La succession du Jedi

"Maître, une pluie de Racaillou est sur le point de s'abattre sur Johto !"
Le Scalproie qui venait d'entrer dans le QG intergalactique de Ebenelle se mit au garde à vous et attendit les ordres.
"Déployez le bouclier anti-météorites et placez les vaisseaux de combat en alerte. Si nécessaire, qu'ils détruisent les intrus", répondit le grand Lucario d'un ton calme, aguerri par une longue pratique du commandement et des imprévus.
Une fois le Scalproie sorti, le Lucario consulta les écrans de contrôle de l'immense salle du QG et soupira.

Ne serait-il donc jamais en paix ? Devrait-il donc lutter jusqu'à la fin de ses jours contre les menaces extérieures ? Il ramena les pans de sa longue cape autour de lui et toucha la poignée de son sabre laser. Le poids de ses responsabilités l'accablait de plus en plus et il n'aspirait qu'à une chose, une retraite bien méritée. Mais chaque fois qu'il avait tenté d'aborder le sujet autour de lui, les gens se récriaient, affolés par la perspective d'un avenir sans lui. Ils n'avaient confiance qu'en lui, personne n'était aussi capable que lui de défendre la planète. Et puis, allons, il n'était pas si vieux !

Ah s'ils savaient... Il était si las... Las de la guerre, des conflits larvés, des complots, des compromis chèrement acquis. Il soupira à nouveau et se remit à scruter les écrans géants.
Soudain la porte de la pièce s'ouvrit à toute volée et une mini tornade, bleue comme lui, vint crocheter sa jambe et tirer impatiemment sur sa cape.
"Dis Grand P'a, je peux aller jouer avec les Racaillou qui sont tombés ?"
Un instant désarçonné par l'impétuosité du petit bonhomme qui s'accrochait à lui, le vieux maître lui passa affectueusement la main sur la tête et répondit :
"Non Riolu, c'est trop dangereux, on ne sait pas encore s'ils ont de bonnes ou de mauvaises intentions.
- Ils ne sont pas méchants, je le sais, je le sens !"
L'aura bleutée du jeune Pokémon pulsait doucement au rythme de ses émotions.
"Tu es encore un peu trop jeune pour déceler le Bien ou le Mal chez les autres. Sois patient, observe et apprends, expliqua le Lucario. Ton temps viendra bien assez tôt..."
Le petit, déçu, posa sa tête contre la cuisse puissante de son grand-père, puis releva ses yeux embués de larmes et reprit :
"Dis, quand est-ce que je serai grand ? Assez grand pour être comme toi ?
- Quand tu auras appris le Bonheur, fils. Alors tu deviendras un grand Lucario, fort et sage. Sèche tes larmes et ouvre ton esprit : tu es malheureux parce que tu ne peux pas aller jouer avec les Racaillou, mais serais-tu heureux s'ils nous faisaient du mal ?
- Non, bien sûr... Mais je pourrai quand même en rapporter un dans ma chambre ? Un tout petit, que je soignerai bien pour qu'il m'aime. Hein ? Dis ?"

Le Lucario soupira et regarda tendrement son petit-fils. Non, décidément, il ne pourrait pas prendre sa retraite de si tôt. Riolu n'était pas prêt. Il avait besoin de temps. Du temps pour apprendre d'abord à canaliser ses propres émotions. Du temps pour apprendre ensuite à analyser celles des autres en puisant jusqu'aux racines de leur âme.
"Viens, dit-il en prenant son petit-fils par la patte, je t'offre un SodaCool au distributeur."
L'aura bleutée du gamin se dissipa, immédiatement remplacée par un sourire illuminant son petit museau pointu.
La porte du QG se referma lourdement derrière eux, laissant la pièce vide, à l'exception d'un sabre laser en plastique oublié sur un tabouret.