Vous êtes jeune et vous avez des qualités de rédaction ? On a ce qu'il vous faut : la plateforme Edit-Place met en relation des clients et des rédacteurs pour de la production de texte. Des textes commerciaux, marketing, des traductions... mais aussi des textes publiés sur des sites d'informations. 20 minutes et le site France TV Info ont notamment eu recours à cette plateforme où la brève est royalement payée... entre 2 et 4 euros.

"Recrutement pour une mission journalistique ce jour : ne ratez pas ça !" Quand ce mail a atterri dans la boîte de la rédaction, il y a eu une certaine fébrilité chez @si. Une mission journalistique à ne pas manquer ? C'est la plateforme Edit-Place, qui se présente comme "une société française de production de contenus multilingues" qui propose ce bon plan. Une mission au service de 20 minutes. Avec des arguments qui font mouche : "Vous connaissez tous ce quotidien pour l'avoir lu ou au moins vu à de très nombreuses occasions, nous vous donnons aujourd'hui l'opportunité de dire à vos proches "C'est mon article !" Génial !

Avant d'appeler vos parents pour leur annoncer la bonne nouvelle, lisez tout de même la suite : il est précisé que cette "mission demande une importante implication", c'est-à-dire être "disponible TOUS les jours (du lundi au vendredi)". La mission est censée durer trois mois.
Comment ça se passe ? Inutile de vous rendre à la rédaction de 20 minutes, vous travaillez de chez vous. Si vous êtes plutôt du matin, vous recevrez "2 sujets transmis avant 10h pour rendu avant 13h". Si vous préférez travailler l'après-midi, il y a un peu plus de travail : ce sont trois sujets qui sont transmis à 15h et que vous devez rendre à 18h. Et pas la peine de faire long : on vous demande de rédiger "des dépêches de 120 à 150 mots" dans un style sobre : "100 % informatif, aucun humour, aucun jeu de mots, aucun avis personnel, pas de parti-pris", précise, sans rire donc, le document d'Edit-Place fourni avec l'annonce de 20 minutes. Il faut que ce soit "sérieux, clair, simple" avec des "phrases courtes". Votre lectorat ? Assez large, "25 -60 ans, classe moyenne". Le plan de la brève ? Toujours le même : "La structure de la dépêche doit être pyramidale : de l’info la plus importante a la moins importante. Dès le premier paragraphe, elle doit répondre aux questions de base, qui a fait quoi, où, quand et, le cas échéant, comment et pourquoi".
Grand prince : pour chaque dépêche, 20 minutes fournit les sources. Par exemple, pour rédiger une brève sur un rapport de l'OMS sur la tuberculose, il faudra synthétiser des contenus de "Pourquoidocteur.fr", "Futura-sciences.com" ou le site suisse "Bluewin.ch".
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Si ce n'est pas suffisamment clair, 20 minutes fournit d'autres exemples :
Exemples de 20 minutes

C'est bon pour vous ? Très bien, il suffit donc de postuler sur Edit-Place, de rédiger une brève gratuitement pour évaluer vos capacités de rédaction. Et le lendemain, si votre candidature est retenue, vous pourrez enfin dire à vos proches "C'est mon article". Le début de la gloire, mais pas vraiment de la fortune. Car le tarif est de... "2 à 4 euros par article". Et comme le matin, on vous proposera deux brèves, ça fait au maximum 8 euros la demi-journée. La promesse d'un bon club sandwich à midi.
SUR FRANCE TV INFO, PAS DE BRÈVES MAIS DE "L'ENRICHISSEMENT SÉMANTIQUE"
20 minutes n'est pas le seul média utilisant les services d'Edit Place. Une autre annonce, publiée cette semaine, a attiré notre attention. Elle provient de France TV info, le site d'info de France télévisions. Là, c'est une "mission premium". Rendez-vous compte : rédiger "36 pages" à raison de "100 - 120 mots / article". Quand on regarde l'offre de près, ce ne sont pas vraiment des articles mais des textes de présentation d'un tag. Exemple ? Le mot clé "Femen" renvoie vers une liste d'articles sur France TV Info. Au début de la liste, dans un encadré, on trouve un texte de présentation du thème :
Femen


Et quel est le tarif pour rédiger un tel encadré ? Tout dépend de votre prix. Car figurez-vous que sur Edit Place, pour remporter une "mission premium", il faut proposer un devis. Quelques heures avant la fin de l'attribution de cette mission, les devis allaient de... 59 à 110 euros. Soit, entre 1,6 et 3 euros le texte de 100 mots.
Devis

Avec ce tarif en or, France TV Info a ses petites exigences : "Il faut écrire un article qui présente le sujet, introduise le contexte et donne les informations clés. Ces textes serviront d’introduction aux actualités qui vont être publiées dans la rubrique". Le style ? Pas de familiarité et de vannes à 2 euros : "Proscrire le ton trop intimiste, les expressions comme "nos journalistes", la marque Francetv info", précise le document. Sachant que "les sujets doivent rester viables longtemps", "privilégiez des informations importantes et qui resteront vraies dans 8 mois". Le don de voyance est donc un plus pour ce poste.

Contactée par @si, Celia Meriguet, rédactrice en chef de Francetv info, reconnaît avoir eu recours aux services d'Edit-Place. Mais c'était il y a un an : "Ils ont rédigé de petits textes de présentation sur les pages de tags. Ces textes ont été écrasés au fur et à mesure par des textes de la rédaction". Sauf qu'entre-temps, France TV Info a revu son système de tags. Il a donc fallu appeler à la rescousse Edit-Place. Pour en savoir plus, elle nous renvoie vers Olivier Lendresse, directeur éditorial adjoint chez France Télévisions Editions Numériques. S'ensuit une discussion philosophique autour de la nature même des encadrés de France TV Info, introduisant une liste d'articles. "Ce n'est pas du contenu rédactionnel", nous dit-il avant de nous sortir un élément de langage qu'il ne cessera de nous répéter au cours de la conversion : "C'est de l'enrichissement sémantique pour le référencement".
Certes, à la différence de 20 minutes, le site de France TV info ne sous-traite pas des brèves d'actualité. Mais tout de même, ces textes sont des résumés, visibles des lecteurs comme @si peut résumer ses dossiers en trois lignes. Une comparaison que ne reprend pas Lendresse : "Pour nous, ce n'est pas un texte de présentation poussée avec une valeur ajoutée très forte. C'est de l'enrichissement sémantique, insiste-t-il. C'est un contenu pour les moteurs de recherche, on fait appel à l’expertise d'Edit-Place". Expertise ? "La rédaction des textes, le choix des mots, c'est de l'expertise". A 1,6 euros l'encadré, c'est une expertise plutôt low cost. Un mot qui fait bondir le responsable numérique de France TV : "On ne cherche pas une prestation low cost. On lance un appel d'offres, on engage de l'argent public, ce n'est pas du contenu rédactionnel mais de l'enrichissement sémantique pour le référencement. Si on voulait mettre une vraie valeur ajoutée beaucoup plus forte, on le ferait et on mettrait des journalistes dessus".

Nous avons cherché à joindre des responsables de 20 minutes afin qu'ils nous expliquent que les brèves n'étaient pas des brèves, mais de l'enrichissement sémantique. En vain. On ne nous a pas rappelé.
LES RÉDACTEURS D'EDIT PLACE : "DES BLOGUEURS, DES ÉTUDIANTS, DES FEMMES AU FOYER"
Joint par @si, Julien Wolff, co-fondateur d'Edit Place, nous explique le fonctionnement du système. Selon lui, les tarifs sont déterminés... par les rédacteurs eux-mêmes en fonction des contraintes du client. En clair, en fonction de la taille du texte et la rapidité avec laquelle le texte doit être rendu, un "pool" de rédacteurs établit un devis. En moyenne, une brève de 100 mots, payée entre 2 et 4 euros, c'est environ 10 minutes de travail. Un temps de travail qui permet au co-fondateur de dire qu'ils respectent le SMIC horaire.
Une fois les devis proposés, un algorithme sélectionne le meilleur candidat. Qui n'est pas forcément le moins cher : la meilleure qualité d'un rédacteur est de rendre sa brève en temps et en heure. Une fois la brève rendue, un salarié d'Edit place retravaille le texte. Il peut y avoir de la réécriture, de la mise en page, de l'illustration. Bref, un travail de mise en forme qui s'adapte au support du client. "La partie rédactionnelle, c'est entre 30% et 90% du prix selon les clients", nous assure Wolff. Pour éviter tout plagiat, Edit Place a développé un logiciel qui détecte les copier/coller. Outre 20 minutes et France TV Info, Edit Place travaille avec deux autres sites d'information, dont Wolff taira le nom. Sur la page d'accueil du site Edit Place, on aperçoit toutefois le logo du Parisien.
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Pour l'instant, ce travail d'écriture de dépêche d'actualité est en phase de test. Voilà pourquoi le contrat de 20 minutes ne porte que sur cinq brèves par jour. Si le test est concluant, l'externalisation pourrait s'accélérer pour les sites d'info qui souhaitent faire du flux.

Et qui sont ces rédacteurs de l'ombre ? "Ce ne sont pas des journalistes encartés, nous explique Wolff, ce sont des blogueurs, des étudiants, des femmes au foyer, des professeurs spécialisés sur un sujet, des personnes qui font ça en complément d'activité". En complément d'activité. Ouf.