Au commencement, il n’y avait rien. Les ténèbres semblaient régner sur le vide infini. Puis, sans crier gare, apparut la première entité capable d’exister dans cet endroit qui manquait de tout. Mais il était seul, et ne savait que faire dans ce monde qui manquait encore de tout. Alors, pour une durée indéterminée, que l’on compte aussi bien en seconde qu’en siècle, l’être se recroquevilla sur lui-même, perdu dans son errance sans péripéties ni intérêt.
Soudain, l’être fut un instant accosté par un autre, qui lui ressemblait à bien des égards. Il y avait des différences notables, cependant, entre les deux êtres, car ce nouvel arrivant portait sur lui des vêtements qui cachaient en partie son visage, mais laissait tout même voir son large sourire. Ce nouveau personnage se présenta au premier sous le nom de Lithé, et tendit sa main au premier pour qu’il se relève dans ce vide infini, afin qu’ils puissent se faire face.
Lithé n’était pas seul. Il était accompagné de tout un essaim de créatures rayonnantes, minuscules, silencieuses… Le premier être ne pouvait que se réjouir d’être enfin rejoint ! Sa longue solitude semblait enfin se briser. Mais pourtant, il ne dit rien, comme intimidé par ces nouvelles présences.
C’est alors que Lithé demanda son nom au premier être. Ce dernier resta silencieux. Il avait eu l’éternité pour se choisir un nom, mais ne s’était jamais vraiment posé la question. Quand il essaya de répondre, il dut s’y reprendre à trois fois. Hélas, les sons qui sortirent de sa bouche étaient incompréhensibles. Alors, Lithé rit, puis lui proposa un nom que tout le monde pourrait prononcer sans se tromper : Meroclet. Et l’entité approuva.
Ainsi les deux dieux portaient leur nom universel, pour des siècles et des siècles.
Après leur rencontre, Meroclet demanda à Lithé
« Que sont donc ces choses qui t’accompagnent en si grand nombre ? Je n’en avait encore jamais vus auparavant. »
Et Lithé lui répondit « Ils sont la source de toute chose. C’est en se servant d’eux que l’on peut créer matière, solide, liquide ou même gazeuse. C’est aussi en se servant d’eux que l’on créé l’energie qui fait se mouvoir et interagir les choses. Enfin, c’est en se servant d’eux que l’on peut forcer le destin des choses et des êtres, de la manière dont ça nous chante. »
Meroclet, ayant écouté les explications de Lithé, en devint vite maussade, et s’exclama : « Comment ? Mais tu veux dire que ces choses auraient pu, depuis tout ce temps, briser la solitude et l’ennui dans lequel je me trouvais, ainsi perdu dans le vide silencieux ? Mais alors, pourquoi ne pas avoir déjà créé ces « choses », comme tu le dis ? »
« Parce que », expliqua Lithé, « Pour créer toutes choses, je ne peux hélas pas tout faire tout seul. J’ai besoin de ton aide.»
« Mon aide, Lithé, mais comment ça ? » demanda alors Meroclet, interloqué et, sans doute aussi, un peu intéressé.
« Je peux leur demander de se placer d’une certaine manière pour créer une sorte de plan », lui répondit Lithé. « C’est d’ailleurs déjà chose faites. Mais je suis encore seul à pouvoir y voir ce que je veux. Laisse-moi t’apprendre à y voir plus clair. Ainsi, c’est sous tes yeux que va se jouer le destin de notre création »
Lithé guida ainsi Meroclet qui, disciple docile, apprit à y voir plus clair dans l’essaim de créature. En les faisant passer entre ses mains, alors, sous ses yeux ébahis, une gigantesque boule de feu prit forme. Sous les consignes de son nouveau compagnon, Meroclet venait d’engendrer le Soleil. Son instructeur le félicita, puis lui expliqua qu’il avait déjà prévu bien des choses pour distraire Meroclet, afin qu’il ne soit plus rongé par l’ennui et la solitude. Euphorique, Meroclet accepta d’écouter les consignes de son pair.
Ainsi les deux dieux se répartir les tâches. L’un serait le Chuchoteur, guidant le Bâtisseur dans leur création, pour des siècles et des siècles.
Selon les plans du Chuchoteur, le Bâtisseur engendra de nouvelles planètes, qu’ils disposèrent pour tourner autour du soleil originel. Sur l’une de ces planètes, qui se trouvait assez loin pour ne pas brûler et assez proche pour ne pas se geler, les dieux introduire de larges océans aux eaux tumultueuses. Ils en firent s’émerger cinq grands continents pour y abriter les premières forêts luxuriantes. Débordant d’imagination, de nombreux paysages prirent forme, plus beaux les uns que les autres, variés, tant de désert que de montagne, en passant par les réseaux de grottes diverses.
Ainsi les deux dieux créèrent la Terre des Murmures, pour des siècles et des siècles.
Toujours plein d’idées, et comme les plantes florissaient peut-être trop sans pour autant animer la terre, les dieux firent s’émerger des entrailles d’autres êtres vivants qui, contrairement aux plantes enracinées, étaient capable de se mouvoir, et de manger ces plantes. Ainsi les Domroch, Advouquetins, Puphant, Dain, Lapin, foulèrent cette terre. Mais, pour ne pas qu’ils fassent disparaitre leur prédécesseurs, source de nourriture, et afin de réguler leur nouvelle présence, d’autres animaux, plus terribles que les précédents, apparurent bientôt sur la Terre des Murmures. De puissants prédateurs, de toute taille et de toutes formes, vinrent alors animer la faune sauvage, dans tous les milieux déjà créés.
Ainsi les deux dieux créèrent-ils la vie sur la Terre des Murmures.
Meroclet fit alors une remarque pertinente à Lithé « Tu as tout prévu, et c’est bien beau comme ça », assura-t-il d’abord. "Mais est-ce là vraiment tout ? N’y a-t-il pas un être vivant pour se démarquer, un animal auquel je puisse m’attacher pour qu’il me distraie, comme tu me l’as promis ?"
Alors, Lithé sourit à Meroclet et lui demanda de continuer à écouter ses consignes. C’est alors qu’ils créèrent une nouvelle forme de vie, un être se dressant sur deux pattes, disposant de cinq doigts à chaque main, et capable de raisonner mieux que quiconque avant lui sur la Terre des Murmures. Mieux, cette nouvelle création pouvait communiquer avec ses pairs, d’un langage qui semblait avoir été inventé pour que Meroclet le comprenne aussi.
Ainsi les deux dieux créèrent-ils, à leur image, l’homme, pour des siècles et des siècles.