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Jul 19th, 2018
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  7. Echo Perpétuel
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  9. Chapitre I
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  16. "Ironie de la nature, l'Homme n'est pas immunisé contre son propre venin."
  17. - Stéphane Mobaert, philosophe.
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  22. Suite à la guerre d'Iran, et au lâcher inévitable de la bombe K sur ce dernier, un
  23. engrenage fatidique fut mis en mouvement, dont le premier cran fut, ironiquement, le
  24. moins lourd à supporter.
  25.  
  26. La deuxième dent de la roue métaphorique s'engagea le matin du 25 décembre 2017, quand
  27. la Corée du Nord, n'ayant plus d'autre options pour garantir leur sécurité, envoyèrent
  28. le "Guerrier Sans Cause" sur les Etats-Unis. Engin de destruction aux propriétés
  29. nouvelles, le Guerrier carbonisa quasi-instantanément toute vie sur le continent
  30. Nord-Américain. Deux ondes de choc parcoucurent la planète. Une, physique, causa des
  31. brûlures légères à des personnes situées un peu partout sur le globe, stoppa net quelques
  32. pacemakers, et provoqua de nombreuses coupures d'électricité. L'autre, politique, fut la
  33. création immédiate de l'ASOW: Allied States Of the World, organisation regroupant tous les
  34. pays de la planète, à l'exception bien entendu de la Corée du Nord, ainsi que de quelques
  35. autres pays réticents: la côte d'Ivoire, en pleine guerre civile, le Mexique, ou plutôt ce
  36. qu'il en restait, sans gouvernement ni organisation, la Suisse, fière de sa neutralité, et
  37. le Nouvel Israël, regroupement de l'ancien Israël et de quelques pays voisins conquis
  38. durant la Grande Guerre de Palestine en 2015, qui refusait d'avoir à faire à nouveau la
  39. guerre - car tel était le but de l'ASOW, s'unir pour mieux détruire la Corée du Nord.
  40. Garantir la paix mondiale par l'intermédiaire de la guerre.
  41.  
  42. L'engrenage continuait de tourner, engageant irréversiblement avec lui l'activation d'un
  43. mécanisme d'auto-destruction. Une dent de plus s'engagea, et une autre, et encore une autre...
  44.  
  45. Le 2 janvier 2018, une tentative de coup d'état au Nouvel Israël leur fit changer de point
  46. de vue et rejoindre l'ASOW. Il fallait se rendre à l'évidence: si la Corée du Nord n'était
  47. pas détruite au plus vite, qui sait quel continent serait détruit demain? Sous la pression
  48. de ce nouveau membre, la présidente de la Russie et de l'ASOW, Marina Kapalev, décida qu'il
  49. était temps, et déclara ouvertement la guerre à la Corée du Nord. Kim Jong-Il II répondit
  50. peu après: à la moindre action entreprise contre la Corée du Nord, c'est la planète entière
  51. qu'il annihilerait.
  52.  
  53. Persuadés d'être engagés dans une nouvelle guerre froide, l'ASOW, de peur que les Coréens du
  54. Nord tiennent promesse, prit une stance passive en attendant de trouver une solution. C'est
  55. un certain Brad Higglesby, citoyen des ex-Etats-Unis, se trouvant en voyage au moment de
  56. l'arrivée du Guerrier Sans Cause, qui poussa lui-même l'engrenage jusqu'à son dernier cran,
  57. en trouvant un moyen de s'introduire en Corée du Nord et d'y tuer Kim Jong-Il II,
  58. le 3 janvier 2018, à 17h39, heure française.
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  66. Clermont-Ferrand, 3 janvier 2018. Se contortionnant inconfortablement sur une chaise en rotin,
  67. le Professeur regardait avec envie les restes de son ancien fauteuil, dont la carcasse gisait
  68. encore à proximité. Tandis qu'il réprimait un spasme compulsif, il griffonnait sans conviction
  69. des notes sur des copies. Solitaire, il tenait à avoir le moins possible de compagnie lorsqu'il
  70. ne faisait pas cours. Néanmoins, depuis l'incident du Guerrier Sans Cause, un compagnon qu'il
  71. n'appréciait pas se faisait entendre en permanence dans son bureau, où il vivait, refusant de
  72. rentrer chez lui, même pour dormir. La télévision portable débitait inlassablement des inepties
  73. politiques, opposant dans un débat de maigre intérêt le ministre de la culture digitale au
  74. président d'une multinationale regroupant divers sites internet et alphanet de haute réputation.
  75.  
  76. Le Professeur n'aimait pas la télévision, mais elle était la seule réponse possible à sa paranoïa,
  77. psychose qui l'avait poussé à accumuler une réserve de boîtes de conserve, de bidons d'eau, de
  78. lits et coussins, et autres objets plus ou moins utiles dans une pièce d'un ancien réseau
  79. souterrain militaire serpentant sur des dizaines de kilomètres sous l'université. Rongé par la
  80. peur, le Professeur tentait tant bien que mal de convaincre ses collègues et élèves de faire de
  81. même, mais tous lui riaient au nez, mettant en avant le fait que même si la bombe tombait, ils
  82. seraient forcés de vivre des siècles sous terre, le temps que les radiations mortelles issues
  83. d'une éventuelle bombe se dissipent. Ils préféraient encore mourir. Mais pas le Professeur.
  84.  
  85. C'est ainsi qu'à 17h41, le débat fut interrompu, l'image coupée net quelques secondes, et qu'un
  86. luron à l'air terrorisé prit la parole en tremblant. Selon lui, les grands frères du Guerrier
  87. Sans Cause, baptisés les "Feu Follets", étaient en route vers diverses destinations, et
  88. rayeraient le monde entier de la carte. Les Coréens du Nord, dans un excès de gentillesse,
  89. avaient jugé bon de prévenir le reste de l'humanité une dizaine de minutes avant son
  90. extermination, tandis qu'eux partiraient se réfugier dans les nombreuses cités souterraines
  91. qu'ils avaient bâties, où ils pourraient rester enfermés des centaines d'années durant si
  92. nécessaire. D'un geste maladroit, le Professeur se leva de sa chaise, et se cogna le genou
  93. sous son bureau. Après avoir bafouillé un juron peu lyrique, il s'empara d'un grand sac à dos
  94. qu'il avait disposé près de l'entrée de son bureau, et joua des coudes pour se réfugier au plus
  95. vite dans le complexe souterrain, tandis que les gens restaient figés sur place dans les
  96. couloirs, hébétés, ou continuaient sans broncher leur vie quotidienne, incrédules.
  97.  
  98. Poussant de toutes ses forces la grande porte métallique dont il s'était procuré quelques mois
  99. auparavant par une ruse quelconque la clé, le Professeur se faufila en haletant de l'autre côté,
  100. la referma derrière lui, et, s'assurant qu'elle était bien fermée, prit une quinzaine de
  101. secondes de pause pour reprendre son souffle. Courant de toutes ses forces - c'est à dire
  102. gauchement et lentement - vers le point le plus profond du réseau, qu'il avait préalablement
  103. repéré, il y retrouva toutes ses provisions, soigneusement entreposées, et, réflexe primal, se
  104. roula en boule sur un matelas tout en se couvrant les yeux des mains. Le silence qui hantait ces
  105. souterrains lui garantissait la solitude qu'il chérissait tant, même si, pour une fois dans sa
  106. vie, il se disait qu'il aurait tout de même été plus à l'aise s'il avait eu de la compagnie.
  107.  
  108. A 17h48, le Feu Follet destiné à l'Europe esquissa un grâcieux pas de danse en plein ciel, et
  109. tomba droit dans le centre-ville de Francfort. Un homme, dont le nom et l'existence échappèrent
  110. pour des raisons évidentes à la mémoire collective, se pencha sur l'étrange sphère lumineuse
  111. tombée au sol, et eut tout juste le temps de dire, en allemand, que c'était marrant, car il la
  112. croyait plus grande, et qu'elle n'était pas bien impressionnante pour une bombe si destructrice.
  113. Les explosions furent simultanées, et tout ce qui était humain, et, effet secondaire inévitable,
  114. primate également, fut carbonisé sans même avoir eu le temps de réaliser ce qui leur était arrivé.
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  122. "Paris. Enfin. Ca fait des années que je n'y avait pas mis les pieds", disait le Professeur.
  123. Pour faire face à l'étreignante solitude qu'il traversait depuis maintenant plus de cinq ans,
  124. il aimait à se parler à voix haute. Il était persuadé qu'un jour, quelqu'un l'entendrait. "Ca
  125. a changé depuis la dernière fois. Sacrément changé". Lorgnant un monticule de gravats qui avait,
  126. semblait-il, doucement perlé des années durant d'un immeuble qui penchait dangereusement sur un
  127. bord de la route, et voyant au loin les hordes d'ossements humains, couverts de fripes et de
  128. haillons, stationnés entre les voitures figées de partout comme si le temps s'était arrêté d'être,
  129. le Professeur abandonna son vélo, qui, de toute manière, le fatiguait trop, et entreprit de
  130. continuer à pied.
  131.  
  132. Il rejoignit les bords de Seine, qu'il pensait épargnés, mais vit qu'ils avaient également été
  133. ravagés par l'effet combiné de l'onde de choc du Feu Follet et de l'abandon toutes ces années
  134. durant. Là où la végétation n'avait pas repris ses droits, les quais partiellement effondrés
  135. semblaient trop bancaux pour être empruntés. Résigné, et pressé par le tomber imminent de la nuit,
  136. les journées étant particulièrement courtes en hiver, le Professeur défonca la vitrine d'un
  137. Franprix, et s'y servit en ce qui semblait encore assez conservé pour être mangé et bu. Puis il
  138. rentra dans le premier immeuble qu'il trouva dont la porte était ouverte, pour passer la nuit dans
  139. son hall, avachi à même le sol sur le coussin de feu son fauteuil préféré, qu'il transportait
  140. partout avec lui.
  141.  
  142. Le lendemain, le Professeur passa la matinée à s'amuser comme il le pouvait avec une console
  143. portable qu'il avait prise dans un magasin spécialisé, se changea dans un magasin d'habits de
  144. luxe - où il prit, néanmoins, par politesse, les habits les moins chers - et reprit sa route.
  145. Depuis le Feu Follet, les hivers n'étaient plus très froids, au même titre que les étés n'étaient,
  146. eux, plus très chauds, ce qui permit au Professeur de se contenter d'habits simples et peu épais.
  147. Il profita également d'une pharmacie à la vitre soufflée en morceaux pour refaire son stock de
  148. pansements, qui s'amenuisait bien plus lentement maintenant qu'aux débuts de son odyssée solitaire,
  149. et marcha tout le long de l'Avenue d'Italie sans trouver signe de vie, sinon animale.
  150.  
  151. Une longue marche plus tard, tandis que le Professeur se rendait compte que le jour ne tarderait
  152. plus à être épuisé, il continuait à se promener nonchalamment, remarquant avec joie que sa ville
  153. natale avait été globalement plutôt épargnée par le souffle du Feu Follet. Distrait par le paysage
  154. à la fois familier et étranger, observant avec amusement des feuilles tourbillonnant autour d'une
  155. carcasse de camion, il ne se rendit pas compte qu'une voie de la chaussée était étrangement dégagée
  156. de tout véhicule, jusqu'à ce que le trottoir, qui, lui, était encombré de voitures, lui fut
  157. inpénétrable. "Merde, c'est pratique ça", fit-il remarquer à voix haute, dans un élan poétique.
  158.  
  159. Quelques centaines de mètres plus loin, il avait croisé plusieurs rues pareillement dégagées,
  160. mais il semblait que seules les grandes artières étaient aménagées de la sorte. Il fallait
  161. se rendre à l'évidence: il y avait quelqu'un d'autre de vivant à proximité. C'est néanmoins,
  162. comble de l'ironie, l'évidence qui se rendit au Professeur et non l'inverse lorsqu'une
  163. voiture le percuta de plein fouet tandis qu'il traversait distraitement un boulevard.
  164.  
  165. La douleur se dispersait avec une intolérable lenteur de ses côtes au reste de son corps.
  166. C'est également avec une lenteur surréelle qu'il vit une femme sortir de la voiture, lever
  167. le poing en l'air, et gueuler, telle une charretière: "Non mais, ça vous arrive de regarder
  168. avant de traverser?". La femme en question continua de secouer son poing, semblant lutter
  169. contre un moustique invisible ayant décidé d'élire domicile dans l'air surplombant sa tête,
  170. puis reposa son bras, tomba à genoux, et un mélange d'hébétitude et de choc traumatique
  171. pouvait soudain se lire dans les yeux. Elle se releva, tituba un peu, dut prendre appui
  172. sur un mur, bougea deux fois les lèvres sans émettre le moindre son, puis se mit une
  173. claque, et vint jusqu'au Professeur. Avec peine, elle tenta de le remettre sur pieds,
  174. mais cela ne fit qu'intensifier sa douleur, à un tel point que le corps du Professeur
  175. ne lui laissa d'autre option que celle de perdre connaissance.
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  177.  
  178.  
  179.  
  180.  
  181.  
  182. Fin du chapitre 1
  183. :o
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