Advertisement
Guest User

Untitled

a guest
Feb 28th, 2017
87
0
Never
Not a member of Pastebin yet? Sign Up, it unlocks many cool features!
text 25.54 KB | None | 0 0
  1. Aux côtés des procédures de sauvegarde classique et de sauvegarde financière accélérée (SFA), l’ordonnance du 12 mars 2014 instaure une procédure de sauvegarde accélérée, dont le régime constitue désormais un socle commun aux sauvegardes de ce genre particulier, dont la SFA ne devient qu’une variante. Si la sauvegarde non financière accélérée emprunte beaucoup à la SFA telle qu’elle existe aujourd’hui, celle-ci conserve des spécificités. À ce titre, il est intéressant de faire un point comparatif entre la SFA et cette nouvelle procédure de sauvegarde accélérée, notamment au regard de leur rapidité respective, de leur caractère collectif et de leurs liens avec la procédure de sauvegarde classique.
  2. On connait déjà la sauvegarde financière accélérée, dite SFA, introduite par la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 20101 dans le livre VI du Code de commerce. Cette procédure originale est destinée à permettre au débiteur d’obtenir le bénéfice d’un plan négocié, mais non conclu du fait de la résistance d’une minorité de créanciers, « en substituant à l’exigence d’unanimité de la conciliation, celle de la majorité qualifiée » des créanciers concernés. Ses effets sont limités puisqu’ils n’affectent que les créanciers membres du comité des établissements de crédit et, le cas échéant, les créanciers obligataires.
  3.  
  4. De cette procédure qu’elle maintient, l’ordonnance du 12 mars 20142 s’inspire plus que largement3, en introduisant à ses côtés une procédure nouvelle, appelée sauvegarde accélérée4, sorte de procédure accélérée « de droit commun », dont la SFA, légèrement retouchée, ne devient qu’une variante.
  5.  
  6. Outre l’exigence d’une conciliation en cours, la procédure de sauvegarde accélérée limite le bénéfice de ses dispositions aux débiteurs « dont les comptes ont été certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable et dont le nombre de salariés, le chiffre d’affaires et le total de bilan sont supérieurs à des seuils fixés par décret, ou qui [ont] établi des comptes consolidés conformément à l’article L. 233-16 »5.
  7.  
  8. Pour assurer le basculement évoqué de la règle de l’unanimité à celle de la majorité, cette nouvelle procédure impose la constitution de comités de créanciers dans les cas où, en application du droit commun de la sauvegarde, celle-ci ne serait que facultative. Dans un souci de célérité qui irrigue l’ensemble de la procédure, le tribunal ordonne cette constitution dans le jugement d’ouverture de la procédure6. Dans le même jugement, il désigne un ou plusieurs administrateurs judiciaires7.
  9.  
  10. De manière plus générale, la procédure de sauvegarde accélérée présente deux particularités : une grande rapidité (I) et un caractère variablement collectif (II), dont elle tire la plus grande part de son originalité. Un atypisme qui conduit à la question – déjà posée pour la SFA – de son degré de parenté réel avec la procédure de sauvegarde, dont elle est pourtant censée n’être qu’une application particulière (III).
  11.  
  12. I – Une procédure « à grande vitesse »
  13. Comme son nom l’indique, la procédure de sauvegarde accélérée est une procédure beaucoup plus rapide que la procédure de sauvegarde classique.
  14.  
  15. Un certain nombre de conditions d’éligibilité à cette sauvegarde particulière, qu’elle soit, en outre, financière ou non, recèlent les moyens de cette rapidité (A), dont il a fallu, pour être cohérent, tirer les conséquences quant à son déroulement (B).
  16.  
  17. A – Les moyens de la rapidité
  18.  
  19. En principe, la rapidité est souhaitable pour toute procédure collective. Elle n’est cependant pas toujours possible.
  20.  
  21. La particularité de la procédure de sauvegarde accélérée est, précisément, de devoir aboutir dans un délai très court : trois mois à compter du jugement d’ouverture, pour la sauvegarde accélérée non financière8 et, véritable record, un mois9 pour la sauvegarde financière accélérée10. Ces délais sont impératifs, au point que leur non-respect sonnera purement et simplement la fin de la procédure11, laquelle ne peut être convertie en une autre, contrairement aux autres procédures collectives et, en particulier, à la sauvegarde classique.
  22.  
  23. Si la sauvegarde accélérée peut être placée sous le signe de la « très grande vitesse », attribut qui en assure l’efficacité, c’est que les conditions prévues par les textes pour y accéder permettent ce degré d’exigence. Comme dans l’actuelle procédure de sauvegarde financière accélérée, n’est éligible à la nouvelle sauvegarde accélérée que le débiteur engagé dans une procédure de conciliation en cours au jour de la demande d’ouverture. L’exigence ne s’arrête cependant pas là. La conciliation doit, en outre, avoir déjà porté des fruits puisque, selon l’article L. 628-1 du Code de commerce, le projet de plan tendant à assurer la pérennité de l’entreprise, que doit obligatoirement avoir élaboré le débiteur, « doit être susceptible de recueillir, de la part des créanciers à l’égard de qui l’ouverture de la procédure produira effet, un soutien suffisamment large pour rendre vraisemblable son adoption dans le délai prévu à l’article L. 628-8 ou, le cas échéant, à l’article L. 628-10 ».
  24.  
  25. Trois conditions concourent donc à rendre pertinent l’impératif de rapidité inhérent à la procédure de sauvegarde accélérée :
  26.  
  27. l’existence d’une conciliation en cours (dont l’état d’avancement doit être significatif) ;
  28.  
  29. l’existence d’un projet de plan sérieux élaboré par le débiteur ;
  30.  
  31. l’assurance d’une large adhésion à ce plan des créanciers concernés.
  32.  
  33. S’il est aisé d’établir la réalité de l’existence de la première condition, la chose est plus délicate pour les deux dernières. C’est la raison pour laquelle le législateur prévoit que le tribunal statue sur la demande en ouverture d’une sauvegarde accélérée sur rapport du conciliateur, lequel permettra de confirmer ou d’infirmer le sérieux des perspectives de sauvetage de l’entreprise. Le tribunal peut encore, en dépit des règles de confidentialité applicables à ce type de procédures, obtenir communication des pièces et actes relatifs à la conciliation et, le cas échéant, au mandat ad hoc qui l’aurait précédée12. Une autre sécurité réside sans doute, pour le tribunal, dans l’intervention (espérée) du ministère public en présence duquel l’ouverture de la sauvegarde accélérée doit être examinée13.
  34.  
  35. Le législateur, qui s’est donné les moyens de cette procédure « à grande vitesse », se devait d’adapter les règles de son déroulement à ce paramètre majeur et au particularisme qu’il entraîne.
  36.  
  37. B – Les conséquences de la rapidité
  38.  
  39. Certains mécanismes régissant le déroulement d’une procédure classique de sauvegarde ne sont pas raisonnablement transposables, ni même réellement pertinents, dans le cadre d’une procédure de sauvegarde accélérée. Le législateur a donc pris soin de réserver à ces règles un sort particulier, adapté à ce contexte spécifique.
  40.  
  41. Ainsi en va-t-il des règles applicables aux contrats en cours, l’article L. 628-1 du Code de commerce écartant l’application des règles de résiliation de plein droit en cas de mise en demeure de l’administrateur judiciaire ou en cas de défaut de paiement comptant14, comme celle de résiliation du contrat, sollicitée par l’administrateur au juge-commissaire pour cause de nécessité au regard du sauvetage de l’entreprise. Ainsi en va-t-il encore des règles relatives à la vérification du passif, qui suit un régime original par rapport à ce que nous connaissons aujourd’hui15. De même, le débiteur bénéficiant de l’ouverture d’une sauvegarde accélérée, peut obtenir une dispense de procéder à l’inventaire prévu par l’article L. 622-6 du Code de commerce16. Sont encore écartées les règles relatives aux revendications et restitutions prévues par les sections 3 et 4 du chapitre IV du titre du Code de commerce relatif à la sauvegarde17.
  42.  
  43. Ces particularités de la sauvegarde accélérée, liées à la brièveté de sa durée, se doublent d’une autre spécificité : le caractère variablement collectif qui est le sien.
  44.  
  45. II – Une procédure variablement collective
  46. Toute particulière qu’elle soit, la nouvelle procédure de sauvegarde accélérée « ordinaire » est une procédure collective (A), ce que ne devient toujours pas, à la faveur de cette réforme, la sauvegarde financière accélérée (B).
  47.  
  48. A – L’institution d’une procédure collective de sauvegarde « non financière » accélérée
  49.  
  50. La loi du 22 octobre 2010 introduisait une procédure semi collective18 dans le paysage des procédures judiciaires de traitement des difficultés d’entreprises19. Sans remettre en cause cette exception, l’ordonnance du 12 mars 2014 n’en accentue pas la portée, revenant, pour la procédure de sauvegarde accélérée non financière qu’elle instaure, au principe du caractère collectif de cette forme particulière de sauvegarde.
  51.  
  52. Comme le précise le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 12 mars 201420, la procédure de sauvegarde accélérée est bien une procédure collective « puisque les effets de l’ouverture de cette procédure concernent des catégories homogènes de créanciers auxquelles est imposée une discipline collective et dont les intérêts sont représentés par un mandataire judiciaire ». Le fait est que si, selon les termes de l’article L. 628-6 du Code de commerce, la nouvelle procédure « ne produit d’effet qu’à l’égard des créanciers » antérieurs soumis à l’obligation de déclaration prévue par l’article L. 622-24 du Code de commerce21, le caractère collectif de la procédure n’est pas affecté par cette limitation, laquelle existait sous l’empire de la loi de 1985 pour les procédure de redressement et liquidation judicaires, dont le caractère collectif n’a jamais été contesté. Le fait que soient exclus de cette catégorie très large, les salariés et les créanciers alimentaires22 ne change rien à ce caractère.
  53.  
  54. Les créanciers soumis à la discipline collective de la sauvegarde accélérée subissent le gel de leur créance : interdiction des paiements, des poursuites, des inscriptions, arrêt du cours des intérêts. Ce faisant, ils sont, en principe, tenus de déclarer leur créance au passif du débiteur.
  55.  
  56. Cependant, reproduisant le dispositif institué par la loi de 2010 dans la cadre de la sauvegarde financière accélérée, certains de ces créanciers pourront en être dispensés.
  57.  
  58. Outre la liste de ses créanciers, du montant de ses dettes et des principaux contrats en cours, qu’il doit établir à l’ouverture de la procédure en application de l’article L. 622-6 du Code de commerce, le débiteur établit en effet une liste des créanciers antérieurs soumis à obligation de déclaration, qui ont participé à la conciliation. Il y précise le montant de la créance due au jour du jugement d’ouverture avec indication des sommes à échoir, de la date de leur échéance et, le cas échéant, du privilège ou de la sûreté dont elle est assortie. Si la créance est en monnaie étrangère, il doit encore la convertir en euro, selon le cours du change à la date du jugement d’ouverture23. Une fois établie, la liste, certifiée par le commissaire aux comptes ou attestée par l’expert-comptable, est déposée au greffe du tribunal par le débiteur. Or, selon le texte, le dépôt de la liste des créanciers vaut déclaration de créances en leur nom, si bien que ceux-ci seront dispensés d’y procéder.
  59.  
  60. Ce n’est que dans le cas où, recevant du mandataire judiciaire l’extrait de la liste qui le concerne, le créancier considérait que la mention de sa créance est erronée, qu’il devrait adresser une « véritable » déclaration répondant aux conditions et modalités des articles L. 622-24, L. 622-25, L. 622-25-1 (nouveau) et L. 622-26 du Code de commerce. L’actualisation des créances de la liste évoquée doit être effectuée dans le délai de deux mois qui suit la publication du jugement d’ouverture au Bodacc ou, semble-t-il, de la notification de l’avertissement spécial envoyé par la mandataire judiciaire aux créanciers titulaires d’une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié.
  61.  
  62. Sous l’empire de la sauvegarde financière accélérée « version 2010 », ces modalités de détermination du passif emportant dispense de déclaration au profit de certains créanciers, apparaissent tout à fait originales. Ce le sera moins sous l’empire de l’ordonnance du 12 mars 2014, laquelle semble généraliser le procédé24.
  63.  
  64. Il ressort en effet de l’article L. 622-24, alinéa 3 du Code de commerce, dans sa rédaction telle qu’issue de l’ordonnance et applicable aux procédures de sauvegarde « ordinaire », redressement et liquidation judiciaires, que « lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n’a pas adressé la déclaration de créance prévue au premier alinéa ».
  65.  
  66. De la combinaison des dispositions du Code de commerce issues de l’ordonnance de 2014 – celles, spéciales, de l’article L. 628-7 et celles, générales, de l’article L. 622-24, lesquelles ont vocation à être appliquées chaque fois que les articles L. 628-1 et suivants n’y dérogent pas – découlera la nécessité d’une approche plurielle du sort des créanciers :
  67.  
  68. lorsque les créanciers antérieurs et soumis à déclaration auront participé à la conciliation, ils pourront bénéficier de la dispense de déclaration prévue à l’article L. 628-7 ;
  69.  
  70. les autres créanciers affectés par la procédure de sauvegarde accélérée – ceux antérieurs, soumis à l’obligation de déclaration, mais n’ayant pas participé à la conciliation – pourront bénéficier de la dispense de déclaration prévue à l’article L. 622-24, alinéa 3 du Code de commerce, si leur créance a été signalée par le débiteur au mandataire judiciaire ;
  71.  
  72. les créances, enfin, qui n’auraient pas été portées à la connaissance du mandataire judiciaire ou – ce qui sera sans doute plus rare – qui n’auraient pas figuré sur la liste certifiée déposée au greffe du tribunal, devront être déclarées selon les modalités et dans les délais de droit commun.
  73.  
  74. Pour peu que l’approche jurisprudentielle des articles L. 622-24, alinéa 3 et L. 628-7 du Code de commerce ne soit pas tout à fait homogène25, la mise en œuvre de ces règles pourrait s’avérer complexe.
  75.  
  76. B – Le maintien d’une procédure semi-collective de sauvegarde financière accélérée
  77.  
  78. L’introduction, dans le livre VI du Code de commerce, de la procédure collective de sauvegarde accélérée, dont la sauvegarde financière accélérée (SFA) ne devient qu’une variante, n’a pas emporté modification du caractère semi-collectif de cette dernière26. Conformément à ce qu’a prévu la loi de 2010, le futur article L. 628-9 du Code de commerce précise que cette procédure ne produit effet qu’à l’égard des créanciers membres du comité des établissements de crédits ou de l’assemblée d’obligataires, pour lesquels, soit dit en passant, les modalités et dispense de déclaration seront identiques à celles prévues dans le cadre de la sauvegarde accélérée27. Comme aujourd’hui, donc, tous les autres créanciers seront épargnés des contraintes liées au gel du passif. Pour le Professeur Vallens28, notamment, il est impossible de voir là une exception, parmi d’autres que connaît le livre VI du Code de commerce, au caractère collectif des procédures judiciaires de traitement des difficultés d’entreprises. Précisément parce que la procédure de sauvegarde financière accélérée, aujourd’hui comme dès l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions, pose un principe inverse à celui du caractère collectif de la procédure – les effets de la procédure ne jouent qu’à l’égard d’une catégorie de créanciers, limitativement énumérés –, la procédure ne peut être qualifiée de procédure collective.
  79.  
  80. La catégorie des procédures de sauvegarde accélérée n’est donc pas une catégorie homogène du point de vue du caractère collectif ou non qui leur est attribué. Au-delà, la catégorie plus large des procédures de sauvegarde (ordinaire, accélérée ou financière accélérée) est elle-même hétérogène, la question pouvant raisonnablement être posée de savoir si la sauvegarde accélérée, financière ou non, correspond fondamentalement à une procédure de sauvegarde.
  81.  
  82. III – Une procédure de sauvegarde ?
  83. Déjà, lors de l’introduction de la SFA dans le Code de commerce, la question pouvait se poser de savoir si cette procédure méritait vraiment sa qualification de procédure de sauvegarde29. Avec l’ordonnance du 12 mars 2014 et la sauvegarde accélérée, qui emprunte à son aînée les grandes lignes de son régime, mais qui innove aussi sur certains points, la question demeure, mais se trouve renouvelée. En ce que la sauvegarde accélérée, qu’elle soit financière ou non, est rattachée, sauf exception, au régime de la sauvegarde, il est possible de considérer qu’elle n’en constitue qu’une application particulière (A). En ce que certaines des règles propres à la sauvegarde accélérée dérogent à la philosophie même de la procédure de sauvegarde, la question de leur détachement s’impose (B).
  84.  
  85. A – Une procédure rattachée aux règles de la sauvegarde
  86.  
  87. Le dispositif relatif à la sauvegarde accélérée fait l’objet du chapitre VIII du titre II du Code de commerce intitulé « De la sauvegarde ». Dès la première phrase du premier article de ce chapitre, les choses sont clairement annoncées : « Il est institué une procédure de sauvegarde accélérée soumise aux règles du présent titre, sous réserve des dispositions du présent chapitre »30. À la lecture de la loi, aucun ne doute, donc, que la sauvegarde accélérée soit voulue comme une sorte de sauvegarde, atypique.
  88.  
  89. Ce rattachement formel suffit-il à relier fondamentalement la sauvegarde accélérée à la sauvegarde ? Ce n’est pas évident.
  90.  
  91. Il a été justement relevé, à propos de la SFA, que beaucoup de dispositions encadrant la sauvegarde « classique » lui sont difficilement applicables, à commencer par la période d’observation qui n’en est pas vraiment une, comme étant strictement limitée à une période d’un, voire deux mois, au cours de laquelle il n’y aura pas d’élaboration d’un bilan économique, social et environnemental. Au-delà, les délais de cette procédure atypique actuellement en vigueur ont été jugés incompatibles avec certaines règles de la sauvegarde, en particulier celles déterminant le sort des contrats en cours ou celles encadrant les revendications31.
  92.  
  93. On peut penser que la sauvegarde accélérée instituée par l’ordonnance de 2014, en ce qu’elle reprend l’architecture globale de la SFA, est de nature à susciter les mêmes réserves. La chose mériterait peut-être une analyse plus nuancée.
  94.  
  95. La sauvegarde accélérée présente en effet des différences avec la SFA actuelle, qui pourraient permettre d’atténuer un peu les handicaps de son rattachement à la sauvegarde : d’une part, en effet, la durée maximale de la sauvegarde accélérée n’est pas d’un mois, mais de trois mois, ce qui peut permettre d’envisager une meilleure application de certaines règles de la sauvegarde ; d’autre part, l’article L. 628-1 du Code de commerce prévoit expressément d’écarter, parmi les règles de la sauvegarde, certaines qui posaient des difficultés d’application dans le délai très bref de la SFA, ou qui pouvaient sembler inadaptées, à savoir les règles évoquées relatives aux contrats en cours et aux revendications.
  96.  
  97. Cependant, la sauvegarde accélérée présente une caractéristique nouvelle par rapport à la SFA que nous connaissons – et qu’elle transmet d’ailleurs à la SFA version 2014 – qui fragilise peut-être aujourd’hui encore plus qu’hier : la réalité de son lien de filiation avec la procédure de sauvegarde.
  98.  
  99. B – Une procédure détachée de la philosophie de la sauvegarde
  100.  
  101. Innovation majeure de la loi de sauvegarde32, la procédure du même nom porte nettement la marque de l’esprit de la réforme de 2005 : favoriser la sauvegarde des entreprises, en encourageant principalement la prise en charge anticipée des difficultés. Du redressement judiciaire, avec lequel elle partage très largement les aspects techniques, la sauvegarde ne diffère que par sa philosophie33, axée sur l’idée de prévention. Or, jusqu’à présent au moins, le caractère préventif de la sauvegarde s’élaborait autour de l’absence de cessation des paiements du débiteur, condition sine qua non de son éligibilité à la procédure. À cette règle majeure, l’actuelle sauvegarde financière accélérée ne déroge pas : seul le débiteur qui n’est pas en cessation des paiements et qui, en outre, répond à toutes les autres conditions d’ouverture de cette procédure34, peut en bénéficier35.
  102.  
  103. Or, dans le cadre de la procédure de sauvegarde accélérée, financière ou non, l’ordonnance du 12 mars 2014 change la donne. Il ressort en effet du dernier alinéa de l’article L. 628-1 du Code de commerce, dans sa version 2014, que « la circonstance que le débiteur soit en cessation des paiements ne fait pas obstacle à l’ouverture de la procédure de sauvegarde accélérée si cette situation ne précède pas depuis plus de quarante-cinq jours la date de la demande d’ouverture de la procédure de conciliation »36. Il sera en revanche mis fin à la procédure, sur saisine du ministère public, s’il est établi que la cessation remonte à plus de quarante-cinq jours avant la demande37. Du point de vue de la situation financière du débiteur, la procédure de sauvegarde accélérée bascule donc un peu plus qu’auparavant d’un apparentement voulu à la sauvegarde à un apparentement effectif à la conciliation. À ce titre, affirmer que la sauvegarde accélérée est une sauvegarde paraît aujourd’hui, peut-être encore plus qu’hier, relativement discutable.
  104.  
  105. En pratique, cependant, il faut admettre que la chose n’est pas d’une importance capitale. Au-delà des textes et de la structure même du livre VI du Code de commerce d’où il ressortirait que la SFA, telle que nous la connaissons, ne serait qu’une variante de la sauvegarde, c’est le caractère hybride de cette procédure particulière qui a été mis en évidence38. Or, si l’ordonnance de 2014 estompe encore un peu plus le lien entre sauvegarde et sauvegarde accélérée, en renforçant celui existant entre sauvegarde accélérée et conciliation, cela n’affecte en rien le caractère hybride de la procédure de sauvegarde accélérée, auquel se rattache sa vocation : celle de permettre l’adoption d’un plan sérieux de sauvegarde de l’entreprise, en dépit de l’opposition d’une minorité de créanciers. En admettant que la sauvegarde accélérée puisse être ouverte à un débiteur en état de cessation des paiements depuis moins de quarante-cinq jours et, ainsi, en distendant encore un peu plus qu’auparavant39 le lien de parenté entre cette procédure et la sauvegarde ordinaire, l’ordonnance de 2014 ne remet pas en cause l’utilité et la pertinence d’une procédure toute entière tendue vers la recherche d’efficacité dans la sauvegarde de l’entreprise40.
  106.  
  107. Tout juste peut-on noter, à la faveur de ces nouvelles données, une accentuation du « brouillage des pistes » concernant les conditions d’ouverture des procédures collectives relatives à la situation du débiteur en difficulté. Alors que, sous l’empire de la loi de 1985, la ligne de partage était nette, n’ouvrant la voie amiable qu’au débiteur en difficulté, mais encore in bonis, et la voie judiciaire qu’au débiteur dont les difficultés étaient constitutives de cessation des paiements, la loi de sauvegarde avait déjà pris le parti d’introduire une zone de chevauchement entre ces deux situations. Depuis 2005, le débiteur en cessation des paiements41 peut en effet bénéficier de la procédure amiable de conciliation, et le débiteur in bonis peut solliciter l’ouverture de la procédure judiciaire de sauvegarde. Plus tard, l’ordonnance de 200842 introduira une possibilité de redressement judicaire sans cessation des paiements43, dans l’hypothèse où le débiteur soumis à une sauvegarde, se heurte à l’impossibilité d’adopter un plan, la clôture de la procédure de sauvegarde l’assurant, en outre, de se trouver, de manière certaine et à bref délai, en cessation des paiements44.
  108.  
  109. En introduisant aujourd’hui une possibilité, pour le débiteur en cessation des paiements, de bénéficier d’une (pseudo) procédure de sauvegarde, l’ordonnance de 2014 s’inscrit donc dans ce mouvement général d’affranchissement d’un partage trop net des procédures destinées au règlement des difficultés des entreprises.
  110.  
  111. Sans doute n’y a-t-il rien à redire à cela, si, au final, l’efficacité est au rendez-vous. Le pari de la sauvegarde optimisée des entreprises françaises, s’il réussit, vaut bien le sacrifice de ce qui ne serait plus qu’une sorte d’esthétique dans la délimitation des différentes procédures de traitement des difficultés des entreprises.
Advertisement
Add Comment
Please, Sign In to add comment
Advertisement