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Le Coran aurait pu être un apocryphe chrétien

Apr 16th, 2024
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  1. « Le Coran aurait pu être un apocryphe chrétien »
  2. Le Point, samedi 12 novembre 2022
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  4. par Laurence Moreau
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  6. ENTRETIEN. Dans « Histoire du Coran » (Cerf), des spécialistes analysent la langue coranique et les influences juives et chrétiennes sur l'islam naissant.
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  8. Avec Histoire du Coran (Cerf), un ouvrage collectif qui rassemble les plus grands spécialistes de l'histoire du livre sacré de l'islam, Mohammad Ali Amir-Moezzi etGuillaume Dyeproposent une nouvelle version du fameux Coran des historiens qui avait permis en 2019 au grand public de découvrir les dernières recherches sur le contexte de l'apparition du texte coranique.
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  10. Les recherches sur le Coran vont, en effet, bon train et ce nouvel ouvrage présente des résultats inédits, par exemple sur la figure d'Alexandre dans le Coran, mais aussi des chapitres nouveaux sur deux sujets fondamentaux, la langue coranique et le rapport du livre avec les écrits apocryphes chrétiens.
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  12. Le Point : L'arabe du Coran est-il particulier ?
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  14. Mohammad Ali Amir-Moezzi : Oui, contrairement à ce que l'on entend souvent, ce n'est pas l'arabe classique ou littéraire, mais une langue très difficile à comprendre, même par un arabisant qui n'en serait pas spécialiste. Ceux qui se mettent à l'arabe aujourd'hui ne pourront pas lire aisément le Coran avant de nombreuses années, et encore leur faudra-t-il la médiation d'un expert.
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  16. Mais les enfants ne l'apprennent-ils pas dans les écoles coraniques ?
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  18. Oui, mais ils ne comprennent presque jamais ce qu'ils apprennent. En fait, moins de 1 % de la population musulmane mondiale peut avoir un accès direct au texte coranique. D'abord, 85 % des musulmans ne sont pas arabophones : le Nigeria et l'Indonésie, les deux plus grands pays musulmans, n'ont rien à voir avec la langue et la culture arabes ; de même que l'Inde, le Pakistan et le Bangladesh, qui représentent à eux trois la moitié de la population musulmane mondiale. Mais, même dans les pays arabes, très peu de lettrés comprennent l'arabe coranique sans le filtre des exégètes, comme le rappelle Pierre Larcher dans Histoire du Coran.
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  20. La langue arabe est pourtant sacrée. Peut-on lire le Coran dans une autre langue ?
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  22. La langue arabe est déclarée sacrée, certes, mais seulement depuis le IIIe siècle de l'hégire, soit le IXe siècle de l'ère chrétienne. Le texte coranique lui-même dit bien qu'il a été révélé dans la langue arabe, mais il ne donne aucune sacralité à cela. La Révélation est descendue en arabe car le prophète Mohammed était arabe. Ce n'est d'ailleurs qu'au premier siècle de l'hégire que le cinquième calife Abd al-Malik a exigé que la langue officielle de l'empire musulman soit l'arabe.
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  24. De nombreux mots et expressions énigmatiques.
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  26. Jusque-là, la langue administrative était soit le grec dans les terres byzantines, soit le moyen-perse dans les terres iraniennes. Le fait que l'arabe devienne la langue de l'empire a enclenché les spéculations sur sa sacralité, mais ça a aussi provoqué des résistances. Au IXe siècle, les Persans ont exigé que le livre sacré de l'islam soit traduit dans leur langue. C'est la première traduction du Coran.
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  28. Quelles sont les particularités de cette langue coranique ?
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  30. Elle contient de nombreux mots et expressions énigmatiques, d'autres provenant du guèze, du syriaque ou de l'hébreu, les langues liturgiques des religions alors présentes en Arabie. Il ne faut toutefois pas s'en étonner : thèmes et figures bibliques sont très présents dans le Coran, qui se présente comme le prolongement des messages reçus par Moïse et Jésus.
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  32. Dans Histoire du Coran, l'historien Rémi Gounelle propose une analyse des relations entre les textes apocryphes chrétiens et le Coran. Les ressemblances sont troublantes...
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  34. De nombreux passages semblent être effectivement des paraphrases en arabe de textes chrétiens ou judéo-chrétiens antérieurs, textes qui circulaient alors en Syrie-Palestine, en Irak et en Arabie, notamment grâce à des moines et des ascètes itinérants.Stephen Shoemaker, lui aussi présent dans ce livre, émet une hypothèse intéressante : supposons que les Arabes n'aient pas vaincu les Byzantins et les Perses sassanides, qu'ils n'aient pas constitué un empire, que l'islam ne soit pas devenu une religion mondiale et que l'on ait découvert au fin fond de l'Arabie au XIXe ou XXe siècle un texte qui s'appelle le Coran. Comment les savants de l'époque l'auraient-ils défini ? Il y a de fortes chances qu'ils aient alors parlé d'un apocryphe chrétien.
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  36. Pourquoi ?
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  38. Parce qu'il en a presque toutes les caractéristiques : présence massive et allusive des thèmes et des personnages issus de la Bible, prières, préceptes moraux et juridiques, des parties apocalyptiques, etc. On a parfois l'impression que c'est un apocryphe chrétien adapté au milieu arabe avec la présence de prophètes arabes comme Hûd ou Sâlih ou quelques références à des idoles de l'Arabie païenne. Donc, oui, c'est une hypothèse plausible.
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  40. L'« Histoire du Coran », aux éditions Cerf. Cerf
  41. Mohammad Ali Amir-Moezzi et Guillaume Dye, Histoire du Coran. Contexte, origine, rédaction. Éditions du Cerf, 1 092 pages, 34 euros
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