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- "LE CERVEAU D'UN HOMME DE DROITE" par Michel ONFRAY (Philosophe)
- > >
- > >La revue Philosophie magazine m'a demandé si, sur le principe,
- > >j'acceptais de rencontrer l'un des candidats à la présidentielles pour
- > >le questionner sur son programme culturel, son rapport aux choses de
- > >l'esprit ou sa relation à la philosophie. Dans la foulée de mon
- > >consentement, la rédaction m'a rappelé en me demandant si j'avais une
- > >objection contre Nicolas Sarkozy. Pas plus avec lui qu'avec un autre,
- > >j'aurais même consenti à Jean-Marie Le Pen tant l'approche de l'un de
- > >ces animaux politiques m'intéressait comme on visite un zoo ou un musée
- > >des horreurs dans une faculté de médecine. Ce fut donc Nicolas Sarkozy.
- > >Il me paraît assez probable que son temps passé – donc perdu…- avec Doc
- > >Gynéco ou Johnny Hallyday le dispensait de connaître un peu mon
- > >travail, même de loin. Je comptais sur la fiche des renseignements
- > >généraux et les notes de collaborateurs. De fait, les porte plumes
- > >avaient fait au plus rapide : en l'occurrence la copie de mon blog
- > >consacrée à son auguste personne. Pour mémoire, son titre était : Les
- > >habits de grand- mère Sarkozy – j'y montrais combien le candidat
- > >officiel drapait ses poils de loup dans une capeline républicaine bien
- > >inédite …
- > >Je me trouvais donc dans l'antichambre du bureau de la fameuse grand
- > >mère Sarkozy, place Beauvau, en compagnie de deux compères de la
- > >rédaction de la revue et d'un photographe qui n'en revenaient pas de se
- > >retrouver dans cette géographie de tous les coups fourrés de la
- > >République. Epicentre de la stratégie et de la tactique politique
- > >policière, espace du cynisme en acte, officine du machiavélisme en or
- > >d'Etat, et portraits des figures disciplinaires de l'histoire de France
- > >représentées en médaillons d'austères sinistres.
- > >Arrivée du Ministre de l'intérieur avec un quart d'heure d'avance, il
- > >est 17h00 ce mardi 20 février. Début houleux. Agressivité de sa part.
- > >Il tourne dans la cage, regarde, jauge, juge, apprécie la situation.
- > >Grand fauve blessé, il a lu mes pages de blog et me toise – bien
- > >qu'assis dans un fauteuil près de la cheminée. Il a les jambes
- > >croisées, l'une d'entre elles est animée d'un incessant mouvement de
- > >nervosité, le pied n'arrête pas de bouger. Il tient un cigare fin et
- > >long, étrange module assez féminin. Chemise ouverte, pas de cravate,
- > >bijoux en or, bracelet d'adolescent au poignet, cadeau de son fils
- > >probablement. Plus il en rajoute dans la nervosité, plus j'exhibe mon
- > >calme.
- > >Premier coup de patte, toutes griffes dehors, puis deuxième, troisième,
- > >il n'arrête plus, se lâche, agresse, tape, cogne, parle tout seul,
- > >débit impossible à contenir ou à canaliser. Une, deux, dix, vingt
- > >phrases autistes. Le directeur de cabinet et le porte-plume regardent
- > >et écoutent, impassibles. On les imagine capables d'assister à un
- > >interrogatoire musclé arborant le même masque, celui des gens de
- > >pouvoir qui observent comment on meurt en direct et ne bronchent pas.
- > >Le spectacle des combats de gladiateurs.
- > >Je sens l'air glacial que transportent avec eux ceux qui, d'un geste du
- > >pouce, tuent ou épargnent. Poursuite du monologue. Logorrhée
- > >interminable. Vacheries lancées comme le jet de fiel d'une bile malade
- > >ou comme un venin pulsé par le projet du meurtre. Hâbleur, provocateur,
- > >sûr de lui en excitant l'adversaire à se battre, il affirme en
- > >substance : « Alors, on vient voir le grand démagogue alors qu'on
- > >n'est rien du tout et, en plus, on vient se jeter dans la gueule du
- > >loup… » !
- > >Je fais une phrase. Elle est pulvérisée, détruite, cassée, interdite,
- > >morcelée : encore du cynisme sans élégance, toujours des phrases dont
- > >on sent qu'il les souhaiterait plus dangereuses, plus mortelles sans
- > >parvenir à trouver le coup fatal. La haine ne trouve pas d'autre chemin
- > >que dans cette série d'aveux de blessure. J'avance une autre phrase.
- > >Même traitement, flots de verbes, flux de mots, jets d'acides. Une
- > >troisième. Idem. Je commence à trouver la crise un peu longue. De toute
- > >façon démesurée, disproportionnée.
- > >Si l'on veut être Président de la République, si l'on s'y prépare
- > >depuis le berceau, si l'on souhaite présider les destinées d'un pays
- > >deux fois millénaires et jouer dans la cour des grands fauves de la
- > >planète, si l'on se prépare à disposer du feu nucléaire, si l'on
- > >s'expose depuis des années en s'invitant tous les jours dans les
- > >informations de toutes les presses, écrites, parlées, photographiées,
- > >numérisées, si l'on mène sa vie publique comme une vie privée, et vice
- > >versa, si l'on aspire à devenir le chef des armées, si l'on doit un
- > >jour garantir l'Etat, la Nation, la République, la Constitution, si,
- > >si, si, alors comment peut on réagir comme un animal blessé à mort,
- > >comme une bête souffrante, alors qu'on a juste à reprocher à son
- > >interlocuteur un blog confidentiel peu amène , certes, mais inoffensif
- > >?
- > >Car je n'ai contre moi, pour justifier ce traitement disproportionné ,
- > >que d'avoir signalé dans une poignée de feuillets sur un blog , que le
- > >candidat aux présidentielles me semblait très récemment et fort
- > >fraîchement converti à De Gaulle, au gaullisme, à la Nation, à la
- > >République, que ses citations de Jaurès et Blum apparaissaient fort
- > >opportunément dans un trajet d'une trentaine d'années au cours
- > >desquelles ces grands noms étaient introuvables dans ses interventions
- > >, questions qui, au demeurant, rendaient possible un débat, et que
- > >c'était d'ailleurs pour ces raisons que nous étions là, Alexandre
- > >Lacroix, Nicolas Truong et moi….
- > >Cette colère ne fut stoppée que par l'incidence d'une sonnerie de
- > >téléphone portable qui le fit s'éloigner dans la pièce d'à côté. Tout
- > >en se déplaçant, il répondait avec une voix douce, tendre, très
- > >affectueuse, avec des mots doux destinés très probablement à l'un de
- > >ses enfants. Le fauve déchaîné tout seul devenait un félin de salon
- > >ronronnant de manière domestique. En l‘absence du ministre, je m'ouvre
- > >à mes deux comparses en présence des deux siens et leur dit que je ne
- > >suis pas venu pour ce genre de happening hystérique et que j'envisage
- > >de quitter la place séance tenante…
- > >J'étais venu en adversaire politique, certes, la chose me paraissait
- > >entendue, et d'ailleurs plutôt publique, mais ceci n'excluait pas un
- > >débat sur le fond que je souhaitais et que j'avais préparé en apportant
- > >quatre livres enveloppés dans du papier cadeau ! Quiconque a lu Marcel
- > >Mauss sait qu'un don contraint à un contre don et j'attendais quelque
- > >chose d'inédit dans ce potlatch de primitifs post-modernes …
- > >Vaguement liquéfié, et sibyllin, le tandem de l'équipe de Philosophie
- > >magazine voyant leur scoop s'évaporer dans les vapeurs du bureau
- > >propose, dès le retour du Ministre, que nous passions à autre chose et
- > >que j'offre mes cadeaux… Je refuse en disant que les conditions ne sont
- > >pas réunies pour ce genre de geste et que, dans tous les sens du terme,
- > >il ne s'agit plus de se faire de cadeaux.
- > >« Passons alors à des questions ? A un débat ? Essayons d'échanger ? »
- > >tentent Alexandre Lacroix et Nicolas Truong. Essais, ébauche. En tiers
- > >bien à la peine, ils reprennent leurs feuilles et lancent deux ou trois
- > >sujets. La vitesse de la violence du ministre est moindre, certes, mais
- > >le registre demeure : colère froide en lieu et place de la colère
- > >incandescente, mais colère tout de même.
- > >Sur de Gaulle et le gaullisme récent, sur la Nation et la République en
- > >vedettes américaines – disons le comme ça…- de son discours
- > >d'investiture , sur la confiscation des grands noms de gauche, sur
- > >l'Atlantisme ancien du candidat et son incompatibilité avec la doctrine
- > >gaullienne, le débat ne prend pas plus . Il m'interpelle : « quelle est
- > >ma légitimité pour poser de pareilles questions ? Quels sont mes
- > >brevets de gaullisme à moi qui parle de la sorte ? Quelle arrogance me
- > >permet de croire que Guy Môcquet appartient plus à la gauche qu'à la
- > >France ? ». Donc à lui…
- > >Pas d'échanges, mais une machine performante à récuser les questions
- > >pour éviter la franche confrontation. Cet homme prend toute opposition
- > >de doctrine pour une récusation de sa personne. Je pressens que, de
- > >fait, la clé du personnage pourrait bien être dans l'affirmation
- > >d'autant plus massive de sa subjectivité qu'elle est fragile,
- > >incertaine, à conquérir encore. La force affichée masque mal la
- > >faiblesse viscérale et vécue. Aux sommets de la République, autrement
- > >dit dans la cage des grands fauves politiques, on ne trouve semble-t-il
- > >qu'impuissants sur eux-mêmes et qui, pour cette même raison, aspirent à
- > >la puissance sur les autres. Je me sens soudain Sénèque assis dans le
- > >salon de Néron…
- > >Habilement, les deux compères tâchent de reprendre le cours des choses,
- > >d'accéder un peu aux commandes de ce débat qui n'a pas eu lieu et qui,
- > >pour l'instant, leur échappe totalement. De fait, l'ensemble de cette
- > >première demi-heure se réduisait à la théâtralisation hystérique d'un
- > >être perdu corps et âme dans une danse de mort autour d'une victime
- > >émissaire qui assiste à la scène pendant que, de part et d'autre des
- > >deux camps, deux fois deux hommes assistent, impuissants, à cette scène
- > >primitive du chef de horde possédé par les esprits de la guerre. Grand
- > >moment de transe chamanique dans le bureau d'un Ministre de l'intérieur
- > >aspirant aux fonctions suprêmes de la République ! Odeurs de sang et de
- > >remugles primitifs, traces de bile et de fiel, le sol ressemble à la
- > >terre battue jonchées d'immondices après une cérémonie vaudoue…
- > >Tout bascule quand nous entamons une discussion sur la responsabilité,
- > >donc la liberté, donc la culpabilité, donc les fondements de la logique
- > >disciplinaire : la sienne . Nicolas Sarkozy parle d'une visite faite à
- > >la prison des femmes de Rennes. Nous avons laissé la politique derrière
- > >nous. Dès lors, il ne sera plus le même homme. Devenant homme,
- > >justement, autrement dit débarrassé des oripeaux de son métier, il fait
- > >le geste d'un poing serré porté à son côté droit du ventre et parle du
- > >mal comme d'une chose visible, dans le corps, dans la chair, dans les
- > >viscères de l'être.
- > >Je crois comprendre qu'il pense que le mal existe comme une entité
- > >séparée, claire, métaphysique, objectivable, à la manière d'une tumeur,
- > >sans aucune relation avec le social, la société, la politique, les
- > >conditions historiques. Je le questionne pour vérifier mon intuition :
- > >de fait, il pense que nous naissons bons ou mauvais et que, quoi qu'il
- > >arrive, quoi qu'on fasse, tout est déjà réglé par la nature.
- > >A ce moment, je perçois là la métaphysique de droite, la pensée de
- > >droite, l'ontologie de droite : l'existence d'idées pures sans
- > >relations avec le monde. Le Mal, le Bien, les Bons, les Méchants, et
- > >l'on peut ainsi continuer : les Courageux, les Fainéants, les
- > >Travailleurs, les Assistés, un genre de théâtre sur lequel chacun joue
- > >son rôle, écrit bien en amont par un Destin qui organise tout. Un
- > >Destin ou Dieu si l'on veut. Ainsi le Gendarme, le Policier, le Juge,
- > >le Soldat, le Militaire et, en face, le Criminel, le Délinquant, le
- > >Contrevenant, l'Ennemi. Logique de guerre qui interdit toute paix
- > >possible un jour.
- > >Dès lors, ne cherchons pas plus loin, chacun doit faire ce pour quoi il
- > >a été destiné : le Ministre de l'Intérieur effectue son travail, le
- > >Violeur le sien, et il en va d'une répartition providentielle (au sens
- > >théologique du terme) de ces rôles. Où l'on voit comment la pensée de
- > >droite s'articule à merveille avec l'outillage métaphysique chrétien :
- > >la faute, la pureté, le péché, la grâce, la culpabilité, la moralité,
- > >les bons, les méchants, le bien, le mal, la punition, la réparation, la
- > >damnation, la rédemption, l'enfer, le paradis, la prison, la légion
- > >d'honneur, etc.
- > >J'avance l'idée inverse : on ne choisit pas, d'ailleurs on a peu le
- > >choix, car les déterminismes sont puissants, divers, multiples. On ne
- > >naît pas ce que l'on est, on le devient. Il rechigne et refuse. Et les
- > >déterminismes biologiques, psychiques, politiques, économiques,
- > >historiques, géographiques ? Rien n'y fait. Il affirme : «
- > >J'inclinerais pour ma part à penser qu'on naît pédophile, et c'est
- > >d'ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette
- > >pathologie-là. Il y a 1200 ou 1300 jeunes qui se suicident en France
- > >chaque année, ce n'est pas parce que leurs parents s'en sont mal
- > >occupés ! Mais parce que génétiquement ils avaient une fragilité, une
- > >douleur préalable. Prenez les fumeurs : certains développent un cancer,
- > >d'autres non. Les premiers ont une faiblesse physiologique héréditaire.
- > >Les circonstances ne font pas tout, la part de l'inné est immense ». «
- > >Génétiquement » : une position intellectuelle tellement répandue
- > >outre-Atlantique !
- > >La génétique, l'inné, contre le social et l'acquis ! Les vieilles
- > >lignes de partage entre l'individu responsable de tout, la société de
- > >rien qui caractérise la droite, ou la société coupable de tout,
- > >l'individu de rien, qui constitue la scie musicale de la gauche …
- > >Laissons de côté la théorie. Je passe à l'exemple pour mieux tâcher de
- > >montrer que le tout génétique est une impasse autant que le tout
- > >social. Face à cet aveu de lieu commun intellectuel, je retrouve
- > >naturellement les techniques socratiques du lycée pour interpeller,
- > >inquiéter et arrêter l'esprit, capter l'attention de mon interlocuteur
- > >qui, de fait, semble réellement désireux d'avancer sur ce sujet.
- > >J'argumente : Lui dont chacun sait l'hétérosexualité – elle fut
- > >amplement montrée sur papier couché, sinon couchée sur papier montré…-,
- > >a-t-il eu le choix un jour entre son mode de sexualité et un autre ? Se
- > >souvient-il du moment où il a essayé l'homosexualité, la pédophilie, la
- > >zoophilie, la nécrophilie afin de décider ce qui lui convenait le mieux
- > > et d'opter, finalement, et en connaissance de cause, pour
- > >l'hétérosexualité ? Non bien sûr. Car la forme prise par sa sexualité
- > >est affaire non pas de choix ou de génétique, mais de genèse
- > >existentielle. Si nous avions le choix, aucun pédophile ne choisirait
- > >de l'être…
- > >L'argument le stoppe. Il me semble qu'à partir de ce moment, le
- > >candidat aux présidentielles, le ministre de l'intérieur, l'animal
- > >politique haut de gamme laisse le pas à l'homme, fragile, inquiet,
- > >ostensiblement hâbleur devant les intellectuels, écartant d'un geste
- > >qui peut être méprisant le propos qui en appelle aux choses de
- > >l'esprit, à la philosophie, mais finalement trop fragile pour
- > >s'accorder le luxe d'une introspection ou se mettre à la tâche
- > >socratique sans craindre de trouver dans cette boîte noire l'effroyable
- > >cadavre de son enfance.
- > >Dans la conversation, il confie qu'il n'a jamais rien entendu d'aussi
- > >absurde que la phrase de Socrate « Connais-toi toi-même ». Cet aveu me
- > >glace – pour lui. Et pour ce qu'il dit ainsi de lui en affirmant
- > >pareille chose. Cet homme tient donc pour vain, nul, impossible la
- > >connaissance de soi ? Autrement dit, cet aspirant à la conduite des
- > >destinées de la nation française croit qu'un savoir sur soi est une
- > >entreprise vaine ? Je tremble à l'idée que, de fait, les fragilités
- > >psychiques au plus haut sommet de l'Etat, puissent gouverner celui qui
- > >règne !
- > >Lors de sa parution, j'avais lu Le pouvoir et la vie de Valéry Giscard
- > >d'Estaing qui racontait ses crises d'angoisse, ses inhibitions le
- > >paralysant dans son véhicule militaire de parade le 14 juillet sur les
- > >Champs Elysées, ses prétextes pour quitter le conseil des ministres
- > >afin de subir une injection de calmant, son désir de se faire
- > >psychanalyser (par Lacan !) pendant son septennat, etc. Je me souvenais
- > >de confidences faites par tel ami bien informé sur l'état psychique
- > >fort peu reluisant de Jacques Chirac après la dissolution et sur le
- > >type de traitement psy qu'il suivait à cette époque. Je me rappelais la
- > >fin d'un François Mitterrand , entre voyantes et reliques de sainte
- > >Thérèse, invocations des forces de l' esprit , croyance en l' au-delà
- > >et abandon aux médecines de perlimpinpin.
- > >Et je voyais là, dans le regard devenu calme du fauve épuisé par sa
- > >violence, un vide d'homme perdu qui, hors politique, se défie des
- > >questions car il redoute les réponses, et qui, dès qu'il sort de son
- > >savoir faire politicien, craint les interrogations existentielles et
- > >philosophiques car il appréhende ce qu'elles pourraient lui découvrir
- > >de lui qui court tout le temps pour n'avoir pas à s'arrêter sur
- > >lui-même.
- > >Les soixante minutes techniquement consenties s'étaient allongées d'une
- > >trentaine d'autres. Les deux rôles en costumes qui le flanquaient
- > >jouaient le sablier. Je trouvais l'heure venue pour offrir mes cadeaux.
- > >Au ministre de l'intérieur adepte des solutions disciplinaires :
- > >Surveiller et punir de Michel Foucault ; au catholique qui confesse
- > >que, de temps en temps, la messe en famille l'apaise : L'Antéchrist de
- > >Nietzsche ; pour le meurtre du père, le chef de la horde primitive :
- > >Totem et tabou de Freud ; pour le libéral qui écrit que
- > >l'antilibéralisme c'est « l'autre nom du communisme » ( il dit n'avoir
- > >pas dit ça, je sors mes notes et précise le livre, la page…) :
- > >Qu'est-ce que la propriété ? de Proudhon. Comme un enfant un soir de
- > >Noël, il déchire avidement. Il ajoute : « j'aime bien les cadeaux ».
- > >Puis : « Mais je vais donc être obligé de vous en faire alors ? »…
- > >Comme prévu.
- > >Dans l'entrebâillement de la porte de son bureau, la tension est
- > >tombée. Qui prend l'initiative de dire que la rencontre se termine
- > >mieux qu'elle n'a commencé ? Je ne sais plus. Il commente : « Normal,
- > >on est deux bêtes chacun dans notre genre, non ? Il faut que ça se
- > >renifle des bêtes comme ça… ». Je suis sidéré du registre :
- > >l'animalité, l'olfaction, l'odorat. Le degré zéro de l'humanité donc.
- > >Je le plains plus encore. Je conçois que Socrate le plongerait dans des
- > >abîmes dont il ne reviendrait pas… Du moins : dont l'homme politique ne
- > >reviendrait pas. Ou, disons le autrement : dont l'homme politique
- > >reviendrait, certes, mais en ayant laissé derrière lui sa défroque
- > >politique pour devenir enfin un homme.
- > >Alors que ses cerbères le prennent presque par la manche, il manifeste
- > >le désir de continuer cette conversation, pour le plaisir du débat et
- > >de l'échange, afin d'aller plus loin. Tout de go, il me propose de
- > >l'accompagner, sans journalistes – il fait un mouvement de bras dans la
- > >direction des comparses de Philosophie magazine comme pour signifier
- > >leur congé dans un geste qui trahit ce qu'il pense probablement de
- > >toute la corporation… Je refuse. Une autre fois ? Les deux amis ont
- > >leurs deux paires d'yeux qui clignotent comme des loupiotes…Voyons donc
- > >pour plus tard… Dernier mot de Nicolas Sarkozy en forme de lapsus, il
- > >est mouvement vers la sortie : « Je suis quand même un drôle de type,
- > >non ? Je dois convaincre soixante-cinq millions de français, et je vous
- > >dis, là, que je voudrais continuer la conversation ! Hein ? Non ? Il
- > >n'y a pas autre chose à faire ? Quand même… ». Soixante-cinq millions
- > >c'est le nombre des français à convaincre d'amour, pas celui des
- > >électeurs à convaincre de voter…
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