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Oct 23rd, 2016
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  1. Edouard Elias : « C’est comme si j’étais pris en otage une deuxième fois »
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  3. Le jeune photographe Edouard Elias a été retenu en otage en Syrie avec trois autres Français du 6 juin 2013 au 20 avril 2014. Il a dû lui aussi faire face à un déluge de nouveaux « amis » et de messages parfois proches du harcèlement.
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  5. « Quelques jours après la prise d’otage, j’ai reçu des e-mails de personnes qui m’étaient totalement inconnues et qui me témoignaient leur soutien. Pas forcément des mails très demandeurs ou aguicheurs, même s’il y en avait, mais des messages de soutien. Certaines personnes m’ont écrit tous les mois, durant toute la durée de la détention, dix mois. J’ai du mal à savoir si c’est lié à mon statut de photographe de guerre ou à celui d’otage.
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  7. « Se sauver de quelque chose »
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  9. J’ai vécu ça comme si j’étais une deuxième fois pris en otage. C’est horrible à dire, mais ce sont des gens à qui je n’ai rien demandé. Je leur suis reconnaissant pour leur soutien. Mais la vraie question que je me pose, c’est de savoir s’ils l’ont fait pour moi ou pour eux. Est-ce que moi, je dois m’asservir à les rencontrer, à passer du temps avec eux ? Je pense sincèrement que les personnes qui m’ont contacté l’ont fait pour elles, pour se sauver de quelque chose. Il n’y a pas d’acte purement altruiste. On ne fait pas les choses uniquement pour l’autre. Lorsque je suis sorti, certaines personnes qui s’étaient beaucoup mobilisées pendant ma détention voulaient un retour, que je vienne à leurs soirées. Souvent, ce n’était pas des gens dont j’étais proche et je préférais m’isoler. Certains ont été vexés du fait que je ne leur réponde pas.
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  11. « Envie viscérale de s’occuper de moi »
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  13. Je pense que cet intérêt est lié au fait que j’ai été proche de la mort et que j’en suis revenu. Cela rappelle l’essence même de ce qu’est la vie : naître et mourir. Le fait de revenir de Syrie peut être perçu comme une renaissance. Pour certaines femmes, cela va leur donner cette envie viscérale de s’occuper de moi, de se sentir mère. Il y a une dualité entre la sexualité et le rapport à la mort. Le fait d’avoir frôlé la mort de près et d’être passé à la télévision suscite la fascination.
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  15. J’ai mal vécu ce flot de messages, j’étais submergé. Au début je répondais aux e-mails un à un, mais je me suis aperçu que ça me prenait un temps fou. Je me suis senti complètement oppressé, je ne voulais pas passer ma vie sur les réseaux sociaux, à gérer ça. Je ne me suis jamais vraiment libéré de ça. J’ai beaucoup travaillé, comme une fuite en avant, comme pour empêcher tout contact. Mais j’ai toujours l’impression d’être un paquet de lessive, un produit. Que les réseaux sociaux, mes passages à la télévision sont devenus mon CV. Deux ans après, je reçois encore environ un mail par semaine d’une fille que je ne connais pas. Et lorsque les gens me rencontrent en vrai, je les sens déçus parfois. Je suis un gamin normal, de 24 ans, qui fait des photos. »
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