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Sep 17th, 2019
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  2. L’offensive de Macron sur l’immigration
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  4. Le chef de l’Etat a revendiqué devant les parlementaires le fait d’aborder ce sujet, au nom des « classes populaires » et pas des « bourgeois de centre-ville, [qui] eux, sont à l’abri ».
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  6. Par Cédric Pietralunga , Alexandre Lemarié et Olivier Faye Publié aujourd’hui à 03h54, mis à jour à 10h20
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  16. Emmanuel Macron l’a encore répété aux élus de sa majorité qui étaient réunis, lundi 16 septembre, dans les jardins du ministère des relations avec le Parlement : il faut « préparer notre pays aux défis contemporains qui font peur ». Et, à écouter le président de la République depuis plusieurs semaines, l’immigration sera un des principaux enjeux de ce travail politique.
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  18. Le locataire de l’Elysée est convaincu de l’importance des sujets dits régaliens – immigration et sécurité en tête – dans l’agenda de la deuxième partie de son quinquennat. Et, donc, de la prochaine élection présidentielle. M. Macron assure en conséquence vouloir « regarder en face » ces questions et ne pas se cantonner aux seuls dossiers de la rentrée que sont les retraites, l’écologie ou la bioéthique. Au risque de froisser sa majorité, et de placer son premier ministre, Edouard Philippe, sur le reculoir.
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  20. Remonté contre les « distorsions » du droit d’asile, le chef de l’Etat a revendiqué devant les parlementaires, lundi soir, le fait d’enfourcher le sujet de l’immigration au nom des « classes populaires ». « La question est de savoir si nous voulons être un parti bourgeois ou pas. Les bourgeois n’ont pas de problèmes avec ça : ils ne la croisent pas. Les classes populaires vivent avec », a-t-il estimé. Des propos qui rejoignent ceux que le président de la République tient, en privé, depuis plusieurs semaines.
  21. Article réservé à nos abonnés Lire aussi La rentrée tout-terrain d’Emmanuel Macron
  22. « Les bourgeois de centre-ville, eux, ils sont à l’abri ! »
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  24. « On aurait tort de considérer que parce qu’on parle de social et d’écologie, les questions régaliennes ne seraient pas une préoccupation des Français », avait déjà déclaré le chef de l’Etat, le 4 septembre, devant le gouvernement réuni en séminaire à l’Elysée.
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  26. La lutte contre la délinquance, les agressions, les cambriolages ou l’immigration illégale relèveraient même, selon lui, d’un « enjeu social » pour les quartiers défavorisés. « Les bourgeois de centre-ville, eux, ils sont à l’abri ! », a-t-il souligné devant ses ministres, appelant chacun à se défier des « bons sentiments ».
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  28. La veille, lors du dîner de la majorité, M. Macron avait déjà manifesté sa volonté de monter au créneau sur l’immigration. Un participant rapporte que le chef de l’Etat aurait notamment émis, en des termes parfois crus, son souhait d’augmenter les expulsions d’Albanais sans papiers. « Le président était très remonté ce soir-là, c’était du Sarkozy qui avait branché le Kärcher ! », témoigne cette source.
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  30. Côté sécurité, deux chantiers sont sur la table. Le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, doit lancer des consultations, fin septembre, pour rédiger un Livre blanc sur le sujet, dont les conclusions pourraient être rendues début 2020. La ministre de la justice, Nicole Belloubet, a engagé, elle, une réforme du code pénal des mineurs. « La séquence des “gilets jaunes” a installé l’idée que l’Etat régalien pouvait ne pas tenir sur le maintien de l’ordre, donc il faut démontrer le contraire », estime un ministre.
  31. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Retraites, santé, éducation… Les tensions sociales se multiplient
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  33. Sur l’immigration, l’exécutif entend surtout se montrer à l’offensive en ce qui concerne l’asile. « Le président a beaucoup évolué depuis 2015 et son soutien à [la chancelière] Angela Merkel dans l’accueil des migrants. A l’époque, il était sur une ligne très humaniste, constate un cadre de la majorité. Lors de la campagne présidentielle, il avait déjà évolué vers une position plus équilibrée. Mais depuis 2018, il s’est refermé, il pense que la société est plus dure que les politiques sur cette question. »
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  35. A l’issue du conseil des ministres, le 11 septembre, la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, a résumé les choses sans ambages. « Nous savons que, dans le futur, l’évolution du monde, l’existence de zones de conflit, le réchauffement climatique conduiront à ce que de nouvelles vagues migratoires aient lieu. Nous devons armer notre pays », a-t-elle clairement indiqué. « L’enjeu est de savoir si la France peut résister à l’afflux d’un million de personnes venues du Maghreb en cas de crise dans l’un des pays de la région. La réponse est non », estime un ministre. La situation algérienne, où une élection présidentielle est prévue, le 12 décembre, se trouve en particulier dans le viseur du chef de l’Etat.
  36. Affronter la question de l’immigration
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  38. Conscient de la sensibilité de sa majorité sur le sujet, déjà échaudée par le projet de loi asile-immigration, voté en 2018, l’exécutif a décidé de mener une « campagne de conviction ». Elle doit commencer avec un débat (sans vote) à l’Assemblée nationale, le 30 septembre, sur « la politique migratoire de la France et de l’Europe », qui sera précédé d’une déclaration du gouvernement. Objectif : « rebâtir un patriotisme inclusif », comme l’avait expliqué Emmanuel Macron à l’issue du grand débat national, en avril. « Tout est ouvert, tous les sujets pourront être abordés », assure une source au sein de l’exécutif à propos de ce débat, qui a vocation à se reproduire chaque année.
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  40. Bien que venant de la droite, le premier ministre, Edouard Philippe, montre un enthousiasme mesuré au moment d’entrer dans ce débat. « Dans ce domaine, Edouard considère qu’il faut avoir un verbe mesuré mais des actions fortes », explique un proche du chef du gouvernement, précisant que, « sur ces sujets, il n’est pas de la droite qui a passé son temps à lever le ton sans avoir de résultats ». Contrairement à un certain Nicolas Sarkozy, donc, qui avait enflammé les esprits avec le débat sur l’identité nationale et un discours incandescent sur l’immigration, à Grenoble, en 2010.
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  42. M. Macron et M. Philippe s’étaient déjà opposés sur le sujet, en décembre 2018, lors de la préparation du grand débat national. A l’époque, le premier voulait faire de l’immigration un thème à part entière de la consultation ; le locataire de Matignon avait obtenu que le sujet soit inclus dans une thématique plus large, celle de la citoyenneté.
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  44. « Je veux que nous mettions d’accord la nation avec elle-même sur ce qu’est son identité profonde, que nous abordions la question de l’immigration. Il nous faut l’affronter », avait déclaré le président de la République, lors de son allocution de décembre 2018 pour présenter le grand débat imaginé en réponse à la crise des « gilets jaunes ». « Edouard Philippe, lui, est soucieux de ne pas trop bousculer une petite frange de la majorité traumatisée par le texte asile-immigration. Il est de par sa position plus en prise avec les députés », décrypte un membre de la majorité.
  45. Endiguer la poussée de l’extrême droite
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  47. Dans l’entourage même du chef de l’Etat, cela ferraille entre les partisans d’une ligne humaniste et d’une ligne plus dure. « En gros, Philippe Grangeon [conseiller spécial] et l’aile gauche de la majorité freinent, tandis que [le ministre de l’action et des comptes publics] Gérald Darmanin et les sarkozystes poussent », décrypte un familier de l’Elysée. La République en marche (LRM) doit pour sa part consacrer son bureau exécutif du 23 septembre spécialement à cette question.
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  49. En menant cette offensive, le pouvoir entend répondre aux attentes de l’électorat de droite, qu’il convoite, et endiguer la poussée de l’extrême droite. « Vous n’avez qu’un opposant sur le terrain : c’est le Front national. Il faut confirmer cette opposition, car ce sont les Français qui l’ont choisie », a défendu M. Macron, lundi soir, devant sa majorité. « Si on n’a pas le courage de traiter ces sujets, c’est porte ouverte au Rassemblement national ! », prévient un député.
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  51. Selon l’étude annuelle « Fractures françaises », réalisée pour Le Monde par Ipsos-Sopra Steria, 64 % des Français assurent ne plus « se sentir chez [eux] comme avant » et 66 % estiment que « les immigrés ne font pas d’effort pour s’intégrer en France ». « L’immigration est un sujet majeur pour les Français. C’est comme les rochers en bord de mer : on ne les voit pas à marée haute, mais ils sont toujours là ! », souligne Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion publique à l’IFOP.
  52. Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Fractures françaises » : un pays pessimiste sur son avenir et sceptique sur ses dirigeants
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  54. Au-delà des municipales, Emmanuel Macron a surtout dans viseur la présidentielle de 2022. Un député qui a ses entrées à l’Elysée renvoie ainsi au souvenir des années Lionel Jospin à Matignon (1997-2002), qui, bien que marquées par une embellie économique, se sont achevées par la qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle à l’issue d’une campagne concentrée sur le thème de l’insécurité. « Comme à l’époque, on connaît une période de croissance, de baisse du chômage et d’augmentation du pouvoir d’achat, avec en même temps une hausse des cambriolages », souligne cet élu, qui plaide pour préparer un nouveau temps du quinquennat : « L’emploi, c’est fait, l’environnement, c’est aujourd’hui, et le régalien, c’est demain. » Et déjà un peu aujourd’hui, donc.
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  56. Cédric Pietralunga , Alexandre Lemarié et Olivier Faye
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