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Jan 19th, 2019
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  1. Tempête sur les tampons
  2. Par Juliette Garnier
  3. Le 18 janvier 2019 à 14h30
  4. Mis à jour le 19 janvier 2019 à 04h54
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  6. Néfaste pour l’environnement, contenant des substances chimiques « préoccupantes », le tampon hygiénique n’échappe pas à la défiance généralisée. Les marques passent à l’offensive.
  7. La série « Moi(s), » de la photographe Julie Balagué regroupe des portraits de femmes et de leurs tampons usagés, mais aussi des interviews de chacune parlant de leurs règles.
  8. La série « Moi(s), » de la photographe Julie Balagué regroupe des portraits de femmes et de leurs tampons usagés, mais aussi des interviews de chacune parlant de leurs règles. / JULIE BALAGUÉ
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  10. A l’ère du tout-naturel, du rejet des processus industriels, à l’ère où même nos chaussettes sont bio, il y avait là quelque chose d’anachronique. Le tampon hygiénique, objet intime par excellence, échappait à la défiance généralisée qui emporte, un à un, tous les objets de notre quotidien : pilule contraceptive, aliments transformés, biberons en plastique, implants médicaux… Ce n’est désormais plus le cas : ces deux dernières années, les ventes de tampons s’érodent en France (− 3 % depuis janvier 2017, selon les fabricants).
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  12. Un nombre croissant de femmes renoncent à utiliser la protection popularisée par Tampax, par souci écologique ou par peur des risques. Elles affirment que le tampon ne passera plus par elles et infléchissent le marché en faisant des choix alternatifs.
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  14. Nouveaux acteurs sur le marché
  15. Les distributeurs, dont Monoprix ou Franprix, ont réagi en ouvrant leurs rayons d’hygiène à d’autres marques que Tampax, leader du marché. Sur le Net, de nouveaux acteurs sont apparus. Parmi eux, Jho. La marque de tampons bio, vendus sur abonnement, créée par Dorothée Barth et Coline Mazeyrat, rencontre un vif succès. Depuis son lancement en avril 2018, Jho a conquis 8 000 clientes, à la grande surprise des fondatrices. Tout est fabriqué dans une usine ­espagnole, à partir de coton bio certifié. Le nom de la marque – Jho pour « juste et honnête » – s’adresse à celles qui en « ont marre qu’on se foute de leur gueule », explique Mme Barth. A en croire cette jeune entrepreneuse installée à Nantes, « les femmes reprennent le pouvoir ».
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  17. Les premiers signes de cette désaffection remontent à 2015. Le cas de la mannequin Lauren Wasser, jeune Américaine dont une jambe a été amputée, après qu’elle a contracté un ­syndrome du choc toxique (maladie infectieuse aiguë qui peut concerner les femmes porteuses d’une forme de staphylocoque doré, lors de l’utilisation prolongée d’un tampon), a été largement médiatisé.
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  19. Etiqueter les produits
  20. Peu après, Mélanie Doerflinger, une jeune femme de 21 ans, lance une pétition sur ­Internet pour exiger que Tampax inscrive sur les étiquettes la ­composition de ses produits. Plus de 300 000 personnes la ­signeront. « Le sujet a depuis été repris par plusieurs associations. J’ai fait le job », explique-t-elle. Depuis fin 2016, la marque américaine, filiale du géant Procter & Gamble, assure détailler la composition de ses tampons, en ligne et dans ses boîtes.
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  22. Mais les déboires ne font que commencer. En avril 2017, le documentaire Tampon, mon ennemi intime, d’Audrey Gloaguen, est diffusé sur France 5. La journaliste y détaille les risques de ce produit d’hygiène fabriqué par les multinationales Procter & Gamble et Kimberly-Clark, sa mise sur le marché sans autorisation médicale (le produit n’est pas ­réglementé) en France, et la méconnaissance des femmes sur son mode d’utilisation. « Le lendemain de la diffusion du film, j’en ai parlé avec des copines, les mères des amis de mes enfants », se souvient Murielle, dentiste parisienne de 49 ans. Toutes sont effarées. Murielle alerte alors sa fille, Camille, 15 ans, sur les risques d’utiliser un modèle trop absorbant et de le conserver plus de quatre heures.
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  24. Des pesticides interdits depuis 2000
  25. En juillet 2018, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) dresse la liste des composants chimiques « préoccupants » présents dans les protections intimes. Y figurent notamment des traces de lindane et de quintozène, deux pesticides dont l’usage est interdit en Europe ­depuis 2000. L’Anses conclut ­cependant à « l’absence de risque sanitaire » de ces produits. Les tampons peuvent aussi contenir, à faible dose, des dioxines ou ­phtalates, qui, selon plusieurs études médicales, auraient un impact sur la fertilité féminine.
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  27. Sur les réseaux sociaux, les mises en garde se multiplient, avec des informations plus ou moins vérifiées. Des bloggeuses influentes font la guerre au tampon. Des jeunes filles s’en détournent, sous le regard perplexe de leurs aînées. « Pour moi, le tampon hygiénique a été une libération, raconte Patricia, 47 ans, dirigeante. Pour mes filles, c’est une bombe à retardement. Elles refusent d’en mettre, sauf le temps d’une baignade. L’été dernier, la plus jeune, Violette, 14 ans, a choisi la date de sa colonie de vacances en fonction de son cycle, pour éviter d’avoir à mettre des tampons. C’est trop dangereux à ses yeux. » Patricia a bien tenté d’en discuter avec elles, de nuancer les risques ou de leur en rappeler l’utilité. Peine perdue : « La parole d’une mère pèse moins que celle d’une influenceuse. »
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  29. Un outil d’émancipation
  30. Pourtant, pour une génération de femmes, ce petit cylindre de coton et cellulose a constitué un outil extraordinaire d’émancipation. « Le tampon, c’c'était faire tout ce que je souhaitais faire ces jours-là ! Parce que les serviettes ­hygiéniques, franchement, c’était un enfer », se souvient Murielle. ­Inventé en 1929 par le médecin américain Earle Cleveland Haas, qui fonde Tampax en 1934, le produit est lancé en 1951 en France et s’impose rapidement.
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  32. Il suit la même trajectoire que la pilule : défendu par les ­féministes (on se souvient de la lutte autour de la « taxe tampon », ­visant à diminuer le taux de TVA sur ce produit, en 2015), le voici ­vilipendé par ses utilisatrices, qui n’hésitent pas, elles aussi, à se ­placer sur un registre militant. ­Certaines s’affranchissent des produits jetables parce qu’elles « veulent ­savoir ce qu’elles mettent dans leur vagin », avance Capucine Mercier, fondatrice de la marque Plim, qui fabrique des protège-slips lavables et vend des coupes menstruelles. « Beaucoup de nos clientes veulent aussi réduire leurs déchets », ­juge-t-elle. Des femmes envisagent ainsi d’enfiler une ­culotte menstruelle, lavable, imperméable, fabriquée sans « produits toxiques » et « zéro ­déchet ». D’autres utilisent une éponge de mer à insérer dans le vagin – produit naturel et lavable, mais dont l’innocuité n’a pas été démontrée.
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  34. Sophie, architecte de 32 ans, s’est, elle, convertie à la « cup » en s’ouvrant à des « modes de consommation écologiques ». Alternative au tampon, cette coupe en silicone médical se plie en corolle pour être placé dans le vagin et recueillir le flux menstruel. « C’est un coup de main. Pas difficile. » Son utilisation exige une « petite organisation ­logistique », explique-t-elle avec un certain art de la litote. La ­contrainte résiderait surtout dans l’accès à des toilettes équipées d’un lavabo pour y ôter sa cup, la vider, la rincer et, à l’abri des regards, se laver les mains. Malgré cela, cette méthode de protection gagne de ­nouvelles adeptes. A tel point que Tampax prépare le lancement d’une coupe menstruelle en France. La marque commercialise un modèle aux Etats-Unis et au Canada, en vente depuis octobre 2018 sur Amazon.
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  36. Un fonds pour les règles
  37. Du 14 au 17 janvier, ­l’université de Lille, qui compte 67 000 étudiants, a distribué 30 000 kits de protections hygiéniques à ses étudiantes, pour un budget de 50 000 euros, à l’initiative de Sandrine Rousseau, ancienne élue écologiste, professeure d’économie et vice-présidente à la vie étudiante et à l’égalité femme-homme. Elle s’est inspirée d’une décision du gouvernement écossais, qui a décidé de fournir gratuitement des protections hygiéniques aux 395 000 élèves et étudiantes de la région. Un fonds de 5,2 millions de livres (environ 6 millions d’euros) y a été créé pour lutter contre la ­« précarité menstruelle ».
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