Entretien 8

Moi:"L'intérêt de ma thèse, c'est en fait : comme l'infection respiratoire, c'est un motif de consultation fréquent en médecine générale, la difficulté réside souvent dans le faite que.. faire la part des choses pour savoir si c'est bactérien, viral.. mettre des antibiotiques ou pas, et du coup cette étude chercher à voir, qu'est-ce qui fait qu'on va prescrire des examens complémentaires ou non. Donc, ma première question c'est : quels sont différents symptômes que vos patients décrivent fréquemment lors d'une consultation pour une infection respiratoire basse ?"

Med:"Toux grasse ! Je peux en mettre plusieurs ?"

Moi:"Ah oui, plusieurs. Tout ce qui vous passe par la tête"

Med:"Douleur thoracique, dyspnée, fièvre, céphalée. C'est bien déjà ?"

Moi:"Oui c'est pas mal. Quels sont les diagnostics qu'ils évoquent quand ils viennent vous voir pour ce type de symptômes ? Cette question, c'est parce que des fois quand les patients arrivent..."

Med:"Ils ont déjà leur diagnostic !"

Moi:"C'est ça."

Med:"Euh... Bronchite !"

Moi:"Bronchite, oui c'est le plus fréquent. Rien d'autre ?"

Med:"Oui, bronchite c'est vraiment le truc"

Moi:"Ok, d'accord. Quelles sont les requêtes particulières de vos patients ?"

Med:"Ceux-là ? On parle des mêmes ? Ceux qu'on une infection respiratoire basse ?

Moi:"C'est ça"

Med:"Euh... Mieux respirer, donc voilà. Moins tousser, et reussir à expectorer."

Moi:"D'accord, parce qu'ils ne réussissent pas à chaque fois"

Med:"Oui"

Moi:"Donc, ils demandent quoi en particulier ?"

Med:"Des sirops"

Moi:"Sirops ?"

Med:"Que je ne donne pas, biensure. Hahaha. Et des antibiotiques bien évidemment"

Moi:"La question suivante c'est : comment décririez-vous le rapport de vos patients aux antibiotiques ?"

Med:"Euh... De l'amour ?"

Moi:"Hahaha"

Med:"De l'amour, je pense. Euh... de l'amour, et de la dépendance envers les antibiotiques"

Moi:"S'ils n'en ont pas, ils ont l'impression qu'ils vont pas guérir ?"

Med:"oui, qu'ils vont pas guérir"

Moi:"D'accord, même si c'est viral ?"

Med:"oui"

Moi:"Ok, selon vous, quel est le ressenti du patient quand vous lui prescrivez des examens complémentaires en urgence ?"

Med:"Genre radio ?"

Moi:"Genre radio, prise de sang..."

Med:"Plutot bien reçu, bien perçu.Oui, ça les rassure limite"

Moi:"D'accord, plus que ça les angoisse ?"

Med:"Oui"

Moi:"Ok, d'accord. Ok. Sur quels critères cliniques vous appuyez-vous pour prescrire ou non des antibiotiques ?"

Med:"Clinique, hein ? Alors, c'est transformation d'une éventuel bronchite, une toux grasse fébrile. Transformation par exemple : du sang dans les crachats, ou alors le retour d'une fièvre alors qu'il n'y avait plus de fièvre au bout de quatre cinq jours, trois jours de fièvre, et puis au cinquième jour y a de la fièvre qui réapparait, une dyspnée qui devient plus importante, et puis une clinique bruyante supérieure à dix jours."

Moi:"D'accord, ok. Très bien. Et sur quels critères cliniques vous appuyez-vous pour prescrire ou non des examens complémentaires ?"

Med:"Clinique, hein toujours ?"

Moi:"Toujours clinique."

Med:"Euh.. Si j'ai un foyer à l'auscultation... A j'ai oublié de dire foyer à l'auscultation aussi pour les antibiotiques, quand même. quand même. Donc, foyer à l'auscultation. Euh... Dyspnée importante, chez quelqu'un qui n'est pas asthmatique, ou quelque chose comme ça. Fièvre qui persiste au delà de quatre jours. Crachats sanglants."

Moi:"Oui, oui, l'hémoptysie, c'est.."

Med:"L'hémoptysie ça marche bien. haha."

Moi:"D'accord, y a-t'il d'autres critères qui interviennent ? Lesquels ?"

Med:"Ben, les antécédents biensure, donc comorbidités, le fumeur, l'asthmatique, la personne âgée, l'insuffisant respiratoire, s'il a eu deux pneumopathie franche lobaire aigue depuis trois mois. Voilà son histoire. Après, euh.. le diabétique, l'immunodéprimé. C'est pas mal ?"

Moi:"Je crois que vous avez tout dit. Alors, qu'attendez-vous des examens complémentaires dans votre démarche thérapeutique ?"

Med:"Alors, pour ce qui est des radio par exemple ?"

Moi:"Par exemple"

Med:"Oui, pour les radio voir s'il y a effectivement un foyer, donc pour..."

Moi:"Confirmer ou infirmer.."

Med:"Exactement, voir si. j'ai dit un foyer c'est bien ça. pour ce qui est de la bio, enfin, on parle pas de tuberculose ?"

Moi:"ça fait parti des infections respiratoires basses, mais c'est pas les plus fréquents"

Med:"Pour ce qui est de la bio, voir si j'ai une CRP là-haut au plafond, ou pas, avec des globules blanc la haut ou pas, oui c'est pas mal. Oui c'est ça pour confirmer"

Moi:"Ok, qu'estimez-vous être un frein à la prescription des examens complémentaires ?"

Med:"Un frein ?"

Moi:"Oui, ça peut être tout et n'importe quoi"

Med:"Alors, là elle est bien bonne. A Paris ?"

Moi:"Oui"

Med:"Un frein... A part, euh. y a l'argent déjà. ça coute cher. Disponibilité, enfin à paris, c'est pas vraiment d'actualité. Pour les radios, y a pas beaucoup de frein."

Moi:"Les radio vous en obtenez rapidement ?"

Med:"Ah oui, dans l'heure !"

Moi:"Ils font ça dans le centre ?"

Med:"ben oui. A côté là, chez nous. Donc dans l'heure on l'a, prise de sang, elle est faite là là, dans la minute.Donc j'avoue, j'suis pas freiné."

Moi:"Y a pas de délai quoi"

Med:"Ben moi là, ici non. Je ne suis pas freiné vraiment. Après c'est l'argent, le cout. Si j'estime que c'est pas nécessaire, j'en prescris pas. Si je pense que c'est une bronchite virale de base, je fais rien. Voilà"

Moi:"Ok, très bien. C'est ce que je voulais savoir. Dans quel cadre jugez-vous utile les examens complémentaires dans les infections respiratoires basses ? Quels sont les indications pour lesquels.."

Med:"Ben si je suppute une bactérie, donc un foyer pulmonaire voire une pneumopathie franche lobaire aiguë, une tuberculose, j'en ai eu une juste avant. Je sais pas peut-être. Si c'est une persistance de la toux, au delà de dix, jours, quinze jours, trois semaines. Je parle pas de pleurésie machin, on s'en fout. Donc on parle des radios, là ? Encore une fois ?"

Moi:"Radio, ou bio"

Med:"Ou bio, euh..."

Moi:"ça peut être ECBC, ça peut être prise de sang"

Med:"Alors, moi j'en ai jamais prescrit, hors hospitalier. Jamais"

Moi:"Oui moi non plus"

Med:"Personnellement."

Moi:"J'ai rencontré un médecin hier, pour la même chose, un entretien, qui m'a dit qu'elle avait un de ses remplaçants avait fait un ECBC pour toussait depuis longtemps, pour lequel elle avait jamais pensé à faire un ECBC, et au final y avait des BK"

Med:"Bon ben, là vraiment"

Moi:"Du coup, elle en fait.."

Med:"Elle en fait tout le temps ? haha. Oui, moi j'ai pas eu.. pour l'instant j'ai pas fait. mais, ptet que cette dame, si elle revient, celle que j'ai eu juste avant, et qu'à la radio c'est pas clair et qu'elle continue, elle persiste à tousser avec des sueurs nocturnes et tout ça, pourquoi pas"

Moi:"Oui, si le doute persiste quoi"

Med:"Franchement, pour l'instant j'en ai jamais prescrit"

Moi:"Ok. Comment jugez-vous votre propre prescription d'antibiotique ?"

Med:"Minimaliste, et plutot protocolaire. j'utilise toujours les mêmes produits. C'est pas compliqué"

Moi:"Oui, sauf si s'il y a des gens qui sont allergiques"

Med:"Exactement."

Moi:"Ok; Est-ce que vous voudrez l'améliorer ?"

Med:"Pour ce qui de l'antibiothérapie, non je ne pense pas"

Moi:"Ok, d'accord"

Med:"Surtout que je fais des formations médicales continues, et que ça matche, enfin ça fit bien; ça fit avec ce que disent les experts, donc ça matche."

Moi:"Ok, connaissez-vous des outils qui pourraient vous aider à la décision de prescription ou non d'antibiotique ?"

Med:"Des outils.. biologiques, donc ?"

Moi:"ça peut être biologique, ça peut être informatique, ça peut être tous les outils qui peuvent vous aider"

Med:"Euh.."

Moi:"Par exemple, y a les BU pour les cystites. Y a les.."

Med:"Alors, encore une fois, je n'ai jamais demander d'examen crachats, chose comme ça. Je fais les tests, mais on parle pas d'infection"

Moi:"Pour les angines ?"

Med:"Voilà. En fait, moi j'en fais pas d'examen de crachat. Personnellement, hein. J'en fais pas."

Moi:"Ok. D'accord. Très bien. Que savez-vous sur les résistances aux antibiotiques ?"

Med:"Encore une fois pour les infections, pneumopathie franche lobaire aigue...?"

Moi:"En fait, pour le coup c'est pour toutes les bactéries, parce que des qu'on prescrit des antibiotiques pour une infection respiratoire.."

Med:"Donc pour tout ?"

Moi:"Oui, pour le coup cette question c'est pour tout"

Med:"Bah je sais, c'est un peu vaste comme..."

Moi:"C'est juste, en très conci"

Med:"Très conci ? Ben, plus on donne d'antibactérien large spectre, plus on a de chance de sélectionner les résistances, il faut adapter ses prescriptions d'antibiotique, déjà minimaliste, et ciblé sur la bactérie qu'on croit être la cause de l'infection. Avec des traitements qui sont le plus court possible, avec des doses adaptées. Voilà. Je ne sais pas si je suis hors-sujet là."

Moi:"Non non non. Vous avez donné des recommandations pour éviter les résistances. Mais du coup où est-ce qu'on en est aujourd'hui de l'évolution des résistances ?"

Med:"Elles sont de plus en plus importantes, et il n'y a pas de nouvelle molécule antibiotique découverte depuis X années."

Moi:"Depuis longtemps oui"

Med:"Donc, ça va être compliqué, très compliqué. Même si à mon avis, la pratique s'est améliorée."

Moi:"S'est améliorée ! Parce qu'en fait en 2014, il y avait eu un appel de l'OMS, 'arrêtez de faire ce que vous êtes en train de faire', du coup c'est en train de se calmer un peu. Mais faut qu'on fasse encore des progres. D'où ma thèse"

Med:"C'est ça !"

Moi:"Vos patients ont-ils des requêtes particulières vis-à-vis de la prescription d'antibiotique ?"

Med:"Oui, ils en veulent."

Moi:"Ok, c'est plus ils en veulent..."

Med:"Ah ils en veulent, après ils savent pas ce qu'on leur donne, mais ils en veulent."

Moi:"Et quels sont les arguments pour essayer d'influencer votre prise en charge ?"

Med:"Ben, s'ils ont pas d'antibiotique, ils vont mourir. Ah oui c'est ça : 'j'vais crever! docteur je vais canner.' 'si j'ai pas d'antibiotique, je ne vais jamais guérir'"

Moi:"Et du coup vous faites quoi ?"

Med:"'J'vais revenir, je vais être obliger de revenir', et ben j'essaye de leur expliquer, si pour moi c'est une bronchite je leur dit que c'est toujours viral, et que les virus, ils s'en fichent des antibiotiques. Complètement ! Et que ça guérit dans 100% des cas."

Moi:"Ok, est-ce que vous avez à l'inverse des patients qui sont réticents aux antibiotiques ?"

Med:"Y'en a."

Moi:"C'est beaucoup plus rare ?"

Med:"Beaucoup plus rare !"

Moi:"Vraiment ? ça, ça dépend des quartiers"

Med:"Ah c'est vrai ?"

Moi:"Oui !"

Med:"Pour les bobos, je pense que c'est vers là"

Moi:"Dans le premier arrondissement, c'était plus"

Med:"C'est ça ! Je travaille dans le vingtième, et là c'est un dispensaire. Non"

Moi:"D'accord. Donc yen a mais c'est beaucoup plus rare"

Med:"Beaucoup plus rare"

Moi:"D'accord, est-ce que vous connaissez la procalcitonine ?"

Med:"Oui, alors je l'utilise pas mais, je ne l'utilise pas personnellement mais oui oui je la connais. Alors, est-ce que je devrais ? ça je ne sais pas. Il me semble que c'est un peu plus cher que la CRP"

Moi:"C'est un peu plus cher, je crois que la CRP c'est cinq euros, et la procalcitonine c'est vingt euros"

Med:"Oui, ça fait quand même quatre fois plus cher"

Moi:"Après, c'est quand même utile dans les... Après la CRP, ça monte quand c'est viral ou bactérien, alors que la procalcitonine ça n'augmente que si c'est bactérien."

Med:"oui je ne l'utilise pas"

Moi:"ça coute plus cher qu'une cure d'amoxicilline, je suis d'accord, mais si le patient est allergique, du coup on va prescrire un truc encore plus cher"

Med:"Genre du zeclar, ou même pire de la pyostacine, ça c'est très cher pour le coup. Oui effectivement, procaltinone, c'est vrai que j'y pense pas à l'utiliser plus que ça."

Moi:"C'est en train de s'installer petit-à-petit"

Med:"ça va baisser, je pense le prix"

Moi:"je pense, c'est parce que ce n'est pas encore assez utilisé"

Med:"Je sais pas si ici, je me demande si c'est elle est remboursée ici, à notre labo. Je sais pas. Faut que je demande tiens, faut que je demande. Parce que à chaque fois que je l'ai prescrite, je sais pas si ça a été remboursé."

Moi:"Oui, j'avoue ça pourrait être intéressant"

Med:"Oui, faut que je demande"

Moi:"Ok, Quels sont globalement vos habitudes de prescription des examens complémentaires ? Oui c'est ça, globalement, est-ce que vous en prescrivez beaucoup ? pas beaucoup"

Med:"Pas beaucoup. dans les infections respiratoires."

Moi:"Et dans un contexte semi-urgent ? Semi-urgent, c'est à dire, pas assez urgent pour l'envoyer tout de suite aux urgences, mais que vous pensez que..."

Med:"La je fais la radio."

Moi:"Radio en première intention ?"

Med:"Oui. Pas de scanner ou chose comme ça"

Moi:"D'accord, et quels sont les délais de récupération ? ça vous avez déjà répondu, c'est très rapide"

Med:"C'est ultra-rapide"

Moi:"Ok, dans quelle situation adressez-vous un patient aux urgences sans avoir prescrit d'examen complémentaire ?"

Med:"Détresse respiratoire aigue, donc le patient que je sens s'il tolère pas sa dyspnée. Là c'est les urgences. Et hémoptysie : Urgences ! Quand, enfin moi j'ai pas de problème pour les radios, j'ai aucun problème, quand je sens qu'il va y avoir le week-end, qu'il ne va pas être géré, on reste en ville quand même, qu'on est vendredi et que je le sens pas. Il a 40 de fièvre, il est dyspnéique, il a des antécédents respiratoires : urgences ! je me prend pas la tête"

Moi:"Ok. Et après avoir prescrit des examens complémentaires ?"

Med:"Si j'ai les résultats ?"

Moi:"Oui, vous avez les résultats."

Med:"Alors, s'il va bien, s'il va mieux avec le traitement que je lui ai prescris, même s'il y a un truc monstrueux à la radio. C'est géré, c'est géré !"

Moi:"Donc, c'est la tolérance clinique alors"

Med:"Après je fais un contrôle, éventuellement, radiologique, on est d'accord. Pas d'urgence si le patient va mieux avec le traitement que je lui ai prescrit."

Moi:"D'accord, et s'il ne va pas mieux"

Med:"Et s'il ne va pas mieux, c'est les urgences !"

Moi:"D'accord. Réalisez-vous une consulation de contrôle systématique dans les pneumopathies ?"

Med:"Oui"

Moi:"Ok, comment celle-ci se déroule-t'elle ?"

Med:"Ben, je lui prescris, donc une radio de thorax de contrôle à faire. Et je lui dis de revenir avec la radio de contrôle à trois semaines. Et puis, je l'examine. J'écoute les poumons, je vois ce que ça donne, si j'ai encore un foyer ou pas. Je lui demande comment ça s'est passé, déjà s'il n'y a plus de fièvre. S'il n'est plus dyspnéique, etc..."

Moi:"OK, c'est bientot fini."

Med:"Je vais pouvoir manger"

Moi:"Comment décririez-vous votre bassin de population et lieu où vous exercez ?"

Med:"Ben j'en ai deux. Donc, c'est plutot : dans le vingtième c'est plutot pauvre, et migrant, c'est dans la cité. Et ici donc, bizzarement, on est dans le neuvième, mais bizzarement j'ai pas mal de gens de banlieux"

Moi:"Qui viennent jusqu'ici ?"

Med:"Non, en fait oui, ils viennent jusqu'ici, mais en fait ils travaillent dans les grands magasins, les machins, les trucs. Et en fait, ils consultent ici, c'est leur médecin généraliste. Leur médecin traitant est ici en fait."

Moi:"Oui, parce qu'ils sont plus souvent au travail, que.."

Med:"Exactement ! Comme tout le monde. Exactement. Et puis pas mal de touriste ici aussi, qui parlent pas français, et voilà donc euh"

Moi:"OK, donc, du coup les touristes vous pouvez pas les revoir donc.."

Med:"Exactement, donc c'est un peu de la base comme les urgences"

Moi:"D'accord, ok, et pour finir : Est-ce que vous avez des remarques sur le déroulement de l'entretien ?"

Med:"Non, c'est bien, c'est bien. Pas de remarque particulière. C'est clair."

Moi:"Merci beaucoup en tout cas"

Med:"De rien"