La fable aux longues oreilles

Jeune lapereau, cesse tout ce zèle.
Calme-toi, tends tes longues oreilles.
L’histoire qui suit ne date pas de la veille.
Pourtant tout y est presque pareil.

Les lapins y courent déjà.
Rêvant, s’amusant, foisonnant, etcetera.
Mais des monstres sont pourtant là.
Qui chassent, dévorent, et c’est comme ça.

Pour les épier, jouer la sentinelle
On nous confia nos longues oreilles.
Et nous reconnaitre, dépassant vers le ciel
Ou écouter, quel organe exceptionnel !

Mais parmi les monstres, le plus redouté
Aux crocs pointus, savait bien se cacher
À patte de velours, il pouvait s’approcher
Et nous tuer s’il n’était vite démasqué.

Puis un jour, sous un beau soleil
Un des nôtre tendit ses longues oreilles
Et perçut une bien étrange ritournelle
Qui criait grâce, priait le ciel.

Comme toi, surement, il était curieux
Et surement encore trop audacieux
Il partit voir, cet orgueilleux
Qui donc réclamait tant l’aide des dieux

Surprise pour lui, une Crocs pointus
Gisait, couchée là, tout étendue.
Les pattes attachées, blessée, vaincue
Piégée par ces monstres si peu velus

Notre ami voulu fuir, un peu frêle
C’est alors que Crocs Pointus l’interpelle
« Aide-moi, je t’en prie, Longues oreilles !
Ronge ces liens qui pourraient m’être mortels »

« Je sais ce que les tiens font des miens
Me faire manger, ça ne me dit rien
Te libérer, ce ne serait vraiment pas malin »
Lui répondit, apeuré, notre lapin.

« Tu n’as pourtant pas encore fuis,
Dévorer mon sauveur, quelle infamie !
Libère moi, je te devrai la vie
Je suis sûre que nous pourrions devenir amis »

Devant cette promesse solennelle
Notre lapin libéra la dangereuse femelle
Et commença une relation nouvelle
D’une Crocs Pointus et d’un Longues Oreilles

La terrible féline, une fois rétablie,
Veilla sur son camarade avec un soin infini
L’aidant à repérer ses mortels ennemis
Lui évitant ainsi bien des ennuis

Mais un jour, un autre Crocs Pointus
Tenta de manger le lapin tout crû
Rien à faire, notre fameuse ingénue
S’interposa et le protégea, qui l’eut cru !

Les liens qui la liaient au Longues oreilles
Prirent alors une tournure plus passionnelle
Allant même jusqu’à en devenir charnelle
Ce qui donna naissance à une bête nouvelle

Cette portée inédite, l’originelle
Des crocs pointus hérités de la femelle
Ainsi qu’un corps presque pareil
Mais du père, ils gardaient les longues oreilles

Hélas pour nous, ces jeunes merveilles
N’avaient pas fait de promesses irrationnelles
Ainsi, une fois adultes, c’est naturel
De leur père Ils laissèrent, une flaque vermeille

C’est de cette portée criminelle
Que descendent nos ennemis si fraternels
Qui, discrets, s’approchent sans zèle
Et nous trahissent de leurs longues oreilles

La nature ne pardonne pas
On n’allie pas prédateur et proie
Et si pareille lien un jour germa
Pense aux soucis que cela engendra !

Jeune lapereau, suis mon conseil
Ne te fie pas trop  au visuel
Garde cette histoire dans ta cervelle
Celle de la fable aux longues oreilles !


Cette fable, contée à un lapin à son petit, raconte la naissance des Aurulves en terre des Murmures, désignés ici comme « Crocs pointus ». Ce sont des félins comparables aux lynx, à la différence qu’ils partagent avec les lapins leurs longues oreilles, d’où cette histoire.