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Feb 19th, 2019
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  3. L'INVASION DU CAMBODGEPAR LE VIETNAM : éléments d'histoire et points de repère.
  4. (Catherine QUIMINAL) -Editions Potemkine 1979--pages 51-52-
  5. DOCUMENT: "KAMPUCHEA VAINCRA !" Tribune libre par Alain Badiou, publiée par le journal "LeMonde" du 17/1/79.
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  7. Kampuchea vaincra !
  8. par ALAIN BADIOU
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  10. L
  11. 'INVASION du Cambodge par cent vingt mille Vietnamiens avec chars et aviation de bombardement ;l'installation à Phnom-Penh de " dirigeants " tirés des bagages de l'envahisseur : prendre position sur ces faitsengage, à notre avis, des questions essentielles.
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  13. A supposer que l'inertie l'emporte, qu'aucun courant d'opinion mondial ne se lève dans le scandale et dansl'action, un pas décisif serait fait vers la violation sans détour du droit des peuples à exister, du droit des nations àvoir leurs frontières garanties et leur sécurité internationale reconnue. Aller régler les problèmes politiques duvoisin à grands coups de division blindées serait désormais chose normale.
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  15. Dans ce climat d'acceptation du gangstérisme international, c'est la généralisation de la guerre qui deviendraitinévitable.
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  17. L'acquiescement, ou même la seule protestation réticente, devant cet acte de barbarie militariste franc etouvert, reproduirait la logique munichoise, qui croit différer le péril sur soi en livrant et trahissant les autres,Autrichiens ou Tchèques hier, Khmers aujourd'hui.
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  19. Il est tout aussi vital et moralement clair de se lever contre l'actuelle invasion, qu'il l'était de condamner sansdétour l'agression américaine de 1970. Les procédés sont les mêmes, aviation et division blindées contre un petit peuple démuni. Les objectifs sont les mêmes : Installer dans les villes un pouvoir à la botte de l'étranger. Lesrésultats seront les mêmes : la guerre populaire de résistance nationale.
  20. D'obscures affaires de sauvages...
  21. Qu'à l'arrière-plan on trouve cette fois les ambitions impériales de la superpuissance soviétique, dont leVietnam est client. Indique seulement la rapidité des changements de conjoncture, et qui, désormais, entend jouer les premiers rôles dans la gendarmerie contre-révolutionnaire mondiale. Ce qui justifie le rappel du précèdent tchècolosvaque, dont du reste, avec un cynisme sans égal, les Vietnamiens se réclament ouvertement.A dix ans d'écart, c'est bien le même processus qui se déploie et s'aggrave.Ce qui semble paralyser certains devant l'évidence du devoir, c'est la vaste campagne menée depuis trois anscontre le " goulag " cambodgien.
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  23. En soi déjà, l'argument est curieux, il revient en somme à dire que puisque les Khmers se sont tant tués entreeux, leur massacre par les chars vietnamiens doit nous laisser froids ! On ne saurait mieux dire que vus de loin, eten Asie, la question nationale, le respect des frontières, l'absolue ignominie qu'est une invasion massive perpétrée de sang-froid ne sont qu'obscures affaires de sauvages.
  24. Contre les deux superpuissances
  25. Sur le fond, nous constatons ceci : pour mieux " expliquer " la violence du processus révolutionnaire auCambodge, les censeurs dénoncent à qui mieux mieux l'" hyper-nationalisme sectaire ". le " refus de l'aideétrangère ", le " chauvinisme ", dont auraient fait preuve Pol Pot et ses camarades Khmers rouges. On déguise à peine, dans ces propos, qu'il est outrecuidant pour un pays de taille modeste de prétendre échapper à l'allégeance,à la soumission, à l'inclusion dans une aire d'hégémonie.
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  27. Alain Badiou : "Je le regrette. Et je suis heureux de le dire ici publiquement : je regrette d'avoir écrit ce texte. Mais il ne suffit pas de le regretter. Regretter et se repentir, on peut toujours le faire. C'est très facile. Nos chefs d'État eux-mêmes n'arrêtent pas de se repentir et de demander pardon. Au bout du compte, il vaut mieux penser que, comme le dit Spinoza, "le repentir n'est pas une vertu".
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  29. Au-delà, donc, du fait que je regrette d'avoir écrit ce texte, je m'intéresse à la question de savoir pourquoi je l'ai écrit. Je l'ai écrit parce que j'avais été enthousiasmé par la victoire des Khmers rouges en 1975. Je n'ai pas été le seul. Relisez les premières pages du Monde à cette époque-là. J'ai ensuite voulu garder en moi cet enthousiasme, y compris contre le réseau des informations peu à peu disponibles. En politique, le découragement est monnaie courante, et l'enthousiasme est une denrée précieuse.
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  31. Quand les Khmers rouges prennent le pouvoir, c'est une éclatante victoire militaire. Pourquoi sommes-nous si enthousiastes ? Parce que c'est la victoire d'un tout petit peuple, organisé en guérilla rurale sous la direction des Khmers rouges, contre l'énorme armée américaine et ses complices locaux. Et c'est donc la validation d'un énoncé de Mao qui soutenait à l'époque l'espérance de millions de gens dans le monde : "Un petit peuple, s'il est uni et qu'il compte sur ses propres forces, peut venir à bout d'une grande puissance." Encore aujourd'hui, cette idée que le plus faible par la puissance brute peut être politiquement le plus fort est d'une importance décisive.
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  33. Il y avait donc cet enthousiasme, et quand les Vietnamiens ont envahi le Cambodge, cette invasion m'a paru détestable. Quatre ans après avoir chassé les Américains, voilà que le Cambodge devait subir une nouvelle invasion ! Il ne faut pas oublier que le Cambodge a été envahi par l'armée vietnamienne en 1979 pour des raisons qui n'avaient rien à voir avec le sentiment humanitaire, pour des raisons de pure puissance régionale. Il ne faut pas l'oublier, car mon article de 1979 est avant tout un article contre l'invasion vietnamienne.
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  35. En leçon de tout cela, je pense que nous devons méditer, au terme du XXe siècle, sur les ravages faits dans les rangs de la pensée progressiste et communiste - reprenons ce vieux mot - par l'enthousiasme victorieux, prématuré et sans limites. Parce que les millions et millions de gens, ouvriers aussi bien qu'intellectuels, qui sont restés enthousiastes de la révolution bolchevique pendant des décennies, y compris sous Staline, tous ceux, innombrables, pour qui la vie prenait tout son sens à la lumière de la victoire de la Révolution de 1917, nous posent une question bien plus vaste que ma personnelle errance cambodgienne.
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  37. Cette question résulte de ce que les peuples soulevés sont rarement victorieux. Très rarement. Tout le monde le sait. Du coup, une victoire, fût-elle douteuse, divisée, obscure, et parfois marquée de crimes effrayants, a une puissance de ralliement extraordinaire. Et ce que le dernier siècle nous a appris, c'est qu'il faut se méfier de la fascination pour les victoires. Je dirais même qu'une des grandes tâches de la politique contemporaine - la vraie politique, celle qui cherche l'émancipation de l'humanité tout entière -, c'est de redéfinir ce que c'est qu'une victoire. Une réelle victoire de la politique, de la politique au sens retrouvé de ce mot fondamental, et non pas, naturellement, au sens de la victoire d'untel contre untel née de l'addition des isoloirs."
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