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Jun 21st, 2014
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  1. copyright - nonoko - http://www.lescitesdor.com/forum/
  2.  
  3. Acte IV
  4. Les ricochets
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  6. Scène 1
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  8. Au bord de la rivière, soleil déjà haut. La cape est étendue sur la rive, Mendoza est au milieu de la rivière et tente d'attraper des anguilles à mains nues.
  9.  
  10. Mendoza : Flûte et reflûte! (coup de poing rageur dans l'eau. Il éternue.) Ah ! Génial le plan ! (il se penche à nouveau pour essayer.) Par ici, par ici toi, allez, allez, ouuiiii !! (il tire de l'eau une anguille qui se tortille et tente de la jeter sur la cape mais elle lui échappe.) Par tous les saints d'Espagne ! Ce maudit alchimiste m'a bien eu avec ses flatteries à deux escudos ! Si mon petit oiseau fait des « mouvements gracieux et délicieusement saccadés », ces anguilles sont plus glissantes que son bec de pélican ventru ! Allez, je laisse tomber! (il sort de l'eau à grands pas et s'assoit sur la rive.) Moi, d'abord, j'ai jamais été doué pour la pêche, c'est pas parce que je suis marin, hein...ça c'est la spécialité de Pedro et Sancho....Non, mon truc à moi, ce sont les ricochets, je me souviens, tout minaud, j'étais le roi du ricochet....( il regarde autour de lui) Tiens, ces galets m'ont l'air parfaits...voyons si je peux battre mon ancien record, j'avais humilié ce lourdaud de Gaspard dans le port de Barcelone en réussissant vingt ricochets d'un coup, et en utilisant des fèves en plus ! Ça me remontera le moral...(il se lève et lance un premier galet, il compte.) Un , deux, trois, quatre, cinq, six....Pas mal pour un échauffement ! Allez, hardi les galets, montrez moi ce que vous avez dans le ventre ! (il se met à ramasser et à lancer frénétiquement des galets en commentant chaque lancer.) Ouais ! Pas mal ! Joli ! Trop fort! Ah, zut, raté ! Ouais, treize, treize, encore un effort !
  11.  
  12. Scène 2
  13.  
  14. Soudain apparaît sur un rocher en surplomb de la rivière une forme humaine de faible taille. Une voix grave retentit.
  15.  
  16. L'inconnu : Arrête, étranger! Tu profanes le lit sacré de la déesse Unagikami avec tes amusements barbares ! De plus, tu as osé pêcher la représentation comestible de la déesse sans procéder au rite propitiatoire! Prends garde à l'ire d'Unagikami !
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  18. Mendoza, figé en position de lancer, regarde vers la voix mais le soleil l'éblouit et l'oblige à se protéger les yeux : Qui es-tu ? Si je t'ai offensé, c'est bien involontairement, sois-en sûr...là d'où je viens, en Espagne, faire des ricochets est l'un des jeux préférés des enfants...Quant à la pêche, vois-tu une seule anguille sur ce rivage ?
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  20. L'inconnu : il suffit ! L'intention de pêcher constitue à elle seule une offense, et même si tu t'es révélé incapable de prendre la moindre anguille, tu n'en es pas moins coupable !
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  22. La forme s'avance sur le rocher et un jeune homme fluet d'une grande beauté apparaît, vêtu d'un yukata orné de motifs d'anguilles noires sur fond bleu foncé. Ses cheveux de jais sont noués en une longue queue de cheval.
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  24. Mendoza, poussant une exclamation étouffée et lâchant son galet : Oh !
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  26. L'inconnu : Sache que je suis le gardien de la rivière Kawanagi, et soumets-toi sans tarder au rite avant que le courroux d'Unagikami ne s'abatte sur toi !
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  28. Mendoza : Est-ce un rêve ou un cauchemar ? Es-tu l'ange Gabriel envoyé par Dieu pour me remettre sur le droit chemin ? Oui, j'ai péché, je le confesse, mais dans un moment d'égarement ! Dieu de miséricorde, aie pitié !
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  30. L'inconnu : Que racontes-tu ? Tu délires, étranger ! Cesse d'offenser la déesse Unagikami en invoquant ton dieu barbare et grimpe sur ce rocher pour m'embrasser !
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  32. Mendoza : Comment ?? Est-ce moi qui délire ou est-ce toi qui es fou ? Je n'entends pas qu'on se joue ainsi de moi ! Sache que je suis Antonio Luis Mendoza de la Igualada et que je décide moi-même qui j'ai envie d'embrasser ! Tu diras à ta déesse que j'ai assez tâté d'anguilles depuis la nuit dernière et que mes mains sont lasses de pêcher, et si ça ne lui plaît pas, qu'elle déchaîne son courroux sur moi, que la terre s'ouvre sous mes pieds et qu'elle m'engloutisse sous un flot d'anguilles, comme ça au moins y en aura-t-il bien deux ou trois qui resteront prises sous mes vêtements et ma réputation de pêcheur émérite sera sauve ! Et si les feux de l'enfer sont de la partie, je n'aurai même pas besoin de faire griller les anguilles moi-même ! Ce sont les enfants qui seront contents !
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  34. Il tourne les talons, furieux, ramasse sa cape et s'apprête à faire de même avec l'épée, quand le gardien l'interpelle.
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  36. L'inconnu : Attends ! Malgré tes blasphèmes, il est encore temps de te racheter ! Si tu m'embrasses, je te ferai don de cette épuisette spéciale offerte aux hommes par la déesse pour pêcher plus facilement les anguilles ! (il brandit l'épuisette.)
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  38. Mendoza, se retournant, hésite un instant puis lance : Va au diable, avec ton épuisette ! (il part ramasser l'épée.) Tu diras à ta déesse qu'on ne pêche pas un Mendoza, marquis d'Estella, duc de la Igualada, avec une épuisette ! Ha ! Ha ! Ha ! Ha ! (son rire est interrompu par un grondement sourd, la terre se met à trembler.) Par Saint Ignace, saint Georges et Saint Antoine, l'essorage est-il donc si puissant ? (la terre tremble si violemment qu'il tombe.) Non, pardieu, une vraie secousse sismique ! Ah ! Si tu crois m'impressionner, gardien, avec un vulgaire phénomène naturel parfaitement explicable scientifiquement !
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  40. Scène 3
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  42. A ce moment là, le rocher sur lequel se tient le gardien se brise, il pousse un cri et tombe dans la rivière déchaînée qui l'emporte avec son épuisette à la main. La secousse faiblit, Mendoza parvient à se relever et plonge sans hésiter en laissant sa cape et son épée sur la rive. Le gardien est parvenu à s'accrocher à un rocher grâce à son épuisette, Mendoza le rejoint et le ramène sur la rive, où ils s'effondrent tous deux, haletants. Alors que Mendoza reprend son souffle et éternue, le gardien se jette sur lui et l'embrasse en lui tenant la figure à deux mains, puis ils échangent un long regard et Mendoza bascule le gardien sur le dos et l'embrasse à son tour. Il le regarde alors attentivement et ouvre brusquement son yukata avant de pousser une exclamation étouffée.
  43.  
  44. Mendoza : Par saint Ignace, Saint Georges et saint Antoine ! Une fille !
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  46. Long silence, tous deux restent figés.
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  48. L'inconnue : Shôganai...c'est ton destin, étranger...
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  50. Scène 4
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  52. Soudain on entend une branche craquer, quelqu'un surgit de l'ombre des arbres, couvert de feuilles, c'est Ambrosius, muni d'une épuisette.
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  54. Ambrosius : Ah, Mendoza, je te trouve enf....sacristi ! Mais que signifie ?
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  56. Mendoza le regarde, puis regarde à nouveau la gardienne, sans proférer le moindre mot.
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  58. Ambrosius : s'approchant, voix vibrante de colère : vas-tu répondre à la fin ! (il regarde la gardienne, et a un mouvement de recul.) Nom d'un sablier !
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  60. Mendoza se relève enfin et aide la gardienne à faire de même, puis éternue.
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  62. Ambrosius : n'essaie pas de m'apitoyer ! J'attends tes explications !
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  64. Mendoza lui fait face, toujours silencieux. La gardienne ramasse son épuisette et la lui donne tout en échangeant un long regard avec lui, puis elle se sauve en courant.
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  66. Mendoza , essayant de la retenir : Attends !
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  68. Ambrosius, voix menaçante : Mendoza ! ( la gardienne disparaît.)
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  70. Mendoza, se tournant vers Ambrosius : tu n'as rien vu à Kawanagi !
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  72. Ambrosius : j'ai tout vu à Kawanagi !
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  74. Mendoza : non, tu n'as rien vu à Kawanagi !
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  76. Ambrosius : mais...si bon sang, j'en ai assez vu !
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  78. Pichu, voix off : Mendoza ! Mendoza !
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  80. Scène 5
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  82. Les enfants surgissent alors de la forêt en compagnie de Pedro et Sancho, précédés de Pichu.
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  84. Tous : Mendoza ! Te voilà enfin !
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  86. Ils courent vers lui, sauf Tao qui traîne toujours les pieds en baillant et se débarrasse de branchages.
  87.  
  88. Tao : Pfff ! C'est pas trop tôt ! Elles sont où ces anguilles ?
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  90. Pedro et Sancho, en écho, examinant les épuisettes d'Ambrosius et Mendoza qui se font toujours face, épuisettes à la main, complètement immobiles : Ben oui, elles sont où ces anguilles ? On a faim, nous !
  91.  
  92. Pedro ( à Sancho) : Tu vois, c'était couru d'avance ! Il n'a rien pris ! (à Tao) Filet ou pas filet, quand on n'est pas doué, on n'est pas doué ! ( à Mendoza) Pourquoi tu ne nous as pas réveillés comme d'habitude, au lieu de faire cavalier seul ? Qui a décrété que nous ne devions plus ramasser du bois, puiser de l'eau, cueillir des baies, capturer des lapins et des anguilles ? Môssieu veut tout faire lui-même, c'est nouveau ça ! Il estime qu'il peut se passer de nous ? Ah, il est beau le résultat !
  93.  
  94. Sancho : Ah, ça, pou pou, pour sûr !
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  96. Esteban et Zia, indignés : mais taisez-vous bande d'idiots ! C'est pas ce qu'on avait convenu ! On devait garder le secret, vous avez déjà oublié ?
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  98. Esteban, à Mendoza : Euh, on était juste à ta recherche, on s'inquiétait de ton absence à notre réveil, et puis la terre s'est soudain mise à trembler, imagine un peu notre frayeur! Il nous fallait absolument vérifier que tu ne gisais pas écrasé quelque part sous arbre, gémissant, mourant, agonisant peut-être ! ( à Ambrosius) Tiens, Ambrosius, quelle surprise ! Tu es là aussi ? Comment ça se fait ? Tu as eu une soudaine envie de pêcher, tu as pris ton épuisette et tu es venu à la rivière, c'est ça ?
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  100. Ambrosius, sifflant entre ses dents, les yeux toujours rivés à ceux de Mendoza : Inutile de vous fatiguer, les enfants, la surprise est gâchée, alors, autant dire la vérité, toute la vérité ! La comédie est finie, n'est-ce pas, Mendoza ?
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  102. Mendoza, très calme : je n'ai rien à cacher, moi.
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  104. Ambrosius, même jeu : ni moi non plus.
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  106. Mendoza : je croyais que tu n'avais pas d'épuisette.
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  108. Ambrosius : je l'ai trouvée par hasard en faisant du rangement.
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  110. Mendoza : dans le bocal de ton poisson rouge ?
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  112. Tao : un poisson rouge ? Tu as un poisson rouge ? Où ça ? Tu ne me l'as jamais montré ! Dis, dis, tu me le montreras, hein, tu me le montreras ?
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  114. Ambrosius : c'est une carpe koï très précieuse qu'un confrère japonais m'a offerte il y a longtemps, elle se plaît beaucoup dans le circuit d'alimentation d'eau de la nef, mais comme nous sommes revenus sur ses terres natales, je songe sérieusement à la relâcher au fond d'un lac bien profond où elle finira ses jours tranquillement.
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  116. Mendoza : tu ne ferais pas ça ? ( il serre les poings).
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  118. Ambrosius : et pourquoi pas ? C'est une belle façon de finir, pour une carpe. Conviens qu'elle sera mieux au fond d'un lac que dans mon circuit d'alimentation d'eau.
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  120. Tao : tu ne m'as jamais montré ce circuit non plus! Oh, Ambrosius, j'ai tant de choses à découvrir encore dans la nef, promets moi que tu me montreras tout ça !
  121.  
  122. Ambrosius : plus tard, Tao, plus tard, patience, rien ne presse...tout vient à point à qui sait attendre, et on savoure mieux ce qu'on a désiré plus longtemps, n'est-ce pas Mendoza ?
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  124. Mendoza : oui, Tao, d'ailleurs ne désirais-tu pas te régaler d'anguilles ? Tiens, prends mon épuisette et va pêcher avec Pedro et Sancho, ils sont plus doués que moi dans cet art ô combien difficile.
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  126. Sancho : Ah ça....ça...ça...ça...ça oui ! On est des a...des za za...des za za za....
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  128. Esteban : des asticots ?
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  130. Sancho : non, des za za....
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  132. Pichu : Zaza ! Zarès ! Alerte ! Zarès ! Zarès !
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  134. Tous, sauf Ambrosius et Mendoza : Hein?? Où ça ?
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  136. Sancho : non...non...Pi...pi...Pichu ! Pedro et moi, on est des zaza...
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  138. Pedro : des as quoi ! Pff...viens donc pêcher au lieu de causer, tu nous a fichu une de ces trouilles avec tes zaza ! Allez les enfants, venez, on va vous montrer de quoi on est capables ! A nous les bonnes anguilles ! Euh, Ambrosius, puis-je emprunter ton épuisette, si tu permets ?
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  140. Ambrosius : avec plaisir, très cher ! (ton acerbe, il lui enfonce l'épuisette dans l'estomac, sans quitter des yeux Mendoza) Au moins cette épuisette servira-t-elle à quelqu'un, puisque la personne à qui elle était destinée s'en est procuré une par ses propres moyens, l'ingrat !
  141.  
  142. Pedro et Sancho s'empressent d'aller pêcher, les enfants restent, hésitants, et regardent tour à tour Mendoza et Ambrosius, toujours figés dans leur face à face.
  143.  
  144. Scène 6
  145.  
  146. Tao : Tiens, c'est vrai ça, d'où sort-elle cette autre épuisette ? Dis, et le super filet de corps de ton invention, on peut le voir, puisque ce n'est plus la peine de garder le secret ? ( à Mendoza) Tu ne m'en veux pas, j'espère, Mendoza ? Je veux dire, pour ton honneur et ta dignité, parce que ben, on dirait que le filet n'a pas bien fonctionné de toute façon, puisque tu n'as rien attrapé, même si tu es tout trempé, mais je serais curieux de voir comment il est fait. Peut-être n'était-il pas à ta taille, tout simplement...
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  148. Mendoza : oui, c'est ça, j'ai pas réussi à l'enfiler, c'est surtout aux épaules que ça coinçait, tu aurais du prendre modèle sur quelqu'un qui a une meilleure carrure que toi, Ambrosius, une vraie carrure d'homme ! Il aurait pu t'aller, Tao, j'en suis sûr, mais je l'ai malencontreusement laissé échapper dans le courant...
  149.  
  150. Tao : oh, zut, quel dommage ! Tu en referas un, Ambrosius, n'est-ce pas ? Je t'en prie, je t'en prie !
  151.  
  152. Ambrosius : c'est demandé si gentiment...et je suis une personne profondément gentille, tu le sais, la preuve en est que je me suis douté que Mendoza n'arriverait à rien avec le filet, aussi me suis-je dépêché de lui apporter l'épuisette que j'avais retrouvée dans mes affaires, mais je ne me doutais pas qu'il était manchot à ce point en matière de pêche....il s'est montré bien présomptueux et bien imprudent dans cette affaire....il aurait du réfléchir à deux fois avant de choisir sa surprise...il aurait pu trouver quelque chose où il n'ait pas besoin de me solliciter...quelque chose qui ne mette pas en jeu son honneur et sa dignité ! Quelque chose qui ne l'aurait pas fait rougir !
  153.  
  154. Mendoza : je ne rougis pas !
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  156. Tao : si, tu es tout rouge !
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  158. Zia : ça suffit ! Depuis tout à l'heure je ne comprends rien à vos histoires, mais en voilà assez ! Mendoza a voulu nous faire plaisir et il pris le risque de se ridiculiser en raison de ses piètres qualités de pêcheur, et nous devrions lui en vouloir parce qu'il n'a pas réussi à attraper d'anguilles ? Mais c'est nous qui devrions avoir honte de l'asticoter ainsi, enfin surtout toi, Ambrosius ! (elle se plante devant lui, bras croisés)
  159.  
  160. Esteban : bien dit, Zia ! Tu me déçois, Ambrosius ! (il se plante à son tour devant lui, bras croisés) Tu aurais du marcher avec nous dans le mensonge pour sauver l'honneur et la dignité de Mendoza, comme c'était convenu ! Et dire que c'est moi qui me sentais l'âme d'un traitre ! Et toi, Tao, tu ne dis rien ?
  161.  
  162. Tao : ben euh...( Esteban lui jette un regard noir. Tao se tourne vers Mendoza) C'est bon, excuse moi, Mendoza, moi et ma grande bouche...
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  164. Mendoza, esquissant un sourire, lui pose une main sur l'épaule : ce n'est rien, Tao, ce n'est rien, je ne place pas mon honneur et ma dignité dans mes capacités de pêcheur, dieu merci ! Il est vrai que j'adore qu'un plan se déroule sans accrocs, malheureusement parfois le destin s'amuse à nous jouer des tours...Shôganai...
  165.  
  166. Esteban : Comment ? Qu'est-ce que ça veut dire ?
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  168. Mendoza : c'est du japonais, cela signifie tant pis, c'est ainsi, on n'y peut rien, c'est la fatalité...
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  170. Esteban : ah ! C'est le destin quoi ! Mais où as-tu appris ça ? Depuis quand parles-tu japonais ?
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  172. Tao : bah ! Les marins sont doués pour les langues, c'est bien connu ! Une fille dans chaque port, ça aide....au fait, tu es donc déjà allé au Japon ?
  173.  
  174. Mendoza : taisez-vous, petits ignorants ! La déesse Unagikami, l'esprit de cette rivière, m'est apparue tantôt et m'a enseigné cette bonne parole !
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  176. Tao : une déesse ? Une vraie ? Tu ne te moques pas ? A quoi ressemblait-elle ?
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  178. Mendoza : je n'oserais pas me jouer d'un mystère sacré...c'était une anguille géante et elle avait un goût de vase....elle m'a donné l'épuisette....
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  180. Tao : un goût de vase ? Eh ! L'épuisette, tout s'éclaire !
  181.  
  182. Mendoza, se reprenant : mais laissons cela, tiens, si nous allions plutôt faire une partie de ricochets ? Là-bas, chez moi, en Espagne, on me surnommait Prince Ricochet, je ne te l'ai jamais dit, Tao ?
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  184. Il commence à s'éloigner au nez d'Ambrosius qui n'a pas bougé et le suit des yeux, Esteban et Zia toujours plantés devant lui.
  185.  
  186. Esteban, à Zia, voix basse : dis donc, il est bizarre tout de même Mendoza, il saute du coq à l'âne..et cette histoire d'anguille géante, euh, comment dire...
  187.  
  188. Zia, à Esteban même jeu : tu as raison, il avait l'air de délirer grave ! (un éternuement violent cloue alors Mendoza sur place, tandis qu'il s'éloignait avec Tao ) Oh ! Le pauvre ! Tout s'explique ! Il a pris froid dans la rivière ! Esteban, vite, donne lui sa cape, qu'il se couvre ! Ambrosius, tu devrais raccompagner Mendoza à la nef, et lui préparer une bonne tisane, tu ne crois pas ?
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  190. Ambrosius, souriant : quelle bonne idée, en effet, Zia ! Ce sera ma façon de me racheter ! Je vais lui préparer une petite décoction dont j'ai le secret, radicale contre les virus de son ….euh, de cette espèce !
  191.  
  192. Mendoza : je te remercie, Ambrosius, mais je me sens en pleine forme et je vais rester encore un peu ici pour me sécher au soleil, et puis, je ne peux pas refuser une partie de ricochets à Tao !
  193.  
  194. Esteban, lui donnant sa cape : Eh ! Moi aussi je veux jouer !
  195.  
  196. Mendoza, riant : tu laisses Zia pêcher toute seule avec Pedro et Sancho ?
  197.  
  198. Zia, piquée : Mpfff ! (elle secoue sa chevelure) Puisque c'est comme ça, vous l'aurez voulu !Vous ne savez pas qu'au pays on me surnommait Princesse Ricochet ?
  199.  
  200. Esteban : tu veux rire ? Qui t'aurait appris ? Ton père peut-être ? Eh eh eh !
  201.  
  202. Zia : Papacamayo, exactement, bougre d'idiot ! Prépare-toi à la défaite ! Je vais te faire mordre la vase ! (elle s'élance pour ramasser des galets) Eh, venez, y'a un supercoin par ici !
  203.  
  204. Esteban et Tao, se regardant et s'élançant en riant à leur tour : Ouaiaiais ! Mendoza, tu viens ?
  205.  
  206. Mendoza : j'arrive !
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  208. Ambrosius le retient par la cape.
  209.  
  210. Scène 7
  211.  
  212. Ambrosius : pas si vite ! J'aimerais avoir une petite conversation en privé avec toi. Allons vers ce rocher.
  213.  
  214. Mendoza : pas de problème. (aux enfants) Allez-y, je vous rejoint tout de suite ! Zia, trouve moi les meilleurs galets ! ( à Ambrosius) Je suis à toi. (ils s'éloignent de quelques pas, s'arrêtent près d'un rocher sur lequel Ambrosius se hisse. Il est ainsi de la même taille que Mendoza.) Qu'y-a-t-il ? Tu as besoin de reprendre le dessus ?
  215.  
  216. Ambrosius : et toi, tu te crois en position de force ? Moi aussi j'adore qu'un plan se déroule sans accrocs, mais tu as joué les trouble-fête...j'ai trouvé cela fort agréable au départ, fort agréable, vraiment, mais tu as dépassé les bornes de l'acceptable, du tolérable, du supportable ! Sache que personne ne sortira indemne de cette histoire, à part moi. Alors, profite bien de ta partie de ricochets, et songe que c'est moi qui choisirai le moment exact de ta mort : je te promets une agonie délicieusement longue et lente qui nous procurera à tous deux, je l'espère, la plus intense jouissance, une véritable apothéose à notre amour maudit ! (il lui saisit le visage d'une main. Mendoza porte instinctivement la main à son épée, restée sur la rive). Tout doux ! Pas d'affolement ! Tu as peur ? Tu veux tout avouer aux enfants ? Sache que je n'hésiterai alors pas à me débarrasser du poisson rouge, et que je pourrais bien te mettre à sa place dans la capsule ! Oh, je serais aux petits soins avec toi, je suis sûr que tu apprécierais ! Mais pensons un peu aux autres, veux-tu ? Ne vaut-il pas mieux pour le bien de tous que nous fassions semblant comme avant ? Tu auras ta belle mort tant désirée, héroïque si possible, bien entendu, et je te jure de lobotomiser Athanaos, afin de préserver ton honneur. De cette façon, tu en serais également quitte avec ta promesse à Esteban...et ta mémoire ne serait point souillée...Quant à ce qui adviendra après ta disparition, quelle importance, pas vrai ? Shôganai ! ….Tu vois, je sais me montrer magnanime...Alors, qu'en dis-tu ? Marché conclu ?
  217.  
  218. Mendoza : tu es une belle ordure, Zarès !
  219.  
  220. Ambrosius : ooohh !...merci pour le compliment ! J'en conclus que tu es d'accord ?
  221.  
  222. Mendoza : comment puis-je te faire confiance ?
  223.  
  224. Ambrosius : c'est toi qui oses prononcer ce mot après ta trahison avec cette petite catin ?
  225.  
  226. Mendoza : je t'interdis ! (il se dégage brusquement et gifle Ambrosius)
  227.  
  228. Ambrosius : je ne suis pas rancunier, mais n'abuse pas de ma patience, Mendoza ! Tiens, voilà pour toi, en gage de ma parole ! (il l'embrasse fougueusement) Marché conclu ? Je n'ai rien vu à Kawanagi...
  229.  
  230. Mendoza : Marché conclu...tu n'as rien vu à Kawanagi...mais tu vas être enrhumé...
  231.  
  232. Ambrosius : j'aurais certes préféré partager avec toi autre chose que des virus, la découverte de la prochaine cité d'or par exemple...mais chacun ses priorités je suppose....je ne peux lutter contre ton sens de l'honneur, de la dignité et du devoir paternel...qui m'est bien utile, je le reconnais ! (il lui met la main sur l'épaule) Ces satanés gamins deviendraient incontrôlables s'ils découvraient qu'ils ne peuvent plus accorder leur confiance à aucun adulte, ni à toi, ni à moi....ta volonté de leur laisser leurs belles illusions et de préserver leur innocence me facilite grandement la tâche ! Ah ! Toi et moi, nous aurions pu conquérir le monde ! Mais tu es trop faible, et ta faiblesse risquerait de m'être fatale, j'en ai eu la démonstration tout à l'heure avec cette petite...( Mendoza se raidit) Oh là ! Tout doux ! Je n'ai rien vu à Kawanagi....je constate seulement que je fais bien d'en rester là avant qu'une autre de tes infidélités me fasse perdre de vue le but de toute une vie ! Shôganai...je me contenterai de jouir de chaque seconde passée à tes côtés, en préparant ta mise à mort ( il l'attire à lui et lui murmure à l'oreille) Quand je te tue, je me fais du bien...Antonio...Luis....Mendoza....marquis d'Estella....bâtard du duc de la Igualada... (c'est au tour de Mendoza de lui saisir le visage et de l'embrasser avec passion) Allons, allons, n'essaie pas de me tenter...et va vite rejoindre les enfants avant que je ne décide de te garder pour toujours dans la capsule à la place d'Athanaos ! Tu es trop dangereux, mon ami...va...va....je ne te hais point....(il le repousse et s'éloigne brusquement, avant de se retourner) N'oublie pas de passer prendre ta tisane ! Mais elle aura un goût plus amer que mon mélange spécial « Xochiquetzal », je te le garantis ! ( il disparaît dans la forêt).
  233.  
  234. Scène 8
  235.  
  236. Les enfants, occupés à faire des ricochets : Oh eh ! Mendoza ! Alors, qu'est-ce que tu fais, tu viens ?
  237.  
  238. Mendoza (contemplant l'endroit où a disparu Ambrosius) : j'arrive, j'arrive...
  239.  
  240. Pedro et Sancho, sortant de l'eau en brandissant les épuisettes : Oh eh ! Mendoza ! Regarde toutes les anguilles qu'on a prises ! On va se régaler !
  241.  
  242. Mendoza : c'est super, les gars, vous êtes des experts ! Allumez donc un feu !
  243.  
  244. Il reste encore à la lisière de la forêt, tout pensif.
  245.  
  246. Esteban : dis donc, Tao, Mendoza a l'air tout chose, tu ne trouves pas ?
  247.  
  248. Tao : peuh, c'est normal, il vient de rompre avec Ambrosius, tu ne comprends jamais rien, toi !
  249.  
  250. Esteban : comment ? Mais qu'entends-tu donc par « rompre avec Ambrosius » ? ?
  251.  
  252. Tao : chuut, moins fort, il pourrait nous entendre ! Non, mais, tu y as vraiment cru, toi, à toutes ces singeries d'Ambrosius pour noyer le poisson ? C'était gros comme un condor en orichalque, là ! Ah ! Je me suis bien amusé !
  253.  
  254. Zia : mais, de quoi parles-tu ?
  255.  
  256. Tao : ne me dis pas que toi aussi ? Ah, vous deux, les élus, vous faîtes bien la paire ! De vraies petites âmes innocentes ! Vous n'avez donc pas compris que toute cette histoire de pêche à l'anguille c'était du bidon, et que Mendoza avait bien passé la nuit dans la nef la nuit dernière ?
  257.  
  258. Zia : oh ! Mais ! Tu veux dire...
  259.  
  260. Tao( acquiesçant) : hum hum...sur mon île, j'avais deux iguanes, Totor et Titus, qui...
  261.  
  262. Esteban : ben quoi ? Pourquoi Ambrosius en a fait tout un plat alors ? Ça faisait quoi que Mendoza ait dormi sur son canapé ?
  263.  
  264. Tao : Esteban, mais enfin ! Oh, et puis, non, bon, t'as raison, ce n'est pas grave, après tout, ils sont grands, et tout cela ne nous regarde pas ! N'est-ce pas Zia ? (elle approuve de la tête).
  265.  
  266. Esteban : quoi ? J'ai encore sorti une perle ?
  267.  
  268. Tao : mais nooon, au contraire, ce sont les adultes qui compliquent toujours tout...(il met sa main devant la bouche en signe de réflexion. ) Cependant, certains détails m'échappent encore dans cette histoire....Pourquoi une anguille aurait-elle donné une épuisette à Mendoza ? Et c'est quoi cette obsession d'Ambrosius avec les poissons, les carpes....ils ne nous cacheraient pas autre chose ces deux-là ?
  269.  
  270. Esteban : bah, arrête de te prendre la tête et essaie plutôt de me battre : treize ricochets ! Qui dit mieux ?
  271.  
  272. Zia : facile, regarde donc la championne : un deux, trois......quinze, seize ! Record battu !
  273.  
  274. Mendoza les rejoint enfin et se lance aussitôt dans la compétition.
  275.  
  276. Mendoza : respect, Zia, mais attends de voir le maître à l'oeuvre ! Un deux, trois, quatre....dix-huit, dix-neuf, vingt, bingo !
  277.  
  278. Les enfants : Waoh ! Trop fort ! Vive Mendoza !
  279.  
  280. Il rit tandis que Pedro et Sancho appellent.
  281.  
  282. Pedro et Sancho : Eh ! Venez donc nous aider à faire les brochettes !
  283.  
  284. Les garçons se précipitent en hurlant d'enthousiasme.
  285.  
  286. Zia, restée en arrière, va étreindre brièvement Mendoza en murmurant : merci pour tout ce que tu fais pour nous....Mendoza sursaute et regarde Zia s'éloigner. Puis il ramasse un galet, lance un dernier ricochet.
  287.  
  288. Mendoza, murmurant tandis qu'il contemple les ricochets de son galet : Unagikami mon amour, j'emporterai en enfer le goût de ton baiser d'anguille....
  289.  
  290. Il se retourne avant que les ricochets ne soient terminés et s'élance pour rejoindre les autres dans un superbe mouvement de cape, tandis que la gardienne apparaît sur un autre rocher et compte les derniers ricochets.
  291.  
  292. L'inconnue : dix-sept, dix-huit, dix-neuf, vingt, vingt et un, record battu, bingo !
  293.  
  294. Elle saute alors de son rocher tandis qu'on entend les premiers accords d'une chanson pop japonaise. Un groupe de musiciens surgit sur le devant de la scène, tous vêtus de yukatas bleu foncé à motifs d'anguilles noires. L'inconnue les rejoint et se met à chanter avec eux « Unagikami, Unagikami, Unagikamiiii, mon amour ! ». On voit en fond de scène les autres se goinfrer d'unagis grillées.
  295.  
  296. Fin
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