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Sep 20th, 2017
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  1. "LE CERVEAU D'UN HOMME DE DROITE" par Michel ONFRAY (Philosophe)
  2. > >
  3. > >La revue Philosophie magazine m'a demandé si, sur le principe,
  4. > >j'acceptais de rencontrer l'un des candidats à la présidentielles pour
  5. > >le questionner sur son programme culturel, son rapport aux choses de
  6. > >l'esprit ou sa relation à la philosophie. Dans la foulée de mon
  7. > >consentement, la rédaction m'a rappelé en me demandant si j'avais une
  8. > >objection contre Nicolas Sarkozy. Pas plus avec lui qu'avec un autre,
  9. > >j'aurais même consenti à Jean-Marie Le Pen tant l'approche de l'un de
  10. > >ces animaux politiques m'intéressait comme on visite un zoo ou un musée
  11. > >des horreurs dans une faculté de médecine. Ce fut donc Nicolas Sarkozy.
  12. > >Il me paraît assez probable que son temps passé – donc perdu…- avec Doc
  13. > >Gynéco ou Johnny Hallyday le dispensait de connaître un peu mon
  14. > >travail, même de loin. Je comptais sur la fiche des renseignements
  15. > >généraux et les notes de collaborateurs. De fait, les porte plumes
  16. > >avaient fait au plus rapide : en l'occurrence la copie de mon blog
  17. > >consacrée à son auguste personne. Pour mémoire, son titre était : Les
  18. > >habits de grand- mère Sarkozy – j'y montrais combien le candidat
  19. > >officiel drapait ses poils de loup dans une capeline républicaine bien
  20. > >inédite …
  21. > >Je me trouvais donc dans l'antichambre du bureau de la fameuse grand
  22. > >mère Sarkozy, place Beauvau, en compagnie de deux compères de la
  23. > >rédaction de la revue et d'un photographe qui n'en revenaient pas de se
  24. > >retrouver dans cette géographie de tous les coups fourrés de la
  25. > >République. Epicentre de la stratégie et de la tactique politique
  26. > >policière, espace du cynisme en acte, officine du machiavélisme en or
  27. > >d'Etat, et portraits des figures disciplinaires de l'histoire de France
  28. > >représentées en médaillons d'austères sinistres.
  29. > >Arrivée du Ministre de l'intérieur avec un quart d'heure d'avance, il
  30. > >est 17h00 ce mardi 20 février. Début houleux. Agressivité de sa part.
  31. > >Il tourne dans la cage, regarde, jauge, juge, apprécie la situation.
  32. > >Grand fauve blessé, il a lu mes pages de blog et me toise – bien
  33. > >qu'assis dans un fauteuil près de la cheminée. Il a les jambes
  34. > >croisées, l'une d'entre elles est animée d'un incessant mouvement de
  35. > >nervosité, le pied n'arrête pas de bouger. Il tient un cigare fin et
  36. > >long, étrange module assez féminin. Chemise ouverte, pas de cravate,
  37. > >bijoux en or, bracelet d'adolescent au poignet, cadeau de son fils
  38. > >probablement. Plus il en rajoute dans la nervosité, plus j'exhibe mon
  39. > >calme.
  40. > >Premier coup de patte, toutes griffes dehors, puis deuxième, troisième,
  41. > >il n'arrête plus, se lâche, agresse, tape, cogne, parle tout seul,
  42. > >débit impossible à contenir ou à canaliser. Une, deux, dix, vingt
  43. > >phrases autistes. Le directeur de cabinet et le porte-plume regardent
  44. > >et écoutent, impassibles. On les imagine capables d'assister à un
  45. > >interrogatoire musclé arborant le même masque, celui des gens de
  46. > >pouvoir qui observent comment on meurt en direct et ne bronchent pas.
  47. > >Le spectacle des combats de gladiateurs.
  48. > >Je sens l'air glacial que transportent avec eux ceux qui, d'un geste du
  49. > >pouce, tuent ou épargnent. Poursuite du monologue. Logorrhée
  50. > >interminable. Vacheries lancées comme le jet de fiel d'une bile malade
  51. > >ou comme un venin pulsé par le projet du meurtre. Hâbleur, provocateur,
  52. > >sûr de lui en excitant l'adversaire à se battre, il affirme en
  53. > >substance : « Alors, on vient voir le grand démagogue alors qu'on
  54. > >n'est rien du tout et, en plus, on vient se jeter dans la gueule du
  55. > >loup… » !
  56. > >Je fais une phrase. Elle est pulvérisée, détruite, cassée, interdite,
  57. > >morcelée : encore du cynisme sans élégance, toujours des phrases dont
  58. > >on sent qu'il les souhaiterait plus dangereuses, plus mortelles sans
  59. > >parvenir à trouver le coup fatal. La haine ne trouve pas d'autre chemin
  60. > >que dans cette série d'aveux de blessure. J'avance une autre phrase.
  61. > >Même traitement, flots de verbes, flux de mots, jets d'acides. Une
  62. > >troisième. Idem. Je commence à trouver la crise un peu longue. De toute
  63. > >façon démesurée, disproportionnée.
  64. > >Si l'on veut être Président de la République, si l'on s'y prépare
  65. > >depuis le berceau, si l'on souhaite présider les destinées d'un pays
  66. > >deux fois millénaires et jouer dans la cour des grands fauves de la
  67. > >planète, si l'on se prépare à disposer du feu nucléaire, si l'on
  68. > >s'expose depuis des années en s'invitant tous les jours dans les
  69. > >informations de toutes les presses, écrites, parlées, photographiées,
  70. > >numérisées, si l'on mène sa vie publique comme une vie privée, et vice
  71. > >versa, si l'on aspire à devenir le chef des armées, si l'on doit un
  72. > >jour garantir l'Etat, la Nation, la République, la Constitution, si,
  73. > >si, si, alors comment peut on réagir comme un animal blessé à mort,
  74. > >comme une bête souffrante, alors qu'on a juste à reprocher à son
  75. > >interlocuteur un blog confidentiel peu amène , certes, mais inoffensif
  76. > >?
  77. > >Car je n'ai contre moi, pour justifier ce traitement disproportionné ,
  78. > >que d'avoir signalé dans une poignée de feuillets sur un blog , que le
  79. > >candidat aux présidentielles me semblait très récemment et fort
  80. > >fraîchement converti à De Gaulle, au gaullisme, à la Nation, à la
  81. > >République, que ses citations de Jaurès et Blum apparaissaient fort
  82. > >opportunément dans un trajet d'une trentaine d'années au cours
  83. > >desquelles ces grands noms étaient introuvables dans ses interventions
  84. > >, questions qui, au demeurant, rendaient possible un débat, et que
  85. > >c'était d'ailleurs pour ces raisons que nous étions là, Alexandre
  86. > >Lacroix, Nicolas Truong et moi….
  87. > >Cette colère ne fut stoppée que par l'incidence d'une sonnerie de
  88. > >téléphone portable qui le fit s'éloigner dans la pièce d'à côté. Tout
  89. > >en se déplaçant, il répondait avec une voix douce, tendre, très
  90. > >affectueuse, avec des mots doux destinés très probablement à l'un de
  91. > >ses enfants. Le fauve déchaîné tout seul devenait un félin de salon
  92. > >ronronnant de manière domestique. En l‘absence du ministre, je m'ouvre
  93. > >à mes deux comparses en présence des deux siens et leur dit que je ne
  94. > >suis pas venu pour ce genre de happening hystérique et que j'envisage
  95. > >de quitter la place séance tenante…
  96. > >J'étais venu en adversaire politique, certes, la chose me paraissait
  97. > >entendue, et d'ailleurs plutôt publique, mais ceci n'excluait pas un
  98. > >débat sur le fond que je souhaitais et que j'avais préparé en apportant
  99. > >quatre livres enveloppés dans du papier cadeau ! Quiconque a lu Marcel
  100. > >Mauss sait qu'un don contraint à un contre don et j'attendais quelque
  101. > >chose d'inédit dans ce potlatch de primitifs post-modernes …
  102. > >Vaguement liquéfié, et sibyllin, le tandem de l'équipe de Philosophie
  103. > >magazine voyant leur scoop s'évaporer dans les vapeurs du bureau
  104. > >propose, dès le retour du Ministre, que nous passions à autre chose et
  105. > >que j'offre mes cadeaux… Je refuse en disant que les conditions ne sont
  106. > >pas réunies pour ce genre de geste et que, dans tous les sens du terme,
  107. > >il ne s'agit plus de se faire de cadeaux.
  108. > >« Passons alors à des questions ? A un débat ? Essayons d'échanger ? »
  109. > >tentent Alexandre Lacroix et Nicolas Truong. Essais, ébauche. En tiers
  110. > >bien à la peine, ils reprennent leurs feuilles et lancent deux ou trois
  111. > >sujets. La vitesse de la violence du ministre est moindre, certes, mais
  112. > >le registre demeure : colère froide en lieu et place de la colère
  113. > >incandescente, mais colère tout de même.
  114. > >Sur de Gaulle et le gaullisme récent, sur la Nation et la République en
  115. > >vedettes américaines – disons le comme ça…- de son discours
  116. > >d'investiture , sur la confiscation des grands noms de gauche, sur
  117. > >l'Atlantisme ancien du candidat et son incompatibilité avec la doctrine
  118. > >gaullienne, le débat ne prend pas plus . Il m'interpelle : « quelle est
  119. > >ma légitimité pour poser de pareilles questions ? Quels sont mes
  120. > >brevets de gaullisme à moi qui parle de la sorte ? Quelle arrogance me
  121. > >permet de croire que Guy Môcquet appartient plus à la gauche qu'à la
  122. > >France ? ». Donc à lui…
  123. > >Pas d'échanges, mais une machine performante à récuser les questions
  124. > >pour éviter la franche confrontation. Cet homme prend toute opposition
  125. > >de doctrine pour une récusation de sa personne. Je pressens que, de
  126. > >fait, la clé du personnage pourrait bien être dans l'affirmation
  127. > >d'autant plus massive de sa subjectivité qu'elle est fragile,
  128. > >incertaine, à conquérir encore. La force affichée masque mal la
  129. > >faiblesse viscérale et vécue. Aux sommets de la République, autrement
  130. > >dit dans la cage des grands fauves politiques, on ne trouve semble-t-il
  131. > >qu'impuissants sur eux-mêmes et qui, pour cette même raison, aspirent à
  132. > >la puissance sur les autres. Je me sens soudain Sénèque assis dans le
  133. > >salon de Néron…
  134. > >Habilement, les deux compères tâchent de reprendre le cours des choses,
  135. > >d'accéder un peu aux commandes de ce débat qui n'a pas eu lieu et qui,
  136. > >pour l'instant, leur échappe totalement. De fait, l'ensemble de cette
  137. > >première demi-heure se réduisait à la théâtralisation hystérique d'un
  138. > >être perdu corps et âme dans une danse de mort autour d'une victime
  139. > >émissaire qui assiste à la scène pendant que, de part et d'autre des
  140. > >deux camps, deux fois deux hommes assistent, impuissants, à cette scène
  141. > >primitive du chef de horde possédé par les esprits de la guerre. Grand
  142. > >moment de transe chamanique dans le bureau d'un Ministre de l'intérieur
  143. > >aspirant aux fonctions suprêmes de la République ! Odeurs de sang et de
  144. > >remugles primitifs, traces de bile et de fiel, le sol ressemble à la
  145. > >terre battue jonchées d'immondices après une cérémonie vaudoue…
  146. > >Tout bascule quand nous entamons une discussion sur la responsabilité,
  147. > >donc la liberté, donc la culpabilité, donc les fondements de la logique
  148. > >disciplinaire : la sienne . Nicolas Sarkozy parle d'une visite faite à
  149. > >la prison des femmes de Rennes. Nous avons laissé la politique derrière
  150. > >nous. Dès lors, il ne sera plus le même homme. Devenant homme,
  151. > >justement, autrement dit débarrassé des oripeaux de son métier, il fait
  152. > >le geste d'un poing serré porté à son côté droit du ventre et parle du
  153. > >mal comme d'une chose visible, dans le corps, dans la chair, dans les
  154. > >viscères de l'être.
  155. > >Je crois comprendre qu'il pense que le mal existe comme une entité
  156. > >séparée, claire, métaphysique, objectivable, à la manière d'une tumeur,
  157. > >sans aucune relation avec le social, la société, la politique, les
  158. > >conditions historiques. Je le questionne pour vérifier mon intuition :
  159. > >de fait, il pense que nous naissons bons ou mauvais et que, quoi qu'il
  160. > >arrive, quoi qu'on fasse, tout est déjà réglé par la nature.
  161. > >A ce moment, je perçois là la métaphysique de droite, la pensée de
  162. > >droite, l'ontologie de droite : l'existence d'idées pures sans
  163. > >relations avec le monde. Le Mal, le Bien, les Bons, les Méchants, et
  164. > >l'on peut ainsi continuer : les Courageux, les Fainéants, les
  165. > >Travailleurs, les Assistés, un genre de théâtre sur lequel chacun joue
  166. > >son rôle, écrit bien en amont par un Destin qui organise tout. Un
  167. > >Destin ou Dieu si l'on veut. Ainsi le Gendarme, le Policier, le Juge,
  168. > >le Soldat, le Militaire et, en face, le Criminel, le Délinquant, le
  169. > >Contrevenant, l'Ennemi. Logique de guerre qui interdit toute paix
  170. > >possible un jour.
  171. > >Dès lors, ne cherchons pas plus loin, chacun doit faire ce pour quoi il
  172. > >a été destiné : le Ministre de l'Intérieur effectue son travail, le
  173. > >Violeur le sien, et il en va d'une répartition providentielle (au sens
  174. > >théologique du terme) de ces rôles. Où l'on voit comment la pensée de
  175. > >droite s'articule à merveille avec l'outillage métaphysique chrétien :
  176. > >la faute, la pureté, le péché, la grâce, la culpabilité, la moralité,
  177. > >les bons, les méchants, le bien, le mal, la punition, la réparation, la
  178. > >damnation, la rédemption, l'enfer, le paradis, la prison, la légion
  179. > >d'honneur, etc.
  180. > >J'avance l'idée inverse : on ne choisit pas, d'ailleurs on a peu le
  181. > >choix, car les déterminismes sont puissants, divers, multiples. On ne
  182. > >naît pas ce que l'on est, on le devient. Il rechigne et refuse. Et les
  183. > >déterminismes biologiques, psychiques, politiques, économiques,
  184. > >historiques, géographiques ? Rien n'y fait. Il affirme : «
  185. > >J'inclinerais pour ma part à penser qu'on naît pédophile, et c'est
  186. > >d'ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette
  187. > >pathologie-là. Il y a 1200 ou 1300 jeunes qui se suicident en France
  188. > >chaque année, ce n'est pas parce que leurs parents s'en sont mal
  189. > >occupés ! Mais parce que génétiquement ils avaient une fragilité, une
  190. > >douleur préalable. Prenez les fumeurs : certains développent un cancer,
  191. > >d'autres non. Les premiers ont une faiblesse physiologique héréditaire.
  192. > >Les circonstances ne font pas tout, la part de l'inné est immense ». «
  193. > >Génétiquement » : une position intellectuelle tellement répandue
  194. > >outre-Atlantique !
  195. > >La génétique, l'inné, contre le social et l'acquis ! Les vieilles
  196. > >lignes de partage entre l'individu responsable de tout, la société de
  197. > >rien qui caractérise la droite, ou la société coupable de tout,
  198. > >l'individu de rien, qui constitue la scie musicale de la gauche …
  199. > >Laissons de côté la théorie. Je passe à l'exemple pour mieux tâcher de
  200. > >montrer que le tout génétique est une impasse autant que le tout
  201. > >social. Face à cet aveu de lieu commun intellectuel, je retrouve
  202. > >naturellement les techniques socratiques du lycée pour interpeller,
  203. > >inquiéter et arrêter l'esprit, capter l'attention de mon interlocuteur
  204. > >qui, de fait, semble réellement désireux d'avancer sur ce sujet.
  205. > >J'argumente : Lui dont chacun sait l'hétérosexualité – elle fut
  206. > >amplement montrée sur papier couché, sinon couchée sur papier montré…-,
  207. > >a-t-il eu le choix un jour entre son mode de sexualité et un autre ? Se
  208. > >souvient-il du moment où il a essayé l'homosexualité, la pédophilie, la
  209. > >zoophilie, la nécrophilie afin de décider ce qui lui convenait le mieux
  210. > > et d'opter, finalement, et en connaissance de cause, pour
  211. > >l'hétérosexualité ? Non bien sûr. Car la forme prise par sa sexualité
  212. > >est affaire non pas de choix ou de génétique, mais de genèse
  213. > >existentielle. Si nous avions le choix, aucun pédophile ne choisirait
  214. > >de l'être…
  215. > >L'argument le stoppe. Il me semble qu'à partir de ce moment, le
  216. > >candidat aux présidentielles, le ministre de l'intérieur, l'animal
  217. > >politique haut de gamme laisse le pas à l'homme, fragile, inquiet,
  218. > >ostensiblement hâbleur devant les intellectuels, écartant d'un geste
  219. > >qui peut être méprisant le propos qui en appelle aux choses de
  220. > >l'esprit, à la philosophie, mais finalement trop fragile pour
  221. > >s'accorder le luxe d'une introspection ou se mettre à la tâche
  222. > >socratique sans craindre de trouver dans cette boîte noire l'effroyable
  223. > >cadavre de son enfance.
  224. > >Dans la conversation, il confie qu'il n'a jamais rien entendu d'aussi
  225. > >absurde que la phrase de Socrate « Connais-toi toi-même ». Cet aveu me
  226. > >glace – pour lui. Et pour ce qu'il dit ainsi de lui en affirmant
  227. > >pareille chose. Cet homme tient donc pour vain, nul, impossible la
  228. > >connaissance de soi ? Autrement dit, cet aspirant à la conduite des
  229. > >destinées de la nation française croit qu'un savoir sur soi est une
  230. > >entreprise vaine ? Je tremble à l'idée que, de fait, les fragilités
  231. > >psychiques au plus haut sommet de l'Etat, puissent gouverner celui qui
  232. > >règne !
  233. > >Lors de sa parution, j'avais lu Le pouvoir et la vie de Valéry Giscard
  234. > >d'Estaing qui racontait ses crises d'angoisse, ses inhibitions le
  235. > >paralysant dans son véhicule militaire de parade le 14 juillet sur les
  236. > >Champs Elysées, ses prétextes pour quitter le conseil des ministres
  237. > >afin de subir une injection de calmant, son désir de se faire
  238. > >psychanalyser (par Lacan !) pendant son septennat, etc. Je me souvenais
  239. > >de confidences faites par tel ami bien informé sur l'état psychique
  240. > >fort peu reluisant de Jacques Chirac après la dissolution et sur le
  241. > >type de traitement psy qu'il suivait à cette époque. Je me rappelais la
  242. > >fin d'un François Mitterrand , entre voyantes et reliques de sainte
  243. > >Thérèse, invocations des forces de l' esprit , croyance en l' au-delà
  244. > >et abandon aux médecines de perlimpinpin.
  245. > >Et je voyais là, dans le regard devenu calme du fauve épuisé par sa
  246. > >violence, un vide d'homme perdu qui, hors politique, se défie des
  247. > >questions car il redoute les réponses, et qui, dès qu'il sort de son
  248. > >savoir faire politicien, craint les interrogations existentielles et
  249. > >philosophiques car il appréhende ce qu'elles pourraient lui découvrir
  250. > >de lui qui court tout le temps pour n'avoir pas à s'arrêter sur
  251. > >lui-même.
  252. > >Les soixante minutes techniquement consenties s'étaient allongées d'une
  253. > >trentaine d'autres. Les deux rôles en costumes qui le flanquaient
  254. > >jouaient le sablier. Je trouvais l'heure venue pour offrir mes cadeaux.
  255. > >Au ministre de l'intérieur adepte des solutions disciplinaires :
  256. > >Surveiller et punir de Michel Foucault ; au catholique qui confesse
  257. > >que, de temps en temps, la messe en famille l'apaise : L'Antéchrist de
  258. > >Nietzsche ; pour le meurtre du père, le chef de la horde primitive :
  259. > >Totem et tabou de Freud ; pour le libéral qui écrit que
  260. > >l'antilibéralisme c'est « l'autre nom du communisme » ( il dit n'avoir
  261. > >pas dit ça, je sors mes notes et précise le livre, la page…) :
  262. > >Qu'est-ce que la propriété ? de Proudhon. Comme un enfant un soir de
  263. > >Noël, il déchire avidement. Il ajoute : « j'aime bien les cadeaux ».
  264. > >Puis : « Mais je vais donc être obligé de vous en faire alors ? »…
  265. > >Comme prévu.
  266. > >Dans l'entrebâillement de la porte de son bureau, la tension est
  267. > >tombée. Qui prend l'initiative de dire que la rencontre se termine
  268. > >mieux qu'elle n'a commencé ? Je ne sais plus. Il commente : « Normal,
  269. > >on est deux bêtes chacun dans notre genre, non ? Il faut que ça se
  270. > >renifle des bêtes comme ça… ». Je suis sidéré du registre :
  271. > >l'animalité, l'olfaction, l'odorat. Le degré zéro de l'humanité donc.
  272. > >Je le plains plus encore. Je conçois que Socrate le plongerait dans des
  273. > >abîmes dont il ne reviendrait pas… Du moins : dont l'homme politique ne
  274. > >reviendrait pas. Ou, disons le autrement : dont l'homme politique
  275. > >reviendrait, certes, mais en ayant laissé derrière lui sa défroque
  276. > >politique pour devenir enfin un homme.
  277. > >Alors que ses cerbères le prennent presque par la manche, il manifeste
  278. > >le désir de continuer cette conversation, pour le plaisir du débat et
  279. > >de l'échange, afin d'aller plus loin. Tout de go, il me propose de
  280. > >l'accompagner, sans journalistes – il fait un mouvement de bras dans la
  281. > >direction des comparses de Philosophie magazine comme pour signifier
  282. > >leur congé dans un geste qui trahit ce qu'il pense probablement de
  283. > >toute la corporation… Je refuse. Une autre fois ? Les deux amis ont
  284. > >leurs deux paires d'yeux qui clignotent comme des loupiotes…Voyons donc
  285. > >pour plus tard… Dernier mot de Nicolas Sarkozy en forme de lapsus, il
  286. > >est mouvement vers la sortie : « Je suis quand même un drôle de type,
  287. > >non ? Je dois convaincre soixante-cinq millions de français, et je vous
  288. > >dis, là, que je voudrais continuer la conversation ! Hein ? Non ? Il
  289. > >n'y a pas autre chose à faire ? Quand même… ». Soixante-cinq millions
  290. > >c'est le nombre des français à convaincre d'amour, pas celui des
  291. > >électeurs à convaincre de voter…
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