Affaire Aminata Diallo - Le Parisien

C’est un volet de l’affaire Diallo-Hamraoui resté jusqu’à présent secret. En enquêtant sur l’agression à coups de barre de fer dont la joueuse du PSG Kheira Hamraoui a été victime le 4 novembre 2021, les policiers de la PJ de Versailles ont découvert le rôle de César M. , un proche d’Aminata Diallo, agent officieux de plusieurs joueuses du PSG et compagnon de l’une d’entre elles. Un homme avec lequel Aminata Diallo serait liée, selon eux, par une « connivence profonde ».

Un pacte secret scellé autour de deux objectifs constituerait le socle de leur relation : tout faire pour évincer Kheira Hamraoui du PSG à l’issue de la saison 2021-2022 et obtenir dans le même temps une offre de prolongation de contrat de la part du club parisien pour Diallo. Dans cette double optique, l’un et l’autre auraient uni leurs forces et leurs réseaux, y compris au plus haut niveau du PSG, afin de chambouler l’organigramme de la section féminine et écarter les dirigeants susceptibles d’entraver leurs projets.

C’est en tout cas la lecture que les magistrats et les enquêteurs ont faite des multiples correspondances et échanges téléphoniques interceptés au cours des mois qui ont suivi l’agression de Kheira Hamraoui. Le 29 mars, l’enquête a été élargie au chef « d’escroquerie en bande organisée ». Un volet de l’affaire qui n’a fait l’objet pour le moment d’aucune mise en examen.

Pour comprendre les origines de cette « affaire dans l’affaire », il faut remonter au mois d’octobre 2021. Au cours des semaines qui précèdent l’agression d’Hamraoui, entre le 2 et le 29 octobre, Diallo et César M. conversent à 33 reprises par le biais de leur ligne téléphonique. Rien d’anormal à cela : ils se connaissent depuis plusieurs années, partagent un langage commun et des intérêts convergents.
Peu avant l’agression, ils semblent se mettre à utiliser des messageries cryptées

Dans le passé, Aminata Diallo, joueuse du PSG depuis 2016, aurait même suggéré à Marie-Antoinette Katoto, l’avant-centre vedette du club de la capitale, de confier officieusement la gestion de sa carrière à César. Après l’agression d’Hamraoui, le 4 novembre, le duo cesse d’utiliser la ligne mobile traditionnelle et semble opter pour des conversations par messageries cryptées.
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Les policiers notent aussi que leurs conversations WhatsApp se sont interrompues le 24 octobre, date à laquelle commencent les premiers appels anonymes à destination de plusieurs joueuses du PSG visant à ternir l’image de Kheira Hamraoui. Ces changements d’habitude sont perçus par les enquêteurs comme « une volonté apparente de dissimulation ».
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Plus étrange encore, une communication téléphonique est détectée entre la ligne utilisée par César M. et celle utilisée par le « corbeau », auteur des appels malveillants. Dans ce contexte, magistrats et policiers décident de placer la ligne téléphonique de César M. sous surveillance.

C’est de cette façon qu’ils lèvent le voile sur les pratiques de cet agent pas comme les autres. L’une de ses conversations est notamment interceptée le 7 avril avec Ulrich Ramé, ex-gardien de but des Girondins de Bordeaux devenu directeur sportif de la section féminine du PSG. César M. avance alors à son interlocuteur que la prolongation de contrat de Marie-Antoinette Katoto, l’attaquante star du PSG et de l’équipe de France dont il gère les intérêts, sera conditionnée d’une part à la conclusion d’un nouveau contrat pour Aminata Diallo et d’autre part à l’éviction de Kheira Hamraoui. Les coups de poker de ce genre sont peut-être classiques dans les arrière-cuisines du football.

Mais au cours de cet échange, César M. n’hésite pas non plus à agiter la menace d’un scandale qui entacherait la réputation de l’entraîneur Didier Ollé-Nicolle et par ricochet, celle du PSG. Il fait alors référence à des gestes déplacés (notamment des mains aux fesses) que le coach aurait eus à l’égard de l’une de ses jeunes joueuses, mineure. L’affaire a été réglée en interne ou étouffée, selon les points de vue, mais César M. suggère à Ramé qu’elle pourrait surgir sur la place publique à tout moment. « Ollé-Nicolle… C’est un scandale ! On a arrondi les angles… On a zappé… Mais il y a quand même des gens qui sont au courant… Beaucoup de gens dont moi. Imagine qu’elle pète un câble ? Imagine que le père il craque ? Tu vois, c’est pervers, c’est injuste mais enfin c’est humain… ».
Le but ? Obtenir des « bonnes » prolongations de contrat

Au fil de ses échanges avec d’autres dirigeants parisiens, les policiers versaillais perçoivent les signes de manœuvres d’intimidation dans le but d’obtenir des prolongations de contrat ronflantes pour les joueuses dont il gère officieusement les carrières. Quant à la sonorisation policière de l’appartement et de la voiture d’Aminata Diallo, elle permet de mesurer la haine toujours vivace à l’égard de Kheira Hamraoui.

Le 21 avril, à trois jours d’une demi-finale de Ligue des champions qui oppose le PSG à l’Olympique Lyonnais, César M. annonce à sa protégée la titularisation de sa rivale dans l’entrejeu parisien. « L’autre pute, elle sera titulaire, c’est un truc de malade putain (…) Elle vient pas aux entraînements, elle casse les couilles aux matchs… Même aux matchs ! » Aminata Diallo semble outrée elle aussi. « C’est grave (…) À un moment donné, s’ils se permettent de faire ça, c’est parce que les joueuses, elles ne font rien, elles ne disent rien (…) les filles réveillez-vous (…) Le problème, c’est pas Kheira, le problème c’est le coach et Ramé ».
Une bagarre à l’entraînement téléguidée ?

Deux jours plus tard, conformément aux vœux que semblait formuler Aminata Diallo, une bagarre éclate à l’entraînement entre Hamraoui et plusieurs de ses coéquipières : Sandy Baltimore d’abord puis Kadidiatou Diani, la compagne de César M., et Marie-Antoinette Katoto. L’incident est révélé le jour même par le journaliste indépendant Romain M., originaire lui aussi de la région grenobloise et correspondant régulier d’Aminata Diallo.

Quelques semaines plus tard, le même journaliste aux 400 000 abonnés sur Twitter est l’auteur de nouvelles révélations, cette fois sur les faits allégués d’agression sexuelle commis par Didier Ollé-Nicolle sur l’une de ses jeunes joueuses. Un épisode dont César M. avait parlé début avril avec Ulrich Ramé en évoquant la possibilité qu’il soit un jour exposé sur la place publique. La menace était à peine voilée. Cette fois, les policiers ont la conviction qu’elle vient d’être mise à exécution. Le petit séisme médiatique qui en découle semble faire la joie du duo Diallo-César M. D’autant plus qu’une information judiciaire est ouverte fin mai contre X du chef d’agression sexuelle par personne ayant autorité. L’entraîneur est mis à pied par le club et finalement évincé.
Corinne Diacre, elle aussi, prise pour cible

Galvanisés par cet événement, la joueuse du PSG et son conseiller, toujours selon les écoutes réalisées par les enquêteurs, envisagent désormais de s’attaquer à Corinne Diacre, sélectionneuse de l’équipe de France féminine qui aurait le tort à leurs yeux de lui préférer Hamraoui, encore et toujours.

Aminata Diallo lui reproche en particulier son hypocrisie dans l’une de ses saillies verbales dont elle a le secret. « Wallah les petits hommes en costard qui te font des sourires par-devant !! Bande de fils de pute… Bande de bâtards va !! Et Corinne (Diacre), comment ça va Aminata ? Sale pute ! Vous croyez que c’est un jeu band de bâtards ? (…) Apparemment, on est une bande de caïds à Paris ? Une bande de banlieue ? Corinne, t’inquiète pas c’est prévu !! Dès que c’est prolongé au PSG, tu vas voir elle… » Quant à César, il fustige « les racailles de babtous (blancs) » qu’il faut « découper » au sein du club, ce que les policiers interprètent comme « une revendication raciale ». « Je te jure Ami, il faut leur faire la guerre ! », ajoute-t-il, belliqueux.
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Les enquêteurs ne sont pas au bout de leur surprise. Pour asseoir leur pouvoir et leur influence sur l’avenir de la section féminine du PSG, l’agent officieux et la joueuse semblent se prévaloir d’une proximité étonnante avec la famille Mbappé, au point de « sembler se sentir intouchables », notent les enquêteurs. « Le duo Diallo-César M usait alors de ce soutien pour écarter par tous les moyens de la section féminine, Kheira Hamraoui mais également Ulrich Ramé, directeur sportif et Didier Ollé-Nicolle, entraîneur de la même formation », précise le rapport de synthèse.
Elle a rencontré la mère de Kylian Mbappé pour un projet de documentaire

L’origine de ce rapprochement entre Aminata Diallo et la famille Mbappé remonte aux semaines qui suivent la garde à vue de la joueuse parisienne, le 10 novembre. C’est un ancien journaliste du quotidien l’Équipe, proche de la famille Mbappé et originaire de la région grenobloise comme Diallo, qui aurait servi de trait d’union. Contactée hier par Le Parisien, Fayza Lamari, mère de Kylian Mbappé explique avoir rencontré Aminata Diallo dans le cadre d’un projet de documentaire consacrée à l’affaire Hamraoui que comptait développer une boîte de production américaine en collaboration avec Zebra Valley, la société dont Kylian est le propriétaire.

« Nous nous sommes vus à trois reprises, détaille Fayza Lamari. Une première fois en novembre à Paris lors d’une soirée de présentation de la bande dessinée sur la vie de Kylian, puis à Dubaï au cours des vacances de Noël et une troisième fois au Parc des Princes lors d’un match de Ligue des champions ». Fayza Lamari, que l’on sait de plus en plus influente dans le milieu du ballon rond au regard de la notoriété de son fils, a-t-elle été émue par la joueuse au point de vouloir la prendre sous sa protection bienveillante ?
« J’ai pris mes distances avec elle »

Une conversation interceptée entre Aminata Diallo et l’ex-journaliste proche des Mbappé éveille l’attention des enquêteurs. Elle leur laisse à penser que la mère de l’attaquant du PSG pourrait intercéder auprès des dirigeants du club en faveur de la prolongation du contrat d’Aminata Diallo. Des propos jugés crédibles car dans la même conversation, la joueuse et l’ex-journaliste évoquaient comme certaine la prolongation de contrat assez inattendue de l’attaquant vedette au PSG, plusieurs semaines avant son officialisation.

La mère du champion du monde reconnaît aujourd’hui avoir « évoqué le sujet de la prolongation de contrat d’Aminata Diallo avec les dirigeants du PSG, mais de façon très informelle, désintéressée et toujours dans le contexte du projet de documentaire ». Et surtout pas, précise-t-elle, au cours de son séjour au Qatar en avril lorsqu’elle a rencontré les propriétaires du club. « Il n’a jamais été question de ce sujet lors de mon déplacement à Doha en avril dernier où j’étais concentrée sur la prolongation de contrat de mon fils », appuie la mère de Kylian Mbappé.

Quelques semaines plus tard, Zebra Valley se serait retiré du projet de documentaire. « Quand j’ai appris que le PSG ne souhaitait pas offrir un nouveau contrat à Aminata pour des raisons probablement liées à l’affaire, j’ai pris mes distances avec elle », souligne Fayza Lamari. La mère de Kylian Mbappé n’a jamais été entendue, ne serait-ce comme témoin, par les enquêteurs.
En janvier, César M. a été entendu comme témoin

Contacté, Me Jonas Haddad, l’avocat de César M., affirme que son client « continue à avoir des relations apaisées et constructives avec le PSG », précisant qu’il « se réserve le droit de porter plainte en diffamation contre quiconque ferait le lien entre son client et cette affaire sordide. Concernant les accusations de harcèlement sexuel par un membre du staff de l’équipe féminine du PSG, il a exprimé des aspirations comme on peut le faire dans n’importe quel groupe où se passent de tels agissements. » Pour le moment, César M. n’a été entendu qu’une seule fois par les policiers de la PJ de Versailles. C’était début janvier en qualité de témoin.

Quant à Kheira Hamraoui, 32 ans, sous contrat jusqu’en juin prochain avec le PSG mais mise à l’écart du groupe depuis le début de la saison, elle doit être réintégrée aux entraînements collectifs « dans les prochains jours ». Enfin, Aminata Diallo, mise en examen pour violences aggravées et association de malfaiteurs et écrouée depuis vendredi, comparaît ce mercredi devant le juge des libertés et de la détention qui doit statuer sur son maintien ou non en détention provisoire. Sollicité, son avocat, Me Mourad Battikh n’a pas souhaité s’exprimer.