiques.
- Si l’on reprend le fil de l’actualité de ces derniers
- jours, on comprend en effet sans peine le casse-tête
- auquel Emmanuel Macron s’est soudainement trouvé
- confronté.
- Premier acte de ce psychodrame : accédant à l’Élysée,
- le nouveau pouvoir a sans doute vite mesuré qu’il
- aurait du mal tout à la fois à tenir ses promesses
- de baisse des déficits publics – et donc de baisse
- des dépenses publiques – et à réduire les impôts.
- Dans un élan initial, le premier ministre Édouard
- Philippe a donc tenté un « coup » politique, celui de
- l’héritage. Sans doute était-ce assez périlleux, puisque
- c’était mettre en cause l’impéritie du précédent
- gouvernement, dont faisait encore partie il y a moins
- d’un an un certain… Emmanuel Macron.
- Mais en fin de compte, c’est ce premier « cadrage »
- politique qui a été retenu : accréditer auprès de
- l’opinion l’idée que la gestion économique de l’équipe
- précédente avait été irresponsable et que le nouveau
- gouvernement se trouvait donc confronté à une priorité
- absolue, celle de réduire la dépense publique, de 7 à
- 8 milliards d’euros dès 2017 et sans doute de quelque
- 20 milliards d’euros en 2018. Édouard Philippe a
- ainsi tenu cette première partition : pour respecter les
- engagements de la France vis-à-vis de Bruxelles en
- matière de réduction des déficits publics, la baisse de
- la dépense publique passe avant toute autre priorité ;
- il n’y a donc d’autre choix que de repousser à 2018,
- sinon 2019, des promesses comme le démantèlement
- partiel de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ou
- de la taxe d’habitation…
- Mais cette hiérarchisation des priorités a eu un effet
- qu’Emmanuel Macron a sans doute très mal anticipé :
- elle a déclenché un mouvement de protestation dans
- les milieux d’affaires, qui constituent ses premiers
- soutiens.
- De cette contestation, il existe de nombreux signes.
- Dans L’Opinion, un quotidien qui sans complexe
- se présente comme « pro-business » et qui
- avait vivement applaudi la victoire présidentielle
- d’Emmanuel Macron, son directeur Nicolas Beytout
- fait dès le 6 juillet un édito rageur pour s’indigner
- des tergiversations du nouveau locataire de l’Élysée.
- « Impôt : comme un air de déjà-vu », lit-on en
- titre. Et la suite n’est guère plus aimable : « Ce
- fut un des axes de conquête d’Emmanuel Macron :
- bousculer les habitudes, refuser de se soumettre au
- cursus politique traditionnel, ne rien faire comme les
- autres prétendants au pouvoir. Ce fut aussi un des
- secrets du succès de ses premières semaines de chef de
- l’État : agir à l’inverse des anciens hôtes de l’Élysée,
- apprendre de leurs erreurs, celles qui, en quelques
- semaines ou quelques mois, avaient empêché leur
- action (…). Quelle surprise, donc, de voir la facilité
- avec laquelle le gouvernement est retombé dans les
- travers classiques de ses prédécesseurs : faire croire
- qu’il découvre l’état réel du pays (il lui aurait suffi
- d’écouter ce que disait l’opposition Les Républicains
- de la gestion Hollande). ( …) Ces facilités n’ont jamais
- donné les résultats escomptés. Elles ont au contraire
- contribué à miner la confiance des électeurs dans
- les promesses des candidats et à donner le sentiment
- que les gouvernements, une fois parvenus au pouvoir,
- étaient tous incapables de repousser la fatalité de
- la demi-mesure. Au prix de l’inefficacité. Au prix du
- retard français. » L’analyse acide d’un pro-Macron
- qui découvre tardivement que son idole est moins
- allant qu’il ne l’espérait.
- Le même jour, le quotidien Libération publie un
- entretien de l’économiste libéral débridé Gaspard
- Koenig, qui fulmine lui aussi contre Emmanuel
- Macron en des termes qui auraient été impensables
- voici quelques semaines : « La ligne PhilippeLe
- Maire, c’est cette droite pâteuse qui n’a jamais
- rien fait, qui bloque tout et n’ose rien ; le retour
- du chiraquisme allié aux technos de Bercy »… « Le
- retour du chiraquisme », ces mots-là ont dû siffler aux
- oreilles d’Emmanuel Macron, qui fait tout pour donner
- de lui l’image strictement opposée…
- Le méchant sobriquet de « président des
- riches »
- Rendant compte des « Rencontres économiques »
- d’Aix-en-provence, qui rassemblent chaque année
- les grands patrons français et le « Cercle des
- économistes » (de la pensée unique néolibérale),
- le magazine Challenges fait lui aussi apparaître
- le très fort agacement qui commence à se faire
- jour dans les milieux d’affaires. « Pour Emmanuel
- Macron, l'état de grâce est déjà terminé. Même
- auprès d'un public conquis, les grands patrons et
- les économistes plutôt libéraux, réunis pour les 17es
- Rencontres Économiques d'Aix-en-Provence, du 7
- au 9 juillet. En privé ou à la tribune, beaucoup
- ont exprimé leurs craintes, voire leur scepticisme
- sur la volonté réformatrice du Chef de l'État, qui
- avait fait un tabac ici, l'année dernière, en tant que
- ministre de l’Économie. Les participants à ce “Davos
- Provençal” n'ont pas digéré les annonces d'Édouard
- Philippe, le Premier Ministre, sur trois réformes
- fiscales importantes, qui ne seront mises en œuvre
- qu'en 2019 : la transformation du CICE, un crédit
- d'impôts, en baisse pérenne de charges plus simple et
- plus visible, la baisse de la fiscalité du capital à 30 %
- et le recentrage de l'ISF sur l'immobilier. »
- Et le magazine évoque plusieurs coups de gueule
- entendus au cours de ces rencontres d’Aix. « “La
- priorité, c'était de provoquer un choc fiscal pour
- stimuler la croissance. Il ne fallait différer ces
- réformes”, déplore Philippe Aghion, professeur au
- Collège de France, l'un des inspirateurs du projet
- macroniste, notamment sur la fiscalité. Et les 30
- membres du Cercle des Économistes, organisateur
- de ce forum huppé, ont glissé cette critique dans
- leur déclaration finale très diplomatique, demandant
- de “tenir dès à présent les engagements fiscaux du
- président Macron”. Du côté des patrons, certains
- ont dénoncé publiquement ce report, comme Marie
- Ekeland, cofondatrice du fonds d'investissement
- Daphni ; d'autres, en coulisses, ont pointé le
- risque que Macron “se laisse emporter par la
- technostructure”. Déjà, le 8 juillet, au sein du conseil
- de l'AFEP (Association française des entreprises
- privées), qui rassemble les grands groupes français,
- beaucoup avaient exprimé leur déception. Et deux
- jours plus tôt, Pierre Gattaz, le patron du Medef, avait
- déploré la version édulcorée du premier bloc de la
- réforme sur le code du travail, en limitant l'espace
- donné à l'accord d'entreprise par rapport à la branche
- et à la loi. »
- Tout confirme donc que le climat s’est brutalement
- dégradé dans le camp des pro-Macron et que les
- milieux d’affaires n’ont guère goûté les premiers pas
- du nouveau pouvoir. Et ils l’ont fait savoir sans le
- moindre ménagement.
- Dès lors, brutal changement de cap. Selon de
- nombreuses sources, Emmanuel Macron a décidé
- dimanche en fin de journée de modifier radicalement
- le « cadrage » de la politique économique et sociale
- qu’il avait préalablement choisi, en ne repoussant plus
- à 2019 la réforme de l’ISF et l’allègement de la taxe
- d’habitation, mais en retenant leur mise en œuvre
- dès l’année prochaine. Ici est précisément le piège.
- Car Emmanuel Macron va du même coup prendre un
- double risque. Un risque politique et social en menant
- simultanément des réformes hautement sensibles ; et
- puis un risque économique, parce que la mise en
- œuvre de toutes ces promesses sera bien difficile
- budgétairement à honorer.
- Le premier risque se décrypte sans grande difficulté.
- Ainsi donc, le jour même où l’Assemblée nationale
- engage l’examen du projet de loi d’habilitation des
- ordonnances, pour démanteler à la hussarde le code du
- travail, le gouvernement annonce aussi son intention
- d’engager dans le même temps le démantèlement de
- l’ISF. Or, ce télescopage des deux réformes risque de
- faire des ravages dans l’opinion.
- Emmanuel Macron a, certes, cherché de longue date
- à répondre par avance aux critiques que pourrait
- soulever sa réforme de l’ISF, en faisant valoir qu’un
- recentrage de l’assiette de l’impôt sur les seuls
- actifs immobiliers avait pour ambition de stimuler
- l’attractivité de l’économie française. Mais il n’est pas
- certain que beaucoup de Français soient sensibles à
- l’argument. Non sans raison, car les actifs financiers
- ne seront alors plus assujettis à l’ISF, ceux-là mêmes
- qui constituent l’essentiel des actifs des plus grandes
- fortunes. En clair, ce sera, quoi qu’en dise le nouveau
- pouvoir, un immense cadeau de près de 3 milliards
- d’euros offert aux plus hauts revenus et même aux
- milliardaires. Un cadeau que ni Nicolas Sarkozy,
- ni François Hollande n’avaient osé leur offrir. En
- quelque sorte, Emmanuel Macron risque à son tour
- d’être affublé du méchant sobriquet qui avait fait tant
- de mal à ses deux prédécesseurs, celui de « président
- des riches ».
- L’actualité va donc offrir ce télescopage ravageur :
- au moment précis où le gouvernement lance la
- réforme du code du travail, qui risque d’accroître la
- flexibilité et la précarité du travail, il offre par ailleurs
- aux plus grandes fortunes un cadeau formidable.
- L’intransigeance pour les uns ; la bienveillance pour
- les autres : ce gouvernement fait donc le choix risqué
- de prendre un cap économique très contestable, celui
- de l’égoïsme social. « Le capital noie toutes choses
- dans les eaux glacées du calcul égoïste », disait
- Marx…
- Signe très révélateur de cette accélération que
- l’Élysée a visiblement décidée, le gouvernement a
- aussi présenté au cours de ce même week-end aux
- partenaires sociaux sa réforme du compte pénibilité,
- tant voulue par le Medef, et que François Hollande
- avait présentée comme la contrepartie à la dernière
- réforme des retraites.
- En bref, le gouvernement presse le pas et annonce
- sans la moindre précaution une cascade de réformes,
- très généreuses pour les plus hauts revenus et très
- menaçantes pour le monde salarié. Autrement dit, pour
- ne plus s’exposer à la critique de marcher sur les
- brisées de Jacques Chirac, il prend le risque de prendre
- pour exemple la méthode d’Alain Juppé de l’automne
- 1995, lequel avait annoncé une ribambelle de réformes
- aussi sensibles les unes que les autres. Ce qui, on s’en
- souvient, ne lui avait pas vraiment réussi.
- L'insoluble équation budgétaire
- Quant au risque économique de cette nouvelle
- stratégie, il n'est pas moins sensible. Car les factures
- vont s'accumuler. Édouard Philippe a ainsi annoncé
- samedi, avant l'arbitrage de dimanche d'Emmanuel
- Macron, une baisse d’impôts « d’environ » 7
- milliards d’euros dès 2018. Des promesses qui sont
- en réalité la reprise des engagements du précédent
- exécutif, comme le souligne le journal Les Échos :
- augmentation du taux de crédit d'impôt CICE ainsi
- que son élargissement aux associations (4,5 milliards
- d’euros), baisse du taux de l’impôt sur les sociétés à
- 28 % (1 milliard d’euros) et extension aux personnes
- retraitées non imposables du crédit d’impôt sur les
- services à la personne (1,1 milliard d’euros). A priori,
- donc, rien de nouveau. Mais en réalité, le maintien de
- ces promesses était tout sauf évident compte tenu de la
- très difficile équation budgétaire pour l’an prochain.
- En effet, réduire le déficit public à 3 % du PIB en 2017
- ne suffira pas. Le pacte de stabilité européen exige
- en effet une baisse du déficit public structurel (hors
- effet de conjoncture) de 0,5 point de PIB l’an prochain.
- Le respect du pacte budgétaire passe également par
- cette réduction. Or, ce sera une tâche ardue puisqu’on
- ne pourra pas, ici, compter sur un effet de croissance.
- Édouard Philippe avait déjà admis cette contrainte en
- annonçant lors de son discours de politique générale
- le 4 juillet un gel en volume (hors inflation) des
- dépenses publiques. Cet engagement représentait déjà
- une inflexion très dure par rapport aux politiques
- envisagées par le précédent gouvernement, qui avait
- promis de maintenir le rythme moyen de croissance
- des dépenses publiques en volume, soit 0,9 % par an.
- On estime à 15-20 milliards d’euros l’effort nécessaire
- sur les dépenses. C’est dire si, face à cette lourde
- tâche, il eût été envisageable de revenir sur certains
- engagements passés de baisses d’impôts qui n’étaient
- pas explicitement revendiqués par le nouvel exécutif.
- Accepter ces engagements exerçait donc déjà une
- pression importante sur les dépenses. Mais l’arbitrage
- de l’Élysée complique encore plus la donne. La
- réforme de l’ISF conduit à sortir l’ensemble des
- valeurs mobilières de l’assiette de l’impôt et à
- le transformer en un « impôt sur la fortune
- immobilière » (IFI). Cette mesure doit donc coûter
- 3 milliards d’euros, dans la mesure où l’on
- parvient à éviter le contournement par les sociétés
- civiles immobilières de la transformation des valeurs
- immobilières en valeurs mobilières. Parallèlement,
- le gouvernement a donc aussi décidé d’engager une
- première phase de la suppression partielle de la taxe
- d’habitation, qui devrait également coûter 6 milliards
- d’euros. En tout, donc, une réduction d’impôts de
- près de 13 milliards d’euros – soit les 7 milliards
- annoncés par le premier ministre, auxquels s'ajoutent
- les 6 milliards découlant de l'arbitrage d'Emmanuel
- Macron. Ce qui laisse donc l’Élysée face à un choix
- budgétaire difficile pour 2018. Un choix qui va, en
- grande partie, déterminer la politique économique du
- quinquennat.
- Première option : Emmanuel Macron peut confirmer
- son attachement à ses engagements européens. Cette
- question du déficit n’est pas réellement, comme le
- prétendent les membres du gouvernement depuis
- une semaine, une question de « souveraineté »
- et de « maîtrise de la dette ». C’est d’abord
- un élément central de la stratégie européenne du
- président de la République. Pour convaincre Angela
- Merkel d’avancer sur la réforme de la zone euro,
- Emmanuel Macron doit prouver que mutualiser des
- risques avec la France ne représente aucun danger
- pour le contribuable allemand. La chancelière lui a
- d’ailleurs donné un feu vert sous condition à cette
- réforme. Et la condition, c’est à la fois la réforme
- du code du travail et la consolidation budgétaire.
- Si cette consolidation échoue en 2018, année que
- le gouvernement devra budgétairement assumer seul,
- sans avancer le prétexte de « l’héritage Hollande »,
- l’Allemagne pourra rejeter toute réforme de la zone
- euro sous prétexte du « laxisme français ». Emmanuel
- Macron se retrouverait alors dans la position de
- François Hollande après 2012 et son ambition
- européenne serait terminée.
- C’est pour cette raison que la consolidation budgétaire
- a été placée en position prioritaire, avec la « loi travail
- saison 2 » actuellement en discussion. Mais maintenir
- cette priorité tout en baissant les impôts supposera
- une politique de coupes massives dans les dépenses.
- Le calcul n’est pas simple à réaliser, mais puisque
- l’objectif sera structurel, on peut estimer qu’il faudra
- aller vers un recul en volume des dépenses et trouver
- entre 25 et 30 milliards d’euros d’économies, soit
- jusqu’à 1,5 point de PIB en un an. La France entrera
- alors dans une logique franchement austéritaire.
- Ce sera l’adoption d’une politique économique qui
- rappellera celle de Margaret Thatcher au Royaume-Uni
- dans les années 1980 où, pour financer les
- cadeaux fiscaux aux plus riches et aux entreprises,
- on a déconstruit les services publics. Car il ne sera
- pas possible alors d’éviter une remise en cause du
- modèle social français et des transferts sociaux. Les
- plus fragiles paieront donc le financement des cadeaux
- fiscaux aux plus fortunés et aux entreprises.
- Cette logique est l’essence même de la politique
- néolibérale. L’impact sur la croissance sera forcément
- négatif, car les baisses d’impôt sont concentrées sur
- ceux qui les utilisent le plus pour l’épargne, non pour
- la consommation. Or, comme l’État sera mis au régime
- sec et que la flexibilité du marché du travail sera
- renforcée, l’incitation à l’épargne sera encore plus
- forte. Quant aux entreprises, on sait que les pays qui
- ont baissé le plus la fiscalité, comme le Royaume-Uni,
- sont aussi ceux qui souffrent le plus de la baisse
- de l’investissement productif et de la productivité. Ces
- cadeaux fiscaux ont été surtout utilisés pour rémunérer
- dirigeants et actionnaires, ainsi que pour réaliser des
- achats immobiliers spéculatifs. Du reste, en renforçant
- les inégalités, on affaiblit le potentiel de croissance,
- comme de nombreuses études l’ont désormais montré.
- Bref, ce choix ferait entrer le pays en terrain glissant.
- Il a cependant été revendiqué par le ministre de
- l’économie et des finances, Bruno Le Maire, qui,
- samedi sur BFM TV s’est dit « convaincu qu’on peut
- à la fois baisser les dépenses publiques et baisser les
- impôts ». Et de conclure : « Je pense qu’on peut faire
- les deux en même temps. »
- Cette logique du « en même temps » chère au président
- de la République l’emportera-t-elle ? L’alternative
- serait de privilégier la croissance en limitant la
- consolidation budgétaire et en favorisant l’effet de
- relance des baisses d’impôts. Elle compterait sur une
- consolidation future plus rapide grâce à l’impact sur
- la croissance de ces mesures et passerait donc par
- une forme de renonciation à la baisse rapide du
- déficit structurel et peut-être même du déficit global.
- Cette voie est privilégiée par les milieux d’affaires
- français qui pâtiraient aussi, quoi qu’ils en disent,
- de l’austérité. Mais elle n’est pas non plus assurée
- en termes de croissance. Les 3 milliards d’euros
- d’exonération de l’ISF sur les valeurs mobilières
- favoriseront davantage les marchés financiers que
- l’économie réelle (le lien entre les deux est de plus en
- plus ténu). La baisse de la taxe d’habitation viendra
- compenser la hausse de la CSG pour les retraités.
- Plus globalement, l’impact macroéconomique sur la
- croissance des baisses d’impôts sur les plus riches
- et les entreprises demeure contesté. Mais la politique
- serait nécessairement moins violente. Le problème,
- c’est, comme on l’a vu, que le président de la
- République devra assumer la « pause » dans la
- consolidation budgétaire et faire adopter sa stratégie
- à ses partenaires européens, à commencer par Angela
- Merkel.
- En fait, la principale inconnue de l’équation budgétaire
- de Paris réside dans la réaction de Berlin. La
- chancelière allemande se contentera-t-elle de la
- réforme du code du travail et de promesses de
- croissance future pour engager une réforme de la zone
- euro comme le veut Emmanuel Macron ou exigera t-elle
- aussi de la France le respect des engagements
- européens ? Les équilibres internes aux conservateurs
- allemands et la future coalition allemande après les
- élections du 24 septembre détermineront la réponse
- à cette question. Mais le président de la République
- devra choisir sa voie auparavant. Ce choix sera le vrai
- déterminant de la politique économique française de
- ces cinq prochaines années.
- C'est dire qu'Emmanuel Macron est pris en étau, entre
- ses ambitions européennes et la pression des milieux
- d'affaires dont il fait si grand cas.
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