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Réponse du député BAPT - Loi de renseignement

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May 5th, 2015
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  1. Gérard BAPT Toulouse, le 5 mai 2015
  2. Député de la Haute-Garonne
  3. Commission des Affaires sociales
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  11. CT projet de loi renseignement 2
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  14.  
  15. Madame, Monsieur,
  16.  
  17. Vous m’avez interpellé au sujet du projet de loi relatif au renseignement. Désireux de répondre à l’ensemble des inquiétudes formulées sur ce texte, j’ai veillé à ce que le débat parlementaire permette d’apporter toutes les garanties indispensables en matière de protection des libertés individuelles, de sorte que ce projet de loi, nécessaire à la sécurité de nos concitoyens, soit rigoureusement conforme aux valeurs que nous partageons.
  18.  
  19. Tout d’abord, j’aimerais souligner l’exigence de doter notre ordre juridique d’une législation encadrant les activités du renseignement. La France est, en effet, l’une des dernières démocraties au monde à ne pas s’être dotée de ce type de législation. A cet effet, je note qu’une mission transpartisane confiée à mes collègues Jean-Jacques Urvoas et à Patrice Verchere, ainsi que les travaux de la délégation parlementaire au renseignement, ont conclu de la nécessité d'adopter une loi sur le renseignement. Le gouvernement s’est, en outre, engagé à adopter une telle législation dès le mois de juillet 2013. Il s’agit d’un texte qui a fait l’objet de longs débats, depuis de nombreux mois et dont les attentats des 7, 8 et 9 janvier n’ont fait que conforter l’impérieuse nécessité.
  20.  
  21. Par ailleurs, ce projet de loi institue un contrôle juridictionnel inédit des activités du renseignement. Pour la toute première fois, un juge ne se verra pas opposer le Secret de la Défense Nationale ce qui garantira un recours effectif pour le citoyen. Cette avancée constitue une évolution majeure de notre droit et de nos protections.
  22.  
  23. La discussion parlementaire a permis l’adoption de 251 amendements ayant pour effet de poursuivre et d’amplifier les mesures de contrôle des activités du renseignement si bien que les préoccupations dont vous vous êtes fait l’écho ont fait l’objet d’un examen minutieux et d’une réponse précise dont je souhaite vous faire part.
  24.  
  25. Tout d’abord, la Commission Nationale de Contrôle des Techniques de Renseignement (CNCTR), responsable du contrôle administratif disposera de tous les moyens pour effectuer un contrôle intransigeant de la mise en œuvre des techniques du renseignement. Ce contrôle jouera aussi bien en amont de la mesure que pendant son exécution, ou encore en aval à travers le contrôle de la transcription et de la conservation des données recueillies. Les pouvoirs de cette autorité administrative indépendante se trouvent très largement consolidés par les amendements adoptés à cette fin. Concernant les moyens dont disposera la CNCTR, un amendement parlementaire prévoit que la prochaine loi de finances garantisse tous les moyens humains et techniques nécessaires à l’accomplissement de sa mission, ainsi que les crédits correspondants. Par ailleurs, elle pourra mettre en place une véritable coopération avec l’Autorité de régulation des communications électronique et des postes (Arcep) afin de veiller à l’intégrité des réseaux de communications électronique et de disposer de son expertise précieuse en matière numérique.
  26.  
  27. En outre, le nombre de parlementaires membres de la CNCTR, dans une représentation pluraliste, a été rehaussé afin de renforcer le contrôle des opérations de surveillance.
  28.  
  29. Je note par ailleurs que vous avez exprimé des préoccupations concernant le risque d’une « surveillance de masse » des citoyens. Je tiens à vous rassurer sur le fait que ce texte ne contient aucune mesure permettant de poursuivre de tels objectifs. Toutes les techniques du renseignement font l’objet d’une autorisation individualisée selon des finalités clairement définies et dans une précision infiniment plus importante que ne le prévoit l’état actuel du droit. Les procédures et garanties prévues par la loi excluent clairement qu’elles puissent être le vecteur «d’une surveillance de masse ».
  30.  
  31. Une attention particulière a été portée aux enjeux de renforcement de la surveillance des personnes représentant une menace terroriste. Le recours à des techniques de détection plus efficaces est indispensable. Aujourd’hui, seul un djihadiste sur deux était détecté avant son départ parmi ceux présents en Syrie ou en Irak. En outre, faute d’élément tangible, les possibilités de solliciter l’ouverture d’un cadre d’enquête judiciaire demeurent trop limitées (650 personnes seulement sont concernées sur 1600).
  32.  
  33. D’une part, la surveillance en temps réel des personnes dont l’engagement terroriste est avéré s’effectuera sur la base de décisions strictement individuelles. D’autre part, le recours aux technologies numériques par algorithme pour détecter les activités terroristes, soit qu’il s’agisse d’individus non connus, soit qu’il s’agisse d’individu déjà connus mais utilisant des parades de communication pour contourner les opérations de surveillance sur leurs moyens de communication habituels, sera strictement encadré.
  34.  
  35. Le débat parlementaire a notablement enrichi le texte de garanties supplémentaires : ainsi, la commission de contrôle disposera d’une capacité de contrôle préalable des critères de conception du traitement, et disposera du code source correspondant pour le faire expertiser au besoin par ses ingénieurs. Seules les données de connexion seront concernées. En revanche, le contenu des correspondances ne sera pas concerné par ces algorithmes, ce qui exclut formellement les technologies de surveillance générale des correspondances par mot-clef utilisées dans d’autres pays. L’autorisation d’usage d’un algorithme devra être renouvelée à chaque modification, et au minimum tous les quatre mois, si bien que l’exécutif devra périodiquement reformuler une demande d’autorisation répondant aux exigences en termes de proportionnalité et de pertinence de la technique employée, sans préjudice des pouvoirs de contrôle permanents dont disposera la commission.
  36.  
  37. Un amendement du gouvernement, issu de discussions avec les hébergeurs de sites Internet a prévu également que :
  38. - l’autorisation du Premier ministre devra préciser le champ technique de la mise en œuvre de la technique du renseignement, qui sera limité aux éléments strictement nécessaires à la détection d’une menace terroriste ;
  39. - les opérateurs auront la possibilité de s’assurer par eux-mêmes que les données de contenu seront exclues de la mise en œuvre de ces traitements ;
  40. - la procédure d’urgence ne sera pas applicable à cette technique du renseignement.
  41.  
  42. Je note que l’adoption de cet amendement a été salué par la principale entreprise d’hébergeurs de sites Internet en France « OVH » qui, après avoir formulé d’importantes réserves sur le texte, a constaté que « des engagements concrets à la préservation des données personnelles et au caractère ciblé, limité dans le temps et non systématique de ce dispositif de surveillance [avaient] été apportés. »
  43.  
  44. Par ailleurs, les données correspondant à celles recherchées par l’algorithme feront l’objet d’une protection particulière. En effet, l’identification des personnes concernées ne pourra intervenir que dans un second temps, sur la base d’autorisations individuelles qui permettront à la commission de vérifier qu’elles correspondent bien à des personnes dont le comportement représente une menace. A défaut, les données seront détruites et l’algorithme devra être modifié ou abandonné.
  45.  
  46. Le dispositif étant mis en œuvre par le Groupement interministériel de contrôle, y compris les opérations d’identification individuelle, à aucun moment les services de renseignement n’auront accès à des données recueillies massivement.
  47.  
  48. Enfin, je note également que le gouvernement a souhaité réduire cette technique du renseignement à une expérimentation jusqu’à 2018. Le Parlement devra être saisi de nouveau à cette date et aura pu durant la période expérimentale réaliser tous les contrôles nécessaires. Tout cela démontre bien que ce texte ne peut pas donner lieu à une surveillance de masse.
  49.  
  50. Les dispositifs de proximité (également appelés IMSI-catchers) seront également très encadrés puisqu’un amendement prévoit une limitation du nombre de dispositifs simultanément autorisés pour recueillir des informations. Afin que le contrôle de la commission sur le respect des autorisations soit effectif, les données recueillies par les services feront l’objet d’une centralisation obligatoire.
  51.  
  52. Des inquiétudes ont également été formulées concernant les agents du renseignement qui ne respecteraient pas la législation et qui abuseraient de leur pouvoir. Suite à un amendement de la commission des lois, tous les agents devront être individuellement habilités et pour chaque type de technique. Un manquement de leur part pourra se traduire par une perte d’habilitation, le cas échéant sur recommandation de la commission, et par conséquent l’impossibilité de prendre part à de nouvelles opérations de surveillance.
  53.  
  54. En outre, le projet de loi initial n’écarte en rien l’application au domaine du renseignement de l’article 40 du code de procédure pénale qui prévoit que « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ».
  55.  
  56. Mieux, il renforce ces garanties, notamment en mettant en place une procédure spécifique qui permet au Conseil d’Etat, s’il constate une illégalité « susceptible de constituer une infraction », de saisir parallèlement le parquet et la commission consultative du secret de la défense nationale du dossier sur lequel il s’est fondé afin que celle-ci se prononce sur sa déclassification. C’est la première fois que notre droit introduit une limitation au secret de la défense nationale en vue de faciliter l’exercice de l’article 40 du code de procédure pénale.
  57.  
  58. Le débat parlementaire a encore été l’occasion d’introduire des dispositions spécifiques visant à encadrer davantage la mise en œuvre des techniques de renseignement, lorsqu’elles visent des personnes exerçant certaines professions particulièrement sensibles. Ainsi, la protection du secret des sources des journalistes, le secret de l’instruction et de l’enquête nécessaire à la présomption d’innocence et le secret attaché aux échanges intervenant entre un client et son avocat nécessaire au respect des droits de la défense feront l’objet de garanties incontestables. Ainsi, pour les professions d’avocat, de magistrat et de journaliste, l’avis préalable spécialement motivé de la CNCTR réunie dans sa formation collégiale sera systématiquement exigé. Les techniques du renseignement ne pourront pas, pour ce qui concerne ces professions, être mises en place selon les procédures d’urgence prévues plus généralement dans le projet de loi. En outre, la CNCTR disposera d’une information systématique des modalités d’exécution des autorisations dûment motivées. Pour terminer, afin de préserver expressément le secret attaché à l’exercice de ces professions, les transcriptions de données collectées seront systématiquement transmises à la CNCTR. Ces garanties procédurales ont été consacrées également pour la profession de parlementaire en vertu du respect du principe de la séparation des pouvoirs.
  59.  
  60. Madame, Monsieur,
  61.  
  62. Vous avez formulé des préoccupations absolument légitimes, c’est la raison pour laquelle j’ai souhaité, avec le soutien du groupe majoritaire, que ce projet de loi, qui fait l’objet d’un large soutien au-delà des clivages politiques classiques, puisse être encadré de garanties supplémentaires en matière de protection de nos libertés. Ces mesures nouvelles sont essentielles, elles inscrivent encore davantage les dispositions de ce projet de loi dans le respect de l’Etat de droit et présentent des assurances de nature à conforter l’accueil de ce texte par nos concitoyens.
  63.  
  64. Soyez assuré(e) que je veille avec constance à ce que toutes les mesures que nous adoptons pour assurer la nécessaire sécurité des Français dans un contexte marqué par un risque terroriste majeur soient sans préjudice pour la préservation de nos libertés individuelles. C’est d’ailleurs dans cet état d’esprit que le Président de la République a annoncé qu’il saisirait le Conseil constitutionnel de ce projet de loi afin que les droits fondamentaux ne soient nullement mis en cause par l’adoption de ce texte.
  65.  
  66. Voici les éléments que je voulais porter à votre connaissance. Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées.
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