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Jan 29th, 2025
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  1. # Google, la carte et le territoire.
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  3. « Une entreprise qui cartographie la planète Terre, dépêchant des équipes dans chacune des rues de chacune de ses villes, ne peut avoir que des visées platement commerciales. » – À nos amis, Le Comité Invisible
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  5. Plongez dans les rues d’un pays inconnu avec Google Street View en baladant nonchalamment Pegman, le bonhomme jaune. Survolez la terre en quelques clics avec Google Earth. Trouvez efficacement vos trajets avec Google Maps. Voilà le monde selon Google, un monde où l’on se perd, tant on peut passer du temps à le survoler. Un monde qui paraît aussi infiniment plus proche. Oui, mais. À y regarder de plus près, quel monde Google nous donne-t-il à voir ?
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  7. Les cartes produisent le territoire. À l’époque des cartes en papier de papa, les voix géocritiques comme celle de Doreen Massey ou Bernard Harvey, inspirées fortement par les débats post-colonialistes, et le philosophe Michel Foucault s’élevaient déjà pour «décoloniser» et repenser la carte. Cette dernière était vue non seulement comme un outil hautement stratégique (un «acte de surveillance» dénonçait Foucault) mais aussi comme instrument de délimitation de la frontière, un objet de domination, utilisé par les puissances coloniales pour asseoir leur pouvoir et imposer le partage du territoire qui convenait à leurs intérêts et non à ceux des populations indigènes.
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  9. Les cartes de Google sont également le produit d’un processus cartographique non transparent, mené par une entreprise occidentale qui a là ses propres intérêts commerciaux. Seulement, le paradigme change par rapport aux cartes papier. Les cartes Google sont d’abord des interfaces de navigation omniprésentes qui nous donnent accès ou non à un lieu. Ce sont aussi des bases de données en temps réel qui agrègent non seulement nos trajets mais aussi des contributions personnelles de millions d’utilisateurs – majoritairement occidentaux – qui indexent bon nombre de positions géographiques, correspondant à leur référentiel géographique et linguistique. Cela contribue à créer une représentation biaisée et partisane du monde. Enfin, c’est surtout une plate-forme modérée par le code et qui modèle donc notre compréhension de l’espace qui nous entoure. Et selon l’adage de Lessig, « Code is law ». C’est ainsi que le code se fait médiateur de l’espace (comme le rappellent les chercheurs Robert Kitchin et Martin Dodge dans leur ouvrage de référence Code/Space) et reflète des relations de pouvoirs existantes ou renforcées par ce que Google choisit délibérément de montrer.
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  11. Il y a les lieux que l’entreprise ne montre pas. En Afrique par exemple, de nombreux pays n'ont aucune route de tracée sur les cartes ; certaines capitales ne sont que partiellement dessinées. C’est que le service Maps sert avant tout à mettre en valeur des commerces par le biais d'annonces, et que les commerces connectés ne sont pas suffisamment intéressants en Afrique.
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  13. Il y a ensuite les lieux que Google ne veut pas montrer. S'appuyant sur des listes de bâtiments à protéger, l'entreprise applique un flou parfois ténu, parfois fortement glitché pour masquer les lieux vulnérables, les frontières sensibles ou les équipements tenus secrets. Et encore, Google n'applique ces filtres que pour certains pays, laissant l'Inde ou la Corée du Sud afficher pudiquement des lieux qu'ils n'aimeraient pas dévoiler à leurs voisins. Une sorte de transparence sélective, en somme.
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  15. Il y a enfin les espaces que Google ne sait nommer. Selon que l'on soit en Chine ou ailleurs, Taiwan n'apparaît pas de la même manière. Dans Maps, les résultats de recherche d’un simple «restaurant» à Tel-Aviv en hébreu et en anglais montrent une présence écrasante d’établissements répertoriés. Alors qu’il y en a si peu lorsque la recherche est faite en langue arabe. Cela illustre comment Google donne à voir, et renforce, le «pouvoir» dominant.
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  17. Enfin, il y a les espaces sur lesquels Google insiste. Ainsi, alors la Corée du Nord n’a que très peu de routes tracées, ses camps ont droit à une présentation plus que spéciale.
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  19. Et ce ne sont là que quelques exemples parmi d’autres ; les cartes selon Google sont des artefacts éminemment politiques qui façonnent notre vision du monde. Ces quelques exemples permettent de saisir quel monde Google entend cartographier, et donc posséder, fluctuant au gré des intérêts géopolitiques ou économiques. It’s a Google world, le meilleur des mondes.
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  21. Lilas Guevara & Alexandre Léchenet
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