CosmoZ

Moyennant une certaine dextérité, les ouvrières de l'usine de peinture au radium pouvaient gagner une quinzaine de dollars par semaine – certains salaires approchant même les vingt-trois dollars. Certes, il convenait pour cela de peindre près de deux cent cinquante montres par jour, à raison d'un cent et demi la montre pour cinq jours et demi de travail hebdomadaire. (…)

Régulièrement, au gré des galants et au fil des solitudes, ces jeunes femmes appliquaient un peu de radium sur leurs boutons, leurs ongles et leurs paupières ; certaines allaient même jusqu'à s'en enduire les dents. Toutes quittaient l'atelier légèrement saupoudrées de poussière émeraude.

Le travail était simple, délicat, mortel : elles mélangeaient la poudre de peinture lumineuse avec une pâte et un diluant, épointaient délicatement un minuscule pinceau du bout des lèvres avant de plonger ce dernier dans la mixture puis de colorier méticuleusement les chiffres et autres signes sur les cadrans des montres disposées devant elles. Quand le cadrant n'était pas en papier mais en métal, la peinture devait être diluée avec de la térébenthine, et le goût laissé sur les lèvres et à la pointe de la langue était tout sauf agréable.